Réflexion théorique et historique de © Jean-Francis Gréhaigne, professeur des Universités honoraire en STAPS de l’Université Bourgogne Franche-Comté.
Chaque dimanche vous recevrez des idées sur l’analyse du jeu, l’entrainement ou encore l’apprentissage.
Pour Vergnaud, Halbwachs, Rouchier (1978), les expressions de représentations et de mode de raisonnement sont couramment utilisées pour désigner la façon dont un sujet comprend et traite une notion ou une classe de situations : mode de raisonnement renvoyant plutôt aux procédures mentales du joueur en situation ; représentation renvoyant à l’ensemble structuré de concepts et de préconcepts sur lequel s’appuie le raisonnement.
Un invariant opératoire est un concept, qui permet d’une part, de mettre en évidence le fait que se constitue en objet logique stable donc invariant pour le sujet une classe de phénomènes soumise auparavant à variation. D’autre part, cela souligne que le critère de l’acquisition d’un invariant est l’action du joueur en situation de jeu. Le concept d’invariant implique donc un équilibre entre situations en évolution constante et la nécessaire adaptabilité au jeu.
En football, les compétences tactiques et les processus cognitifs sous-jacents à la prise de décision dans le jeu sont considérés comme des conditions essentielles pour l’excellence de la performance sportive. Au cours d’un match émergent de nombreuses situations dont la fréquence, l’ordre chronologique et la complexité ne peuvent être prédits. Cela exige des joueurs de grandes capacités d’adaptation et des réponses immédiates en fonction du caractère de l’opposition dans chaque phase du jeu (Gréhaigne, 1989 ; Hughes, 1980). Dans ces situations d’opposition, on peut observer la tactique à travers l’organisation temporelle et spatiale du jeu. La récupération et les mouvements du ballon ainsi que les appels de balle des coéquipiers constituent souvent des indicateurs précieux pour les attaquants (Duprat, 2007).
« L’intelligence tactique est l’art et la science de déterminer ce que l’opposition fait ou pourrait faire, pour empêcher l’accomplissement de votre tâche »
En fait, tous les jeux sportifs collectifs d’invasion restent soumis à des principes empiriques de fonctionnement qui se révèlent communs et identiques. Ces sortes d’invariants opératoires constitutifs permettent au joueur de capturer, sélectionner et intégrer les informations présentes dans une situation et de les traiter grâce à des catégories de pensée qu’il a élaborées. L’effectuation est fonction des caractéristiques particulières de la situation rencontrée ; à partir des informations et du but, un calcul est opéré en jeu qui détermine notamment les règles d’action à utiliser. Ce calcul est conscient ou non conscient. En fonction des configurations du jeu, les anticipations, les règles d’actions et les enchaînements d’opérations varient.
Au départ, l’intelligence tactique, c’est l’intelligence militaire qui collecte les informations variées nécessaires par les commandants afin d’anticiper ce qui peut arriver sur un champ de bataille en constante évolution. Ce type d’information doit être rapide afin d’être utile, une évaluation erronée d’une situation donnée peut entraîner la perte de la bataille. L’intelligence tactique est l’art et la science de déterminer ce que l’opposition fait ou pourrait faire, pour empêcher l’accomplissement de votre tâche. Elle est utilisée pour appuyer la prise de décisions relatives à la planification du combat et son exécution afin d’anticiper ce qui peut arriver sur le champ de bataille (Gréhaigne, & Nadeau, 2015).
Pour compléter cette première approche, un petit retour historique devrait nous aider à construire une meilleure compréhension avec une meilleure utilisation des aspects invariants du jeu en football.
Les travaux de Friedrich Mahlo (1965 et 1966 pour sa publication en allemand) constituent un référent pour les sports collectifs. L’auteur établit des relations entre des connaissances fondamentales et une méthodologie propre aux sports collectifs. « Le fait de résoudre par l’action des problèmes en situation de jeu oblige le plus souvent à ordonner avec discernement la situation problématique et la solution et cela apporte au joueur des connaissances subjectivement nouvelles.
Comme l’activité en jeu représente dans son essence même, la solution de nombreux problèmes, apparaissant dans telle ou telle situation, la pensée tactique, en tant que processus intellectuel de cette solution, est une composante indissociable de cette activité » (Mahlo, 1969, p. 29). Sur le plan des présupposés théoriques, il nous semble justement que Mahlo a été influencé par la théorie de l’activité au sens psychologique tel que développé par Leontiev (1957 ; 1972 pour un ouvrage en langue française) à la suite de Vygotsky (1933).
Figure 1. Les phases de l’action de jeu selon Mahlo (1969)
L’analyse de l’action tactique dans les jeux sportifs (figure 1) est donc, en définitive, l’analyse de l’activité en jeu elle-même. Cette attitude vis-à-vis de l’analyse de l’action de jeu fait qu’il existe une interaction entre les fonctions psychiques et la forme réelle ou le type d’activité pour les joueurs. Lorsqu’on analyse l’action tactique, il faut donc partir de ses formes concrètes spécifiques et des signes qu’elle génère.
La solution motrice est en rapport avec le choix des réponses et le moment de leur exécution. Ayant reçu et filtré les informations recueillies sur les configurations du jeu, le joueur doit maintenant décider de l’action appropriée. L’expérience, le répertoire de réponses disponibles, la mémoire, le savoir tactique, les sensations, le jugement et l’activité mentale ont un impact direct sur la détermination du « quoi faire » et du « quand le faire ». De plus, certains facteurs psychologiques tels que l’expérience, la motivation, la place et le statut dans l’équipe ou la confiance influencent aussi cette décision. Le mouvement ou l’action motrice qui en résulte est par conséquent le fruit d’une décision réfléchie, complexe et volontaire.
