Le Jeu de Position réclame de la patience

Observateur averti du football, Ignacio Benedetti est journaliste, notamment, pour notre partenaire The Tactical Room.

Au travers de cet entretien, nous lui avons demandé de nous apporter un éclairage sur les évolutions du football espagnol, mais aussi sud-américain.

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Comment la Fédération royale espagnole de football a elle entamé sa révolution copernicienne, passant de la médiatique “furia roja” au jeu consacré à “l’espagnole” ?

Le changement de style de jeu de la sélection nationale n’est pas le fruit d’une décision consciente de la part de la fédération. C’est davantage le résultat d’une longue série d’épisodes, qui ont eu lieu dans l’histoire du football espagnol. Cette série a permis d’ouvrir les esprits à une autre façon de jouer, mais n’a jamais été envisagé de manière unanime, même si beaucoup de ces épisodes sont liés au FC Barcelone.

Bien avant l’arrivée de Johan Cruyff au club, le style de jeu écossais, ce jeu fait de passes, était très prisé en Catalogne. Jack Greenwell (ancien entraineur et joueur du club) a été l’un des pionniers de ce style. Dans les années 20, Le FC Barcelone a commencé à engager des entraîneurs issus des écoles hongroise et autrichienne, qui ont constitué les premières graines, des fameuses récoltes que nous connaissons tous.

En fait, la Fédération espagnole, n’a pas réellement fait de propositions sur le jeu. En revanche, elle a mis en place une politique visant à rendre le plus compétitif possible, dès leur plus jeune âge, les joueurs retenus dans les sélections nationales. Un maximum de joueurs devait participer aux championnats, afin qu’ils aient disputé près de 400 matches de compétition au moment d’être éligibles à l’équipe nationale A. Au-delà de cet objectif quantitatif, il n’y a pas eu de plan établi sur la question du style de jeu mis en place.

« Dans le football, les révolutions naissent davantage des entraineurs qui débattent du fond, que de ceux qui débattent des choix« 

Le point de bascule a été la décision prise par Luis Aragonés, sélectionneur espagnol lors de la Coupe du monde 2006, en écartant des stars mondiales comme Raúl, Guti ou Cañizares. Ils avaient été écartés au profit de jeunes joueurs, comme David Silva, Santi Cazorla et ceux du FC Barcelone. Des joueurs pas forcément rapides, mais qui réfléchissent vite.

Il n’y a donc pas eu de plan, mais s’il avait dû exister, il aurait été fortement influencé par le travail de formalisation mis en place au FC Barcelone ou à la Real Sociedad. Aucune révolution copernicienne n’était planifiée, sinon une décision forte d’un sélectionneur, attaché à une forme de football, avec les conséquences que nous connaissons tous. Dans le football, les révolutions naissent davantage des entraineurs qui débattent du fond, que de ceux qui débattent des choix.

La Fédération espagnole n’avait donc pas de réel plan, c’est en fait la réaction de Luis Aragonés qui a marqué un virage important dans la politique sportive fédérale. Cependant, sur la question de la formation des jeunes, quels ont été les grands artisans de cette (r)évolution hispanique, coincée entre les cotes catalanes et basques ?

Beaucoup d’entraîneurs ont contribué à la formation des jeunes. C’est souvent un travail invisible pour le grand public, car le football de jeunes reste moins médiatique que le football professionnel. Néanmoins ce travail de fond, est fondamental, voire vital et l’un des pionniers en la matière reste Laureano Ruiz. Bien avant d’arriver au Barça, il a très longtemps travaillé au Racing Club de Santander, dans toutes les catégories d’âge. C’est un adepte d’un football de mouvement, à la recherche d’espaces favorables, pour mieux éliminer. Il était amoureux de la fameuse équipe hongroise des années 50, les Magyars Magiques et n’a jamais cesser de promouvoir cette philosophie à Santander, avant d’arriver au FC Barcelone et son incroyable caisse de résonance.

Son arrivée à Barcelone, au début des années 70, représente la première pierre de l’édifice catalan et coïncide avec celle de Rinus Michels à la tête de l’équipe première. Cet édifice a été très bien entretenu et les résultats obtenus dans un club d’une telle dimension, ont permis d’asseoir l’institution. Le Barça a toujours eu un goût prononcé pour le jeu associé, bien que le club ait engagé des entraîneurs aux idées contradictoires, au regard du projet de formation mis en place sous l’impulsion de Laureano Ruiz.

Le Pays basque abrite beaucoup d’entraineurs renommés, mais en termes de formation, Mikel Etxarri a joué un rôle fondamental. Son profil scientifique, et son goût pour une approche méthodique, basée sur le dialogue, ont beaucoup apporté à la formalisation de processus de formation du club « txuri urdin ». A la Real Sociedad, il a impulsé cette idée d’un football de mouvement collectif, qui constitue un endroit idéal par sa localisation presque frontalière avec la France et ses joueurs séduits par cette approche.

