L’atteinte de l’expertise est un chemin hautement individuel

Professeur des Universités à l’UFR STAPS de l’université Rouen Normandie, enseignant-chercheur au laboratoire CETAPS, mais aussi guide de haute montagne, Ludovic Seifert organise ses recherches autour de deux mots-clés: le couplage entre action et perception.

L’objectif ? Analyser deux objets dans le sport (donc le football) : l’apprentissage et l’expertise.

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Pourquoi l’approche dynamique écologique considère l’individu/le joueur ou l’équipe, comme des systèmes complexes adaptatifs ?

Historiquement, la notion de système vient de la théorie de la Gestalt (psychologie de la forme), qui dit que « le tout, c’est plus que la somme des parties ». Lorsqu’il est question de coordination inter-segmentaire (au niveau individuel), interpersonnelle (dans une équipe ou entre plusieurs équipes), cela veut dire que l’équipe, c’est plus que la somme des joueurs qui la composent. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il y a la notion d’interaction qui est fondamentale.

Cela veut dire qu’à un moment donné, dans la relation des joueurs entre eux, des segments entre-eux, des articulations entre-elles ou d’un individu avec son environnement, nous considérons que les interactions sont à la base de la façon dont nous prenons des décisions, dont nous percevons, dont nous nous mouvons et donc, dont nous agissons.

Alors, le couplage entre un individu et son environnement ou de deux individus entre eux, est la plus petite unité d’analyse. On ne peut donc pas dissocier un individu de son environnement et essayer de l’analyser en dehors de celui-ci, cela n’a pas de sens.

A chaque fois que nous évaluons un joueur, nous devons le faire dans le contexte le plus révélateur de sa pratique, pour que les éléments sensoriels, les informations sensorielles sur lesquels il base son comportement, ses décisions, etc., soient dans son environnement habituel de pratique.

Cela veut aussi dire que si nous mettons quelqu’un devant un écran, que nous lui demandons de regarder un match, afin qu’il nous dise quelle décision il prendra, cela peut être compliqué. En fait, ce qu’il voit, c’est un écran, un match. Il n’est pas sur le terrain, il ne voit pas ses partenaires, il a du mal à appréhender la profondeur et/ou la largeur, etc. Donc, la notion de système met au cœur ces problématiques d’interactions et la notion de complexité.

Elle montre à quel point nous ne pouvons pas supprimer ces interactions ou que nous ne pouvons pas dissocier les éléments qui constituent le système et qui interagissent. Nous ne pouvons pas couper une interaction en deux ou étudier les éléments séparément. Pourquoi ? Parce que dans l’interaction, il y a cette notion de codéfinition.

Dans un système complexe adaptatif, l’adaptation vient de la codéfinition des éléments entre eux. Il y a une forme de réciprocité, de mutualité, l’un déterminant l’autre, c’est quelque chose de cyclique. C’est une boucle.

« A chaque fois que nous évaluons un joueur, nous devons le faire dans le contexte le plus révélateur de sa pratique, pour que les éléments sensoriels, les informations sensorielles sur lesquels il base son comportement, ses décisions, etc., soient dans son environnement habituel de pratique. »

En sport collectif, il y a beaucoup d’analyses qui sont réalisées sur ce que nous appelons les SNA (Social Network Analysis), où les réseaux de passes, les réseaux de communication entre les individus, etc., sont analysés. Nous partons du principe que ces réseaux de passes peuvent être unidirectionnels, mais la plupart du temps, ils sont bidirectionnels.

Dans une équipe, nous allons pouvoir analyser le nombre d’individus concernés dans un réseau, relativement au nombre d’individu total. Nous regarderons le nombre de communications, si elles vont prioritairement dans un sens ou dans les deux sens, avec un individu ou avec un autre individu pour finalement, essayer de voir la prévalence d’un individu.

Nous pourrons identifier les individus qui sont incontournables dans une équipe (par qui le ballon passe tout le temps), puis ceux qui sont plutôt en bout de chaîne, qui sont plutôt à la conclusion des actions, par exemple. Cela permet d’étudier le comportement d’un réseau. On va dire que c’est une belle illustration d’un système complexe adaptatif.

« La capacité d’un système, c’est de s’adapter aux contraintes qu’il rencontre et qui sont fluctuantes. »

Après, ce réseau, il n’est pas forcément rigide, ni dans son fonctionnement ni dans sa structure. Une équipe composée de cinq joueurs, peut se structurer en 2-1-2, en 1-2-2, en 1-3-1, etc. Cela veut dire que l’équipe peut changer sa configuration spatiale, donc changer sa structure sur le terrain, elle peut passer d’une défense individuelle à une défense de zone…

Cela montre la capacité d’une structure à s’adapter en fonction de son environnement et l’environnement, là, c’est l’équipe adverse, c’est l’évolution du score, c’est l’évolution de la fatigue, etc. La capacité d’un système, c’est de s’adapter aux contraintes qu’il rencontre et qui sont fluctuantes.

