Ce texte est la transcription (verbatim) de l’enregistrement de réponses faites lors d’un entretien. Il n’a pas fait l’objet d’une réécriture, pour en privilégier la spontanéité.
Docteur en STAPS et professeur des universités, Jean-Francis Gréhaigne est l’un des chercheurs, en football et plus largement en sports collectifs, les plus reconnus. Depuis plus de 30 ans, l’auteur de l’incontournable « l’organisation du jeu en football » et son groupe de recherche ont énormément réfléchit et écrit sur l’activité football.
Nous avons donc profité de cet entretien pour échanger longuement sur : la performance collective/individuelle, l’analyse du jeu ou encore les modèles d’apprentissage, avec celui dont les travaux ont influencé un grand nombre d’éducateurs. Sciemment ou inconsciemment.
Chaque dimanche vous recevrez des idées sur l’analyse du jeu, l’entrainement ou encore l’apprentissage.
D’un point de vue collectif puis individuel, qu’est-ce qu’être performant en football ?
Je ne vais dire que des banalités parce que c’est un sujet extrêmement large. Il faut d’abord définir les choses et là je vais être un vrai universitaire. Qu’est-ce que c’est être performant ? Est-ce que c’est un avant-centre qui touche 15 ballons et qui marque deux buts ? Est-ce que c’est quelqu’un qui joue milieu récupérateur et qui va avoir plus de ballons récupérés que de ballons perdus ? Alors la notion de performance, elle est à définir.
Classiquement, être performant d’un point de vue collectif, c’est être intégré dans un réseau. Ce que nous, nous avons appelé un réseau de compétences. C’est à dire qu’à l’intérieur de l’équipe, il y a une répartition des tâches et des fonctions, compte tenu des compétences de chacun, de l’effectif que l’on a et de l’intégration dans ce collectif. A la fois pour y prendre des initiatives et pour assurer la continuité d’un plan de jeu. Il me semble…
Sur le plan individuel, j’aurais tendance à dire que c’est quelqu’un qui, stratégiquement et tactiquement, est bien formé.
« Être performant d’un point de vue collectif, c’est être intégré dans un réseau. Ce que nous, nous avons appelé un réseau de compétences. »
Je me rappelle toujours les discussions qu’on avait avec Daniel Rolland et Guy Roux. Rolland, l’adjoint de Guy Roux. Il disait toujours : sur le plan individuel, il y a des choses qu’on ne peut pas changer.
Même s’il faut définir ce que c’est que de voir le jeu, c’est quand même quelqu’un qui fait les bons choix, qui donne le ballon à temps, qui ne le garde pas trop… Ça, il disait : on a beaucoup de mal à le construire. Cela ne veut pas dire que c’est inscrit dans les chromosomes, mais il y a sans doute une expérience de chacun, relativement individuelle par rapport à ça, qui fait qu’il y a des gens qui ont tendance à jouer souvent juste, et puis d’autres qui voient peu les configurations du jeu et éventuellement leurs évolutions.
La deuxième chose dont il parlait, c’est la vitesse d’exécution. Et puis, le troisième aspect qui renvoie un peu à des aspects génétiques, c’était la « stature ». Alors ça ne veut pas dire que les nains, entre guillemets, ne peuvent pas jouer au football, mais on assiste quand même, dans tous les sports collectifs, au fait que tout le monde grandit. Et puis au foot, c’est pareil. Alors quelquefois, il y a des exceptions d’1,70m qui confirment la règle…
Le reste, c’est à dire les aspects techniques, il disait : on arrive toujours à s’en sortir. Et avec quelqu’un avec qui on travaille bien, même s’il ne sera pas forcément le Mozart de la technique, on arrivera toujours à avoir le minimum.
On a donc des aspects individuels qui sont extrêmement variés. Et cette variabilité tient autour des aspects techniques, tactiques, stratégiques, physiologiques, sociologiques aussi et en fonction de chacun, il y a une espèce d’alchimie qui se fait. Et puis, il y a une individualité qui se met en place.
Voilà ce que je répondrais comme ça spontanément, parce que vous me prenez un peu à froid, quand même.
Bien sûr, on va monter en température. Vous venez d’aborder la notion du critère sociologique. Qu’est-ce que vous entendez par là ?
La capacité à vivre dans un groupe. Être capable de se mettre dans une organisation tout en étant capable d’avoir un point de vue critique. Ces aspects sociologiques tiennent plus à la dynamique de l’équipe et à la dynamique des individus.
Il y a aussi un ancrage culturel qui fait que, je ne crois pas à l’universalité du football. C’est un jeu qui dans chaque pays est éventuellement adapté, mais on ne joue pas au Brésil, comme on joue en Allemagne ou en Angleterre. Même si, apparemment, tout se ressemble.
Vous avez aussi évoqué la notion de « voir le jeu ». Pouvez vous approfondir ?
Si je dois donner une définition, voir le jeu, c’est faire les bons choix au bon moment. Et pour avoir eu des étudiants en éducation physique pendant très, très longtemps (option football), il y a des gens qui du fait de leur formation, les hasards de la formation, le hasard des jeux qu’ils ont fait, décryptent les configurations de jeu et surtout, ont une idée de leurs évolutions éventuelles.
