Passé par le Paris Saint-Germain et l’AS Monaco, Adrien Tarascon est responsable du développement individuel, de la méthodologie et des données au LOSC.
A travers son parcours atypique et son profil « full-stack », il nous propose sa perspective sur le football.
Chaque dimanche vous recevrez des idées sur l’analyse du jeu, l’entrainement ou encore l’apprentissage.
Qu’est-ce que le football représente pour vous ?
J’aimerai répondre une passion, mais si je suis honnête avec moi-même ce serait davantage une obsession. J’aime observer des équipes, des joueurs et leur entraineur en synchronie autour d’un plan de jeu ; comprendre le « pourquoi », imaginer le « comment » ça a été préparé, apprécier à sa juste valeur l’effort individuel et collectif que chacun a dû mettre ; joueurs et staffs pour qu’à l’arrivée nous ayons un grand match.
Ce jeu m’émeut, lorsque je vois des équipes qui jouent avec un sens, une direction clairement définie, indépendamment du style. Je ne suis pas de ceux qui rattacheront le beau jeu uniquement au jeu de position ou à un autre paradigme.
« Ce jeu m’émeut, lorsque je vois des équipes qui jouent avec un sens, une direction clairement définie, indépendamment du style. »
Je ne regarde jamais de football à la TV pour me détendre, pour ça je prends bien plus de plaisir devant un match de tennis, par exemple. Le football c’est à l’ordinateur, pour couper des matchs, ajouter des séquences à mes bases vidéo ; c’est un plaisir d’apprendre.
J’essaye de couper un à deux matchs par jour en vue tactique, beaucoup de Champions League, quelques-uns de Premier League pour analyser et mieux comprendre le très haut niveau. Sans doute parce que le football est pour moi une quête perpétuelle, où j’essaye de progresser, de maitriser un maximum d’éléments me permettant d’aider à mon niveau, des joueurs à gagner.
Avez-vous toujours eu cette volonté de progresser, d’être le meilleur ou est-ce quelque chose qui est exacerbé par le contexte dans lequel vous évoluez (le football) ?
Ça a toujours été le cas. Enfant déjà j’étais un insatisfait chronique, j’ai appris à mieux vivre avec et à progresser sur ce plan mais dans un contexte compétitif et concurrentiel comme le football cela peut parfois être utile.
J’ai joué au football jusqu’à quinze ans, avec un niveau régional correct. J’ai arrêté parce que mon niveau ne me satisfaisait pas par rapport à ce que j’étais capable de faire en dehors et j’avais déjà de l’appétence pour le coaching.
« J’aime observer des équipes, des joueurs et leur entraineur en synchronie autour d’un plan de jeu ; comprendre le « pourquoi », imaginer le « comment » ça a été préparé, apprécier à sa juste valeur l’effort individuel et collectif que chacun a dû mettre ; joueurs et staffs pour qu’à l’arrivée nous ayons un grand match. »
J’ai pu être le témoin quotidien du travail de mon père ; un scientifique très brillant qui travaille encore à 69 ans de 7h du matin à minuit, 7 jours sur 7. Il m’a appris qu’on pouvait toujours progresser et devenir une meilleure version de soi-même. C’est ce que j’essaye de transmettre aux joueurs. Le football est clairement une activité où je prends plaisir à apprendre et dans laquelle j’essaie chaque jour de mieux transmettre.
Le football (comme d’autres domaines) est un milieu où un très grand nombre de personnes partagent leurs opinions, sans pour autant avoir effectué le travail préalable et nécessaire à la formulation d’une opinion. Charlie Munger (principal associé de Warren Buffet chez Berkshire Hathaway) disait d’ailleurs : « Je ne me permets jamais de donner mon opinion sur un sujet, si je ne connais pas les arguments opposés, mieux que ceux qui les défendent ». Comment appréhendez-vous ces aspects ?
Je partage son point de vue. J’aime beaucoup écouter les autres parler football, en revanche ma parole est rare. Mon caractère m’amène à analyser un maximum de paramètres avant et après chaque match notamment.
Lorsque j’ai débuté dans le football français, il y avait deux catégories : ceux qui ont été d’anciens joueurs et ceux qui ne l’ont pas été. Étant hors caste je me devais, particulièrement à mes débuts, d’être discret et de ne pas faire fausse route dans ce que je disais.
Puis, je me suis spécialisé en tant que coach en développement individuel ; ce qui veut dire accompagner des joueurs et devoir gagner en crédibilité auprès d’eux. Pour gagner de la crédibilité, c’est assez simple, mais c’est encore plus simple d’en perdre.
Vous leur dites quelque chose, cela fonctionne, vous gagnez en crédibilité. Vous leur dites quelque chose, cela ne fonctionne pas, vous pouvez définitivement perdre la relation de confiance avec le joueur.
« Étant hors caste je me devais, particulièrement à mes débuts, d’être discret et de ne pas faire fausse route dans ce que je disais. »
Parfois, il n’y a qu’une balle dans le barillet. Il faut être à la fois très précis et patient. Le développement individuel m’a appris qu’on devait d’abord nouer une relation humaine avec l’homme avant de pouvoir conseiller le joueur et à ne communiquer une information que lorsqu’il y a un degré de probabilité suffisant que quelque chose se produise, tout en sachant que le football est aléatoire.
