Je voulais comprendre le Jeu

Champion de France et double vainqueur de la Coupe de France avec le FC Nantes, mais aussi vainqueur d’une Coupe des Confédérations, Nicolas Gillet est un pur produit de la formation nantaise.

A travers un parcours fortement marqué par l’idée que la victoire était la conséquence du « pourquoi » et du « comment », il nous propose sa perspective sur le football et son rôle d’éducateur.

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Qu’est-ce que le football représente pour vous ?

Un plaisir. Le football a toujours été un jeu pour moi. Que ce soit pour les joueurs, les spectateurs, les éducateurs, s’il n’y a pas de plaisir, je ne vois pas l’intérêt. Je pense être passé pro, parce qu’au départ, je jouais pour le plaisir du jeu. Cela m’a amené à gravir les échelons petit à petit, alors que le professionnalisme n’était pas une fixation pour moi.

J’étais content de jouer tous les jours et d’être avec mes amis. Aujourd’hui je me rends aussi compte de ce que j’ai pu partager et vivre au FC Nantes, avec les éducateurs et entraîneurs, tous les gens qui travaillaient au club, mes partenaires, etc.

Le jour où je ne prendrais plus de plaisir, je ferais autre chose, parce que je ne suis pas dans le football par intérêt. Je suis là parce que j’aime ce que je fais. Si j’avais pu continuer à jouer au football toute ma vie, je l’aurais fait. Je n’ai d’ailleurs pas effectué de choix professionnel en fonction de l’argent, sinon j’aurais fait des choix bien différents.

Lorsque vous rejoignez le FC Nantes en 1989, avez-vous une idée d’où vous mettez les pieds, en termes de formation ?

Pas du tout. C’est en devenant adulte que j’ai réalisé que leur approche était très bonne. Ils m’ont observé cinq ans d’affilée. A l’époque, mes parents n’étaient pas prêts à me voir partir et je n’étais pas frustré, parce que je me sentais bien avec mes copains à l’ASPTT Nantes.

Je m’amusais dans un environnement ou je progressais, où je m’épanouissais. C’était le plus important. Leur approche a été très douce, très calme. Chaque année, ils revenaient pour voir si nous étions un peu plus prêts. Finalement, j’ai directement rejoint le centre de formation où j’étais le seul joueur de mon âge.

« Je m’amusais dans un environnement ou je progressais, où je m’épanouissais. C’était le plus important »

Ils m’ont proposé de rejoindre l’école du centre, qui était révolutionnaire. Nous étions cinq à 10 par classe, à l’intérieur du centre de formation, avec des horaires adaptés aux entraînements. C’était quelque chose d’incroyable pour l’époque, ils avaient 20 ans d’avance. Cet aspect a rassuré ma famille et moi je pouvais jouer au football tous les jours.

Je ne savais pas où je mettais les pieds, je savais juste que c’était un club professionnel qui était près de chez moi. Je ne savais pas qu’il y avait Marcel Desailly et Didier Deschamps chez les pros, je n’avais jamais été à la Beaujoire ou à Marcel Saupin. Tout ce que je voulais, c’était jouer au football.

Comment décririez-vous ce nouvel environnement dans lequel vous arrivez ?

C’était le très haut niveau. A cette période, tous les autres joueurs de mon âge étaient normalement à La Colinière ou en section sportive scolaire. Je m’entraînais avec les quinze ans nationaux, même si je ne jouais pas avec eux, car le niveau était trop élevé. Je me retrouvais avec des joueurs ayant un ou deux ans de plus que moi.

La chance incroyable que j’aie eu, mais qui n’en était pas une pour lui, c’est que le FC Nantes avait mis
 Jean-Claude Suaudeau avec les jeunes et les U15 (il venait d’être remplacé à la tête de l’équipe professionnelle).

Comme j’étais tout petit lorsque je suis arrivé, il m’a protégé en quelque sorte. Il s’est intéressé à moi, même si cela a pu me paraitre dur ou agaçant par moment. A cette époque, je ne me rendais même pas compte de ce que cela représentait de passer ma première année au club avec un coach comme Coco Suaudeau. Le seul souvenir que j’en ai c’est que c’était le pied d’aller à l’entraînement.

Avec le recul, comment définiriez-vous la mission de la formation au FC Nantes ?