L’atteinte de l’expertise est très souvent associée, voire conditionnée, à l’accumulation de pratique dite « délibérée » et au concept des 10 000 heures introduits par Karl Anders Ericsson, puis popularisés par Malcolm Gladwell (Outliers). Quelle est la perspective des approches écologiques sur ce thème ?

Je ne suis pas un spécialiste des travaux qui ont été réalisés sur la pratique délibérée, mais je peux en donner des éléments de définition. Dans la pratique délibérée, le terme « délibérée » sous-entend que des mécanismes cognitifs sont nécessaires et responsables de l’amélioration de la performance, en particulier une concentration importante, une prise de conscience, un focus attentionnel élevé, la mobilisation de connaissances et des efforts dédiés à une pratique dont le but est d’améliorer la performance.

Dans les approches écologiques, ce qui nous dérange, c’est cette notion de « délibérée » qui fait référence à une implication nécessaire des mécanismes cognitifs tels que l’utilisation de représentations mentales. Selon Ericsson, ce serait seulement grâce à cette pratique délibérée accumulée pendant de nombreuses heures de pratique (qui correspondrait à 10 000 heures ou dix ans de pratique) qu’une haute expertise serait atteinte. Il y aurait donc une corrélation positive entre la pratique délibérée intensive et le fait de devenir expérimenté (expérience), et plus encore expert (expertise).

« Le terme « délibérée » sous-entend que des mécanismes cognitifs sont nécessaires et responsables de l’amélioration de la performance, en particulier une concentration importante, une prise de conscience, un focus attentionnel élevé, la mobilisation de connaissances et des efforts dédiés à une pratique dont le but est d’améliorer la performance. »

Concernant l’expérience, cela semble assez évident, puisque l’individu y passe du temps. Sur l’expertise, j’émets des doutes, parce que nous savons que son atteinte n’est pas forcément linéaire. Elle peut se faire par paliers, avec des phases de régression et tout cela n’est pas seulement lié à des aspects purement moteurs, physiques ou physiologiques.

Il y a aussi un certain nombre d’aspects mentaux qui sont liés, par exemple, à des contre-performances, à des rencontres, à des interactions justement, qui font que parfois ça aide à progresser plus vite ou au contraire, ça réduit la progression.

Ces interactions ou ces rencontres peuvent se faire avec d’autres joueurs, d’autres compétiteurs ou avec l’entraîneur. Nous pouvons imaginer qu’un coach qui est énormément dans le contrôle, qui supervise beaucoup, qui est très présent, peut apporter autant de bien que de moins bien. Du bien, parce que le coaching, c’est une part de la motivation, mais cela peut aussi étouffer les joueurs, les empêcher de se révéler, de prendre des initiatives.

Ce que certains auteurs, dans les approches écologiques, mettent en avant, c’est que la pratique délibérée semble exclusive en donnant une voie unique d’accès à l’expertise (effort, concentration, focus sur la performance, spécialisation précoce, grande quantité de pratique, très supervisée) qui peut amener certains athlètes à se sentir un peu cadenassés, un peu enfermés, et à faire des contre-performances, surtout quand ça arrivait tôt dans la jeunesse, puisque les enfants ont besoin de s’épanouir, de grandir, de polyvalence, de jouer.

Ils ont besoin de jeu et de jeu qui n’est pas forcément structuré. Ils ont besoin de variabilité, ce que nous appelons la pratique variable. Ils ne sont pas que dans la performance dès le départ, dans un seul sport, organisé, supervisé et structuré. Ils sont dans des pratiques variables, dans des intérêts variables, avec cette notion de bien être qui ne passe pas forcément que par une focalisation sur la performance et qui ne nécessite pas que des efforts.

En fait, nous relativisons un peu la notion de pratique délibérée, parce qu’il y a eu des excès et des dérives. Notamment avec la détection des talents, sur des référentiels qui excluent des enfants qui ne rentrent pas dans les standards, alors que nous savons très bien que chez les jeunes, jusqu’à l’adolescence, il y a des pics de développement qui ne sont pas atteints forcément au même moment chez tout le monde, chez les garçons et chez les filles. Ces pics peuvent amener des effets retard ou au contraire, en avance, dans le développement de certaines capacités, ce qui pèse sur la performance.

« Plutôt que de regarder cette règle des 10.000 heures, nous ferions mieux d’évaluer réellement le potentiel de chacun et de développer chaque individu par rapport à son potentiel, plutôt qu’à un référentiel externe à lui. »

C’est une des critiques que nous adressons à la pratique délibérée, à la fois sur le développement, la motivation et l’apprentissage. Cela nous fait dire que finalement, plutôt que de regarder cette règle des 10.000 heures, nous ferions mieux d’évaluer réellement le potentiel de chacun et de développer chaque individu par rapport à son potentiel, plutôt qu’à un référentiel externe à lui.

