Passé par Aberdeen FC, Right to Dream et le Rangers FC, Cameron Campbell est responsable du développement individuel au RB Leipzig.
Il nous propose de découvrir sa perspective sur le développement individuel du joueur, l’importance de l’honnêteté et de la connexion humaine ou encore l’importance de développer un esprit critique.
Chaque dimanche vous recevrez des idées sur l’analyse du jeu, l’entrainement ou encore l’apprentissage.
Qu’est-ce que le football représente pour vous ?
C’est un peu ma première passion, mon premier amour en quelque sorte. En Écosse, le football est le sport principal, celui qui rassemble tout le monde. Les enfants commencent à y jouer dehors avec leurs copains d’école dès l’âge de quatre ou cinq ans.
D’ailleurs, culturellement, c’est une activité qui me semble jouer un rôle important dans la connexion pères-fils, car probablement tous les pères rêvent que leurs petits garçons deviennent footballeur ou de les emmener à leur premier match.
Par exemple, ma compagne attend notre premier enfant et j’ai déjà hâte de lui acheter son premier ballon, son premier maillot, de l’emmener au stade pour la première fois et de partager tous ces moments ensemble. Le football a toujours été une constante dans ma vie, et je me sens vraiment chanceux et honoré que ce soit devenu mon métier.
Comment êtes-vous devenu entraîneur de football ?
J’ai joué au football durant toute ma jeunesse en Écosse, jusqu’au niveau semi-professionnel vers l’âge de 17 ou 18 ans. Néanmoins, j’ai assez rapidement pris conscience que je n’avais pas le potentiel pour faire une carrière durable à ce niveau ou plus haut. J’ai donc voulu continuer à rester impliqué dans le sport d’une autre manière.
Joueur, j’étais déjà fasciné par les aspects tactiques, le coaching et l’entraînement. Je cherchais à comprendre pourquoi certains exercices fonctionnaient et d’autres moins bien. J’ai donc décidé de passer de l’autre côté pour voir si cela pouvait me plaire et si je pouvais apporter quelque chose aux joueurs.
« J’adorais interagir avec les joueurs, essayer de les aider à progresser et à s’améliorer un peu chaque jour. »
C’est comme cela que j’ai commencé à encadrer l’équipe de mon lycée, alors que j’y étais moi même encore élève. J’ai fait énormément d’erreurs à l’époque. Si mes séances avaient été filmées, je pense que j’aurai beaucoup de mal à les regarder aujourd’hui sans être gêné. Néanmoins c’est ce qui m’a permis de découvrir que j’avais une véritable passion pour ce métier. J’adorais interagir avec les joueurs, essayer de les aider à progresser et à s’améliorer un peu chaque jour.
J’ai donc commencé à passer mes diplômes d’entraîneur auprès de la Fédération écossaise de football et en parallèle, j’ai poursuivi un parcours académique en allant à l’université. A l’époque, l’université ne proposait pas de diplôme spécifique pour devenir entraîneur, mais il était possible de suivre un cursus en sciences du sport qui comprenait une partie consacrée à l’entraînement.
Cela m’a permis de développer de très bonnes bases, car ce que je considère comme étant mes forces aujourd’hui – une approche analytique, une capacité à envisager les problématiques sous un angle différent et l’application des principes de la recherche – découlent en grande partie de cette expérience universitaire.
Dans quelle mesure votre parcours universitaire a-t-il influencé votre vision du coaching, de l’entraînement et du développement des joueurs ?
J’ai obtenu mon honours degree en 2014, et j’ai ensuite continué avec un doctorat jusqu’en 2018. Mon parcours universitaire m’a été bénéfique de plusieurs manières. Il m’a permis, entre autres, de comprendre ce qu’est le développement à long terme des athlètes, comment acquiert-on de nouvelles habiletés et comment les individus apprennent de manière générale.
À ce sujet, je pense que beaucoup de formations d’entraîneur se concentrent parfois un peu trop sur les aspects tactiques. Par exemple, les forces et les faiblesses du 4-4-2 contre le 3-4-3, etc. Bien entendu, c’est très important et on peut tout à fait réfléchir à la conception d’entraînements basés sur ces objectifs tactiques.
Néanmoins, je ne suis pas sûr que l’on se penche suffisamment sur certaines questions qui sont à mon sens fondamentales : Comment les individus apprennent-ils ou acquièrent-ils des habiletés ? Comment créer des séances d’entraînement qui favorisent l’engagement, qui motivent et inspirent ? Comment évaluer ce que les joueurs ont appris ?