C’est ça voir le jeu. C’est être capable de ramener, il me semble, les configurations du jeu à des patterns relativement restreints ou tout au moins ce qu’on a appelé nous des configurations prototypiques. Des prototypes qui font qu’on a une hypothèse relativement importante sur l’évolution du jeu et ça permet d’avoir des choix qui se révèlent le plus souvent justes. Qui se révèlent le plus souvent justes et surtout au temps juste. Même si ce n’est jamais vrai à 100%.
Je pense aussi que l’aspect temporel est extrêmement important, et ça sans aller forcément sur le créneau de Marcel Dugrand : le jeu à une touche de balle à tout prix, c’est à dire avoir une vitesse de transmission du ballon égale à 1. Donc, voilà deux points : avoir dans la tête et dans son expérience des éléments pour traiter le plus vite possible les situations et jouer au temps juste.
Pour revenir sur ce que vous disiez en préambule, notamment dans la définition d’un réseau de compétences au sein de l’équipe. Est-ce que vous pourriez expliciter un peu plus cette idée ?
On a écrit différents livres là-dessus avec notre groupe de recherche. Nos hypothèses partent un peu de ce qu’avait écrit Sartre dans Critique de la raison dialectique.
Il prend l’exemple d’équipes de foot pour expliquer comment un groupe se monte ou un groupe existe. Et il dit qu’à la fois, dans cette approche dialectique de l’équipe, une personne s’intègre à l’équipe et puis c’est les autres qui l’intègrent.
Ce double flux est quand même relativement important. Ce qui fait que dans une équipe, il y a un réseau de compétences dans la mesure où l’on dépend des autres et on apporte aux autres. Ce réseau de compétences, il n’est pas forcément choisi par l’individu. Il y a une espèce d’organisation et d’auto-organisation du groupe, qui fait qu’on a une place plus ou moins importante, qu’on est considéré de façon plus ou moins importante. On reçoit des ballons, on ne reçoit pas de ballons. Ce qui fait que cette dynamique de l’équipe est très importante.
Alors, les entraîneurs parlent de : « tenir le vestiaire ». Moi je dis que « tenir le vestiaire », c’est d’une certaine façon s’intéresser aux réseaux de compétences. A qui fait quoi, qui sont les leaders, les sous-leaders.
A l’époque, l’exemple que je donnais toujours à mes étudiants, c’était la 1ère année de Michel Platini à la Juve. On ne lui donnait aucun ballon et il a fait une saison nulle. La 2ème année, comme il a réussi à s’imposer, à rentrer dans le groupe, dans le réseau de compétences, il a eu les ballons et il a éclaté.
« Moi je dis que « tenir le vestiaire », c’est d’une certaine façon s’intéresser aux réseaux de compétences. A qui fait quoi, qui sont les leaders, les sous-leaders. »
Dans une équipe, on le sait bien, quand on veut se débarrasser d’un entraîneur, on met en place un certain type de fonctionnement dans le réseau de compétences et dans les rapports d’opposition. Et quand on veut se débarrasser de quelqu’un, et bien on ne lui file plus les ballons. C’est toute cette dynamique que j’appelle le réseau de compétences.
C’est à la fois ce qu’on est capable d’apporter, ce que l’équipe est capable de nous donner, ce que l’équipe est capable d’aider à faire progresser ou pas. Et éventuellement, la répartition sur le terrain. Mais ça c’est vraiment la partie émergée de l’iceberg.
Justement, face à un phénomène complexe comme le foot, on a facilement la tentation de vouloir diviser, de vouloir simplifier. Finalement, de briser les interactions afin de pouvoir analyser ou avoir la sensation d’analyser.
Il y a plusieurs choses et je vais le dire très clairement : il ne faut pas se tromper sur les concepts. Parce que là, on vient de discuter de façon conceptuelle. Par exemple, parler d’animation du jeu par rapport à la notion d’organisation et d’auto-organisation du jeu, c’est un non-sens. Parce que « animation du jeu », ça veut dire que l’on va croire qu’on met en place un 3-5-2. Et des 3-5-2, il y en a autant que d’équipes. Croire qu’on va l’animer sans penser à l’opposition et sans voir qu’un match ça ne s’anime pas, mais que le match et les rapports d’opposition s’organisent et s’auto-organisent, c’est une erreur profonde sur le plan intellectuel et sur le plan de la formation des joueurs.
Sur ce sujet, vos travaux sont quasi systématiquement cités, notamment à l’étranger. Comment l’expliquer ?
D’abord l’organisation du jeu en football a été traduit en Espagne (INDE Editorial). Et puis, comme l’espagnol et le portugais, ce sont des langues relativement proches, enfin ce n’est pas tout à fait les mêmes, mais elles sont apparentées, les Portugais peuvent lire. Et puis, j’ai aussi travaillé avec des collègues de l’Université de Porto à l’époque, et puis là, de l’Université de Lisbonne. Donc, il y a de la consanguinité sur un certain nombre de travaux qu’on a fait ensemble. Je travaille aussi avec des gens de Girona. Donc ça a un peu infusé.