Développer l’intelligence de jeu du joueur et des joueurs les uns avec les autres. Une phrase revenait souvent à cette époque : « A la fin de l’entrainement, il faut que vous ressortiez moins cons qu’en y arrivant ». Tout ce qui était mis en place nous permettait de nous exprimer et d’être nous-mêmes. Chacun pouvait expérimenter, parcourir des chemins qui pouvaient être rebroussés à tout moment, pour prendre d’autres sentiers. Le climat d’apprentissage nous offrait l’opportunité de découvrir.

Il y avait très peu d’interdictions. Il y avait des contraintes et des aménagements qui nous incitaient à faire des choses. Evidemment, c’est quelque chose dont on prend conscience par la suite. Au début, ces contraintes étaient vécues comme des obstacles, mais cela nous faisait réfléchir à comment nous y prendre autrement.

Les coachs, eux, savaient très bien pourquoi ils utilisaient telle ou telle contrainte. C’est ce que j’essaie de faire aujourd’hui en étant d’éducateur. Malgré cette perception que nous pouvions avoir, les jeux restaient d’une liberté incroyable pour nous exprimer.

En quittant Nantes, je n’ai pas mis beaucoup de temps à réaliser d’où j’étais parti. En termes de valeurs et de ce que nous y faisions. Les clubs que j’ai rejoints par la suite avaient aussi leur identité, leur richesse et j’y ai aussi appris énormément de choses, mais paradoxalement, c’est en allant ailleurs que j’ai réalisé à quelle point mon passage au FC Nantes avait été incroyable.

Chacun pouvait expérimenter, parcourir des chemins qui pouvaient être rebroussés à tout moment, pour prendre d’autres sentiers. Le climat d’apprentissage nous offrait l’opportunité de découvrir.

Aujourd’hui, pour diverses raisons, je suis amené à réfléchir à cette période, notamment parce que je suis éducateur et que j’aime ce rôle. Certaines choses me reviennent naturellement, probablement parce que je réfléchissais tout le temps lorsque j’étais joueur. Je réfléchissais à ce qui nous était proposé pour trouver comment me débrouiller ou comment contourner les contraintes.

Etant défenseur, j’ai souvent vécu des situations où les attaquants étaient en supériorité numérique par exemple. Le coach nous contraignait afin de leur permettre de réaliser certaines choses. Nous cherchions systématiquement les solutions dans ce qui n’avait pas été énoncé. Soit cela passait, soit le coach se rendait compte que cela mettait son exercice ou jeu en péril et il l’adaptait.

Cela nous obligeait à constamment réfléchir et lorsque j’étais joueur c’est ce qui me motivais. Je voulais comprendre ce que je faisais et surtout comprendre le jeu. Ce qui est plaisant, c’est de comprendre ce qu’il se passe et ce qu’il pourrait se passer.

A Nantes, j’ai joué avec des joueurs ayant des profils très différents. Des joueurs athlétiques, des petits, des très rapides, des moins rapides… Il y avait de tout. Cependant, chez chacun, il y avait une forme d’intelligence de jeu qui rendait l’association de ces joueurs si différents, intéressante.

Dans l’ensemble, ce sont ceux qui maitrisaient le mieux cet aspect qui sont passés pro. Ils ont fait de belles et longues carrières, que ce soit en France (Ligue 1 ou Ligue 2) ou à l’étranger. Cela prouve la qualité de la formation de l’époque.

L’intelligence de jeu est un terme souvent utilisé mais qui peut avoir une signification très différente en fonction de celui ou celle qui l’utilise. Que signifie t’il pour vous ?

Pour moi l’intelligence de jeu et son développement passent par la curiosité, dans la pratique, dont peuvent faire preuve les joueurs. Par exemple, un jeune joueur qui va tenter différentes choses pour résoudre un problème, même si le résultat n’est pas probant au départ, est intéressant.

Dans un autre registre, lorsque j’ai passé le BEF, un éducateur avait proposé une situation qui ne fonctionnait pas lors de son passage pédagogique. Pendant 15-20 minutes, il a essayé d’adapter sa situation pour que cela fonctionne, sans succès. Il a eu la présence d’esprit et le courage de changer, de modifier, de tenter des choses. Combien d’autres auraient laissé filer en se disant : « je me suis planté, c’est fini » ? Je pense que ce passage l’a énormément aidé dans son développement.

« L’intelligence de jeu et son développement passent par la curiosité, dans la pratique, dont peuvent faire preuve les joueurs »

Pour un joueur, je pense que c’est la même chose. Nous devons aménager l’environnement afin de leur permettre d’essayer des choses différentes. En disant aux joueurs ce qu’ils doivent faire, sur chaque action, on ne leur laisse pas la possibilité de tester, expérimenter, créer. Ils feront ce que le coach a décidé, et s’ils se trompent, il leur tombera quand même dessus.