Ces deux grandes influences catalanes et basques semblent opposées, alors qu’elles sont en réalité très semblables. Au-delà des langues, qui sont très différentes dans ces deux régions, les idées sont très proches. Ces deux écoles sont, sans aucun doute, le support de ce qui peut être considéré comme la révolution copernicienne du football espagnol. La révolution de l’équipe nationale passe par la Real Sociedad et le FC Barcelone où Mikel Etxarri et Laureano Ruiz, chacun dans leur club respectif, ont posé les premières pierres de la formation des jeunes.

Pour moi, ce sont donc deux figures essentielles et le football espagnol ne leur témoigne pas la reconnaissance qu’ils méritent. L’Euro 2008, la Coupe du monde 2010 et l’Euro 2012 sont la récolte, de ce qui a été semé par ces deux techniciens, entretenus pas d’autres, mais qui sont à mes yeux les grands artisans du football de formation.

L’identité et la culture très affirmées de chaque province, est un élément essentiel à prendre en compte, pour comprendre la construction d’une nation comme l’Espagne. Bien que les choses évoluent, comment la Fédération espagnole est parvenue à construire une identité au sein des sélections, constituées de joueurs très compétitifs, mais aux influences diverses ?

Tout est parti du succès de 2008. Auparavant, tous les sélectionneurs, ou presque, avaient une philosophie assez différente de celle de Luis Aragonés. Camacho, Inaki Saez ou encore Javier Clemente, ne partageaient absolument pas les convictions du sélectionneur en place et le leitmotiv de la « furia roja » était repris, à l’envie, dans les médias. Récemment, Laureano Ruiz me confiait que la « furia roja » n’était rien d’autre qu’un slogan publicitaire.

L’Espagne a toujours eu des joueurs pour proposer un autre football, mais le courant dominant du football physique s’est aussi imposé là-bas. Ce courant qui soutenait que le football devait être un combat, existait déjà dans les années 50, mais il n’a cessé de se renforcer, au fil des grandes compétitions. En Espagne, les sélectionneurs étaient engagés pour imposer un style de jeu physique, avec des joueurs aptes au duel, alors qu’à sa nomination, Luis Aragonés avait l’étiquette d’un convaincu du football de contre-attaque.

Luis Aragonés a eu le mérite de faire évoluer « cette étiquette », afin de conduire la sélection espagnole au titre de champion d’Europe. Un titre qui lui échappait depuis 1960. Ce succès, a poussé la Fédération à revoir le profil des entraîneurs en charge des sélections de jeunes. Si tous les formateurs engagés par la fédération partagent globalement les mêmes convictions, le cadre méthodologique reste propre à chacun. Julen Lopetegui, par exemple, avait été engagé parce qu’il prône un jeu basé sur la possession et la maitrise des positions, même s’il n’est pas un « pur et dur » de ce style de jeu et qu’il n’est sans doute pas aussi attaché au cadre méthodologique, que d’autres sélectionneurs ont pu l’être.

Aujourd’hui, Luis Enrique est à la tête de l’équipe nationale, avec dans son staff, Rafel Pol (préparateur physique) qui fut un des élèves de Paco Seirul-lo. A la fédération, un consensus se dégage sur le style de jeu, la question de l’approche méthodologique reste à l’appréciation des sélectionneurs et la Fédération, n’a pas tranché sur la méthode. Ces deux éléments, le style de jeu et le cadre méthodologique, peuvent laisser croire qu’ils se ressemblent, mais ce sont deux choses très différentes.

Si le style de jeu semble établi, mettre au point un cadre méthodologique est une tâche très complexe pour Luis Enrique, asturien de naissance, passé par le Real Madrid, puis le Barça (comme joueur et entraineur), deux clubs aux approches et aux convictions presque antagonistes. Comment ce sélectionneur fait-il pour former un collectif espagnol avec des joueurs issus de clubs aux identités très affirmées ?

C’est possible, parce que les joueurs retenus dans les sélections nationales de jeunes, qu’ils soient issus de Madrid, de Barcelone, Bilbao ou Villareal sont « biberonnés » à cette façon de jouer. Chacun suit son parcours de formation au sein de son club, parfois avec une approche très différente de celle de la sélection, mais cela ne limite pas son potentiel. Au contraire, un jeune du Real Madrid qui découvre cette façon de jouer en équipe nationale, s’appropriera après plusieurs regroupements le mode de jeu de la sélection. Ensuite, il l’enrichira au quotidien dans son club. Dès l’âge de 15 ans, le joueur espagnol va se nourrir de ces expériences différentes, en sélection et en club, pour apprendre à s’adapter à chaque contexte.

Parfois, il y a des exceptions comme Pedro, qui n’avait jamais été retenu chez les jeunes, mais qui a explosé chez les A. L’exemple emblématique reste celui de Sergio Ramos. Arrivé très jeune au Real Madrid, en provenance de Séville, il s’est parfaitement fondu dans le style de l’équipe nationale. Ce style de jeu n’est pas limitant, bien au contraire, il potentialise le joueur. Le style de la sélection a favorisé la complicité de la doublette axiale, Sergio Ramos/Gérard Piqué, où chacun s’est nourri ce que l’autre peut donner.