Le fait de détecter les talents sur la base d’une taille minimum pour jouer au volley-ball, d’une taille de main minimum pour jouer au handball, etc., le fait d’avoir des standards qui vont exclure des individus, cela les amène parfois à des orientations sportives par défaut, plutôt que par choix. Cela amène à exclure des individus qui seraient en retard dans leur développement ou qui prendraient un chemin alternatif dans leur apprentissage alors que finalement, ils ont peut-être d’autres atouts, qui se développeront plus tardivement ou différemment.

L’approche écologique et dynamique, c’est plutôt une approche qui suit la dynamique d’évolution d’un athlète plutôt qu’à un moment T, regarder ce qu’il est et savoir s’il correspond oui ou non au standard, pour lui donner le droit de continuer, ou au contraire, de l’arrêter.

Comment caractériseriez-vous l’expertise ?

Dans les approches cognitivistes, ce qui est admis, parce que c’est ce que tout le monde connait, c’est qu’un expert est quelqu’un qui a un comportement hautement automatisé, routinier, stable et donc économique. Donc l’expertise, c’est la stabilité de la performance, c’est à dire être capable de reproduire une performance, un grand nombre de fois.

A un moment donné, nous pensions que cette stabilité de la performance était quand même beaucoup associée à la stabilité du comportement. C’est-à-dire que l’un allait avec l’autre. Puis finalement, nous nous sommes rendu compte que oui, la stabilité de la performance est ce que nous recherchons, mais que cette stabilité pouvait être obtenue à travers une forme de flexibilité ou de variabilité du comportement.

C’est quelque chose d’assez nouveau et dans les approches écologiques, c’est quelque chose que nous défendons. Nous retrouvons un petit peu cela avec les stades de l’apprentissage, c’est à dire que dans un premier temps, nous avons un certain nombre d’états stables qu’il faut construire et ensuite, ces états stables, il faut les rendre un peu flexibles. Il faut augmenter les possibilités d’action de chacun de ces états, les possibilités de fonctionnement, pour in fine, rendre ces états les plus économiques possibles.

« Nous pensons que ce chemin (l’atteinte de l’expertise) est hautement individuel et qu’il y a donc plusieurs façons d’y accéder. »

Ce qui fait le propre de l’expert, ce n’est pas seulement l’efficacité, mais c’est aussi l’efficience, donc l’efficacité à moindre coût. Rien de nouveau sous le soleil quand nous avons dit ça, cependant, ce qui est peut-être un peu plus nouveau dans les approches écologiques, c’est la façon dont nous y arrivons.

En fait, nous arrivons plus ou moins à tomber d’accord sur ce qu’est l’expertise ou ce qu’est un expert, en revanche, là où nous sommes peut-être un peu moins d’accord ou en phase avec les uns et les autres, c’est le chemin pour accéder à cette expertise.

Nous, nous pensons que ce chemin est hautement individuel et qu’il y a donc plusieurs façons d’y accéder. Le chemin, ce n’est pas forcément d’avoir une pédagogie que l’on appelle explicite, une pédagogie qui nous permettrait d’emmener tout le monde vers un état prédéterminé, qui est l’état de l’expert construit sur un modèle théorique. 

En gros, l’atteinte de l’expertise ce serait de se rapprocher de plus en plus, pas à pas, du comportement expert. Chaque fois que l’on dévierait de ce chemin, finalement, ce serait une erreur, un écart, qui serait considéré comme négatif. Nous, nous pensons que pour atteindre le comportement expert, il y a peut-être des détours à faire. Il y aura peut-être des phases de stagnation, peut-être même des phases de régression, des va et vient, etc.

« Ce qui fait le propre de l’expert, ce n’est pas seulement l’efficacité, mais c’est aussi l’efficience, donc l’efficacité à moindre coût. »

Ce que mettent en avant les approches écologiques, ce sont ces espèces de régimes, que nous appelons « intermittents ». Il y a des moments où nous nous cantonnons à notre comportement initial, des moments où nous explorons, des moments où nous revenons, des moments où nous repartons et en fait, nous naviguons comme cela entre l’exploration de nouveaux états et l’exploitation d’états stables existants déjà dans notre répertoire.

Cette navigation entre plusieurs états, avant d’en adopter un nouveau, peut prendre un certain temps. Ce qui va déterminer ce temps d’intermittence, c’est tout simplement l’éloignement entre le comportement que je vise ou la tâche que je veux réaliser et l’étendue de mon répertoire. Plus l’état visé est proche de notre répertoire, plus nous devrions y arriver rapidement et transiter vers une autre façon de faire, plus l’état visé est loin de nous et semble inaccessible, plus il nous faudra du temps pour changer. Nous avons tous une certaine forme de résistance au changement.

Ce que nous montrons dans nos travaux expérimentaux, c’est qu’une des caractéristiques de l’expertise, c’est ce qu’on pourrait appeler la multi-stabilité, c’est à dire d’avoir plusieurs états stables pour des contraintes équivalentes. En fait, pour une situation donnée, nous avons plusieurs façons de nous y prendre, plusieurs états stables, plusieurs techniques, plusieurs comportements possibles.