Quand je communique une opinion désormais, par exemple lors d’un échange entre staffs, j’essaye de préciser le paradigme qui m’amène à voir les choses sous tel angle plutôt qu’un autre, je trouve que cela fluidifie la communication et enrichi les débats. Mes paradigmes ont changé avec le temps, au fil de mon apprentissage.
Dans une première phase de ma carrière, j’ai énormément travaillé autour de la data. Cela m’a apporté une vision assez analytique du jeu. Penser individuellement et collectivement le football, en termes de rapport gain-risque. Quel est le gain potentiel de cette situation ? Quel est le risque de cette situation ?
« Pour gagner de la crédibilité, c’est assez simple, mais c’est encore plus simple d’en perdre »
Cela correspondait à mes années auprès de Unai Emery puis Thomas Tuchel, deux entraineurs que je qualifierai de plus pragmatiques que dogmatiques. Lorsqu’ils sont dans une situation plus complexe ou de présumée faiblesse, ils vont être très attentifs à leurs prises de risques. Ils évaluent le coût potentiel de chaque choix tactique, le choix des zones de tirs, des zones à aller chercher, les zones cibles, etc.
Ensuite, je suis rentré dans une seconde phase où j’ai énormément étudié la tactique. J’ai construit des bases vidéo sur tous les systèmes, comment attaquer, défendre face à chaque système, selon les différentes phases (initiale, création, finition), les options de pression, les CPAs… Les 3/4 de mon Mac sont occupés par ces bases, soit plus de 300 go d’images sur les dernières saisons.
Durant cette phase axée sur la tactique, j’ai progressivement emmagasiné ce dont j’avais besoin afin d’être compétent et pouvoir aider les joueurs, staffs et coachs. Que ce soit dans la création d’espaces, la détermination de la meilleure option pour une situation donnée, réussir à anticiper les problèmes et les solutions qui peuvent naître de la structure utilisée.
« [Unai Emery et Thomas Tuchel sont], deux entraineurs que je qualifierai de plus pragmatiques que dogmatiques. Lorsqu’ils sont dans une situation plus complexe ou de présumée faiblesse, ils vont être très attentifs à leurs prises de risques. »
C’était aussi aller encore plus loin sur les aspects dynamiques : pour telle situation, telle confrontation de structure, quelles sont les dynamiques au poste ? Quelles sont les consignes individuelles à donner ? Quels sont les outils gestuels ou liés à la prise d’information à faire passer aux joueurs ?
Cette étape-là, je l’ai mûrie et je l’ai quittée pour entrer dans une phase actuelle où je me focalise beaucoup plus sur les techniques et les mécanismes d’apprentissage. Me considérant un peu comme un professeur, en toute humilité, et les joueurs comme des élèves, je me demande : comment est-ce que je vais pouvoir leur en apprendre toujours plus ? Je m’intéresse aussi aux fonctionnalités du cerveau, au concept de « zone » qui est beaucoup plus travaillé au tennis, mais que Liverpool a essayé de travailler, par exemple.
La finalité, c’est d’aider les joueurs à se concentrer plus, pour voir plus vite, pour emmagasiner l’information. Fort de ce que j’ai pu consolider comme expérience et comme analyse, je veux réussir à être toujours plus juste dans les approches de mémorisation ou encore de visualisation que je propose aux joueurs. Non pas des opinions, mais plutôt des outils facilement applicables sur le terrain.
Vous avez développé des compétences qui vous permettent de comprendre et influencer la phase amont (data, scouting, recrutement), mais aussi des compétences « terrain » (coaching, conception de situations d’apprentissage) qui vous permettent aussi d’avoir une influence en aval du processus. Finalement, vous avez construit votre différence en développant des compétences vous permettant de couvrir un large spectre. Est-ce que le coaching est un aspect qui vous à toujours attiré et comment avez-vous appréhendez votre développement dans ce domaine ?
C’est une bonne question. Dans ma jeunesse, le coaching était ma priorité puis je m’en suis détourné. Était-ce par choix ou par la force des choses ? Sans doute un peu des deux. Lors de mon passage au Paris Saint-Germain, je pensais plus me diriger vers un rôle de « bureau ». Quitter le rôle d’analyste pour aller vers de la direction de recrutement, puis de la direction sportive. Néanmoins, j’ai toujours eu l’appétence du terrain, de transmettre.
Dans ma méthodologie, le terrain a toujours été indispensable parce qu’il y a un certain nombre de joueurs qui ont besoin de cet apprentissage empirique ou en l’occurrence kinesthésique. Ils ne vont pas se suffire de la vidéo ou de la représentation 2D.
Certains joueurs sont aussi capables d’intégrer un bon nombre d’informations sans terrain, mais c’est sur ce dernier que se passe une grande partie de l’apprentissage. Je n’ai donc jamais conçu mon rôle de transmission sans le terrain. C’est juste qu’à un moment donné, j’imaginais plutôt une carrière destinée à faire du recrutement que du développement individuel.