L’intelligence de jeu, c’est réfléchir à ce qui peut être fait dans une situation et essayer. C’est l’enveloppe qui va permettre, en fonction des autres caractéristiques du joueurs (athlétique, technique, mental), de s’exprimer à un niveau plus ou moins élevé.

Encore trop souvent, les qualités athlétiques et techniques passent avant l’intelligence de jeu. Un joueur qui explore, qui change des choses, qui essaie des choses, a une forme d’intelligence de jeu. Si les décisions prises ne sont pas les bonnes, c’est que ce n’est pas assez pour tel ou tel niveau mais, il s’exprimera forcément à un certain niveau. Il faut juste qu’il trouve le sien.

Quel est le rôle de l’éducateur dans le développement de cette « intelligence » là?

Accompagner. L’éducateur ne peut pas être sur le bord du terrain et constamment dire aux joueurs ce qu’ils doivent faire. Il doit être là pour les joueurs et les joueuses qu’il accompagne. Si son intérêt personnel passe avant eux, ils seront juste de petits soldats à son service.

Je suis éducateur parce que je retrouve une certaine forme de plaisir lorsque les joueurs me surprennent et que je suis épaté par ce qu’ils font. Même si je déteste perdre, je ne viens pas que pour gagner des matchs, je viens pour prendre du plaisir. Ce plaisir passe par bien jouer, pour essayer de gagner.

La transition centre formation-groupe professionnel est souvent un passage difficile. Sur un certain nombre d’aspects, les repères ne sont plus du tout les mêmes. Il faut donc être équipé pour y faire face. Quelle a été l’importance d’avoir de la continuité entre ce qui était proposé chez les jeunes et chez les professionnels, dans la réussite de votre propre transition ?

Effectivement, ce qui a facilité les choses, c’est la continuité avec les pros. Nous avons retrouvé Raynald Denoueix, qui était considéré comme un entraîneur, mais qui était un éducateur. Ce qui était le plus important, que ce soit en formation ou après chez les pro, c’était le « comment ». Ça n’a jamais été la victoire. La victoire était la conséquence. Aujourd’hui on répète sans cesse : « il faut gagner », moi j’attends le jour où un enfant ou un joueur répondra: « OK coach, mais on fait comment pour gagner ? « .

Tout le monde a envie de gagner, encore plus sur le haut niveau. Seulement, si les joueurs ne comprennent pas le « comment », la probabilité de gagner dans la durée me semble faible. C’est exactement ce qu’il s’est passé avec nous lors de la saison 1999-2000, durant laquelle nous nous sommes difficilement maintenus à la dernière journée. Durant les six ou sept dernières journées, il y avait marqué au tableau « on s’en sortira par le jeu ». Nous n’avons jamais dérogé à nos principes de jeu.

« Le plus important, que ce soit en formation ou après chez les pro, c’était le « comment ». Ça n’a jamais été la victoire. La victoire était la conséquence. »

Si à cause des résultats et de la pression, nous avions fait complètement autre chose, nous étions morts, car nous ne savions pas faire. Nous avons eu la chance d’avoir un coach qui croyait en ce qu’il faisait et qui croyait en nous. Cette année là, nous avons été en difficulté pour diverses raisons, mais nous avons essayé de nous en sortir avec ce que nous savions faire.

Les principes de jeu sont différents pour tout le monde, mais il faut qu’ils soient clairs. Le danger, c’est que le résultat nous fasse oublier ce vers quoi nous voulons aller et que nous partions sur autre chose. De plus, c’est un processus qui est tellement long à mettre en place… Par exemple, ce que nous avons fait pendant un an et demi avec le groupe que j’accompagne aujourd’hui, ce sont d’autres éducateurs qui en « profiteront » et ce n’est pas grave.

Je sais pourquoi je suis là et pourquoi je fais ça. Je serai content de revoir ces joueurs au club dans lequel je suis ou dans un autre club. Je serai content dans les voir jouer et surtout qu’ils soient encore heureux de jouer. Donc pour atteindre notre objectif commun, nous devons savoir comment nous voulons gagner. C’est plus important.

En tant qu’acteur du jeu à la nantaise, comment le définiriez-vous ?

Je ne vais pas répondre en tant que joueur du FC Nantes, mais plutôt à travers les retours de joueurs qui ont joué contre nous. Comme je l’ai dit précédemment, c’est en quittant Nantes que je me suis vraiment rendu compte de ce que nous faisions et représentions. Certaines équipes, et certains joueurs avaient peur de venir jouer à Nantes. Ils disaient : « on ne savait jamais ce qui allait se passer, parce que ça bougeait dans tous les sens ». Donc, premier principe de jeu : le mouvement.