Sur ResearchGate, lorsque je regarde qui lit les papiers, ce sont : les Anglais, les Belges, les Portugais et les Espagnols. Ils forment presque la totalité. Bon, après, il y en a qui sont plus loin : les Américains, relativement peu par exemple. A part ceux qui sont engagés en éducation physique. Mais après, c’est anecdotique sur ce qui se passe, sur un certain nombre de choses. Néanmoins, Alain Lemoine, un de mes collègues et amis qui est à la ligue d’Ile de France, me dit que cela commence à être diffusé.
Il y avait un chercheur en science de l’éducation qui s’appelait Antoine Léon, c’est un ancien (années 60-70), qui disait qu’entre le moment où des connaissances sont produites et le moment où elles sont complètement diffusées dans un secteur, ça prend entre 30 et 60 ans. Sauf s’il y a une volonté très précise de faire que par une formation importante, on arrive à réduire un peu le temps. Donc là on est à 30 ans, ça commence à être diffusé.
« Entre le moment où des connaissances sont produites et le moment où elles sont complètement diffusées dans un secteur, ça prend entre 30 et 60 ans »
Parce que dire, il y a les « intellos » d’un côté et il y a les praticiens de l’autre : c’est une ineptie ça. Et une ineptie, il faut avoir le temps de la démontrer et le temps de le dire. Il n’y a pas les praticiens d’un côté et les intellos ou les théoriciens. Il y a ceux qui, sur le plan théorique et le plan pratique, sont capables d’utiliser de bons outils.
Si vous étiez éducateur, quelle approche adopteriez-vous pour analyser ce phénomène (le football) ?
C’est le problème de l’observation du jeu, quand même. Parce que réduire, c’est d’abord une conception de la recherche. Pendant très, très longtemps, les protocoles de recherche c’étaient : on réduit car il y a des choses relativement simples qu’on est capable d’isoler. Et puis après, on essaye de reconstruire.
Maintenant, on est sur d’autres paradigmes de recherche, depuis Edgar Morin, Ludwig von Bertalanffy et un certain nombre d’autres. Sur des approches systémiques, des approches beaucoup plus globales qui font qu’il ne s’agit plus de réduire et de vouloir reconstruire, mais de se coltiner d’emblée la complexité. La difficulté, c’est donc d’essayer de comprendre comment fonctionne le jeu et donc d’avoir des éléments sur la théorie et la méthodologie du jeu, pour pouvoir analyser.
Il y a une vingtaine d’années, j’ai été confronté au problème de jeunes collègues (ou plus âgés), profs d’éducation physique, qui étaient confrontés au fait d’enseigner le football, mais qui n’avaient jamais eu de formation. Alors, dans un premier temps, quand on n’a pas de formation, qu’est-ce qu’on fait ? On fait la passe à l’arrêt… et puis après, s’il reste du temps, on joue. Quand on leur a dit : il faut jouer et essayer de retirer les problèmes que vous voyez dans le jeu, entre guillemets, nos collègues ils étaient à poil. Ils n’avaient rien à dire.
Tant qu’on n’a pas construit des éléments d’observation du jeu, et bien on a beaucoup de mal à mettre en perspective des aspects de formation. Ça, c’est le premier point. Le deuxième point, je dirais, c’est être capable de dire ce que font les joueurs et ne pas se dire : il n’est pas capable de, il n’est pas capable de, il n’est pas capable de. Mais plutôt, il est capable de faire quoi ?
Quand on a ces deux aspects là, et bien on voit des choses qui sortent du jeu. On voit des choses qui apparaissent et cette observation permet de prendre des décisions pédagogiques, sachant que sur les aspects théoriques qui sont derrière, tout exercice qui n’est pas en situation d’opposition est un exercice qui ne sert pas à grand-chose. Sauf pour des professionnels qui ont besoin de répéter leurs gammes, mais le reste… Voilà moi je sortirai ces trois éléments là d’abord.
Justement en France, mais pas seulement, il y a deux modèles qui sont mis en opposition dans la formation du joueur. Il y a le modèle qu’on va appeler tactique et le modèle technique. Alors : pourquoi cette opposition ? Et surtout, est ce qu’il faut les opposer ?
Mais non, parce qu’on fait du tactico-technique nous. C’est une boutade, mais c’est exactement ce que je pense. On fait du tactico-technique. On part de la tactique et de la notion d’opposition, sachant quand même que cette notion d’opposition et cette tactique en jeu, à partir du moment où on met les gens en 3vs3, on va tirer sur les aspects techniques. Mais des aspects techniques en situation de jeu. Pas des aspects techniques à vide. Parce que le concours du jeune footballeur n’a jamais fait un grand footballeur professionnel. Vous avez connu le concours des jeunes footballeurs, ça vous dit quelque chose ?
Oui.