Personne n’allait exiger de Ramos qu’il porte le ballon pour gagner de l’espace et offrir du temps, mais il a compris que certains déplacements étaient essentiels pour donner du sens à chaque passe. En équipe nationale, Sergio Ramos, était attaché à une certaine idée du jeu alors qu’au Real Madrid il était le fervent défenseur d’une autre idée.

Certes, c’est un footballeur de très haut niveau, capable de s’adapter, mais le travail de formation chez les jeunes ou chez les A, n’y est pas étranger. Nous l’avons vu lors de la Coupe du monde en Russie. Lorsqu’il était à la tête de la sélection, Julen Lopetegui prônait un jeu de mouvement et de passes traversantes, mais à l’arrivée de Fernando Hierro, l’équipe ne savait plus comment jouer. Indépendamment de leur club d’origine, les meilleurs joueurs peuvent toujours s’adapter. Encore une fois, j’insiste sur le fait qu’en équipe nationale, le style de jeu est en marche depuis les sélections de jeunes.

Idéalement le style de jeu devrait aller de paire avec une méthode, à l’image de l’entrainement structuré et le jeu de position. La Fédération espagnole s’appuie-t-elle sur ce cadre méthodologique ?

La Fédération espagnole a engagé des techniciens qui pensent que le jeu de passe est le meilleur moyen pour favoriser le mouvement et intégrer des joueurs capables d’attaquer et défendre. Certaines de ces caractéristiques sont propres au Jeu de Position, mais la Fédération n’a pas clairement tranché la question. Les dirigeants de la fédération qui prennent les décisions ne sont pas, en règle générale, issus du football. Ce sont encore moins des techniciens.

« La Fédération espagnole a engagé des techniciens qui pensent que le jeu de passe est le meilleur moyen pour favoriser le mouvement et intégrer des joueurs capables d’attaquer et défendre »

Au-delà de leur expérience, ils n’ont pris la peine d’étudier les différentes approches dans le football et encore moins le jeu de position. En Espagne nous avons des joueurs habiles avec le ballon, capables d’aller vite dans les passes, d’éliminer des lignes, d’être en mouvement, de se démarquer. Les dirigeants de la fédération ne sont pas réellement convaincus par le jeu de position, pour eux c’est quelque chose qui appartient au FC Barcelone, et dans une certaine mesure, il ne peut pas s’envisager ailleurs. Je ne dis pas que le jeu de position est la panacée, mais au regard des fruits récoltés par le club catalan, la Fédération devrait au moins essayer de l’adapter à son contexte …

Pourquoi ?

Probablement que le jeu de position, nécessite une étude plus approfondie que d’autres façons de jouer où les distances de relation entre les joueurs, par exemple, ne sont pas seulement les distances immédiates, mais aussi celles des futures relations. Cette approche, vous oblige à comprendre le football d’une manière différente, qui n’est ni meilleure ni moins bonne que les autres, mais elle est différente. Le jeu de position, réclame du temps, de l’investissement, mais dans le football, surtout dans les pays latins, la patience est rarement de mise.

« Le jeu de position, réclame du temps, de l’investissement, mais dans le football, surtout dans les pays latins, la patience est rarement de mise »

Regardons la « révolution » actuelle du football anglais. Sans avoir de certitude sur le résultat, il est intéressant de voir comment ils fonctionnent. Au-delà des moyens déployés, avec de la patience, ils font appel à des entraîneurs étrangers, ce qui profite à l’ensemble du football britannique. Dans les pays latins, nous avons besoin de succès immédiats, c’est une des raisons pour laquelle, le jeu de position n’est pas réellement adopté dans la plupart des pays étrangers.

Cette propension à l’impatience commune au pays latins, pourrait-elle expliquer, au moins en partie, les changements profonds mais durables de certaines nations comme l’Allemagne, l’Islande, l’Angleterre, Pays de Galles, ou plus récemment le Danemark, à la culture plus anglo-saxonne ?

Oui, je pense que c’est culturel. Pour citer Francisco Xabier Azkargorta, je dirais que l’ « on joue au football comme on vit ». L’Allemagne a entamé sa révolution footballistique après l’échec de l’Euro 2000. En 2002, ils ont atteint la finale de la coupe du monde, mais ce n’était pas le fruit de ce qui venait d’être semé. Les Allemands ont été assez lucides pour poursuivre leur révolution, tout en gardant en ligne de mire, l’organisation de la coupe du monde 2006. Un tournoi décevant sur le plan des résultats, mais sans dévier de leur ligne de conduite.

Il faut bien comprendre que les processus humains prennent du temps, rien n’est écrit à l’avance. Certains processus peuvent prendre 3 ans dans une société et 20 ans dans une autre. Dans l’étude du cas allemand ou danois, nous prenons conscience à quel point nos sociétés latines, n’ont pas la moindre intention de respecter ces délais incompressibles. C’est d’autant plus dommage que nous passons notre temps à parler de processus.

« Les processus humains prennent du temps, rien n’est écrit à l’avance »

A Barcelone, en examinant tous les entraîneurs nommés à la tête de l’équipe avant Johan Cruyff, la patience et la cohérence n’ont pas été forcément de mise. Il y a même eu quelques contradictions, au regard du travail de longue haleine mis en place chez les jeunes et qui n’a pu porter ses fruits en équipe première, que grâce à une certaine forme de patience.