« Je n’ai jamais conçu mon rôle de transmission sans le terrain. »
Le premier tournant, s’est produit au Paris-Saint-Germain. Nous avons été l’un des premiers clubs à faire du data scouting, même si ce n’était pas à l’échelle de Liverpool. Assez rapidement, je me suis dit que tout le monde ferait la même chose. Alors, lorsque tout le monde a les mêmes données, regarde la même chose, qu’il n’y a plus de joueurs inconnus, que le scouting se développe, que fait-on pour se différencier ?
C’est peut-être mon parcours en école de commerce qui m’a mené à cette réalisation, mais je me suis toujours dit qu’il fallait que je trouve une niche et que je réussisse à me différencier.
C’est en réalisant ce constat, que j’ai observé un énorme paradoxe. A l’époque, en France, on développait beaucoup plus l’athlète que le joueur, d’où cette idée de développement individuel et de remettre du développement technique, tactique au cœur du joueur.
Avec mes collègues Martin Buchheit et Nicolas Mayer au Paris Saint-Germain, nous avions commencé à intégrer des choses liées au modèle de jeu du coach et aux compétences positionnelles des joueurs, à la réathlétisation.
« Lorsque tout le monde a les mêmes données, regarde la même chose, qu’il n’y a plus de joueurs inconnus, que le scouting se développe, que fait-on pour se différencier ? »
Concernant mon développement en tant que coach, j’ai eu énormément de chance. D’abord au PSG avec deux saisons à côtoyer Laurent Blanc et Jean-Louis Gasset, puis deux saisons avec Unai Emery, à voir tous les jours des entraînements, des process, des analyses et enfin deux saisons de Thomas Tuchel.
A Monaco, j’ai pu observer Robert Moreno, qui était tactiquement brillant, puis Niko Kovač, qui proposait aussi énormément de choses intéressantes. Au LOSC, il y a désormais Paulo Fonseca qui est un entraîneur très intéressant, avec beaucoup d’idées et j’ai aussi appris un certain nombre de choses sur le management d’un vestiaire, auprès de Jocelyn Gourvennec.
Mon parcours m’a donc très vite permis d’être confronté à des entraineurs qui font partie de ce qu’il se fait de mieux en termes de coaching. Lorsqu’on observe des entraineurs comme Thomas Tuchel ou Unai Emery, on est en confrontation avec le très haut niveau et par conséquent, le niveau que l’on souhaite atteindre.
Je suis à la fois ambitieux, mais surtout travailleur. Lorsque je vois un plafond ou un niveau donné, cela me permet de déterminer le niveau à atteindre. Je me mets donc à travailler en conséquence pour atteindre ce niveau et comprendre ce qui est fait dans les différents domaines qui me permettront de l’atteindre.
« Lorsque je vois un plafond ou un niveau donné, cela me permet de déterminer le niveau à atteindre. »
Pour atteindre ces objectifs, je suis allé me former à la Faculté de Motricité Humaine de Lisbonne et cela m’a beaucoup aidé. Nous avions eu beaucoup d’entraîneurs comme intervenants, dont José Mourinho, mais aussi beaucoup de spécialistes, comme Pedro Marquez (Benfica, City Football Group), par exemple. J’étais aussi dans la même promotion que Rúben Amorim, avec qui nous avions beaucoup échangé. Nous étions d’ailleurs tous les deux en tête de promotion à l’époque. C’est intéressant de voir ce qu’il est devenu.
Par ailleurs, j’ai passé le BMF et je souhaiterais passer le BEF. Néanmoins, n’ayant qu’une seule saison d’entraînement de groupes de jeunes, ce n’est pas suffisant en nombre d’heures pour l’obtenir en validation des acquis. En l’état actuel de mes missions, avec le rythme des entrainements du LOSC et les journées de formation qui tombent en même temps, je ne pourrai que le passer si je choisis de quitter une structure club. Mon parcours est certes atypique, mais cela démontre certaines incohérences dans les formations d’entraineur en France à mon sens.
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Comment définiriez-vous votre rôle au LOSC et l’organisation de vos semaines ?
J’ai la charge du développement individuel des joueurs. Qu’entend-on par développement individuel ? C’est un service que le club offre à ses joueurs, afin de les valoriser, ainsi qu’au staff pour les accompagner. Le staff étant dans une approche du match au match, je suis pour ma part en soutien pour essayer avec un horizon de temps plus long, d’accompagner les joueurs.
Malgré tout, l’organisation de ma semaine est aussi influencée par le match à venir. Je participe à quasiment toutes les séances collectives, hormis lorsqu’il y a de la réathlétisation, puisque j’ai la charge de toute la réathlétisation avec ballon. Quand il y a beaucoup de blessés, je fais la semaine à côté, sans pouvoir être en support des séances collectives.
Tous les matins, nous faisons le point avec le département performance, le médecin et les préparateurs physiques à 10h, afin de savoir s’il y a des joueurs en réathlétisation. Ensuite, je construis la séance en fonction des compétences au poste et si les joueurs concernés sont amenés à prétendre à des minutes le week-end, je peux concevoir une séance en lien avec le système du prochain adversaire et des espaces qu’ils rencontreront.
Je peux aussi faire un mix des deux. Par exemple, certains jours de match, il y a aussi séance le matin et certains joueurs peuvent postuler au match en question. Nous allons donc proposer quelque chose de systémique en fonction des caractéristiques du prochain adversaire, de notre modèle de jeu et des compétences au poste des joueurs concernés.