« L’expérience, le répertoire de réponses disponibles, la mémoire, le savoir tactique, les sensations, le jugement et l’activité mentale ont un impact direct sur la détermination du « quoi faire » et du « quand le faire ». «
Ainsi pour Mahlo, toute activité de jeu est un acte forcément tactique, quel que soit le niveau où se situe le joueur. Il consiste à résoudre pratiquement, et dans le respect des règles primaires de l’activité, un grand nombre de problèmes posés par les diverses situations de jeu. Dans cette complexité, nous pouvons, néanmoins, distinguer différents niveaux d’abstraction qui consistent à :
Par ailleurs, Teodorescu (1965) vise à mettre en évidence des principes pour l’étude de la tactique commune aux jeux sportifs collectifs. L’auteur se consacre au fonctionnement interne de l’équipe à l’aide d’analyses (techniques, tactiques, etc.) très précises.
Les organisations offensives et défensives sont caractérisées par « des bases, des principes, des facteurs » qui constituent un inventaire très complet de l’ensemble des éléments à prendre en compte pour le bon fonctionnement d’une équipe.
Même si ce type d’inventaire reste parfois formel, il concourt à une meilleure compréhension de la structure d’une équipe et des modalités de l’affrontement en soulignant la nécessaire coordination réciproque des actions individuelles et collectives.
« Toute activité de jeu est un acte forcément tactique, quel que soit le niveau où se situe le joueur. »
L’autre contribution de cette approche, par rapport aux méthodes d’enseignement traditionnelles basées sur le découpage en morceaux élémentaires des aspects gestuels chers au technicisme, a consisté à changer la conception d’une équipe. Le groupe de joueurs n’est plus la somme des individus qui la composent, mais un ensemble structuré et dynamique en vue de la réalisation d’un projet commun. Il doit exister une coordination réciproque des actions individuelles et collectives à partir de principes généraux pour mieux comprendre et organiser le jeu. Enfin, Teodorescu (1977) montre aussi l’importance de la notion de plan de jeu (préparation directe de la compétition) et présente une pédagogie instructive où l’assimilation des données repose sur la répétition.
Pour Deleplace (1966, 1979) et Villepreux (1987) au rugby, techniques et tactiques collectives de base doivent être approfondies en même temps dans leur rapport de réciprocité. Un sport collectif ne s’enseigne pas par chapitres successifs, qu’il suffirait d’accumuler les uns après les autres dans le temps, pour aboutir au jeu complet. Il faut tout au long de la formation conserver le jeu réel, source de l’intérêt en même temps que champ d’expérience… Pour l’enseignement, la solution, préconisée par ces pionniers, réside dans l’utilisation de jeux à effectif réduit…
Enfin, la clef de voûte des problèmes dans les sports collectifs réside toujours dans une vue claire des liens vivants du jeu, qui sont le produit des éléments objectifs suivants : les courses des attaquants et des défenseurs avec leurs directions et leurs changements de direction, leurs vitesses et leurs changements de vitesse (changement de rythme) ; la vitesse, la direction et le sens du déplacement de la balle. Pour chercher à saisir la vie du mouvement dans sa totalité, il faut donc appréhender ensemble le mouvement du ballon et le mouvement des joueurs dans une réciprocité nécessaire des deux équipes antagonistes.
« Un sport collectif ne s’enseigne pas par chapitres successifs, qu’il suffirait d’accumuler les uns après les autres dans le temps, pour aboutir au jeu complet »
Dans un ouvrage précurseur, Deleplace (1979) a proposé́ une avancée remarquable dans la conceptualisation du jeu de rugby et une piste pour un regard nouveau sur les Jeux sportifs collectifs. Pour cet auteur, la gestion par les joueurs des liens d’opposition repose sur une prise d’information pertinente des signaux fournis par le jeu. Cela nécessite aussi une compréhension commune et des comportements variés et adaptables permettant la suppléance dans les rôles provisoires en fonction du contexte situationnel. Dans cette optique, les prises d’information constituent le fondement de la disponibilité motrice et tactique du joueur. Cette nécessaire « conscientisation » permet au joueur d’orienter le jeu en possédant un schéma abstrait qui rend compte, de façon opératoire au niveau mental, de la logique d’action correspondant à la situation évolutive particulière à laquelle se rapporte la configuration du jeu en cours. Cela se réalise de façon opératoire, c’est-à- dire d’une façon qui permet au joueur d’agencer les éléments du jeu. Il le fait particulièrement grâce à la possibilité d’anticipation mentale dans l’élaboration d’une suite de décisions au fil de l’action.
D’une “enveloppe générale”, logique globale articulant “matrice offensive” et “matrice défensive”, l’étude du jeu est approfondie au travers d’une “complexification croissante des matrices”. Le produit abstrait résumant cette analyse est nommé “référentiel commun”. Il constitue un modèle des actions possibles au moyen duquel se construit un “langage commun”, instanciation située du référent par et pour chaque équipe. Objet de communication, cette “langue de jeu” est à la fois outil pour penser et développer la pensée tactique.
À la suite du travail de Deleplace, la pédagogie des modèles de décision tactique (Bouthier, 1986, 1988 ; David, 1984 ; Diaz, 1983 ; Reitchess, 1983 ; Stein, 1981…) « postule que l’intervention des processus cognitifs est décisive dans l’orientation et le contrôle moteur des actions. Elle suppose que la présentation des repères perceptifs significatifs et des principes rationnels de choix tactiques organise de façon majorante les effets du passage à l’acte, y compris en termes de qualité de l’exécution » (Bouthier, 1986, p. 85).
Ces résultats d’études montrent néanmoins un réel intérêt pour l’étude de ces problèmes que représentent les processus cognitifs mis en œuvre par les joueurs pendant le jeu. Pour illustrer les travaux effectués autour de la pédagogie des modèles de décisions tactiques (PMDT), nous nous appuierons sur les recherches effectuées par Bouthier (1984).
« La gestion par les joueurs des liens d’opposition repose sur une prise d’information pertinente des signaux fournis par le jeu. »
L’idée centrale de ce modèle didactique repose sur l’hypothèse que la présentation des informations essentielles et relatives à l’orientation tactique des actions se produit en situation de deux contre deux. Elles sont ensuite mises en œuvre dans des unités tactiques relativement isolables du jeu.