Robert Mérand disait que ce modèle technique vient de la scolarisation de l’entraînement. Alors, qu’est-ce que ça veut dire ? La scolarisation de l’entraînement est apparue dans les années 70, pour faire sérieux. Parce qu’avant, l’entraînement c’était faire quelques tours de terrain et on joue. Éventuellement, on fait un tennis-ballon. Je caricature, mais à peine. Dans les années 50 et 60, l’entraînement, peut-être pas sur les clubs professionnels et encore parce que je ne sais pas, mais chez les gamins c’était ça.
Donc les pédagogues de l’époque étaient sur : on construit petit à petit les choses et puis après le gamin il se débrouillera pour faire la synthèse. Ils ont transposé ce modèle-là, comme modèle d’apprentissage dans le foot et on s’est ensuite retrouvé avec des modèles techniques. C’est à dire qu’on apprend la passe, on apprend le contrôle et puis après, on se débrouillera pour que ça fonctionne.
« La scolarisation de l’entraînement est apparue dans les années 70, pour faire sérieux »
Le modèle tactique et les aspects tactiques, c’est avec René Deleplace et Robert Mérand que ça démarre. Alors, du point de vue de l’éducation physique, il y a le colloque de Vichy en 65, l’éducateur face à la haute-performance en 77 (ici un extrait) et les instructions officielles de 1967.
Du point de vue du rugby, il y a René Deleplace qui a écrit « Le Rugby. Analyse technique et pédagogie » en 66, « Rugby total, Rugby de mouvement » en 79. Et tous ces gens-là défendent des modèles où on rentre dans le jeu par rapport à la tactique, ou ce qu’on a appelé la tactique individuelle. Parce que la technique individuelle, ça n’existe pas. Ça n’existe pas parce que c’est redondant. La technique, elle, est forcément individuelle à un individu. Si on extrait une technique et que ça devient un modèle extérieur, et bien de toute façon, le fait de se la réapproprier, ça fait qu’on a une tactique individuelle.
J’ai écrit ça dans le dernier bouquin sur la technique, je ne sais pas si vous le connaissez ? C’est un bouquin qui est sorti en 2016, qui s’appelle « Les objets de la technique », qui est aux Presses Universitaires de Franche-Comté. Alors, ce n’est pas uniquement sur le foot. Il y a un article introductif sur la place de la technique et qui fait le point sur les aspects techniques.
« La technique individuelle, ça n’existe pas. »
Le fond du problème, c’est que tous ces modèles dépassent largement les sports collectifs et le football. La lecture, c’est pareil. Est ce qu’on fait de la lecture globale ou est ce qu’on fait de la lecture syllabique ? C’est à dire que ce sont des débats qui vont quand même relativement loin.
Moi, je suis de ceux qui prétendent que, tout du moins au début, quand on met les gens en situation de jeu, ils développent leur technique en situation et ils apprennent à lire le jeu, ils apprennent des choses essentielles. Quand les problèmes techniques vont se poser, il sera toujours temps de faire un point. C’est à dire travailler des aspects particuliers, parce qu’on pense que ça peut rééquilibrer l’ensemble du camembert dont je parlais tout à l’heure (tactique, technique, physique). Sachant quand même que dans un club, si on a les joueurs une voire deux fois par semaine, on arrive à faire du boulot. On arrive à travailler à partir de situations jouées et de situation en opposition.
Il y a un modèle qui semble être plébiscité pour l’acquisition de compétences en sport collectif et qui est basé sur la manipulation des contraintes de l’environnement. Pourquoi ce modèle semble être, aujourd’hui, le plus pertinent par rapport à une approche globale, une approche tactique, plus que d’autres modèles ? En 2010, vous proposiez aussi de remplacer le modèle Teaching Game for Understanding (TGFU) de Bunker et Thorpe par Learning Games through Understanding. Pourquoi ?
Parce que le modèle de Bunker et Thorpe qui date de 1982, c’est un modèle sorti du chapeau. On ne sait pas d’où il sort… La traduction de Teaching Games for Understanding, c’est enseigner les jeux. Ce n’est pas learning. C’est enseigner les jeux pour la compréhension. La compréhension de quoi ? On ne sait pas, parce que ce n’est pas dit dans le bouquin. Cela renvoie, quelque part, à ce que disait Deleplace en 79 sur la nécessaire conscientisation des choses.
J’aurais tendance à dire que quand nous on parle d’apprendre les jeux au travers de la compréhension (Learning Games through Understanding), c’est prendre le point de vue du joueur. Parce que teaching, c’est prendre le point de vue de l’enseignant. L’enseignant, il enseigne et l’élève il apprend ou il n’apprend pas. Et ça c’est une donnée fondamentale. Ce n’est pas parce qu’on enseigne que les élèves apprennent. C’est se foutre de la figure du monde que de penser ça. La différence entre enseigner et apprendre est une distinction fondamentale là-dessus.