« [Le développement individuel] est un service que le club offre à ses joueurs, afin de les valoriser, ainsi qu’au staff pour les accompagner. »
Sur les séances collectives, le staff est focalisé sur le prochain match et sur les prochaines consignes. Je vais donc proposer à certains joueurs qui ne sont pas forcément concernés par le prochain match, des feedbacks, des conseils et déterminer des objectifs en fonction des compétences au poste. L’objectif, c’est que tout le monde soit tout le temps concerné et que tout le groupe de joueurs soit dans une démarche de progression.
Mes semaines sont quand même construites autour du match, parce qu’il y a une partie qui sera consacrée à la préparation individualisée. C’est à dire, prodiguer des petits conseils en plus aux joueurs qui vont être amenés à jouer le prochain match, puisque la confiance et le niveau n’est jamais validé que par la compétition. Ce que nous faisons à l’entraînement, nous devons ensuite le montrer en compétition. Sur ces aspects-là, j’accompagne au quotidien une majorité de l’effectif du LOSC, sauf certains très expérimentés ou anciens.
Par conséquent, il faut aussi être très flexible. Chaque matin, lorsque je passe dans le vestiaire, les joueurs ont pour habitude de me dire s’ils veulent effectuer un spécifique après séance. En fonction des réponses, je vais préparer le spécifique pour le joueur ou le groupe de joueurs concerné. C’est de la gestion au quotidien.
« L’objectif, c’est que tout le monde soit tout le temps concerné et que tout le groupe de joueurs soit dans une démarche de progression. »
A l’échelle de la semaine, je vais prévoir des entretiens vidéo. Énormément de retours individualisés de matchs et de vidéos individualisées pré match. Sur une vidéo individuelle pré match, l’objectif est de faire très court. En 1m30 il va falloir récapituler l’essentiel de ce que le coach et le staff ont demandé au joueur.
Sur les retours de matchs, nous débriefons en fonction des compétences au poste, qui sont très importantes dans ma conceptualisation. Nous essayons aussi de développer quelques outils systémiques (c’est-à-dire des routines en termes d’espace de déplacement par exemple si l’adversaire joue avec 3 milieux et d’autres s’il joue avec un double pivot), mais l’objectif est surtout de débriefer en fonction de ce qui va servir le développement du joueur dans la continuité.
Par ailleurs, il y a énormément de feedbacks sur ce que j’appellerais le mental, les sensations, les blocages qui ont pu apparaître au cours du match en termes de concentration, de confiance, afin de voir comment les lever pour la prochaine performance.
Comment intégrez-vous votre approche, à celle d’un coach qui arrive avec son propre modèle de jeu ?
Dans ce scénario-là, il y a évidemment beaucoup d’écoute. Il s’agit de comprendre ce que l’entraîneur souhaite mettre en place. Au-delà d’un modèle de jeu, je dispose surtout de modèles de joueurs et ainsi que les compétences au poste associées. J’ai construit des grilles, avec les bases vidéo associées, contenant une centaine de compétences qui me paraissent importantes. Qu’elles soient techniques ou technico-tactiques pour chaque poste.
Généralement, 95% de ce qu’un coach demande pour chaque poste se trouve dans ces bases. Avec Paulo Fonseca, dans la phase d’apprentissage, il m’avait demandé de présenter des vidéos, notamment pour des milieux de terrain. J’ai donc pioché dans mes vidéos et le travail a été de comprendre, parmi les compétences au poste que j’ai en magasin, lesquelles étaient importantes pour lui, puis avancer sur cette base-là.
« C’est beaucoup d’écoute, de la communication. »
C’est ce qui m’a permis d’accompagner efficacement Amadou Onana lorsqu’il était blessé. Nous avons travaillé pendant une semaine à sa réathlétisation et lorsqu’il est revenu, il avait tout de suite les principes au poste, en termes d’ouverture de l’orientation, de placement, d’offrir des lignes de passes diagonales, de prioriser l’opposé, parce que nous avions travaillé cela pendant une semaine. Du coup le coach en était très content.
C’est donc beaucoup d’écoute, de la communication. Je vais chercher dans mon catalogue les compétences au poste qui sont associés, je les fais valider à travers la vidéo pour nous assurer que nous parlons bien des mêmes choses, pour aligner les références et puis avancer dans cette démarche.
Une grande part de votre activité porte sur le « travail de la connaissance ». Pour vous, quelle est l’importance de développer un « jardin digital » et de le cultiver ?
Cela dépend du profil de chacun. Je pense être créatif, j’ai sans doute hérité cela de mon père qui est un chimiste aux intuitions remarquables. En revanche, je ne pense pas avoir une mémoire exceptionnelle. Aussi je suis en création constante mais je peux avoir tendance à m’y perdre sans ce travail d’archivage. Par exemple, même si j’ai des bases contenant des centaines d’exercices, j’ai un tic, je déteste faire deux fois le même exercice.
Ce support digital c’est ma part de cadre, de logique, de cohérence. Cela me permet d’avoir des points de référence et de travailler plus vite. Je m’en sers pour ma conception d’exercices, pour le développement individuel, pour la préparation des matchs, pour l’anticipation des scénarios de match.