Autre élément associé au mouvement, mais qui n’est pas un principe de jeu : la réduction du nombre de touche de balle. Nous ne nous sommes pas seulement dit que nous allions réduire le nombre de touche de balle, en fait nous jouions pour nous donner le ballon, ce qui était un autre principe de jeu.

Le faire ou avoir l’intention de le faire était une priorité. Mais comment le faire est quelque chose de différent. On ne nous a jamais vraiment exposé les principes de jeu en tant que tel. Par contre, chaque semaine, chaque entraînement, tout était mis en place pour nous amener vers ça. A travers le centre de formation, ils ont pu choisir des joueurs et les développer en fonction de ces principes de jeu.

« Tout ce qui était mis en place, nous incitait à mieux nous connaître. »

La grande difficulté, c’est d’arriver à mettre en oeuvre ce que l’on veut voir. Sur une séance, si je veux que les joueurs soient face au ballon dans certaines zones, comment vais-je aménager ma séance pour que ce soit le cas ? Trop souvent, lorsqu’une passe est manquée, les correctifs sont destinés au passeur, alors qu’on se demande trop rarement si ses partenaires ont occupé les bons espaces, au bon moment.

Encore une fois, je n’ai pas le souvenir que nos principes de jeu étaient affichés. Cependant, on nous a amené à savoir comment nous voulions jouer et surtout avec qui on jouait. Savoir comment faire pour mettre mes partenaires dans les meilleures conditions. Tout ce qui était mis en place, nous incitait à mieux nous connaître. En match, dès les 5 premières minutes, nous devions aussi savoir à quel adversaire nous avions affaire.

Par exemple, lorsque je jouais avec Alioune Touré qui était très rapide, il valait mieux lui mettre en profondeur dès qu’on le pouvait. Dès qu’il y avait une opportunité, qu’il y avait de l’espace, je savais qu’il allait la demander. En lui mettant dans les pieds je savais que nous nous privions d’une de ses qualités premières.

Cela nous renvoie à une idée intéressante développée par Marty Neumeier (The Brand Gap) : « Une marque n’est pas définie par ce que vous (entreprise) exprimez, elle est définie par ce qu’ils (clients) ressentent ». En d’autres termes, une équipe peut influencer l’expérience vécu par son public, ses adversaires, les journalistes, etc. mais c’est seulement lorsqu’un certain nombre de ces derniers ont un ressenti similaire, que l’on peut considérer qu’une équipe a un style qui lui est propre.

A l’époque, ils ont construit une forme de jeu qui leur paraissait cohérente. José Arribas, Coco Suaudeau ou encore Raynald Denoueix, entre autres, ont suivi ce chemin parce qu’ils étaient convaincus par ces idées là, pas pour que l’on parle d’eux. Ce sont des gens extérieurs au club qui ont parlé de jeu à la nantaise.

Cela nous renvoie à cette idée d’avoir des principes de jeu qui sont clairs. Une personne extérieur observant l’équipe, même dans des couleurs complètement différentes de celles habituelles, devrait pouvoir la reconnaître à sa manière de jouer. A l’époque, elle devait se dire : »ça c’est Nantes ». Certains principes sous-jacents sont bien entendu modulables et adaptables en fonction des joueurs à disposition, mais les idées principales doivent être visibles.

Par exemple, l’équipe de Coco Suaudeau de 95 et la nôtre ont gagné des titres. Les gens ont parlé de jeu à la nantaise dans les deux cas, sauf que dans les faits nous étions extrêmement différents dans la façon de jouer. En 95, ça allait à 10 000 à l’heure à la récupération, parce qu’il avait les joueurs pour. C’était incroyable. A l’époque, on courait du centre de formation pour aller les voir jouer. On ne voulait pas louper une miette du match.

« L’équipe de Coco Suaudeau de 95 et la nôtre ont gagné des titres. Les gens ont parlé de jeu à la nantaise dans les deux cas, sauf que dans les faits nous étions extrêmement différents dans la façon de jouer »

Nous, nous avons été dans une expression collective complètement différente. Nous étions un peu plus dans la préparation, même si quand nous pouvions être dangereux à la récupération, nous le faisions. Malgré tout, nous avions moins ces qualités-là. Nous étions donc dans une réflexion différente sur le jeu.