C’est quelque chose qui n’est pas tout le temps facile à accepter en tant que coach, parce que souvent, un coach dira « pour telle situation, vous ferez cela, pour telle situation, vous ferez cela », donc à chaque situation, un comportement adapté. Nous, ce que nous sommes en train de dire c’est : « pas forcément ».

En fait, pour une situation, il y a peut-être plusieurs façons de s’y prendre et peut être que la façon prioritaire pour un individu ne sera pas la façon prioritaire pour un autre individu. L’avantage d’avoir plusieurs façons de s’y prendre, c’est que nous pouvons choisir. Quand une façon de faire ne fonctionne pas, nous pouvons bifurquer sur une autre. C’est à dire que nous avons un plan B.

Alors, pourquoi ce n’est pas évident de considérer que c’est comme cela qu’il faut s’entraîner ? C’est que pour déterminer la meilleure façon de s’y prendre, il faut entraîner en même temps la prise de décision. Cela veut dire que parallèlement au travail sur les habiletés perceptives et motrices, nous travaillons aussi la prise de décision.

Les approches cognitivistes ou les approches traditionnelles partent du principe qu’il faut d’abord travailler les habiletés séparément et une fois que l’individu a augmenté son répertoire d’habiletés, il apprend à décider dans quel contexte il faut les utiliser. Ils ont tendance à séparer les problèmes.

D’un côté, l’apprentissage d’habiletés motrices, de l’autre côté, l’apprentissage de la prise de décision. Évidemment, la prise de décision venant après l’apprentissage des habiletés motrices. De façon caricaturale on pourrait dire qu’on commence par remplir sa boîte à outils avec des outils et ensuite, on apprend à utiliser les différents outils qu’on a dans sa boîte à outils.

« La prise de décision, c’est connecter une façon de faire aux besoins de l’environnement, c’est à dire au contexte. »

Dans les approches écologiques, ce que nous disons, c’est que lorsque nous achetons des outils, nous n’achetons que ce qui est utile à ce moment-là. Cela veut dire que lorsque nous achetons un outil, nous décidons de l’acheter parce que nous en avons perçu l’utilité.

Cela veut dire que nous entraînons la prise de décision en même temps que nous apprenons l’habileté motrice. Chemin faisant, nous ajouterons de nouveaux outils dans notre boite à outils, mais parce qu’à ce moment-là, ils nous sont nécessaires. Cela veut donc dire que nous en faisons la décision.

Il y a une espèce de codéfinition entre décider et développer l’habileté motrice qui correspond à cette décision. Cela veut dire que la décision, ce n’est pas un processus cognitif qui se fait en dehors de l’action, mais c’est un processus qui est hautement incarné, incorporé et qui passe par l’action. La décision, c’est un mécanisme actif.

Donc, comment l’individu développe son expertise ? Nous pensons que son développement se fait, non pas par étape, avec des priorités données à la motricité et ensuite à la prise de décision, mais en l’intégrant directement (la prise de décision) au développement des habiletés sensori-motrices. Et ça, dès le plus jeune âge et dès le début de la pratique, même chez les adultes, dans des pratiques qu’ils ne maîtrisent pas.

Dès le plus jeune âge, un individu apprend cette prise de décision, c’est à dire qu’il apprend à être multi stable, à avoir plusieurs états stables dans son répertoire moteur. Parce qu’en fait, la prise de décision, c’est connecter une façon de faire aux besoins de l’environnement, c’est à dire au contexte.

Nous partons du principe que nous apprendrons correctement une habileté parce que nous l’associerons au contexte dans lequel elle sera utilisée. Si nous apprenions un certain nombre de techniques, de façon décontextualisée, ce serait ensuite beaucoup plus dur d’apprendre aux gens à comprendre dans quel contexte il faut les utiliser. Encore une fois, on ne dissocie jamais l’apprentissage d’une habileté motrice, du contexte dans lequel elle est, dans lequel elle doit être faite ou peut être faite et donc de la prise de décision qui lui est associée.

« La décision, ce n’est pas un processus cognitif qui se fait en dehors de l’action, mais c’est un processus qui est hautement incarné, incorporé et qui passe par l’action. La décision, c’est un mécanisme actif. »

Dans la pratique, cela se manifeste par la pratique variable, c’est à dire que nous ne travaillons pas des situations qui sont fermées, mais des situations qui sont ouvertes. Nous ne travaillons pas des situations en les répétant, c’est à dire en faisant toujours la même chose, mais en les variant pour que les individus apprennent par effet de contraste.

C’est à dire qu’ils voient ce qui est nouveau dans la situation, ce qui est récurrent par rapport à ce qu’ils ont vu avant et donc, qu’ils repèrent les situations qui ont un air de famille avec la précédente. Le but est de pouvoir réinvestir certaines choses, transférer certaines choses et au contraire, innover sur d’autres aspects.

En faisant cela, ils apprennent deux choses : la multi stabilité, c’est à dire plusieurs façons de faire pour une situation donnée ou alors pour une façon de faire, ils apprennent à atteindre différents buts. Là, on ne parle plus de multi stabilité, mais de multifonctionnalité. C’est l’histoire du couteau suisse, avec un même objet, nous apprenons à faire plusieurs choses.