Le Danemark, la Finlande ou encore l’Islande, qui passe inaperçue, participent à plusieurs grandes compétitions consécutivement. Les techniciens islandais sont allés observer et s’inspirer des meilleures académies européennes, puis ils ont accompli un travail de mise en commun afin de définir un processus de formation performant, car leur réservoir de joueurs, n’est absolument pas comparables à ceux des grandes nations européennes.

Il est d’ailleurs curieux de constater qu’en Espagne, suite départ de Lopetegui de la sélection espagnole, deux candidats sont retenus : Luis Enrique et Joaquín Caparrós. Caparrós est un entraîneur très expérimenté, mais aux convictions très éloignées de son prédécesseur. Cela  illustre bien que la fédération ne s’inscrit pas dans un processus, ni même dans une certaine continuité, si ce n’est celle de vouloir gagner.

Mais pour gagner, nous oublions qu’il faut au préalable, entrainer et former, c’est pourquoi je maintiens que les cas allemand et anglais doivent nous inspirer et nous verrons à l’avenir comment ces derniers s’organiseront dans le temps. La question de la culture est incontournable, nous ne pouvons pas cesser d’être ce ne que nous sommes ni ignorer d’où nous venons.

L’Argentine, pays très latin s’il en est, semble entamer un profond changement de son modèle de formation des jeunes. Javier Mascherano est sur le point d’implanter en collaboration avec la fédération argentine une méthodologie « Barça ». Cette initiative est-elle le vœu pieu d’un ancien capitaine de la sélection ou le début d’un réel processus fédéral ?

Javier Mascherano et son bras droit, Oscar Hernandez, n’ont pas encore pu commencer à travailler, puisque les restrictions liées à la pandémie ont gelé le projet. Je crois que l’intention de Mascherano est de formaliser et mettre en œuvre, à long terme, un plan de formation. La présence à ses côtés d’Oscar Hernandez, n’y est pas étrangère.

J’ai vécu en Argentine et Buenos Aires, la capitale, est très différente du reste du pays, où quelques équipes ont des identités fortes et associées à un style de jeu raffiné comme Rosario Central ou Newell’s Old Boys. L’Argentine est différente de l’Espagne, mais dans chaque région la façon de ressentir le jeu est assez différente. Javier Mascherano va devoir lutter et faire face à beaucoup de résistance, parce que le football argentin se méfie beaucoup de l’arrivée des Européens dans ce type de collaboration, bien plus que dans beaucoup de pays sud-américains.

Personne ne peut prédire l’avenir, mais nous observerons s’il aura le temps de mettre en place ses idées et le cadre méthodologique. L’idée qu’il propose peut très bien convenir au footballeur argentin, au regard de son quotidien, de son caractère sur le terrain et du football de rue qui lui permet d’acquérir une grande compréhension du jeu. Cependant, il se heurtera à la culture du succès immédiat.

Malgré tout, ce genre de collaboration a déjà existé dans le football argentin. Il y a dix ans, Boca Juniors avait signé un contrat de partenariat avec le FC Barcelone, ce qui avait suscité un fort engouement dans l’environnement de Boca Juniors. A la fin de la première saison Boca, qui n’avait pas remporté de  championnat chez les jeunes, a immédiatement tourné la page et mis fin au projet.

« Patience et résilience, pour accepter de faire des petits pas, sera essentiel dans un contexte argentin, beaucoup plus difficile que celui de Barcelone, car tout est beaucoup plus dur en Amérique du
Sud »

Cet exemple est significatif, notamment parce que Javier Mascherano a été engagé par le président de la fédération argentine de football, qui traverse actuellement une période difficile, liée aux nombreux conflits avec le gouvernement d’un des pays les plus latins du monde. Je pense que les projets devraient être menés à leur terme, indépendamment du président, mais dans nos pays latins, les choses se passent différemment, que ce soit en Italie, en France ou en Espagne. Il y a donc à fort à parier que ce soit identique en Argentine.

Concernant Javier Mascherano, je souhaite vraiment qu’il y parvienne, parce que cultiver le jeu de position avec les joueurs argentins pourrait être fabuleux, surtout avec Oscar Hernandez qui pourrait être un formateur incroyable. Très honnêtement, je vous répète ce que j’ai dit à Oscar : « Patience et résilience, pour accepter de faire des petits pas, sera essentiel dans un contexte argentin, beaucoup plus difficile que celui de Barcelone, car tout est beaucoup plus dur en Amérique du Sud ».

Dernièrement, je confiais à un collègue espagnol, mon sentiment que l’Amérique latine était une expérience ratée. Je le dis d’autant plus qu’en tant que sud-américains, nous n’avons pas trouvé le moyen de combiner notre identité avec les apports des sociétés occidentales, comme le concept de démocratie. En théorie, la démocratie c’est une merveille, mais dans de nombreux pays d’Amérique latine, pour ceux que je connais, elle a été importée sans être  adaptée à notre idiosyncrasie, à notre façon d’être. Force est de constater que c’est un échec, non pas parce que je suis pessimiste, mais parce que nous devons d’abord reconnaître qui nous sommes.