« Ce support digital c’est ma part de cadre, de logique, de cohérence. Cela me permet d’avoir des points de référence et de travailler plus vite. »
Lorsque nous allons nous retrouver dans une confrontation de tel système contre tel système, je vais pouvoir me servir de mes bases digitales pour pouvoir anticiper quelles vont être les éventuels problèmes de la confrontation et tout simplement être prêt. Si le coach ou le staff me demande mon avis, je dois être prêt.
Alors on ne me le demande pas toujours, mais cela rejoint un peu la question du début. Il faut toujours être prêt à avoir une opinion et être prêt à la formuler si on nous la demande, et enfin avoir une très bonne probabilité de ne pas se tromper si jamais on est écouté.
Vous disiez que le développement individuel est un service. C’est une formulation intéressante, car cela nous renvoie à la notion de responsabilisation chez le joueur, étant donné que c’est ce dernier qui sollicitera ce service s’il en ressent le besoin, plus que l’inverse.
Cela dépend des cas. Parfois, c’est le club qui pousse pour que nous accompagnions certains joueurs, mais il y a aussi des joueurs qui sont très demandeurs et qui viennent tous les jours à mon bureau. D’autres, viennent après chaque match demander leur débrief vidéo.
Certains demanderont une vidéo pour un match donné, cela se passera bien ou moins bien, puis pendant des semaines, ils ne reviendront pas vers vous. Il y a aussi des joueurs qui vont travailler avec vous, être 2 ou 3 fois homme du match et puis se relâcher. Ils vont se faire mettre sur le banc, seront piqués dans leur égo et reviendront.
« Avec l’athlète, nous sommes ensemble et nous faisons face à une montagne, nous devons la gravir ensemble, trouver les solutions pour l’accompagner dans son ascension et faire face aux défis qu’il doit relever. »
Tous les cas de figure existent. Il y a autant de développement individuel qu’il y a de joueurs. C’est essentiel de le garder à l’esprit. Nous avons des méthodologies et des canevas, mais ils ne résistent pas longtemps à la réalité du quotidien de l’entrainement, ses aléas.
Cette variété est sans doute ce qui me plait le plus dans ce rôle. Avec l’athlète, nous sommes ensemble et nous faisons face à une montagne, nous devons la gravir ensemble, trouver les solutions pour l’accompagner dans son ascension et faire face aux défis qu’il doit relever.
Il faut donc être très créatif pour pouvoir s’adapter à sa mentalité, sa manière d’apprendre. Il y a beaucoup de joueurs qui ne viendront pas suffisamment vers moi pour pouvoir progresser rapidement, c’est donc à moi de trouver comment les intéresser. D’autres viendront et ce sera plus facile, mais parfois il faut aussi les freiner.
L’aspect psychologique est évidemment très important en football (et dans beaucoup d’activité humaine), mais cela doit être très particulier lorsque l’on approche les choses individuellement dans sport collectif ?
Je trouve qu’à l’image de la société, le football s’est énormément individualisé. Si vous me permettez l’expression je parlerai d’une « NBAisation » du football. Il y a des cas plus complexes, par exemple lorsqu’on travaille avec deux joueurs pour un même poste. Il faut donc travailler avec les deux en ayant la même honnêteté intellectuelle. Être derrière chacun d’eux lorsque c’est leur moment et les pousser à se dépasser.
Dans le football, la performance individuelle est indissociable de la performance collective, donner un accompagnement individuel à chacun peut aussi rejaillir positivement sur le collectif.
Certains membres du staff devront, pour la préparation du prochain match, se focaliser sur les joueurs qui le joueront. Évidemment, dans cette optique-là, mon objectif est de donner de l’attention à ceux qui vont un peu moins jouer, afin que tout le monde se sente bien et dans une démarche de progression.
Sur la durée d’une saison nous aurons besoin de tout le monde et nous avons donc besoin que tout le monde se sente concerné. Donc oui, il y a énormément d’humain. Ce sont des relations qui se créent.
« Dans le football, la performance individuelle est indissociable de la performance collective, donner un accompagnement individuel à chacun peut aussi rejaillir positivement sur le collectif. »
C’est pour cela que je travaille autant cet aspect et que j’essaye de m’améliorer là-dessus. Je me suis aperçu que le plus important c’étaient les dynamiques de confiance et qu’avec un joueur en confiance, on pouvait mieux travailler. Il serait plus à l’aise techniquement et son développement irait beaucoup plus vite qu’un joueur déprimé, par exemple. Mais c’est évidemment un constat assez basique.
Je pense arriver à faire sentir aux joueurs que je les aime et que je suis à 100 % derrière eux. Je me mets dans leur propre défi et honnêtement, je vis leurs mauvaises prestations, parfois plus difficilement qu’eux-mêmes. J’essaie d’être dans cette optique de partage. Je considère qu’une prestation négative arrive aussi parce que nous avons peut-être raté des choses dans la préparation.
Par conséquent, lorsqu’un joueur échoue dans sa performance, dans ce qu’il voulait mettre en place, c’est que j’ai aussi échoué à l’accompagner. On est donc toujours dans cette approche de confiance, que ce soit sur le terrain et en dehors durant la semaine.