Nous on pense que ce n’est pas parce qu’on enseigne que les élèves apprennent. Alors si on veut que les élèves apprennent, il faut se pencher sur le problème et penser que les élèves, ils apprennent au travers de la compréhension et avec les compétences motrices qui sont les leurs. Parce qu’entre la compréhension et les compétences motrices, il y a quand même un lien. Quand je parle de tactico-technique, c’est vraiment ce lien-là. Parce que ça sert à quoi de voir quelqu’un qui est à 30 mètres, si on n’est pas capable de lui passer le ballon ? Cela ne sert à rien.
Ça veut dire que quand on parle de technique, de tactique, de tactico-technique…On parle de ça. Alors après, pour voir comment l’élève va apprendre et bien, on a quand même une multitude de modèles à sa disposition. On a le modèle de les faire jouer avec une contrainte particulière, comme vous l’avez dit. Concernant l’environnement, ça revient à dire que l’opposition est première et qu’il faut arriver à gérer l’opposition dans toutes les situations. Il me semble…
Donc, on est en train tout doucement, de venir sur des choses qu’on dit depuis 30 ans.
« J’aurais tendance à dire que quand nous on parle d’apprendre les jeux au travers de la compréhension , c’est prendre le point de vue du joueur. Parce que teaching, c’est prendre le point de vue de l’enseignant. L’enseignant, il enseigne et l’élève il apprend ou il n’apprend pas. Et ça c’est une donnée fondamentale. Ce n’est pas parce qu’on enseigne que les élèves apprennent. »
Effectivement, ce qui est très intéressant, c’est que ce qui est écrit, met du temps à être mis en place. Et on s’aperçoit qu’aujourd’hui, votre thèse, qui date de 1989, « commence » à être lue. Ça commence à avoir du sens. Alors que c’était visionnaire ce que vous aviez écrit à l’époque, quand on prend le jeu aujourd’hui.
Non ce n’était pas visionnaire. J’ai eu la chance d’avoir Paul Frantz. Vous savez qui c’était ? C’était un gars qui connaissait la littérature allemande. On n’en a pas parlé, mais la littérature allemande est relativement intéressante sur le foot et Paul, il lisait l’allemand couramment. Il a entraîné Karlsruhe et le Racing Club de Strasbourg. Moi, j’ai passé le CAPES en 71. Donc j’ai fait Strasbourg de 68 à 71. Toute la sensibilisation sur le 3 contre 3, la circulation de balle dans les jeux réduits, etc., on le doit à Paul Frantz. Qui lui-même l’avait pris à un Allemand dont je ne me rappelle pas le nom. J’avais un texte que je n’ai jamais retrouvé et il cite un Allemand qui avait écrit plein de choses sur les jeux réduits.
Donc ça veut dire qu’y compris à cette époque-là, donc dans les années 70, c’était déjà dans les tuyaux. Avec les instructions de 67, avec la réflexion sur les sports collectifs qu’il y avait en éducation physique. Mais le problème, c’est qu’avant d’être des rapports au savoir, ce sont des rapports au pouvoir. Quand je parlais des aspects sociologiques tout à l’heure, et bien ils sont là.
Pour faire le lien, on voit que le cursus de formation des éducateurs en France est reconnu pour sa…
Moi je ne suis pas d’accord. Il est reconnu pour ?
En tous les cas, et ça vaut ce que ça vaut, les formats des formations en France sont reconnus à l’étranger et sont aussi repris par la FIFA…
Pas en Angleterre, pas en Espagne, pas au Portugal, pas en Belgique.
(Rires) Attendez… Les formations sont reconnues pour leur qualité, etc. Cependant, dans d’autres pays comme l’Espagne, le Portugal, l’Angleterre je ne connais pas bien, mais eux, ils organisent leur formation de manière très différente. Avec une interaction beaucoup plus développée entre l’université, le monde fédéral et les clubs. On voulait avoir votre avis là-dessus. Bon, même si on a un peu compris.
Alors, il y a deux choses, Pour moi, dire que la formation française est la meilleure : c’est faux. Alors moi, je le dis très clairement. Sur les sujets que je connais, ce n’est pas repris en Espagne et au Portugal, pas en Angleterre pour être allé à Manchester et à Liverpool, etc.
Bon, connaissant Arsène Wenger, je sais que c’est quelqu’un qui s’intéresse à tout, qui lit tout. Comme Guy Roux un peu à l’époque. Il y a des gens qui s’intéressent aux choses. Guy Roux savait très bien ce qui avait été écrit, il s’intéressait à tout. Et en plus, il parlait et lisait l’allemand. Arsène Wenger pareil. Ce sont des gens qui ont été sensibilisés.
En Finlande non plus, au Danemark non plus, en Allemagne je ne sais pas parce que je ne connais pas bien. La deuxième partie de la question sur les milieux universitaires et bien il n’y a aucun problème. On a pris des gens qui avaient ce qu’on appelle la validation des acquis d’expérience. C’est à dire que l’on peut très bien proposer à quelqu’un de rentrer en L2 maintenant ou en L3, en fonction de son brevet d’État, en fonction de son expérience, etc. Sachant que à ce moment-là, il n’y aura plus qu’un an à faire pour avoir sa licence. En revanche, s’il n’a pas sa licence et bien il n’aura rien du tout.
Cette idée de validation d’expériences, c’est tout à fait faisable par rapport à une université française.