Cette reconnaissance de nous-mêmes, est le point de départ et quand nous le transposons au jeu de position, le travail de Pep Guardiola est une incroyable illustration. L’expression collective de Manchester City, n’a rien à voir celle de Barcelone ou du Bayern, parce que Pep Guardiola tient compte des caractéristiques de son effectif et de l’environnement du club, sans jamais se renier.

Dans le même esprit, à son arrivée à la tête de la sélection chilienne, Marcelo Bielsa a non seulement réalisé un gros travail d’observation vidéo de l’effectif, mais il a aussi beaucoup étudié l’histoire du Chili, en tant que nation, pour mieux connaitre le pays où il travaillait ainsi que la culture des joueurs, afin de mieux évaluer ce qu’il pouvait leur demander.  Dans un autre registre, quand Ronald Koeman a souhaité évoluer avec un double pivot, il a rencontré une résistance de la part des joueurs, elle n’a pas été verbalisée, mais c’était une résistance à l’inconnu. Savoir ce que nous sommes, ou plutôt ignorer ce que nous sommes, est très problématique en Amérique latine. Souvent le sentiment de dupe face à l’Europe ou aux États-Unis domine, alors qu’en réalité nous n’avons pas fait notre devoir, à savoir qui nous sommes.

Pourquoi l’Argentine peine à se situer dans l’opposition de style des deux sélectionneurs champions du monde, Carlos Bilardo le réactif et Luis César Menotti le proactif, savamment orchestrée par la presse locale ?

Cette vision du football argentin a été vendue au monde entier autour de l’opposition Carlos Bilardo et César Luis Menotti, pourtant ils ne sont pas si différents. Les équipes de Bilardo, avant l’équipe nationale de 1986, que j’inclus comme la sélection colombienne ou Estudiantes de La Plata, proposaient un jeu très attractif, Menotti, aussi mais ce n’est pas une découverte. Ce qui différencie vraiment ces deux techniciens c’est surtout une question de personnalité, parce qu’en matière de football, ils sont assez proches l’un de l’autre. Menotti, personne ne va le découvrir, mais ce qui différencie vraiment ces deux techniciens c’est davantage une question de personnalité, parce qu’en matière de football, ils sont assez semblables.

En Argentine, c’est peut-être Marcelo Bielsa qui semble faire le trait d’union entre ces deux techniciens. Bien qu’il ait été maltraité médiatiquement, jusqu’à la qualification pour la Coupe du monde … avec le Chili ! En Argentine, Marcelo Bielsa n’était ni apprécié ni compris, en dehors des deux grandes figures que représentent Bilardo et Menotti, qui ne sont d’ailleurs pas les représentants d’un courant ou d’un autre, pour ainsi dire.

Par exemple, Bilardo et Menotti sont bien plus proches l’un de l’autre que de José Néstor Pekerman, longtemps sélectionneur des équipes de jeunes en Argentine, ou d’Alfio Coco Basile, que certains désigne comme étant « Menottista », alors qu’il travaillait très différemment. En Argentine, ce qui a surtout existé, c’est une guerre dialectique, alors que ces « deux courants » étaient dialogiques. Ils se retro alimentaient sans même le vouloir. Par exemple, Carlos Timoteo Griguol, un entraîneur très important des années 1980 au Club Ferro Carril Oeste, plus tard au Club Gimnasia y Esgrima La Plata et au Club Atlético Rosario Central, était bien plus frileux et réactif que Bilardo. Carlos Bianchi, longtemps perçu dans la même veine, avec ses équipes de Velez Sarsfield ou Boca Juniors, n’avait rien à voir dans la façon de travailler, avec Bilardo et probablement Menotti.

Menotti décrit comme un romantique, a été un précurseur sur la pression défensive, notamment à la perte du ballon en Amérique du Sud et l’utilisation du piège du hors-jeu. Or, il n’y a rien de plus tactique que la règle du hors-jeu, qui est pour moi, LA règle. Carlos Bilardo décrit comme un technicien pragmatique, besogneux, voire réactif, n’hésitait pas à associer un maximum de joueurs talentueux, comme Diego Maradona, Jorge Valdano, Jorge Burruchaga, Sergio Batista ou encore José Luis Brown.

« Menotti décrit comme un romantique, a été un précurseur sur la pression défensive, notamment à la perte du ballon en Amérique du Sud et l’utilisation du piège du hors-jeu. Or, il n’y a rien de plus tactique que la règle du hors-jeu, qui est pour moi, LA règle »

Cette opposition de style est un slogan de la presse sportive argentine, qui est très influente, bien plus que la presse espagnole. C’est peut-être même la presse sportive la plus influente dans le monde. Des conflits personnels ont laissé croire qu’il y avait deux conceptions antagonistes du football, alors que chacun de ces deux grands sélectionneurs avaient ses particularités, certes marquées, mais qui ne restent que des caractéristiques. En Argentine, les gens disent que l’on joue « à sa sauce », puisque dans chaque région, la façon de voir le football est différente, comme en Espagne d’ailleurs. De manière générale, ce constat est valable dans toute l’Amérique du Sud, mais il n’y a pas pour autant de conflits idéologiques, comme c’est le cas dans d’autres domaines.