Vous utilisez parfois le terme dégénérescence (degeneracy) pour caractériser l’expertise. A quoi fait-il référence ?

La dégénérescence, c’est une autre façon de parler de la multi stabilité. C’est juste que la dégénérescence est le terme qui est utilisé en neurobiologie et que la multi stabilité est le terme qui est utilisé en physique. Etant donné qu’un phénomène ne s’arrête pas à la frontière d’une discipline, chaque discipline a tendance à baptiser un phénomène ou une propriété avec son propre langage.

Donc, la dégénérescence, cela n’a rien à voir avec des cellules qui dégénèrent, qui se dégradent. Ce serait une mauvaise traduction de l’anglais vers le français. La dégénérescence, cela veut juste dire multiple. En l’occurrence, qu’est ce qui est multiple ? C’est le nombre de structures. En neurobiologie, quand ils parlent de dégénérescence, c’est tout simplement le fait qu’il y a plusieurs structures pour atteindre une même fonction. C’est un peu ce que j’expliquais précédemment avec la multi-stabilité.

« Développer l’adaptabilité, c’est augmenter son potentiel de structure, augmenter son potentiel de fonctions pour une structure, pour à la fin, gagner en souplesse de fonctionnement. »

Ils parlent aussi de pluri potentialités, ce que d’autres comme Scott Kelso ou Hermann Haken, en physique, appellent la multifonctionnalité. C’est la relation inverse, c’est à dire que pour une structure, en l’occurrence une structure de coordination, une forme d’organisation du mouvement, a plusieurs fonctions possibles.

D’un côté, il y a la dégénérescence ou multi stabilité : plusieurs structures pour atteindre une fonction et de l’autre côté la multifonctionnalité ou plurifonctionnalité : une structure qui peut avoir plusieurs fonctions. C’est quelque chose d’assez intéressant, parce que l’idée, c’est de travailler les deux.

C’est ce qui donne de la flexibilité à un système et qui le rend adaptatif. Développer l’adaptabilité, c’est augmenter son potentiel de structure, augmenter son potentiel de fonctions pour une structure, pour à la fin, gagner en souplesse de fonctionnement.

Il semblerait aussi qu’experts et débutants spécifient, de manière assez différente, les informations présentes dans leur environnement. Fonctionnellement pour les uns et structurellement pour les autres.

Je ne sais pas si on peut dire qu’ils spécifient l’information de façon plus fonctionnelle ou plus structurelle. Je dirais que les débutants considèrent plutôt des aspects structurels de l’environnement.

Par exemple, en escalade, la forme et/ou la taille des prises sont à la base de leur prise de décision. Je ne dis pas que chez les experts, ce n’est pas le cas, mais chez les débutants, c’est relativement exclusif. Pour eux, par exemple, une grosse prise étant assimilée à une bonne prise, ils iront vers celles-ci.

Ils iront plus difficilement vers les petites prises, car plus compliquées à attraper, ou les prises qui sont au-delà de la taille du bras, car trop loin. Ils auront du mal à voir/savoir quoi faire avec des prises qui sont plates, donc ils n’iront pas. En revanche, une prise qui est creuse, ils iront. En fait, ils s’intéressent à des aspects de structure qui peuvent quelquefois masquer des aspects fonctionnels, c’est-à-dire, ce que nous pouvons faire avec.

« Les débutants s’intéressent à des aspects de structure qui peuvent quelquefois masquer des aspects fonctionnels, c’est-à-dire, ce que nous pouvons faire avec. »

Concernant l’expert, nous disons qu’il regarde davantage les aspects fonctionnels et c’est pour cela que nous parlons d’affordance. Une affordance, c’est ce qui définit les opportunités d’action, c’est-à-dire : en quoi l’environnement m’offre des opportunités d’action ?

Cela veut dire que nous n’allons pas demander à quelqu’un de regarder la taille d’une prise, la distance, combien il y en a, la densité, etc., mais nous allons lui demander ce qu’il peut faire avec. Nous allons lui demander de s’adapter à l’environnement et de le percevoir sous forme d’actions possibles. Pourquoi ça ? Tout simplement parce qu’une prise qui semble petite pour un individu, peut être grosse pour un autre individu.

Lorsqu’une prise est petite pour un adulte et qu’il arrive à mettre seulement deux doigts dessus pour se hisser en escalade, un enfant pourra mettre toute sa main. Pour l’adulte, cela « affordera » une prise difficile, mais pour lui, cela « affordera » une bonne prise.

Néanmoins, la notion de bonne ou pas bonne, est quelque chose de très subjectif. Pourquoi ? Parce qu’une prise peut être tellement étroite, qu’elle ne me permet pas de passer mes doigts derrière, alors qu’au contraire, quelqu’un qui a les doigts plus petits, pourra le faire et mettre tous ses doigts.