Cette méthode donne de meilleurs résultats sur l’apprentissage et les performances des joueurs que les deux autres méthodes pédagogiques à la base de l’étude de Bouthier (pédagogie des modèles d’exécution qui repose sur l’apprentissage par le joueur de solutions efficaces produites par les experts, et pédagogie des modèles auto-adaptatifs), s’appuyant sur des variations judicieuses d’aménagement du milieu pour faire découvrir les solutions et développer les habiletés (Lenzen, Poussin, Deriaz, Dénervaud, & Cordoba, 2010). Sans pouvoir apporter de preuve définitive de ce constat.
Cette étude suggère que la PMDT comporte une légère supériorité. Une synthèse ultérieure semble montrer que c’est plutôt une circulation entre les différents modèles qui est fonctionnelle pour optimiser les apprentissages.
Maintenant, nous allons en revenir aux auteurs du football
Avec le temps, l’entraînement s’est progressivement développé au sein des meilleures équipes françaises grâce à la création de stages nationaux d’entraîneurs à partir de 1942 organisés par la Fédération Française de Football (FFF). Quelques auteurs y ont également contribué. Paul Frantz (1975) entraîneur renommé et professeur au CREPS de Strasbourg s’appuie effectivement sur des connaissances scientifiques pour concevoir l’entraînement tactique de son équipe et cherche à ne pas enfermer les joueurs dans des combinaisons trop fixées à l’avance (Grün, 2011). Paul Frantz introduit des confrontations systématiques dans les jeux qu’il propose à l’entraînement.
Technique et condition physique ne sont pas évacuées, mais elles ne sont que des moyens pour proposer la réponse la plus adaptée possible aux problèmes posés en match par les contraintes temporelles, spatiales ou événementielles. C’est également un des pionniers de l’utilisation du jeu à effectif réduit et du soutien systématique au porteur de balle ainsi, que du recours croissant aux jeux et aux situations-problèmes favorise également les relations interindividuelles entre joueurs qui sont invités à opérer leurs propres choix. Une forme «d’entraînement intégré́» qui associe les quatre composantes de l’entraînement: technique, tactique, physique et psychologique.
Méot et Plumereau (1979, p. 59) signalent que « l’enseignement d’un jeu sportif collectif ne peut être réduit à un apprentissage (par imitation et répétition) d’une gamme de gestes techniques, comme une « série de réponses » correspondant à une série de «situations problèmes». La perspective d’acquérir une attitude de décision permet au joueur d’opérer un choix pour agir dans une situation déterminée, entre autres, par les paramètres suivants :
Ici, l’activité perceptive et décisionnelle devient première. On constate que l’intérêt est déjà sur des aspects de tactique individuelle. Méot (1982) ajoute que la formation doit consacrer du temps au développement de l’aptitude à observer fidèlement et méthodiquement, car l’absence de données fiables sur la réalité du jeu entraîne une connaissance empirique éphémère. La rénovation de l’enseignement des sports collectifs passe par :
Il est souligné que la pédagogie ne doit plus viser exclusivement le développement d’habiletés spécifiques, mais viser le développement des capacités et compétences porteuses de potentialité de transfert. Dans le jeu, l’élaboration de réponses nouvelles dépend de la pression temporelle à l’intérieur d’un match (vitesse d’élaboration des réponses). Il faut donc jouer «avec» et «sur» le temps dont on dispose pour apprendre.
André Menaut (1980) propose une contribution à une théorie du jeu sportif. Le déroulement d’un jeu sportif est un processus d’interaction entre l’intelligence du joueur et la suite ininterrompue de transformations et de permutations de situations spatio-temporelles. Pour réduire l’aléatoire, il faut que le joueur fasse appel à une activité cognitive capable de situer l’action du jeu réalisée parmi un ensemble de combinaisons de jeux possibles. La pensée tactique s’inscrit dans une sorte de causalité du possible qui domine la cognition tout entière.
« Le déroulement d’un jeu sportif est un processus d’interaction entre l’intelligence du joueur et la suite ininterrompue de transformations et de permutations de situations spatio-temporelles. »
C’est à partir du cadre théorique du constructivisme piagétien, en se référant notamment à la genèse de l’idée de hasard conçu comme le domaine complémentaire du probabilisme et à la dialectique des relations entre le réel et le possible, qu’André Menaut a envisagé la compétence tactique et élaboré un modèle psychogénétique des structures cognitives qui régulent l’action tactique.
Rejoignant les tendances actuelles d’un constructivisme en contextes de toute théorie développementale de la cognition, l’auteur prend donc en compte l’imbrication du contexte normatif et du contexte pragmatique. Il montre ainsi que la pensée tactique est une pensée vivante et plurielle qui associe différents modes du connaître à la fois opposés et complémentaires.
Les apports de Gaby Robert sont plus orientés vers des contenus organisationnels concrets et destinés aux entraîneurs. Robert (1985) touche à différents aspects de l’équipe. Partant de l’idée de fondements du jeu, il structure son exposé en deux plans : celui du dispositif considéré comme une façon convenue et acceptée par tous d’occuper le terrain et celui de l’animation sans en discuter la pertinence. En effet, l’initiative individuelle semble à la fois louée comme solution de jeu et apparaît comme transgressive de l’organisation.
Pour dépasser cette contradiction, l’auteur articule son analyse en bases du jeu et espace dans le jeu. Les premières touchent à une idée du système comme prédictive de l’occupation de l’espace et sont liées à une apparente nécessité de trois lignes de force confondant arrière et défense, possession de balle et attaque. La seconde introduit trois zones, défense, intermédiaire et finition liant espace et effet localisé des actions. Ces espaces reposent sur un discours qui investit apparemment de manière fixiste le point de vue du joueur. Celui-ci se retrouve assigné à un poste confondant place, rôle et fonction dans l’équipe.