Le football argentin permet de faire la transition avec le football français, puisque deux techniciens argentins sont à la tête de deux clubs emblématiques et rivaux, Mauricio Pochettino au Paris Saint Germain et Jorge Sampaoli à l’Olympique de Marseille. Comment situez-vous ces deux entraineurs très différents qui travaillent dans deux environnements eux aussi, assez différents ?

Jorge Sampaoli, au-delà des résultats, devraient séduire le public marseillais. Tout d’abord, c’est un bon entraîneur et il revendique le fait d’être une sorte de clone de Bielsa, mais il n’est pas ce personnage si particulier, à l’esprit brillant. Sampaoli vit le football de la même manière que Bielsa et son exigence est équivalente à celle de son mentor, concernant son équipe. A Marseille, ils aiment les équipes dynamiques, courageuses, travailleuses, pleines d’abnégation et sans complexe.

D’ailleurs, contre le Paris Saint Germain, ils ont joué crânement leur chance et sont venus les chercher dans leur camp, c’est pourquoi je crois que Marseille est le club idéal pour Sampaoli. Enfin, le staff de Sampaoli est de grande qualité avec un préparateur physique extraordinaire, en la personne de Pablo Fernandez, que je connais bien. Jon Pascua, l’entraîneur des gardiens permet à Sampaoli d’avoir l’esprit tranquille, au-delà de son travail avec les gardiens, il apaise le tempérament de feu de Jorge Sampaoli.

Paris c’est différent. Paris reste Paris, une ville unique, comme toutes les villes, mais Paris est à part, bien que le club n’ait pas réellement de projet défini. Le seul projet du Paris Saint Germain c’est de gagner, c’est pourquoi ils investissent beaucoup dans l’équipe première. Mauricio Pochettino a évolué sous les ordres de Marcelo Bielsa, ils se connaissent bien, mais il n’est pas un de ses disciples. Ses équipes proposent un jeu plus pragmatique, probablement plus réactif que celui prôné par Marcelo Bielsa, construit autour d’un bloc bas, laissant volontiers le ballon pour mieux jouer des attaques rapides, à l’image de son travail réalisé à Tottenham et à Southampton.

La grande difficulté pour Mauricio sera de savoir quels seront les joueurs mis à sa disposition,  afin qu’il puisse être pragmatique. Dans le secteur offensif, tout le monde connait les qualités de Mbappé, Neymar ou Di Maria, mais dans le secteur défensif c’est une autre histoire. Dans une approche pragmatique, il est essentiel d’avoir des latéraux, des centraux, performants dans le positionnement, or Marquinhos est un grand défenseur central, mais il n’est pas le profil idéal au regard des convictions de Pochettino.

Nous avons deux entraineurs aux visions radicalement différentes du football bien que venant du même pays. Jorge Sampaoli est originaire de Rosario comme Marcelo Bielsa, alors que Pochettino est un citoyen du monde. Il a vécu et travaillé dans différents pays aux cultures. Si le défi de Mauricio Pochettino au Paris Saint Germain est géant, celui Jorge Sampaoli à l’Olympique de Marseille est fascinant.

Au-delà des résultats incroyables, l’évolution du football français semble, sur certains aspects, à contre sens de celle d’un certain nombre de pays. De façon un peu traditionnelle le football français fait la part belle, à une certaine technicité. Quel regard portez-vous sur l’évolution du football français ?

Pendant très longtemps, la sélection française a été mon équipe préférée, mais au fil du temps elle a pris un autre chemin. Didier Deschamps, a mis en place un modèle très compétitif, basé sur une solidité défensive et notamment des défenseurs centraux incroyables, comme la France en a le secret. Autre idée essentielle du sélectionneur, celle d’avoir un bloc très dense avec des joueurs incroyables comme N’golo Kanté, Paul Pogba, Corentin Tolisso ou Adrien Rabiot.

Je ne connais pas Didier Deschamps, mais j’ai le sentiment que son modèle est le fruit d’une réflexion pertinente, notamment sur le fait que les équipes nationales n’ont pas le temps de s’entraîner. La dernière Coupe du Monde a vu le retour en force du 1-3-5-2, adopté par beaucoup de sélections, pour compenser le manque de séances collectives et les risques liés à la possession du ballon. Quelques nations ont fait des choix plus audacieux, comme l’Allemagne ou l’Espagne, en acceptant de prendre l’initiative et dans une certaine mesure s’exposer à une perte de balle dans des zones dangereuses.

Les contre-attaques dangereuses transitent naturellement dans l’axe du terrain, alors que les celles menées sur les côtés, offrent de plus grandes possibilités de se réorganiser. Je crois que Didier Dechamps a compris cela et l’utilisation importante d’Olivier Giroud, comme point de fixation, présent dans le combat, est un élément essentiel dans sa réflexion. Je n’apprécie pas trop cette façon de jouer, mais force est de constater que c’est la réalité de presque toutes les équipes nationales, le Brésil, l’Argentine, sauf pour celles qui s’inscrivent dans un projet fédéral.