Moi je l’ai fait. Ce n’était pas complètement une validation des acquis d’expérience, mais on s’était mis d’accord avec Auxerre. C’est à dire que ceux qui ne pouvaient pas envisager une carrière professionnelle, mais qui avaient passé le bac, on avait tendance à les prendre. A l’époque, ça existait déjà. Et puis, à l’époque, les sections sport études étaient essentiellement tenues par des profs d’éducation physique. C’est plus tout à fait le cas maintenant. Enfin je ne sais pas comment c’est en région parisienne.
En revanche, des fédérations comme le handball ou le basket, ont beaucoup investi sur les écoles. Même si je ne sais pas exactement où cela en est maintenant.
Il faut bien voir que j’ai 72 ans et que je suis parti depuis 11 ans maintenant. Même si je reste dans le milieu universitaire, par rapport à un certain nombre d’amis, de relations et puis l’écriture. Parce que quand on est retraité, on a le temps de pouvoir écrire, de pouvoir discuter. Et puis le temps de réfléchir, le temps de voir un certain nombre de choses, avoir des contacts avec ses anciens étudiants.
Il semble que de plus en plus de formations, notamment à l’étranger, proposent d’observer l’activité football d’un point de vue systémique. Ce qui est très différent de ce qui est proposé en France.
Oui et c’est bien pour ça que je dis que la formation française n’est pas la meilleure. De toute façon, à l’heure actuelle, on a des modèles théoriques et des modèles pratiques, qui sont peu ou pas du tout sur les modèles fédéraux. Dans le temps, si par exemple au brevet d’état 1er degré, on présentait une situation jouée par rapport à un problème technique, on avait 2.
Voilà, c’était simple. Parce que les gars du jury avaient un modèle dans la tête qui était tellement le modèle que décrit Morin : le modèle de la simplification. Et puis un modèle descendant puis remontant, alors que ce modèle de simplification il ne fonctionne pas mieux que Pelé qui a appris à jouer au foot dans la rue.
Mais ça on ne le dit jamais. Et moi c’est ce que je reproche aussi aux journalistes, parce qu’ils ont quand même une responsabilité. Ils ont une responsabilité première, c’est à dire qu’ils discutent de choses qui, contrairement à ce qu’on pourrait penser, ils ne connaissent pas. Ils ont des informations sur la couleur de la culotte de machin, sur le manager qui prend celui-ci ou celui-là… Et puis, ils ont piqué aux universitaires la description des ballons joués/ballons perdus, mais ils n’ont rien inventé.
C’est à dire ?
Il y a un truc qui est quand même extraordinaire, c’est que les ballons perdus, on ne les voit jamais. Le problème c’est que moi il me semble qu’un des indices les plus importants, c’est de diviser les ballons conquis par les ballons perdus. Et on a souvent un indice qui varie de 0 à 1. Et ça c’est un indice qui est à pondérer un petit peu, parce que quand on joue devant on a tendance à perdre plus de ballons, notamment si on tire à côté etc. C’est un indice qui rend compte de l’activité d’un joueur de façon assez extraordinaire. Mais les managers, ils n’en veulent pas de ça. Pourquoi ils n’en veulent pas ? Parce que ça touche à la valeur du joueur. Et ce qui touche à la valeur du joueur, ça touche à leur porte-monnaie.
C’est là qu’on retrouve le système social qui revient en premier par rapport aux aspects tactiques. Les aspects foot-business qui reviennent au premier plan. C’est pour ça que je parlais des aspects sociaux. Mais ces aspects sociaux y sont extrêmement prégnants. Et la deuxième chose pour les journalistes, c’est qu’ils font partie du marigot. Ils sont dans le même marigot que les joueurs, etc. C’est à dire que la soupe elle est là, y compris pour eux. Donc on ne peut pas raconter la soupe et avoir un point de vue critique sur la soupe.
Oui, sauf si on veut la rendre meilleure.
Oui, on va mettre un peu de beurre oui…. Je pousse un peu le trait mais…
Parlons interdisciplinarité. On voit que des clubs comme le FC Barcelone « se nourrissent » d’autres sports collectifs comme le basket, le handball, le water-polo, pour essayer de créer des passerelles. Qu’en pensez-vous ?
Mais moi j’en suis convaincu. J’en suis convaincu, dans la mesure où en 76, les options sport collectifs (L2), avait un cours composé de 12 séances de trois heures, qui s’appelait « option élargie ». Par exemple, ceux qui faisaient option foot, faisaient aussi basket, handball ou volley-handball. Et après, on l’a fait en L3. Où pareille sur une demi-année, on avait une heure et demie de gymnase et une heure et demie de salle. Et si on avait une salle dans le gymnase, on passait de l’un à l’autre.