Mon cursus comprenait des matières comme la psychologie du sport, l’anatomie ou encore la physiologie. Les modules consacrés au coaching couvraient des sujets allant de comment communiquer efficacement à comment faire preuve de leadership. C’est ce qui m’a vraiment permis de prendre conscience de la diversité des expertises qui existent et de ce qui est nécessaire pour accompagner le développement d’un individu/joueur.
En tant qu’entraîneur, il est aujourd’hui nécessaire d’avoir un minimum de connaissances dans chaque domaine pour être en mesure de formuler une opinion éclairée. Il faut ensuite être ouvert à collaborer avec des personnes qui possèdent une expertise bien supérieure à la vôtre dans ces domaines spécifiques, afin de pouvoir mettre tout cela en œuvre. C’est d’ailleurs ce qui caractérise un staff aujourd’hui.
« Je pense que beaucoup de formations d’entraîneur se concentrent parfois un peu trop sur les aspects tactiques »
À Leipzig, nous avons la chance d’avoir, dès les U14, un staff fantastique pour soutenir l’équipe. Il y a un entraîneur principal, un entraîneur adjoint, des psychologues du sport, des scientifiques du sport, des nutritionnistes, des analystes. L’enjeu est de déterminer comment tirer le meilleur parti de toutes ces personnes différentes réunies au sein d’une équipe multidisciplinaire, afin de créer l’environnement le plus adapté pour les joueurs.
Un autre point clé de l’université, c’est la manière dont on nous apprend à apprendre et à remettre les choses en question. À l’université, lorsqu’on vous pose une question, c’est à vous de trouver la réponse, que ce soit à travers une dissertation ou une présentation. Personne ne vous donne des réponses toutes faites.
Les cours magistraux vous orientent vers des ressources et des informations, ce qui vous pousse à développer votre capacité à réfléchir de manière critique et à évaluer différents aspects. Vous ne pouvez pas vous contenter de lire un article et de prendre pour argent comptant ce qui est écrit. Vous devez analyser dans quelle mesure les informations et données partagées sont valables et fiables.
Cette approche critique s’avère particulièrement utile lorsqu’on l’applique au football. Par exemple, lorsqu’ils voient un exercice réalisé par Manchester City sur YouTube, certains entraîneurs se disent simplement : « C’est Manchester City, c’est donc forcément bien, alors je vais copier ce qu’ils font et le proposer à mes U16 ou U19 ». Mais ont-ils évalué ce qui était proposé de manière critique ? Quels étaient les objectifs précis ? Que cherchaient-ils à accomplir ? Quels types de joueurs participaient à cette séance ? Quels étaient leurs besoins spécifiques ?
Approcher les choses de cette manière est probablement la compétence majeure que j’ai développée à l’université. Avoir un esprit critique et remettre en question ce qui semble être la norme. Car dans le football, de nombreuses pratiques sont considérées comme étant la norme et sont constamment reproduites. Je me demande dans quelle mesure les gens s’efforcent réellement de les questionner pour faire évoluer le jeu ?
Vous avez travaillé en Ecosse, au Ghana et en Allemagne. Comment ces différentes transitions culturelles ont-elles influencé votre approche ?
Le passage d’Écosse – un pays à la population peu diversifiée, y compris sur le plan religieux – au Ghana, a représenté l’une des expériences les plus marquantes de ma vie. Cela va bien au-delà du football.
Lorsque j’ai commencé à entraîner, mon premier club en Ecosse à été Aberdeen où je suis resté cinq saisons. À cette époque, nous nous demandions souvent si être entraîneur pendant plusieurs années au même endroit signifiait vivre plusieurs fois la même année ou si cela représentait plusieurs années d’expériences différentes. Cette nuance me semble importante.
J’ai rapidement pris conscience qu’il serait difficile de découvrir des perspectives différentes sans rencontrer de nouveaux mentors, de nouveaux groupes de joueurs et être confronté à de nouvelles façons de penser. Alors, lorsque l’opportunité de rejoindre Right To Dream s’est présentée, je n’ai pas hésité. C’est une expérience qui m’a complètement ouvert les yeux.
En arrivant au Ghana et en travaillant essentiellement avec des joueurs ghanéens et ivoiriens, j’ai réalisé que nous avions très peu en commun en termes d’éducation, de mode de pensée, etc. Ce que nous avions en commun, c’était le football et notre amour pour ce sport.
C’est là bas que j’ai vraiment saisi l’importance du lien humain. A la Fédération anglaise de football, ils disent souvent qu’il faut « connecter, avant de coacher », et je trouve cela très juste. En effet, les joueurs ne se préoccupent pas de ce que vous savez tant qu’ils ne sont pas convaincus que vous vous souciez d’eux.