Il faut donc davantage s’intéresser aux aspects fonctionnels, c’est à dire à ce qu’offre la prise en termes de possibilités d’action. D’ailleurs, on voit bien que ces possibilités d’action sont relatives aux capacités de chaque individu. Ces mêmes capacités étant liées à des aspects anthropométriques, par exemple, à la force, à la souplesse, à la taille, etc.

« La perception est un mécanisme qu’il faut rapporter aux capacités d’action d’un individu et qu’il faut définir en termes d’actions possibles, plutôt qu’en termes de structure. »

Donc une prise qui se trouve au-delà de ma main ou de la taille de mon bras, a priori, je ne peux pas l’attraper. En revanche, si je saute et qu’elle est très « crochetante », je pourrais l’atteindre et la saisir. Maintenant, si je pesais 130 kilos et que j’étais incapable de sauter, d’avoir de la détente, peut être que je me satisferais d’une prise qui est plus proche.

Cette prise qui est loin aurait beau être super « crochetante », je n’aurai pas la détente pour la saisir. Donc, on voit bien que la perception est un mécanisme qu’il faut rapporter aux capacités d’action d’un individu et qu’il faut définir en termes d’actions possibles, plutôt qu’en termes de structure. La structure est la même pour tout le monde, mais les possibilités d’action sur cette structure, elles, sont propres à chacun.

« La capacité d’un expert, c’est justement de se détacher des aspects structurels de l’environnement pour le percevoir en termes d’actions possibles. »

Lorsque je demande à un individu de percevoir l’environnement, je lui demande toujours de le percevoir en termes d’actions possibles. C’est là qu’un expert exerce toute son expertise. La capacité d’un expert, c’est justement de se détacher des aspects structurels de l’environnement pour le percevoir en termes d’actions possibles.

C’est la même chose en sport collectif. S’il y a 5 mètres d’écart entre deux adversaires, certains vous diront qu’ils perçoivent un espace libre, parce qu’ils sont très rapides et qu’ils vont pouvoir courir entre les deux. D’autres vous diront qu’ils ne sont pas assez rapides et que s’ils vont dans l’intervalle, c’est sûr que les adversaires le refermeront avant qu’ils n’y soient.

Pourquoi ? Parce qu’ils sont plus lents, parce qu’ils sont plus petits, qu’ils ont une foulée qui est moins grande, etc. Donc à un moment donné, il ne faut pas s’arrêter aux aspects structurels et il faut les traduire ou les retranscrire en possibilités d’action, ce qu’on appelle les affordances

Pourquoi lorsqu’un individu débute une activité, il a tendance à « geler » les degrés de liberté ?

Lorsque nous débutons, nous gelons les degrés de liberté, parce que nous ne savons pas, nous sommes naïfs, nous sommes nouveaux, donc nous nous disons que plus nous déployons de moyens, plus nous avons de chances d’y arriver. Nous sortons tout l’arsenal. D’ailleurs, que ce soit un enfant ou un adulte débutant, les processus sont les mêmes et comme dans notre activité, nous ne pouvons pas isoler la motricité des émotions… La façon la plus basique de définir une émotion, c’est de dire que c’est l’écart qui existe entre ce qui est attendu et ce qui est vécu. Plus cet écart est grand, plus il nous surprend, en positif comme en négatif.

Du coup, cela amène à une certaine réaction physiologique, comportementale, évaluation cognitive, etc., nous voulons tout mettre de notre côté pour y arriver. Mais en mettant tout de notre côté pour y arriver, nous utilisons plus de ressources que de raison. Ce qui fait que nous pouvons avoir un coût énergétique important quand nous débutons, parce que nous mobilisons plus de ressources que ce qu’il faut et que nous ne le mobilisons pas forcément bien.

Nous contractons plus, nous contractons tout en même temps et à la fin, ça nous coûte plus. Nous avons alors un mouvement qui est soit inapproprié, soit peu fluide.

« La façon la plus basique de définir une émotion, c’est de dire que c’est l’écart qui existe entre ce qui est attendu et ce qui est vécu. »

Finalement, quand nous gagnons en expérience, nous avons un meilleur couplage avec l’environnement, nous ne faisons pas qu’exploiter des forces internes (musculaires), nous commençons à utiliser ce que nous appelons des forces externes (par ex la force gravitaire). En escalade, elles vont nous permettre de nous tracter, nous hisser ou de pousser sur nos jambes.

Dès qu’il y a un mouvement, si vous commencez à vous bloquer pour éviter que votre corps ne bouge, cela vous coûte cher. En revanche, si en escalade, vous utilisez la gravité, que vous acceptez ce mouvement de balancier/pendule, vous pourrez attraper une prise qui est éloignée.

En escalade, c’est comme en gymnastique, si nous entretenons le mouvement de pendule, à un moment donné, la gravité nous servira à accélérer. Donc cela veut dire que nous utilisons des forces qui ne sont plus simplement des forces internes, liées à l’activité musculaire, mais des forces externes qui peuvent être liées à la force gravitaire.