Parce que je pense que cette idée d’option élargie permet de voir ce qu’il y a de commun et ce qu’il n’y a pas de commun. Sur l’observation du jeu, sur les configurations, sur un certain nombre de choses (sauf au volley), on se retrouve sur des idées communes. Après sur les aspects tactiques individuelles, c’est différent. Le règlement, les règles premières sont différentes. Donc les règles secondaires, ce que j’appelle les règles secondaires ce sont les aspects tactiques, stratégiques, sont forcément différentes. Mais dire que l’on est dans un milieu où c’est un groupe qui affronte un autre groupe et qu’il y a sans doute un certain nombre de régularités communes : ça vaut le coup de s’y pencher.
Il y a des choses à voir par rapport aux conditions dans lesquelles on élargit un espace de jeu effectif. Parce que si on le contracte, il y a des problèmes. Comment circule la balle par rapport à ça ? Là-dessus, on a beaucoup écrit depuis plus de 25 ans, mais ça ne veut pas dire que c’est extrêmement connu. Aux Presses Universitaires de Franche-Comté on en a écrit 5 avec notre équipe de recherche. Il y en a un sur les configurations du jeu, un autour du temps, un sur des signes au sens, un sur l’intelligence tactique et un qui s’appelle les objets de la technique.
Et il y a aussi tout ce qui est publié sur ResearchGate où il y a quand même vraiment beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses.
Ah oui il y a beaucoup de choses. L’essentiel des idées il y est : sur les connaissances, sur un certain nombre de choses.
Et en lisant d’autres chercheurs, que ce soit espagnols et portugais. C’est toujours un peu les mêmes qui sont cités…
Oui mais parce qu’il y a un réseau : Duarte, Castelo… Et puis un certain nombre d’autres, comme Garganta à l’Université de Porto. Et puis avec tous ces gens-là, on se retrouvait dans une association qui s’appelle l’AIESEP : l’Association Internationale des Écoles Supérieure d’Éducation Physique. Elle a été créée par les Français et les Portugais en 1963. Maintenant, les anglophones ont pris un peu le pouvoir, mais il y avait tout de même quelques sociétés savantes internationales où on avait l’occasion de discuter de ce genre de choses. Le deuxième aspect c’étaient les bouquins Science and Football, je ne sais pas si vous les connaissez ?
Oui
Alors, Science and Football 1, 2, 3, 4, 5 même si ça vaut un prix fou, il y avait un colloque qui était organisé autour de Thomas Reilly. C’était un Irlandais qui était à l’université John Moores, enfin à l’École polytechnique de Liverpool qui s’est ensuite appelé John Moores University. Et cette université avait un laboratoire d’analyse du jeu, etc. Après ces gens-là, il y en a certains qui ont migré au Pays de Galles, à l’Université de Cardiff. Cela veut dire que sur l’observation du jeu, depuis les années 80, les anglais ont sacrément fonctionné. Christopher Carling, qui était à Lille (à la FFF maintenant), il était dans cette école-là.
L’entrainement d’hier n’est plus celui d’aujourd’hui et il est de plus en plus question d’approches basées sur la manipulation des contraintes.
Sur les aspects structuraux du jeu.
Exactement. Même si c’est écrit dans vos bouquins, pourriez-vous élaborer un peu sur ce sujet ?
Le problème, c’est qu’on va revenir sur des aspects théoriques parce que : rien n’est meilleur qu’une bonne théorie pour comprendre ce qu’il se passe. Si on n’a pas de théorie ou si on n’a pas d’éléments d’observation pour regarder ce qui se passe dans la pratique, on passe à côté. Donc ça c’est le premier point. C’est à dire ne pas cracher sur les aspects théoriques et de se dire qu’il y a une liaison indéfectible entre la théorie et la pratique, la pratique et la théorie. Et que c’est un système qui s’alimente.
« Si on n’a pas de théorie ou si on n’a pas d’éléments d’observation pour regarder ce qui se passe dans la pratique, on passe à côté »
Le deuxième point sur les aspects théoriques : il y a en gros 4 modèles d’apprentissage. Il y a le modèle technique où on simplifie, et puis après on essaye de reconstruire le bonhomme. Le deuxième, c’est l’approche structurale, celle dont on vient de parler. On fait varier l’environnement, donc on fait varier le nombre de joueurs, le temps et éventuellement la vitesse du ballon, le nombre de ballons, etc. Le troisième, je dirais que ce sont les rapports d’opposition et l’analyse systémique. Et le quatrième qu’il ne faut jamais oublier, c’est celui où on joue au bas du HLM et où on apprend quand même.
Parce que ce 4ème là, c’est quand même celui qui a construit Pelé, Maradona, etc… C’est à dire celui où on donne un ballon et puis ça se débrouille un peu tout seul. Et puis au hasard, des jeux, des expériences, etc…. Paf il y a un truc qui sort. Donc, il ne faut jamais l’oublier celui-là. Parce que bien souvent on nous dit : Ah oui, mais il y a untel, untel, untel…
Donc on est face à quatre modèles là. Alors le modèle le plus global c’est le dernier. En dessous, c’est le systémique, en dessous c’est le structurale et puis le modèle le plus réduit, c’est le modèle technique. Donc on voit que cela se transforme, que ça passe de modèles techniques à une approche structurale du jeu. Ca date de Teodorescu, etc, dans les années 75-80. Enfin 70-80. Et le modèle systémique il arrive à partir de Rapports d’opposition en 79, René Deleplace, etc.