Par ailleurs, Deschamps profite très intelligemment de la forme du moment, comme à l’Euro 2016 où Samuel Umtiti n’était pas titulaire, alors qu’il était incontournable deux ans plus tard à la Coupe du Monde, grâce à ses performances au Barça. Il avait alors démontré qu’il était capable de stabiliser une organisation défensive.  

Pour ma part j’apprécie un football de prise de risque et la Belgique a été une des équipes les plus audacieuses à la dernière Coupe du monde, alors que la Croatie, finaliste de l’épreuve, n’a remporté qu’un seul match dans la phase d’élimination directe. Les sélections n’ont plus de temps pour s’entraîner, elles se concentrent avant tout, sur l’organisation défensive.

Zinedine Zidane, triple vainqueur consécutif de la Ligue des Champions, ce qui ne s’est jamais vu, n’est pas très éloigné de Didier Deschamps. Le Real Madrid, sans avoir une grande organisation offensive, s’appuie sur une structure défensive très performante. Probablement que ces deux techniciens ont été influencés par leur passage respectif comme joueur, dans le championnat italien, sous les ordres de grands maîtres italiens. Malheureusement, l’équipe de France entre 82 et 86, était avec le Brésil en 82, deux des plus belles équipes que j’ai vues, mais sans trophée … Difficile pour nous, les latins, de ne pas se jeter sur le dernier produit à la mode, ce qui est dommage parce que la France a des joueurs merveilleux pour jouer à autre chose.

Poursuivons notre voyage en Italie, puisqu’une grande partie de le population argentine possède un passeport italien. L’argentine est réputée pour la qualité de ses joueurs, mais le nombre de techniciens argentins de haut niveau est aussi impressionnant. Comment expliquez-vous que tant d’entraineurs argentins s’exportent à l’étranger, dans les clubs comme en sélection, à l’image de Simeone, Bielsa, Heinze, Pochettino, Sampaoli, Martino ou encore Pekerman ?

Actuellement, beaucoup d’entraîneurs argentins ont été formés en Europe et ont été influencés par leur carrière de joueur, le plus souvent en Europe. Marcelo Gallardo a longtemps joué à Monaco, mais c’est un pur produit de River Plate. Sa première expérience professionnelle sur un banc a été au Club Nacional de Football (Uruguay), au sein d’un championnat très différent de ce qu’il a connu et où la notion de combat est centrale. Cependant, il a assimilé pas mal de choses lors de cette expérience, tout comme Guardiola a beaucoup appris de son passage dans la Serie A italienne.

Je pense que tous les entraineurs cités, sont très différents, avec des parcours singuliers mais tous ou presque se sont formés en Europe. Gabriel Heinze est très différent de Mauricio Pochettino, il est d’ailleurs assez proche de Marcelo Bielsa dans ses idées et sa méthode. En revanche, au Celta de Vigo, Eduardo Coudet est très argentin, très football de Rosario où il a passé pas mal de temps, entrecoupé d’un passage dans le championnat espagnol quand il était joueur du Celta.

Jorge Sampaoli est un concentré de l’Amérique du Sud, après des expériences au Pérou, en Equateur, au Chili, en Argentine, au Brésil en passant par le FC Séville et ses conversations endiablées avec Juanma Lillo. Il est donc difficile de dire que Sampaoli est un technicien argentin, n’ayant pas été footballeur professionnel, il a dû emprunter des chemins de traverse, en dehors de l’Argentine.

Je pense qu’il y a une grande passion pour le jeu en Argentine, ce qui explique en partie que de nombreux footballeurs deviennent entraîneurs. Tous ont des parcours très différents. Gabriel Heinze, Marcelo Gallardo et Mauricio Pochettino sont de la même génération, ils ont joué en Europe et plus particulièrement en France, pour autant ils ont des philosophies très différentes. Chacun d’entre eux s’est nourri de ses expériences. Gallardo a joué à Monaco, Pochettino à l’Espanyol de Barcelone, à Paris et à Bordeaux. Heinze a aussi joué en France, à Paris et à Marseille, mais aussi à Manchester United, au Real Madrid et à l’AS Rome avant de retourner au Newell’s Old Boys sous les ordres de Gérard « Tata » Martino.

Les entraineurs argentins ne sont ni meilleurs ni moins bons que les autres, mais leur marque de fabrique, c’est qu’à l’image de leur pays, ils sont passionnés de football. Sans tomber dans la caricature, une telle passion en Europe, je n’ai l’ai vue que chez Pep Guardiola. Je crois que José Mourinho l’avait à un moment donné, mais c’est plus difficile depuis quelques temps. Je ne connais pas Jürgen Klopp, il est allemand mais il a l’air d’être très passionné. L’Argentine et l’Uruguay sont des cas très particuliers, mais souvent les joueurs argentins ou uruguayens sont passionnés par ce jeu, c’est pourquoi, une fois leur carrière de joueur terminée, ils veulent continuer et entraîner peu importe l’endroit du monde.