« Nous avons tendance à nous opposer lorsque nous sommes débutants, à résister, alors que lorsque nous gagnons en expérience, nous avons tendance à nous connecter à l’environnement, à faire corps avec lui, à trouver des ressources dans l’environnement. »

En natation, cela peut être la poussée d’Archimède. En sport de combat, cela peut être d’utiliser la force de l’autre. Si mon adversaire me tire, alors je le pousse. S’il me pousse, alors je le tire. Lorsque nous sommes débutants, ce n’est pas comme cela que nous raisonnons : si mon adversaire me tire, alors je le tire encore plus fort. S’il me pousse, je le pousse plus fort.

Nous avons tendance à nous opposer lorsque nous sommes débutants, à résister, alors que lorsque nous gagnons en expérience, nous avons tendance à nous connecter à l’environnement, à faire corps avec lui, à trouver des ressources dans l’environnement. Un environnement physique, humain, matériel ou autre.

En faisant cela, nous ne mobilisons pas notre corps plus que ce qui nous semble utile. Tout ce qui nous semble inutile, nous ne le mobilisons pas, nous le relâchons. Donc le relâchement des degrés de liberté, c’est tout simplement de ne pas utiliser ce qui n’est pas utile dans la tâche.

Il faut comprendre que ce n’est pas parce que nous relâchons les degrés de liberté, que finalement, nous ne faisons plus rien. Nous apprenons à allouer les ressources différemment et à aller chercher des ressources ailleurs que dans notre propre corps. L’environnement est source de ressources.

Comment est-ce que l’éducateur/entraineur qui accompagne ces sportifs, ces joueurs, peut-il favoriser la convergence entre ce que chaque individu est capable de faire et les objectifs de l’équipe ?

Il y a deux approches qui s’opposent. Les approches cognitivistes parlent de shared knowledge (connaissances partagées) et les approches écologiques parlent de shared affordances (affordances partagées).

Faire appel à des connaissances partagées, cela veut dire que chaque entraîneur, par exemple, définit un projet de jeu collectif dans lequel il détermine le périmètre associé à chaque poste (actions, tâches, etc.), mais comme les joueurs ne jouent pas tout seul, il faut que le périmètre de l’un soit compatible ou s’articule avec le périmètre de l’autre, afin qu’ils puissent jouer ensemble et interagir.

Donc, nous pensons que c’est en partageant les connaissances et en les construisant ensemble que, à un moment donné, nous avons des connaissances partagées. Ces connaissances ne sont pas simplement la somme des connaissances individuelles, mais ce sont des connaissances communes. Des connaissances que l’on pourrait imaginer coconstruites.

« Il y a toujours une dose d’incertitude qui fait que le partage des connaissances est insuffisant, de mon point de vue. »

D’ailleurs, c’est déjà mieux de coconstruire des connaissances, plutôt que d’additionner des connaissances individuelles pour arriver à un projet de jeu collectif. Néanmoins, je pense que cela ne suffit pas, la notion de connaissance préalable ne suffit pas.

Parce que les connaissances, c’est quoi ? Ce n’est, ni plus ni moins, qu’imaginer un algorithme contenant tous les scénarios qui pourraient arriver. Donc, on pourrait imaginer que sur son tableau blanc, le coach dessine les joueurs et qu’il dise : « si tel joueur va ici, alors celui-là ira là, etc. ».

On ne peut pas dresser la liste de toutes les connaissances, de tous les algorithmes, de tout ce qu’il faut appliquer, parce que nous ne pouvons pas tout stocker en mémoire, et croire qu’il faut réactiver pour agir. Cela se passe rarement comme nous l’avons prévu. Il y a toujours une dose d’incertitude qui fait que le partage des connaissances est insuffisant, de mon point de vue.

Alors, lorsque on est plutôt sur l’approche des affordances partagées, on apprend à détecter collectivement des opportunités d’actions. Si je connais les capacités d’action de mon coéquipier, je saurais si je dois lui mettre le ballon dans les pieds ou dans l’espace, s’il va aller fixer l’espace libre ou l’adversaire, etc.

Ce que nous partageons, ce sont donc des opportunités d’actions que nous co-définissions par nos relations réciproques. Nous ne nous basons plus sur un ensemble de connaissances ou schémas tactiques préalables à l’action, mais nous nous basons directement sur les opportunités d’actions qui sont déterminées par des principes (par ex attraction, répulsion, alignement) régissant nos relations à nos partenaires et adversaires.

Alors, que fait le coach pour éduquer ses joueurs ? Il édicte des grands principes qui doivent permettre de garder l’équilibre de l’équipe, la collaboration de l’équipe, qui doivent permettre aux joueurs de s’auto-organiser (plutôt qu’agir comme des prescriptions externes qu’ils doivent appliquer), tels que : l’occupation de l’espace, être étagés, être écartés, etc.