Bon, on en est là. C’est à dire que là, on a des aspects historiques, on a des aspects épistémologiques, excusez le mot, c’est à dire réfléchir sur la façon dont les concepts et les aspects pratiques se sont construits. Bon, il me semble que quand on a ces éléments-là, on a de quoi analyser où on en est et éventuellement vers quoi on veut aller.
C’est ce qu’il semble manquer aujourd’hui. Parce que qu’on a souvent du mal à savoir ce qu’on veut observer.
Le problème c’est simple, on met un 3vs3 en place. On met les gens autour, on les fait jouer quelques minutes, comme ça on ne tire pas trop sur le bonhomme, et ça se met un petit peu en place. Ala fin, on relève les copies et on dit aux gens : qu’avez-vous vu ? Alors ça, c’est extraordinaire. C’est extraordinaire, sur le modèle que les gens ont dans la tête.
Quand on faisait des stages de formation continue dans les années 80, on commençait toujours par des éléments d’observation et par mettre en évidence quel modèle d’enseignement j’ai dans la tête. Quel modèle d’apprentissage j’ai dans la tête. Et rapporté aux quatre grandes familles qu’on pourrait détailler plus. Dans l’EP&S N°17. Didactique des sports collectifs à l’école, on a écrit là-dessus. Il y a des éléments dans la littérature française dont on peut servir.
Justement, on parlait des éducateurs et du fait de verbaliser ce qu’on a pu voir en séance. Dans ces modèles où la compréhension du joueur est importante, assez souvent, le modèle c’est de faire jouer et ensuite d’interroger. Pour que le joueur ou l’apprenant verbalise ce qu’il a appris. Mais l’acquisition de compétences et la verbalisation sont deux choses différentes. On peut ne pas arriver à verbaliser ce qu’on a appris et pourtant être compétent et inversement, le verbaliser et ne pas être capable de le mettre en place.
Tout à fait. Simplement, comme outil pédagogique, la verbalisation est un outil qui en vaut un autre. Pas pour tout le monde. Mais bien sûr que c’est vrai. Demandez à Zidane pourquoi il a fait quelque chose, on aura du mal à le lui faire sortir.
Mais encore une fois, il me semble, il y a une excellente thèse d’Alain Mouchet là-dessus, sur le rugby. Il y a aussi Jean-Marie Garbarino qui a travaillé avec des milieux de terrain pour essayer de leur faire dire quelles décisions ils prenaient. Et Alain Mouchet, c’est de mon point de vue la « tête » la plus aboutie sur le sujet. Il est prof à Créteil et a fait un truc en faisant des entretiens d’explicitation avec des joueurs de rugby. Il y a des choses très intéressantes sur ces choses-là, sur la notion de verbalisation.
Bon alors, pour répondre à la question, plusieurs choses : il faut distinguer construction et utilisation. Il faut bien différencier construction des connaissances et utilisation en jeu. Parce que quand on est dans la construction, la verbalisation est à mon avis quelque chose de très intéressant. Quand on est en jeu, la verbalisation elle est ou avant ou après, rarement pendant. Elle peut être pendant avec une intervention de l’entraîneur sur un arrêt de jeu ou à la mi-temps, mais enfin, ce n’est pas facile de faire circuler l’information, quand tu es en train de jouer sur le terrain. Après je pense que vous l’avez toujours constaté.
« Il faut bien différencier construction des connaissances et utilisation en jeu »
Donc quand on dit : on peut le verbaliser et ne pas être capable de l’utiliser et on ne peut pas verbaliser et être capable de le faire, c’est enfoncer des portes ouvertes. Parce que ça, il y a très longtemps qu’on le sait. Le problème est de dire : dans un certain nombre de cas, le fait de verbaliser permet d’amener à la conscience, un certain nombre de choses. Et dans le jeu, de les utiliser plus ou moins consciemment. Après de les automatiser, donc de les renvoyer à des taches de fond pour libérer la conscience, pour faire autre chose. C’est là qu’est la démarche et c’est là qu’est la chose.
Parce que le problème, c’est que si on savait comment se construisent les automatismes, comment se construit la lecture du jeu, etc. et bien on aurait grandement avancé. Mais pour l’instant, on ne sait pas. Non, parce que moi je suis un peu chatouilleux sur la notion de verbalisation. Parce qu’avec mes collègues, on est quand même un peu les papas de la notion de débat d’idées et de débat dans la phase de construction. Mais on ne fait pas du débat tout le temps !
C’est à dire qu’il y a des moments où il faut le faire, et puis il y a des moments où on a besoin de répéter, d’utiliser, de jouer, d’expérimenter dans des situations d’opposition voir si ça marche, si ça ne marche pas. Éventuellement d’avoir un apport technique ou un apport sur un point particulier, quand on est dans un système un petit peu plus de haut niveau.
Donc tout ça, toutes ces interactions c’est très nuancé. Et puis, parce que c’est quand même de l’humain qu’on a en face.
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