Dans l’imaginaire collectif, le pays du football reste le Brésil, qui exporte un nombre incroyable de joueurs dans le monde. Curieusement cette nation exporte très peu de techniciens et accueille au sein de son championnat, beaucoup d’entraineurs étrangers venus d’Argentine, de Colombie, du Portugal, voire d’Espagne. Comment expliquez-vous cette tendance du football brésilien ?

Au Brésil, depuis ce qui reste pour eux, l’échec de la coupe du monde 82, la fédération a perdu le fil de la formation de ses cadres techniques. Depuis cette épreuve, le seul objectif de la fédération est de trouver « LE » sélectionneur brésilien, à l’image des nominations de Sebastião Lazaroni, Carlos Alberto Parreira, Luis Felipe Scolari, Dunga, Tite et Mario Zagalo, qui fait figure d’exception, alors qu’il a peut-être vécu le seul réel accident, lors de la Coupe du Monde 98. Mais les Brésiliens ont commencé à emprunter un peu le même chemin que celui de la France, en privilégiant l’aspect physique un peu au détriment d’autres qualités, qui sont historiquement la marque de fabrique des Brésiliens.

A mon avis, ils ont commis l’erreur d’avoir une vision à court terme et de ne jamais voir plus loin que la prochaine compétition internationale. Mais revenons un instant sur la phrase de Francisco Xabier Azkargorta : « on joue au football comme on vit » et la place à part que le Brésil occupe en Amérique du Sud. Au-delà de la langue, le Brésil est presque aussi grand qu’un continent. A Porto Alegre, au sud du pays, le mode de vie et la culture sont très proches de l’Argentine et de l’Uruguay y compris dans la nourriture, mais le reste du pays est très différent .

Les choix de la fédération brésilienne sont étonnants, pour cet immense pays de football, qui parle la même langue que le Portugal, le berceau de la périodisation tactique. Pourquoi le Brésil n’a jamais réellement envisagé un rapprochement, qui semble presque naturel, avec le Portugal, dont le travail de fond sur les aspects méthodologiques, permet de rivaliser au plus haut niveau, malgré un réservoir de joueurs moins important que les grandes nations ?  

C’est une bonne très bonne question, à laquelle je n’ai pas réellement d’élément de réponse, mais la notion de temps est peut-être une piste. L’entraîneur brésilien n’a pas le temps de se former, car son équipe ne doit pas gagner aujourd’hui, mais hier, sinon il prend la porte. Le championnat brésilien est une compétition d’extraterrestre, entre les championnats d’état et le championnat national, les temps de repos très courts, des longs déplacements, sans parler des coupes sud-américaines.  Les techniciens n’ont donc pas le temps de prendre un avion et aller se former au Portugal, en Italie, en France ou en Espagne, par exemple.

C’est encore culturel. Luis Felipe Scolari, est le dernier entraîneur brésilien à la tête d’un grand club européen, Chelsea, après avoir dirigé la sélection portugaise. L’exemple de Vanderlei Luxemburgo est assez révélateur, à son retour au Brésil après son passage au Real Madrid. Un exemple qui est assez révélateur, est celui de Vanderlei Luxemburgo lorsqu’il est revenu au Brésil après son passage au Real Madrid. Il a voulu instaurer une discipline de fer, mais a été rappelé à l’ordre par Roberto Carlos et Ronaldo, alors dans l’effectif en lui indiquant qu’ici (au Brésil) ce n’était pas possible !

C’est pourquoi, la question culturelle est essentielle, notamment en Amérique du Sud, où l’entraîneur est habitué à être plus qu’un entraîneur. En Europe, les fonctions sont bien identifiées, l’entraineur remplit sa fonction d’entraineur, chacun a son domaine d’intervention. En Amérique du Sud c’est très différent, par manque d’organisation claire. L’entraîneur est partie prenante dans tout et doit souvent être à la fois, le psychologue, l’ami, le mentor, le confident, le patron, ce qui explique peut-être que l’entraîneur brésilien et plus largement l’entraîneur sud-américain, a du mal à se voir confier directement un poste à la tête de grandes équipes.

A l’exception de Gerardo Martino qui a été nommé à Barcelone en provenance des Newell’s Old Boys, les grandes écuries européennes, comme le Real Madrid, la Juventus, le Bayern de Munich ou l’Inter de Milan, préfèrent attendre. En général, ils observent l’arrivée des entraîneurs sud-américains à la tête d’équipe de second plan, pour éprouver leur méthode et la gestion de la pression.

L’arrivée de Carlos Bianchi à la Roma est un cas d’école. Il voulait adopter le même comportement qu’à Velez Sarfield, mais les joueurs lui ont clairement fait savoir, qu’ils n’avaient pas besoin d’un confident, d’un ami, mais seulement d’un entraîneur. L’entraîneur sud-américain, sans une première expérience européenne dans un club intermédiaire, peut se disperser au lieu de travailler sur l’entrainement. Il cherche surtout à survivre, ce qui est inutile et source de conflits, dans la plupart des clubs.

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