Par ailleurs, Robert présente des concepts innovateurs :
Enfin en plusieurs occasions, Robert (ibid) distingue les intentions tactiques, de leurs modalités de réalisation et des effets potentiels mais sans parler de la réversibilité de ces derniers (Fernandez, 2011). Enfin le « jeu sans ballon », c’est aussi le mouvement, des déplacements réfléchis et pertinents en lien avec un projet de jeu bien partagé. Pour un joueur, c’est se mettre au service du collectif en proposant de recevoir le ballon dans de bonnes conditions.
Côté anglophone, une modélisation, présentée par Wade (1967) montre que le football a développé ses systèmes tactiques à travers des générations de joueurs qui ont généré bien des évolutions. Bien qu’ils ne soient peut-être pas définitifs, le fait que les cinq principes d’attaque et de défense aient été identifiés donne aux principes une crédibilité qui a constitué un rôle central dans tout débat sur les tactiques ou stratégie de coaching.
Cette modélisation repose sur cinq principes d’attaque et de défense sont une base fondamentale pour un entraîneur de football afin de se concentrer les objectifs et les stratégies de son équipe. Selon Wade (1967) et d’autres partisans des principes, chaque entraînement et chaque match dépend de la bonne exécution de ces principes, ils sont donc indispensables au succès dans le jeu.
Les cinq principes d’attaque sont : la pénétration, le soutien / profondeur, la mobilité, la largeur et la créativité / improvisation.
La pénétration consiste à pénétrer dans et derrière le dos de la défense.
La mobilité conduit à un mouvement offensif flexible, de sorte que sa forme et sa direction soient peu prévisibles ou répétitives.
La largeur est la capacité d’une attaque à utiliser toute la largeur du terrain pour étirer une défense et permettre une pénétration.
La créativité ou l’improvisation représente la liberté d’attaque dans l’offensive.
L’improvisation permet aux attaquants de s’exprimer, d’être imprévisibles et de trouver de nouvelles façons de forcer la chance.
Les cinq principes défensifs sont : retarder, la profondeur, l’équilibre, la concentration et le calme / la discipline / la patience.
Mettre en retard doit être la capacité de la défense à ralentir une attaque pour perturber le rythme et/ou l’avantage numérique d’une attaque.
La profondeur est le placement de la défense sur le terrain : trop profonde, il y a beaucoup d’espace libre pour l’attaque, trop peu profonde, il y a de l’espace pour passer derrière.
L’équilibre fait référence à la force d’une défense sur tout le terrain, pas seulement à ceux qui défendent directement sur le ballon.
La concentration est un objectif important de la défense, ce qui est essentiel pour éviter de simples erreurs (telles que rater le ballon) qui peuvent donner aux adversaires des opportunités.
Le calme / la discipline / la patience sont des éléments intangibles qu’une équipe entière doit posséder pour maintenir sa forme défensive en relation avec les quatre autres principes même sous une pression constante.
Une autre modélisation, présentée par Worthington (1980) approfondit et enrichit la modélisation développée par Allen Wade et tente d’expliquer plus profondément les rôles des joueurs dans une approche fonctionnelle du football. La force concrète de cette modélisation réside dans l’idée simple de n’utiliser que six principaux rôles dans le jeu.
Dans ce modèle, les rôles de premier attaquant, deuxième attaquant et troisième étaient liés aux principes respectifs de pénétration, de profondeur offensive, et de mobilité. D’autre part, les rôles de premier, deuxième et troisième défenseur étaient liés aux principes respectifs d’empêcher la pénétration, de construire la profondeur défensive et de maintenir l’équilibre défensif.
Avec cette première conceptualisation, les constantes ou les invariants du jeu sous-tendent les concepts et les idées qui sont fondamentales pour un jeu efficace et un bon fonctionnement de l’équipe. Ils ne doivent pas être confondus avec les systèmes de jeu parce que ces constantes sont les mêmes dans tout système de jeu en attaquant et en défense.
Pendant le match, les actions typiques basées sur ces invariants peuvent être observées à travers la coordination des mouvements des joueurs en fonction de la position du ballon, permettant le développement d’un jeu plus harmonieux et efficace entre les lignes de l’équipe. Pour assurer la cohésion, l’efficacité et l’équilibre fonctionnel entre les lignes défensives ou l’organisation de l’offensive, les joueurs doivent être cohérents dans leurs déplacements, en fonction de la variabilité des configurations momentanées du jeu et du référentiel commun de l’équipe.
Ces invariants constituent un ensemble de normes sur le jeu qui offrent aux joueurs la possibilité de trouver rapidement des réponses tactiques aux problèmes qui surviennent dans les situations offensives ou défensives auxquelles ils sont confrontés (traduit et adapté de Worthington, 1980).
L’offensive est la situation où l’équipe en possession du ballon peut entreprendre l’attaque du but adverse. C’est donc l’ensemble d’actions et des initiatives, le plus souvent constitués d’un mouvement en avant destiné à déstabiliser les adversaires. Les principes tactiques de base de la phase offensive du jeu aident tous les joueurs à orienter leurs comportements tactiques en fonction des rapports d’opposition. Le respect de ces principes tactiques permet à l’équipe d’obtenir des conditions favorables en termes de temps et d’espace pour accomplir les tâches.
Principes d’attaque 1 – Pénétrer
Le principe de pénétration cherche à désorganiser la défense de l’adversaire en créant des espaces favorables et un avantage numérique. Lorsque vous entrez en possession de la balle, le premier attaquant doit se demander: «Puis-je marquer? ». Si la réponse est oui, il va tirer et ainsi pénétrer la défense par le tir. S’il ne peut pas marquer, il va chercher à faire une passe, qui va pénétrer dans la défense. Si ce n’est pas cas, il va alors tenter d’avancer en conduisant la balle.
Principes d’attaque 2 – Soutien
Afin de maintenir la possession du ballon, le premier attaquant aura besoin d’un bon soutien du deuxième et troisième attaquant. Autrement dit, le deuxième ou le troisième attaquant doivent fournir en avant, en arrière ou latéralement des solutions pour le premier attaquant. La couverture offensive est liée aux actions à proximité des coéquipiers du joueur en possession de la balle. Le respect de ce principe donne des options offensives au joueur en possession pour continuer le jeu par des passes ou une action de pénétration dans la défense opposée.