« Lorsqu’un joueur échoue dans sa performance, dans ce qu’il voulait mettre en place, c’est que j’ai aussi échoué à l’accompagner »
C’est aussi un élément important en termes de dynamique de groupe, car certains joueurs joueront plus que d’autres. Certains membres du staff devront, pour la préparation du prochain match, se focaliser sur les joueurs qui le joueront.
Être patient, ne donner finalement qu’assez peu de messages, en tout cas au début et espérer que ces messages se réalisent, permet de gagner en crédibilité. Quand cela arrive, ce sont finalement souvent les joueurs qui sont ensuite en recherche d’un feedback ou d’un conseil.
Pouvez-vous expliquer ce qu’est le « data tuning », puis établir le lien entre ce concept et le développement individuel ?
Le lien est total. Dans la même série de réflexions que j’ai eu lors de mes années au Paris Saint-Germain sur le besoin de développement individuel, lorsque tout le monde aurait les mêmes données pour recruter, nous avons vu une opportunité. Si tout le monde regardait la même chose, cela voulait dire que nous saurions grosso modo ce que les clubs qui voudraient recruter un de nos joueurs, allaient regarder.
Parmi toutes les données importantes pour ces clubs, en existe t’ils qui témoignent d’une progression réelle du joueur, d’une progression de la performance dans la compétition ? Ou est-ce qu’en changeant les caractéristiques du joueur, en le formant à certaines décisions de jeu, on ne pourrait pas faire monter certains indicateurs ?
C’est par exemple le cas pour les progressions dans le dernier tiers. Si un joueur se met à cibler des passes diagonales pour trouver les joueurs dans la largeur, dans le dos de la ligne des milieux adverses, il aura beaucoup plus de facilités à aller chercher les progressions vers le dernier tiers, qu’un joueur qui va énormément valoriser les lignes de passes axiales. C’est un exemple parmi d’autres.
« La généralisation de la data a changé notre manière de voir le football. Elle nous a fait monter en gamme dans nos analyses et dans notre vision à tous, mais elle a aussi cet inconvénient, comme toute connaissance, de nous polariser vers une vision commune sur certains aspects »
C’est donc un aspect qui peut intéresser certains clubs, car on peut améliorer les statistiques d’un joueur, sans forcément améliorer le joueur. Dans l’absolu, ce n’est pas le chemin que l’on souhaite prendre, mais c’est parfois utile pour certains joueurs pour lesquelles la situation est un peu perdue.
Cela m’est arrivé au Paris Saint-Germain, mais aussi au LOSC et je pense que l’on a réussi à valoriser à quelques millions en plus certains joueurs, en ayant des stratégies qui ne les ont pas rendus plus performants pour l’équipe, mais qui ont pu un peu améliorer leurs données.
La généralisation de la data a changé notre manière de voir le football. Elle nous a fait monter en gamme dans nos analyses et dans notre vision à tous, mais elle a aussi cet inconvénient, comme toute connaissance, de nous polariser vers une vision commune sur certains aspects. Étant donné que sur beaucoup de paramètres, nous regardons les mêmes choses, la question qui s’impose est la suivante : comment utiliser le fait que beaucoup d’analystes, notamment data, vont regarder la même chose ?
Mon propos est assez cynique, j’en suis conscient, mais étant donné mon parcours, ce sont des aspects business qui ne m’ont jamais été étrangers. Au LOSC, nous avons un président, Olivier Létang, pour qui la victoire amène la réussite économique.
Néanmoins, j’ai travaillé avec d’autres dirigeants, pour lesquels je jouais clairement un rôle de trader de joueurs de football. J’étais là pour faire augmenter des valeurs de joueurs. Que ce soit par le biais du scouting ou du développement individuel. Purement et simplement.
Est-ce que la culture des clubs par lesquels vous êtes passé, voire leur culture du jeu, exerçait une influence sur la manière dont vous appréhendiez votre travail ?
Je ne sais pas si c’est une culture du jeu. Si nous prenons l’exemple de Lille, même s’il y avait une culture récente, je ne parlerai pas de culture du jeu ancrée dans tout le club. Dans les pas de Christophe Galtier, le jeu lillois on le sait était un mélange de récupération haute, de verticalité, une approche offensive de la défense en bloc médian, agressive pour favoriser le déchet adverse et les contre-attaques.
Le club a eu des entraineurs assez hétéroclites dans son histoire. Sur le plan du jeu, je pense que Lille, comme beaucoup de clubs en France, était un peu orphelin d’idées avancées en termes de jeu. En revanche, c’est un club avec une culture très forte et des valeurs marquées en termes d’engagement, d’agressivité, de don de soi.
Il y a beaucoup d’anciens joueurs au club, notamment à la formation comme Stéphane Pichot et Sébastien Pennacchio. Jean-Michel Vandamme, un historique du club est venu prendre la direction du centre de formation. Assez vite, lorsqu’on arrive au LOSC, on comprend les valeurs du Nord, de travail, d’engagement.
Cette métaphore avec le dogue statufié dans la cour de Luchin, l’idée de mordre, de chasser comme des dogues quand nous n’avons pas la balle, de presser etc. Cela à une influence sur ce que l’on veut transmettre aux joueurs, en termes d’attitude, d’énergie, qu’il va falloir se battre comme des chiens.