C’était moins flamboyant que la génération précédente, mais nous avons réussi à exprimer un certain nombre de choses. Cela restait du jeu à la nantaise, parce que pour les gens, les notions de mouvement et de rapidité dans les transmissions étaient toujours présentes. C’est ce que les gens ont retenu parce que c’était visible et marquant. On a parlé de jeu à la nantaise dans les deux cas, alors qu’en réalité il y avait d’énormes différences dans le jeu.

L’expression collective et le rythme étaient complètement différent. Il est donc possible d’avoir la même identité tout en produisant des choses assez différentes. Lorsqu’on construit quelque chose, ce sont les autres qui vont déterminer ce que cela représente pour eux, en fonction de ce qu’ils ressentent, pas l’inverse.

Finalement, c’est la grande connaissance du pouvoir d’agir de l’autre qui permet de s’associer avec lui…

Je suis convaincu qu’il faut jouer avec des principes. Le système de jeu arrive bien trop souvent en premier, alors que l’éducateur doit permettre aux joueurs de jouer dans n’importe quel système. Dans un match, on devrait pouvoir changer cinq fois de système sans que cela ne les perturbe. Bien sûr, il y aura un petit temps d’adaptation, mais un principe de jeu est immuable quel que soit le système.

Un joueur qui n’a pas conscience des compétences de ses partenaires sera limité. S’il met trois fois le ballon en profondeur à son partenaire, qui va moins vite que le défenseur adverse et qu’il ne s’adapte pas au contexte, il atteindra vite ses limites.

Cet aspect fait partie de l’intelligence de jeu des joueurs que l’on a a disposition. Cela va conditionner le niveau auquel nous allons évoluer et notre expression collective. Les équipes dont les joueurs se comprennent sont assez facilement reconnaissables. Raynald utilisait souvent la phrase suivante : « Nous nous comprenons entre partenaires, mais l’adversaire se trompe ». Nous devons nous comprendre et l’adversaire, ne doit jamais comprendre ce que nous allons faire. C’est l’objectif.

« Un joueur qui n’a pas conscience des compétences de ses partenaires sera limité »

Il y a tellement d’incertitude durant un match de football, qu’il est difficile de prévoir. Les joueurs doivent comprendre ce que peuvent faire leurs partenaires, c’est ce qui va permettre à l’équipe d’être performante. En tout cas, c’est le plaisir que nous avions. Par exemple, à l’entraînement, on travaillait sur la communication à travers le rythme de course. En fonction du rythme auquel un attaquant décrochait, on savait s’il la voulait dans les pieds ou dans l’espace. S’il décrochait lentement, je savais avant même de toucher le ballon qu’il allait attaquer la profondeur. Avant même qu’il ne le fasse j’étais déjà en train d’armer pour la mettre en profondeur et mon partenaire savait que j’allais la lui mettre.

La probabilité que le défenseur adverse se trompe était élevé, car il ne savait pas ce que nous allions faire. C’est donc la connaissance de l’autre et des éventualités possibles qui offre cet avantage. Réaliser une simple passe est quelque chose de très difficile. Où ? Comment ? Pourquoi ? À quelle vitesse ? Comment l’appel est réalisé ? Il y a un questionnement incroyable à chaque fois. Si nous amenons les joueurs à réfléchir à cela, ils développeront forcément énormément de choses. Si nous leur disons tout le temps quoi faire, ils plafonneront vite.

Au travers de toutes ces expériences, fortement marquée par votre expérience nantaise, qu’avez-vous appris sur la nature humaine ?

J’ai énormément appris dans tous clubs par lesquels je suis passé. Forcément, en passant quinze ans à Nantes, ça m’a marqué différemment. En termes de jeu et d’humain. Apprendre à connaître l’autre c’était sur le terrain, mais aussi en dehors. J’ai appris que sans l’autre, on est vite limité, quel que soit son talent. Lionel Messi a besoin des autres autour de lui. Il ne peut exister tout seul. Kylian Mbappé également. Cela vaut pour tous les joueurs, même les plus grands.

J’aime les sports collectifs pour l’investissement que cela engendre et les interactions entre les gens. A Nantes, j’ai continué à développer des choses que j’avais déjà : aimer les gens, le plaisir de partager des choses, le plaisir de travailler en équipe et le respect que l’on doit avoir pour les autres. Ce n’est pas parce que je suis éducateur d’une équipe, que je suis au-dessus des dirigeants ou de qui que ce soit. Nous sommes tous là pour vivre quelque chose ensemble et le football nous permet cela.[/mepr-show]

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