Principes d’attaque 3 – utiliser la largeur et la profondeur
Le principe d’utiliser la largeur et la longueur du terrain se distingue par l’effort incessant de prendre de la distance du joueur en possession afin de créer des difficultés défensives à l’adversaire. L’augmentation transversale et/ou longitudinale du terrain de jeu oblige les adversaires à choisir entre marquer un espace de jeu vital ou le joueur opposé.
Dans le but d’étirer la forme défensive de l’adversaire, les attaquants vont utiliser toutes les dimensions du champ de jeu en vue d’attirer les défenseurs loin de la zone habituelle.
Principes d’attaque 4 – Mobilité / mouvements
Le principe de la mobilité en profondeur est lié à l’initiative du ou des joueurs attaquants qui n’ont pas le ballon de rechercher des positions optimales pour recevoir le ballon. La mobilité en profondeur vise à jouer « dans le dos » du dernier joueur défensif afin de générer une instabilité dans les actions défensives de l’équipe adverse.
Les lignes directrices de ce principe visent la variabilité des positions, la création d’options pour les passes profondes, la rupture du bloc défensif de l’adversaire. On vise à attirer les défenseurs hors de leurs positions habituelles, en essayant, ainsi, de déséquilibrer la défense
Principes d’attaque 5 – Étirer les lignes / déplacer la réserve axiale.
Les attaquants vont essayer d’étirer, également, l’espace entre les lignes défensives, en jouant aussi profondément que possible au-delà du dernier défenseur. L’initiative vise à étirer la défense de l’adversaire dans la profondeur.
Principes d’attaque 6 – Improviser/ Créer / Surprendre
Les attaquants vont tenter de mettre les défenses hors de position en utilisant la surprise. Des outils tels que talonnades, coups de pied aériens, têtes de plongée ?, feintes et fausses pistes sont tous utilisés à cette fin. La compréhension du jeu et le modèle de jeu adopté par l’équipe sont établis sur la base des connaissances des joueurs. Les lignes directrices de ce principe impliquent une organisation qui s’adapte aux rôles spécifiques des joueurs, dans laquelle ils doivent remplir un ensemble de tâches tactico-techniques pendant la phase offensive qui va clairement au-delà de la mission dominante de chaque joueur.
Dans ce cadre, on voit apparaître pour l’attaque, des lignes de forces qui décrivent les différentes organisations étagées sur le terrain :
La défensive est la situation où l’équipe ayant perdu le ballon cherche à le récupérer tout en défendant son but tout en essayant de contenir les attaques des adversaires et s’organisant en vue de riposter à une attaque.
Principes de défense 1 – Presser / Retarder
Pour éviter la pénétration du premier attaquant les méthodes mentionnées dans les principes d’attaque, le défenseur doit d’abord s’appliquer à faire pression sur le porteur de balle, ou retarder la pénétration en empêchant le tir, la passe ou le dribble.
Principes de défense 2 – Couverture / Support / Profondeur de la défense
Pour pallier l’élimination possible du premier défenseur, le deuxième défenseur couvre son partenaire directement engagé dans l’action. Cela signifie que les défenseurs en soutien coupent les possibilités d’échange de balles et seront prêts à récupérer le ballon. Cela facilite l’opposition contre les actions offensives et permet également au premier défenseur de se sentir plus en sécurité et plus confiant. Pour annuler les solutions de l’attaquant d’abord, les défenseurs seconds doivent soutenir en arc de cercle le premier défenseur.
Défendre le principe 3 – Rester groupé
Ce principe est basé sur les mouvements des joueurs vers la zone du terrain où le risque est le plus important, dans le but d’augmenter la protection défensive, de réduire l’espace disponible pour le joueur en possession du ballon. Pour éviter d’être étirés, les défenseurs doivent rester rapprochés et groupés en particulier dans la zone dangereuse devant le but. Dans cette zone même s’il tente une récupération ils devront rester, impérativement entre le ballon et le but.
Principes de défense 4 – Maintenir l’équilibre
Afin de conserver l’équilibre défensif, la troisième ligne défensive (rideau transversal profond) se déplacera sur le côté faible de l’attaque afin de couper les appels de balle. Néanmoins, ils peuvent suivre un attaquant si quelqu’un d’autre vient prendre sa place afin de maintenir l’équilibre défensif.
Principes de défense 5 – Réduire l’espace
Pour contrer les attaquants, les défenseurs tenteront de réduire la distance verticale entre les lignes laissée aux attaquants, en remontant le terrain vers le but adverse, réduisant efficacement l’espace offensif. Cela a également pour effet de maintenir les petits espaces entre les lignes défensives, ce qui rend difficile la circulation du ballon à travers. Le gardien de but doit être considéré dans ce mouvement, ayant la tâche de réduire l’espace entre lui et la dernière ligne défensive.
Principe défensif 6 – Patience et Discipline
Les lignes directrices de ce principe visent à assurer la coordination des attitudes et des comportements tactico-techniques des joueurs placés en dehors de l’action de pointe. Ils permettent également à l’équipe d’équilibrer ou de rééquilibrer constamment les rideaux défensifs en fonction des configurations momentanées du jeu.
Wilkinson (1988), un autre auteur anglais, définit les paramètres de jeu comme un ensemble de normes sur le jeu qui offre aux joueurs la possibilité de trouver rapidement des solutions tactiques aux problèmes qui surgissent des situations auxquelles ls sont confrontés.
En raison de ces caractéristiques, la tactique doit être incorporée dans les comportements des joueurs pendant un match, afin que son application facilite la réussite qui conduit à marquer ou à éviter des buts. Ces paramètres concernent différents niveaux d’abstraction qui consiste à :
Pour mener à terme ces travaux, Wilkinson (1978) s’attache à définir des constantes de la stratégie sportive en football et il identifie :
Les paramètres du jeu et l’environnement.