« Lorsque nous travaillons sur le modèle de jeu et nos principes de jeu à la formation, je dis souvent que nous ne sommes pas là pour développer des joueurs qui jouent le football d’aujourd’hui, mais qui joueront le football de demain. »
Pour faire évoluer mon modèle de jeu, je fonctionne plutôt à l’inverse. J’essaye d’anticiper ce vers quoi le football évolue. Lorsque nous travaillons sur le modèle de jeu et nos principes de jeu à la formation, je dis souvent que nous ne sommes pas là pour développer des joueurs qui jouent le football d’aujourd’hui, mais qui joueront le football de demain. C’est vraiment la clé, développer des joueurs pour le football de demain.
Le jeune U14/U15 d’aujourd’hui, lorsqu’on voit l’évolution du football sur les cinq ou six dernières années, jouera un football qui sera sans doute assez différent de celui que nous regardons aujourd’hui. C’est aussi l’objectif de mes bases de données. Regarder les matchs de Ligue des Champions, regarder les matchs de Premier League où il y a le plus d’innovation, la meilleure concentration de coach et le meilleur niveau en termes de confrontations tactiques, etc.
Il y a 18 mois, quasiment personne n’utilisait le 4-2-2-2, notamment en sortie et en phase initiale. C’est sans doute la structure la plus à la mode actuellement et nous l’utilisons aussi à Lille. Il y a aussi un retour très prononcé au marquage individuel, notamment de la pression individuelle sur de la pression haute, sur la pression sur sortie adverse.
Cela a un impact sur les compétences au poste car ce retour à l’individualisation de la responsabilité défensive, remet au premier plan la notion de duel. Cela veut dire qu’il faut sans doute retravailler plus cet aspect, notamment les techniques de 1c1 défensif. Beaucoup d’entraîneurs sont dans la recherche de cette confrontation individuelle.
« Il y a aussi un retour très prononcé au marquage individuel, notamment de la pression individuelle sur de la pression haute, sur la pression sur sortie adverse. Cela a un impact sur les compétences au poste car ce retour à l’individualisation de la responsabilité défensive, remet au premier plan la notion de duel. «
Pourquoi ? Notamment parce que le football allant plus vite, c’est souvent simple de donner comme repère une référence individuelle à un joueur. Typiquement, au match aller contre Clermont (saison 2022/2023), nous sortions en 3+2 et ils nous ont pressé en 2+3. 5-2-3 contre 3-2-4-1/3-2-5. Les référents individuels peuvent faciliter ce genre de choses.
Donc je pense qu’un plus grand nombre d’entraîneurs vont prendre ce type de référence qu’auparavant, parce qu’on demande toujours plus de pressing, toujours plus d’énergie. Dans le jeu, cela va plus vite, les joueurs n’ont pas forcément la capacité cognitive à être en « half and half » comme on dit en anglais, en position intermédiaire quand le jeu se déroule à si haute vitesse.
A travers cet exemple, je veux montrer que mon objectif c’est vraiment d’essayer d’identifier certaines tendances qui peuvent impacter le joueur de demain. Le tempo, l’idée de jouer toujours plus vite, l’idée de réduire les touches de balles, c’est très important, notamment pour nos défenseurs centraux au LOSC.
Votre rôle et votre appétence pour le développement semblent vous positionner dans une temporalité très différente d’un coach principal et de son staff, qui ont une durée de vie finalement assez courtes. Le processus de décision du management peut aussi rapidement s’inscrire dans une vision à court terme, si les résultats sportifs et économiques ne sont pas probants.
Probablement, oui. Cependant, avec les joueurs, la temporalité reste courte. Dans l’approche de travail, notamment chez les plus jeunes, je fonctionne sur des plans cycliques. Nous nous fixons des objectifs à trois mois dans le respect de leur identité. Dans le développement individuel, la première étape pour moi, c’est d’identifier l’identité du joueur et ses caractéristiques fortes.
Est-ce que c’est un défenseur central qui va plutôt défendre en avançant ? Est-ce que c’est un milieu de terrain qui n’a que la compétence défensive ou est ce qu’il a la compétence de récupération, la capacité à organiser et faire progresser le jeu ? Est ce qu’il a la capacité à casser les lignes par la conduite ?
« Très peu de joueurs, même de niveau quart de finale de Ligue des champions, qui pourraient être dans les 100 premiers mondiaux au tennis »
Après, l’objectif va être d’identifier ses qualités fortes. Par exemple, j’ai travaillé avec des joueurs qui pensaient, avant que l’on ne travaille ensemble, que leurs qualités fortes étaient physiques. Cependant, c’était leur cerveau et leur capacité à emmagasiner toujours plus d’informations qui l’était. C’est pourquoi, la priorité est d’identifier cela, pour ensuite fixer un fil conducteur de travail. Je vais d’abord aider le joueur à jouer sur ses compétences.
Par exemple, très peu de joueurs, même de niveau quart de finale de Ligue des champions, pourraient être dans les 100 premiers mondiaux au tennis. Le joueur de football manque de process. L’objectif, c’est donc d’essayer de lui amener des process pour la performance, des routines.