« Nous ne nous basons plus sur un ensemble de connaissances ou schémas tactiques préalables à l’action, mais nous nous basons directement sur les opportunités d’actions qui sont déterminées par des principes (par ex attraction, répulsion, alignement) régissant nos relations à nos partenaires et adversaires »

Finalement, nous avons de grands principes qui doivent être perceptibles par tout le monde en même temps. C’est ce qui fait que tout le monde perçoit et partage des affordances.

Alors que si nous étions simplement sur le partage de connaissances, chacun aurait son petit périmètre et appliquerait les connaissances qui sont censées réguler sa façon d’agir. Dans ce deuxième cas, on voit bien que ce qui est au cœur, ce n’est pas l’interaction, alors que dans la notion de shared affordances, ce qui est au cœur, c’est l’interaction. Cela veut dire que si moi je le perçois, l’autre doit être capable de le percevoir aussi.

Culturellement, nous avons tendance à penser que l’entraineur est celui qui doit directement faire émerger les comportements des joueurs. Les approches écologiques défendent le fait que ce sont la situation d’apprentissage et les contraintes qui y sont associées qui doivent faire émerger ces comportements. Ce sont des notions qui peuvent être difficiles à appréhender car elles peuvent être perçues comme un appauvrissement du rôle de l’entraineur.

Je pense que ce qui rassure les éducateurs, les coachs qui ne sont pas familiers avec les approches écologiques, c’est de dire les choses explicitement aux joueurs : « il faut que tu sois là sur le terrain et que tu fasses les choses de telle manière, etc. ».

Le fait de donner des instructions, d’avoir une pédagogie qu’on appelle explicite, c’est à dire qui établit une relation de cause à effet, cela rassure l’entraîneur et les joueurs parce qu’ils ont l’impression de savoir ce qu’ils ont à faire.

Cela dit, comme vous l’avez mentionné, dans la pratique, cela ne se passe pas comme cela, car il y a énormément d’incertitudes. Les situations n’étant pas statiques, mais dynamiques, une fois que nous avons fait ce que nous avions prévu, l’adversaire le sait et forcément, il ne sera pas naïf par la suite. Il faut donc être capable de changer.

« Le fait de donner des instructions, d’avoir une pédagogie qu’on appelle explicite, c’est à dire qui établit une relation de cause à effet, cela rassure l’entraîneur et les joueurs parce qu’ils ont l’impression de savoir ce qu’ils ont à faire. »

Dans les approches dynamiques et écologiques, ce que nous postulons, c’est qu’au lieu d’expliquer aux joueurs ce qu’ils doivent faire et d’appliquer des connaissances qui ne fonctionneront que dans un certain nombre de cas, nous préférons leur apprendre des principes qui sont immuables et qui reposent sur la structure et l’organisation collective.

Ces principes, ce sont les aspects fonctionnels que j’évoquais précédemment, lorsque je disais que les affordances étaient des opportunités d’actions. On parle bien ici de possibilités à saisir ou à rejeter, plutôt que de prescriptions à suivre à la lettre. Les instructions du coach sont donc utiles dès lors qu’elles ouvrent des possibles, pour maintenir la viabilité des interactions et cela au regard du projet de jeu.

Ensuite, comment mettre cela en pratique ? Par la manipulation des contraintes. C’est à dire que ces grands principes de fonctionnement, bien évidemment, sont parfois difficiles à percevoir que nous n’allons pas les expliquer aux joueurs.

Nous ne cherchons pas à construire des connaissances. Nous cherchons juste à leur faire vivre ces principes par l’action. Alors, que peut faire l’entraîneur ? L’entraîneur, c’est un architecte, c’est un designer. C’est quelqu’un qui va aménager l’espace pour faire émerger les solutions comportementales dans des espaces réduits, ou à l’inverse, quand on augmente les espaces, que ce soit dans la profondeur ou dans la largeur.

Du coup, il va contraindre, par des contraintes de tâches ou autres, le pouvoir d’agir de chacun pour faire émerger des solutions, en ouvrant ou en fermant l’étendue des possibles, on change le pouvoir d’agir, donc le fonctionnement, et éventuellement, on déstabilise l’organisation, c’est à dire les aspects structurels de l’équipe.

« Nous ne cherchons pas à construire des connaissances. Nous cherchons juste à leur faire vivre ces principes par l’action. »

Ensuite, ce qui est difficile et c’est ce qui fait l’expertise d’un coach, c’est de savoir comment déplacer le curseur, c’est à dire comment il contraint plus ou il contraint moins. Quand on joue sur les aspects spatiaux d’un terrain, c’est savoir de combien il faut diminuer la largeur et/ou la profondeur du terrain. Savoir quand être à 11 contre 11, à cinq contre cinq ou à trois contre trois. Ce n’est pas évident au début. Il faut savoir ce que l’on recherche, ce que l’on risque de trouver. Donc, effectivement, c’est peut-être tout cela qui rend cette approche difficile, savoir comment manipuler ces contraintes.

Néanmoins, ce qui est évident, c’est que la manipulation des contraintes permet d’éprouver les principes de fonctionnement que nous avons envie que les joueurs s’approprient par l’action, plutôt que par une longue explication de texte.

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