Les positions
Le mouvement
Les communications
Traitement de l’information
Cette foule d’informations concernant le football montre que, même avec des moyens modestes, une analyse peut être réalisée et fournir des informations sensiblement plus précises que celles données par l’œil du maquignon.
Cependant, nous avons reproduit ce tableau in extenso pour montrer les dangers qu’une analyse où un inventaire de caractéristiques ne viennent remplacer une réflexion préalable suffisante afin de proposer une modélisation fiable et pertinente. La complexité, le nombre d’items et le flou de certaines données à prendre en compte ne permettent pas d’avancer réellement dans la connaissance du fonctionnement du jeu.
Avec les travaux de Deleplace (1979), nous dirons que la défense en football, dans le jeu de transition (Ici le jeu de transition est utilisé, pourquoi si ce jeu concerne la remontée du ballon ou dans la zone de pré-vérité défensive, peut s’organiser en trois rideaux :
Dans toutes ces contributions, il est souligné que le jeu sans ballon constitue l’essentiel du jeu en football et en fait une constante du jeu. Pourtant, c’est rarement un hasard si le joueur est isolé à un instant précis car c’est souvent le résultat d’un travail qui a été réalisé en amont de l’action par le joueur même ou bien par un autre de ses coéquipiers.
On a trop tendance à se focaliser sur la finalité de l’action alors que ce qui a précédé ladite action est tout aussi important que la phase finale. La plupart du temps, l’entraîneur valorise essentiellement, voire exclusivement le joueur en possession de la balle. En effet, si le porteur de balle est en quelque sorte le maitre du jeu, à savoir qu’il est le décideur de l’action qui va se produire, les non-porteurs de balle vont être les créateurs en ce sens que ce sont eux qui vont être à l’origine du choix du porteur de balle. Plus les non-porteurs seront disponibles et plus le porteur de balle aura d’alternatives.
Les receveurs éventuels ont donc un rôle essentiel qu’il convient de valoriser car ils représentent un aspect très positif de l’activité. Le jeu sans ballon est donc tout aussi important voire plus que le jeu avec ballon et représente un fort pourcentage d’actions et/ou d’initiatives individuelles : appel de balle, déplacement inductif, écran , courses croisées, etc.
Une définition simple du jeu sans ballon pourrait être : c’est jouer sans la balle et cela consiste à se déplacer dans un espace où, si possible, il n’y a personne, en vue de recevoir le ballon ou bien encore de ne pas la recevoir en cas de stratégie d’évitement de la balle.
Une autre définition avec des caractéristiques plus complètes serait que le jeu sans ballon consiste à se déplacer de manière signifiante pour ses partenaires pour devenir un receveur potentiel soit en s’étant débarrassé de son adversaire direct (être démarqué), soit pour créer un espace libre pour un de ses coéquipiers (faire des fausses pistes) et également créer de l’incertitude chez l’équipe adverse en créant le surnombre par exemple (Gréhaigne, 2011).
Dans l’échange de balles, pour devenir un receveur potentiel, le non-porteur de balle doit être démarqué ce qui suppose en amont de l’action une prise d’informations pour effectuer le repérage pour assurer, soit la progression du ballon vers la cible adverse , soit la conservation du ballon. Un indicateur important dans le mécanisme du démarquage : il faut rompre l’alignement porteur de balle – défenseur – receveur potentiel.
Pour que l’échange s’effectue dans de bonnes conditions, le non-porteur de balle doit respecter les invariants suivants :
Ensuite, l’analyse des différents emplacements que le futur réceptionneur du ballon peut occuper par rapport au porteur de balle, permet de définir des invariants à propos d’appels de balle en fonction :
Pour l’échange de balles, des conditions strictes régissent le passage de passeur à réceptionneur. Ces derniers proposent au porteur du ballon, par un appel de balle réalisé à l’aide d’une course ou d’un geste, d’assurer la continuité de l’action. Alors, le porteur de balle choisit la réponse qui lui paraît la plus pertinente en fonction de l’état du jeu.
Ensuite, il doit, à la fois, passer la balle à l’endroit demandé et au temps juste pour que le réceptionner puisse se saisir du ballon (Frantz, 1975). Dans le cas où l’ on valorise la conservation du ballon et la protection du but, le démarquage doit prendre en compte la cible à défendre et le démarquage en soutien.
La réversibilité du jeu lie organiquement offensive et défensive, en soulignant l’immédiateté du passage d’attaquant à défenseur en fonction du fait que l’on se dispute un seul objet, est au cœur des rapports d’opposition. Cette réversibilité du jeu fait que l’on est soit en défense soit en attaque suivant la possession ou non du ballon
Le jeu défensif commence avant la perte du ballon avec l’organisation à double effet de l’équipe et s’actualise au moment de la perte de la balle par un changement rapide de l’attaque vers la défense pour la quasi-totalité de l’équipe. Dans cette phase, l’ancienne attaque devenue défense doit se réorganiser rapidement :
Une nouvelle organisation à double effet doit être maintenant prête à fonctionner au cas où de l’équipe récupérerait la balle.
Le jeu offensif commence avant la récupération du ballon avec l’organisation à double effet de l’équipe et instantanément au moment de la récupération par un changement rapide de la défense vers l’attaque d’une grande partie de l’équipe. Pour la défense devenue attaque, on vise :
Le système des connaissances et des compétences en sport collectif constitue les règles secondaires (figure 1). Nous avons proposé que celles-ci reposent sur plusieurs grandes catégories [Gréhaigne, 1992 ; Groupe sports collectifs de l’académie de Dijon, 1994 ; Gréhaigne, Zerai, & Billard, 2014 ; Zerai, 2011 ; Gréhaigne, Poggi, & Zerai, (2017)]. : les règles d’action, les règles de gestion de l’organisation du jeu, les compétences motrices, l’activité perceptive et les règles de gestion du groupe.
Figure 1. Catégories d’analyse retenues pour l’approche technologique en sport collectif (Zerai, 2011).