« J’ai travaillé avec des joueurs qui pensaient, avant que l’on ne travaille ensemble, que leurs qualités fortes étaient physiques. Cependant, c’était leur cerveau et leur capacité à emmagasiner toujours plus d’informations qui l’était »
Je suis surpris par le nombre de joueurs, encore une fois, même de niveau quart de finale ou demi-finale de Ligue des Champions, qui n’avaient pas ces process de haut niveau. Cette compréhension de ce qui fait la performance et ce qui fait la constance de la performance, ou en tout cas, la constance dans l’absence de mauvaise performance, qui pour moi est une des définitions du très haut niveau.
Ensuite, nous allons définir des objectifs d’amélioration. Nous allons essayer de consolider les séquences préférentielles du joueur, d’amener de nouvelles compétences au poste et faire des points durant ces plans cycliques de trois mois. Mais effectivement, à l’échelle d’un club, est-ce que ce que j’aurai aidé le LOSC à mettre en place durera ?
Quelque part, cela ne me regarde pas. Je suis un compagnon de route, je fais un bout de chemin avec des joueurs très différents, comme Leny Yoro (17 ans), Carlos Baleba (18 ans), Adam Ounas (26 ans) ou encore Rémy Cabella (32 ans).
Voyez-vous des différences dans l’accompagnement de joueurs en devenir et de joueurs plus expérimentés ?
Cela dépend. Par exemple, Rémy Cabella est un joueur qui est très réfléchi, très mature, qui sait ce dont il a besoin. Il a cet instinct qui lui permet de voir s’il y a des choses qui lui manquent et d’aller les chercher.
C’est vraiment très intéressant de travailler avec lui sur cela. En revanche, il peut aussi y avoir des joueurs matures qui ne sont absolument pas réfléchis sur leur jeu, comme il peut y avoir de très jeunes garçons très matures, cadrés, avec lesquels on avance chaque semaine.
Sur la question des process de haut niveau, pensez-vous que cela relève de la responsabilité des centres de formation ?
Je ne le pense pas. Je ne sais pas jusqu’à quel point il faut demander au club de proposer un tel degré d’accompagnement. Dans un centre de formation où il y a 50 à 60 joueurs, cela prendrait un temps énorme de les suivre avec une telle proximité.
Certains joueurs y sont mieux préparés par leurs agents. Certains ne font pas très bien leur travail, d’autres le font très bien et entourent leurs joueurs avec les bons outils. Par ailleurs, certains entourages sont beaucoup plus bénéfiques à leurs joueurs que d’autres. En tant que club, nous arrivons pour donner un complément. Je ne pense pas que l’on puisse dire que c’est le travail du centre de formation de leur donner tous ces process là.
Je dis souvent à mes joueurs que ce que je leur demande, à leur âge, j’étais absolument incapable de le faire. En termes de cadre et de process, de la discipline de vie que j’ai réussi à m’imposer au fil des années. Je suis beaucoup plus capable de le faire aujourd’hui, mais à 23-24 ans, je n’avais pas les capacités me permettant de faire ce que je leur demande.
Par conséquent, ce que je leur demande, je leur demande avec beaucoup d’humilité et avec conscience qu’on demande énormément de choses à de très jeunes garçons. Mûrir, cela prend du temps et je sais que personnellement, cela m’a pris du temps.
Qu’est-ce que toutes ces expériences, les personnes que vous avez côtoyées, vous ont appris sur la nature humaine ?
J’ai énormément appris. J’ai énormément progressé dans l’optimisme. J’étais quelqu’un de soit rationnel, soit pessimiste, mais je pense voir les choses avec beaucoup plus d’optimisme qu’auparavant.
J’ai vu beaucoup de scénarios où rationnellement ce n’était pas possible et pourtant nous l’avons fait. Cela m’a appris à être beaucoup plus optimiste dans ma vie. C’est l’une des plus grandes leçons de mes dix années dans le football.
« J’ai vu beaucoup de scénarios où rationnellement ce n’était pas possible et pourtant nous l’avons fait. »
Il y a eu aussi énormément de leçons sur la communication. Ma communication a changé au fil des années, elle était beaucoup plus directe qu’elle ne l’est aujourd’hui. Aussi, je n’étais pas encore assez dans l’écoute.
Au bout de dix ans, j’ai tout simplement appris qu’il n’y avait aucune vérité dans le football. Nous essayons tous de trouver des chemins, des process et des outils pour aider. Je ne crois pas que ma méthodologie soit meilleure qu’une autre. Je ne pense pas qu’il n’y ait qu’une seule approche ou de vérité.
« Au bout de dix ans, j’ai tout simplement appris qu’il n’y avait aucune vérité dans le football »
J’ai tout simplement appris, en fréquentant autant de staffs et de joueurs différents, qu’il fallait avoir une vue très large. Je le résumerai en le fait d’avoir conscience de sa « blind zone », sa zone aveugle, ce qui est aussi important pour un joueur de foot d’ailleurs.
Il faut toujours réaliser qu’il y a des choses que l’on ne connaît pas et tout ce que les autres peuvent nous apporter. Au LOSC, j’ai la chance d’être entouré, comme à Paris et à Monaco, de beaucoup de gens qui me permettent d’éclairer certaines de mes zones aveugles et de me faire progresser.
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