Dans ce texte, nous envisageons à partir d’observations et des apports de la littérature, d’essayer de montrer qu’en football, l’affrontement de deux équipes et le rapport attaque / défense sont des systèmes et comme tout système, ils obéissent à des principes de fonctionnement.
Au cours de notre analyse, nous avons été amenés à employer le concept de règle d’action qui définit les conditions à respecter et les éléments à prendre en compte pour que l’action soit efficace.
Une règle d’action[1] peut être caractérisée ainsi : elle est consciente ; elle participe à la planification, à la sélection et à l’exécution de l’action en relation étroite avec les pouvoirs moteurs ; elle contribue à l’explication de l’action et elle possède un certain degré de généralisation. Une règle d’action ponctuelle pour que l’équipe conserve le ballon pourrait être que le porteur de balle « possède un maximum de partenaires receveurs éventuels ».
De plus, ces règles supposent, pour être mises en œuvre, le développement de pouvoirs moteurs (Gréhaigne, 1992). Les pouvoirs moteurs correspondent à un ensemble de ressources motrices qui permettent de produire des effets tangibles dans l’environnement physique. Disposer de pouvoirs moteurs dans son répertoire, c’est en effet mettre en action ses décisions et « savoir-faire des choses », des choses concrètes qui permettent d’être plus efficace.
Par exemple en handball, football et basket-ball, lorsque le joueur en possession du ballon doit passer celui-ci à un partenaire marqué par un défenseur, il faut qu’il puisse dans cette situation d’opposition, percevoir et analyser la situation au plan perceptif, concevoir et choisir une solution au plan décisionnel et au plan moteur, lancer la balle dans la direction, à la distance et à l’endroit souhaités.
Ainsi, au plan fonctionnel, ces règles d’action utilisées dans le jeu doivent permettre de communiquer, de rendre compte de la situation et de son évolution ; de comprendre la situation; de prévoir l’évolution du jeu. On doit, également, retrouver dans les décisions prises en jeu la trace laissée par leur utilisation et leur évaluation. Ces règles d’action rapportées à des classes de problèmes[2] permettent de définir des principes d’actions.
En effet, nous emploierons désormais ce concept à la place de principe de fonctionnement car il nous paraît plus adapté, d’une part au caractère relativement stable d’une classe de phénomènes, d’autre part au fait que les critères de réussite sont les actions des joueurs en situation de jeu. Ces principes d’actions sont à la source de l’action, ils définissent des propriétés invariables du jeu sur lesquelles va se greffer l’activité du joueur pour répondre au déroulement des différents événements générés par l’opposition de deux équipes.
« Clairement représenté à l’esprit, le principe guide les joueurs en dirigeant et coordonnant leur activité. Lois premières, c’est-à-dire essentielles et simples, elles sous-tendent, en les régulant, tant en attaque qu’en défense, les rapports des individus au sein de l’équipe et les rapports des deux équipes au cours de l’affrontement » (Bayer, 1979).
Nous définirons donc un principe d’actions, comme étant une construction théorique et un instrument opératoire qui oriente un certain nombre d’actions dont il représente la source et qui permet d’agir sur le réel.
L’étude de ses principales caractéristiques nous amène à dire qu’il est conscient, qu’il concourt à la planification de l’action sans se confondre avec elle ; qu’il participe à l’explication de l’action et qu’il possède un certain degré de généralisation.
En fonction des constantes mises en évidence dans nos observations, nous avons proposé que les stratégies collectives et individuelles d’attaque dans une équipe soient organisées autour de quatre principes d’actions :
Les axes de complexification de ces principes pourraient aller vers un jeu avec des stratégies d’attaque mieux adaptées, c’est-à-dire plus offensives (mais avec moins de perte de balle), plus mobiles, plus rapides, plus variées, avec plus d’incertitude pour les adversaires, plus de certitude pour les partenaires (augmentation des alternatives offertes par les équipiers), plus anticipées avec utilisation optimale du temps et de l’espace.
En ce qui concerne la défense, les stratégies collectives et individuelles semblent s’organiser autour de trois principes d’actions :
De toute façon, c’est une approche à approfondir car un but marqué représente seulement le résultat de 1 % des actions dans une rencontre. D’autres études devraient permettre d’approfondir les principes d’actions et ainsi avancer dans la compréhension de la logique de fonctionnement de l’ensemble du jeu.
Au-delà du systémique, c’est-à-dire en dehors des éléments qui appartiennent fondamentalement au fonctionnement du système, nous avons noté qu’une vitesse d’exécution importante et une bonne perception doivent être des qualités recherchées et/ou éduquées chez les attaquants.
Dans le même ordre d’idée, notre analyse a montré avec le rôle du jeu du gardien de but, les limites individuelles de notre approche. Le gardien de but, « dernier rempart de l’équipe » influence le jeu et les résultats. Les différents états du système sont donc indissociablement liés à des décisions individuelles. Un philosophe dirait « ce sont les petites choses qui font les grandes »… ou seule une approche dialectique permet de comprendre les rapports entre les décisions individuelles et le fonctionnement du système.
L’opposition impose aux différents niveaux d’organisation un certain nombre de normes. Pour résoudre les problèmes posés par l’affrontement, il existe des principes d’actions et des règles ; certaines sont strictes, d’autres sont des intuitions guidées par l’expérience de ce véritable système-expert que constitue le joueur. Les règles d’action et les habiletés motrices utilisées sont l’expression ponctuelle de cette combinatoire pour transformer les configurations de jeu et ainsi provoquer des ruptures et/ou rétablir la stabilité dans un système qui fonctionne fondamentalement par rapport à des états successifs d’équilibre / déséquilibre (à condition, bien sûr, que l’égalité des chances soit plausible au début du match).
[1] A propos des règles d’action, on peut consulter également Vergnaud et al. (1978).
[2] Une classe de problèmes est constituée par la similarité des savoirs pratiques et des modes de résolutions auxquels l’élève doit faire appel, pour répondre aux problèmes posés dans plusieurs situations d’apprentissage.
L’approche systémique qualifie une méthode d’analyse, d’appréhension d’un système complexe privilégiant l’approche globale par rapport à l’étude exhaustive des détails. Elle permet de maitriser la complexité sans trop simplifier le réel, par exemple en évitant de diviser un système en sous-ensembles indépendants ou d’isoler un facteur comme le fait une méthode plus analytique.
C’est une manière d’identifier des propriétés émergentes spécifiques à un niveau d’organisation. Plus généralement, elle privilégie à l’analyse l’élaboration de modèles offrant une représentation communicable de la complexité. Définir les limites du système étudié et choisir les échelles spatio-temporelles appropriées avec pragmatisme est essentiel.
Cette approche théorique constitue un support irremplaçable pour comprendre pourquoi le concept d’opposition est incontournable dans l’analyse du football. Ainsi, les notions dégagées dans l’analyse des effets d’opposition dans le jeu ont entraîné la création de principes très précis et très concrets dans l’élaboration et l’exécution des actions.
Aujourd’hui, on a en partie rompu avec l’apprentissage traditionnel basé sur le rite gestuel. Certes, il ne faut pas le négliger dans un processus de développement mais omettre l’opposition revient à nier la réalité vivante du jeu.
Les sports collectifs et le football présentent des conditions de jeu particulières, puisqu’ils sont à la fois déterministes (règles primaires du jeu) et aléatoires (les incertitudes du jeu). Ici, l’univers du jeu « joue » avec les notions d’ordre, de désordre, d’invariants, d’interactions et d’auto-organisation, d’écoulement du temps, et d’interrelations dialectiques au sein de cette modélisation.
À partir du problème fondamental posé aux joueurs : comment jouer (ensemble – contre), chaque groupe au long de son histoire développe des connaissances issues de ses expériences d’entraînement et de match. L’approche systémique permet non seulement de percevoir les facteurs contribuant à réguler le jeu mais aussi d’appréhender les différents niveaux de régulation et leur interdépendance. Elle conduit également à replacer l’activité du sujet et/ou du groupe dans un contexte plus global qui lui donne sa signification. En effet, l’ajustement à la réalité du moment est un processus qui se développe à deux niveaux de façon indissociable.
L’importance qu’ont pris aujourd’hui les données objectivées dans le monde du football est un fait indéniable. De la même manière, les observations sont à interpréter et à resituer dans un ensemble plus vaste qui leur donne d’autres significations. Ainsi, l’ambition permanente de perfectionner et contrôler les organisations du jeu en sport collectif, ont vu le développement de nombreux outils de collecte et d’analyse de données.
Toute situation d’évaluation en sports collectifs repose sur un certain nombre de présupposés qui ont évolué dans le temps en fonction des conceptions en vogue. On est passé du jeu global, aux parcours chronométrés, pour en arriver maintenant à des situations d’opposition en jeu réduit. Les outils ont été successivement « l’œil du maquignon », le chronomètre, des grilles de comportements de plus en plus sophistiquées pour en arriver maintenant à tenter de combiner des aspects quantitatifs et qualitatifs avec la notion de critère de réussite.
En football, les caractéristiques temporelles et spatiales des placements, déplacements des joueurs et du ballon constituent une trame de transformation perpétuelle qu’il faut décoder et analyser. Les analystes vidéos et les analystes de la performance sont devenus pour les clubs des atouts stratégiques majeurs.
L’ensemble de ces travaux, avec les qualités et les défauts que nous avons pu déceler, sont une base pour une analyse plus approfondie du football. Les invariants et les constantes contribuent à l’organisation et à la performance des joueurs sur le terrain.
D’autre part, la compréhension de ces invariants par les joueurs offre l’avantage de structurer les actions avec des objectifs, des intentions et un sens du jeu qui aident à réguler et à organiser les actions tactiques dans le match. Considérant que les comportements dynamiques d’une équipe ainsi que leur efficacité dans un match peuvent s’apprécier à partir des variables quantitatives et qualitatives des actions des joueurs dans les relations de coopération et d’opposition, on suppose que la compréhension des principes tactiques représente un outil pour soutenir cette évaluation.
À cet effet, la conception, le développement et la validation d’instruments capables de quantifier ou d’évaluer l’efficacité deviennent importants, afin d’obtenir une réponse ou un résultat qui aide à la compréhension du comportement tactique du joueur dans le domaine du jeu.
Tout cet ensemble allait mener aux approches « complexes » basées sur l’opposition qui sont très actuelles dans le monde de la réflexion sur le football. L’effort d’incorporation des connaissances nécessite de lutter contre deux risques :
Déductionnisme et réductionnisme diminuent les chances d’identifier les vrais problèmes de la pratique. D’où la nécessité de rester accrochés à l’effort qui part de l’analyse concrète et de l’extraction des questions et des données tirées de la pratique pour les confronter à des connaissances plus générales qui devraient permettre de les éclairer et de trouver des réponses tenant compte des acquis du travail scientifique.
L’effort pour rendre interactives théorie et pratique et progresser vers une confrontation productive nécessite de ne pas se limiter aux deux types de savoir – le savoir pratique et le savoir théorique – mais de chercher à tirer de la confrontation un troisième type de savoir « intermédiaire » permettant une mise en relation active.
Les actions d’évaluation et d’observation la plus exhaustive possible contribuent à fournir de datas qui produisent de questions et de données pouvant servir de base à un travail de « théorisation des pratiques » permettant de faire des pas dans la capacité à agir de façon mieux fondée.
Au fil de l’histoire, très progressivement, la défense en football s’est renforcée afin de mieux s’opposer aux attaquants, diminuant dans un deuxième temps, par contrecoup, le nombre d’attaquants potentiels. Les trames de jeu se sont orientées vers des formes de plus en plus défensives. Néanmoins, la nécessité de marquer des buts a entraîné l’apparition de formes de jeu moins stéréotypées afin de gagner face à de tels « murs défensifs ». Il s’en est ensuivi un remaniement des dispositifs sur le terrain vers des organisations plus souples et plus mobiles, caractéristiques du jeu moderne.
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