En ce sens, mes six premiers mois au Ghana ont été consacrés à en apprendre autant que possible sur les origines de ces joueurs, leurs sources de motivation, les raisons profondes de leur engagement et de leur désir de devenir footballeurs professionnels. Ils avaient une motivation et une détermination que je n’avais jamais vues auparavant.
C’était aussi la première fois que je travaillais avec autant de personnes de confession différente, ce qui, naturellement, influence leur quotidien et leur perception du monde. Chacun développe une vision du monde singulière, façonnée par l’éducation parentale, les croyances et les convictions religieuses. Ce fut une véritable éducation culturelle en dehors du terrain.
« Les joueurs ne se préoccupent pas de ce que vous savez tant qu’ils ne sont pas convaincus que vous vous souciez d’eux. »
Sur le terrain, les joueurs présentaient également des caractéristiques complètement différentes de ce que j’avais connu. Un certain nombre d’entre eux avaient une excellente maîtrise du ballon dans les situations de 1 contre 1, mais rencontraient peut-être plus de difficultés au niveau en termes d’habileté à tirer, centrer et passer.
Si l’on se focalise sur le football auquel ils ont été habitués à jouer depuis petit, on s’aperçoit qu’ils n’ont jamais eu accès à des buts de taille réglementaire sur de grandes surfaces de jeu impeccables, leur permettant de réaliser des passes de 15 à 20 mètres ou de tirer de loin. Ils ont pratiqué un football de rue, sur de petits terrains à la surface inégale, ce qui explique pourquoi leurs aptitudes en 1 contre 1 sont incroyables, mais que leur habileté à passer ou à tirer nécessite souvent du travail.
Je dirais que c’était presque l’inverse en Écosse, où, quand nous étions enfants, nous allions au parc et jouions à des jeux où nous tirions et passions beaucoup sur de grands terrains. Nous n’avons jamais vraiment connu ces situations intenses de football de rue et en espace réduit, de 3 contre 3 ou de 4 contre 4. C’était donc très intéressant de découvrir ces différents profils de joueurs et d’ensuite pouvoir les comparer avec les joueurs danois ou finlandais lorsque nous venions au FC Nordsjælland.
En ce sens, l’un des grands atouts de Right to Dream, du FC Nordsjælland et du groupe en général, c’est qu’ils réunissent un grand nombre de personnes très différentes dans ces environnements uniques. Ces personnes se retrouvent autour d’un style de jeu commun, tout en conservant leurs singularités individuelles.
Si l’on prend des exemples comme Mikkel Damsgaard, issu de leur académie danoise, et Mohammed Kudus, tous deux des joueurs qui ont longtemps fréquenté ces académies et ont excellé à Nordsjælland avant d’intégrer la Premier League, on observe qu’ils ont réussi à rester fidèles à eux-mêmes en tant que joueurs et individus, tout en collaborant brillamment au sein d’une équipe. C’était vraiment impressionnant à constater.
Après avoir moi-même beaucoup évolué et appris durant mes expériences au Ghana et au Danemark, lorsque l’opportunité de rejoindre Leipzig en Allemagne s’est présentée, je n’ai pas hésité à la saisir. C’était l’occasion de découvrir une nouvelle culture, un autre pays, un championnat différent, et de voir où se situaient les spécificités. »
Le développement individuel devient incontournable dans le football et vous êtes responsable de ce département au RB Leipzig. Quels sont les principaux objectifs que vous essayez d’atteindre ?
Au sein de l’académie, nous fonctionnons avec des repères qui nous sont spécifiques, car notre mission diffère fondamentalement de celle de l’équipe première. L’équipe première, elle, se situe au sommet de la pyramide et c’est la seule équipe du club. Tout ce qui se trouve en dessous, ce sont des individus/joueurs qui, chaque jour, s’entraînent ensemble ou travaillent sur leurs besoins spécifiques.
L’un de nos principes directeurs est que ce ne sont pas les équipes qui effectuent leur premier match en équipe première, mais les individus. De même, ce ne sont pas les équipes qui apprennent, mais bien les individus qui les composent. Ce cadre nous permet de planifier et de périodiser nos objectifs de manière beaucoup plus claire.
L’académie partage une mission commune à tous ses départements : former des footballeurs professionnels dans une culture de haute performance. Idéalement, ces joueurs joueront pour Leipzig, mais si ce n’est pas le cas, notre objectif est qu’ils réussissent une carrière au plus haut niveau possible dans d’autres clubs. Par conséquent, lorsque nous concevons une séance d’entraînement, peu importe le thème, il est essentiel de considérer comment celle-ci s’inscrit dans les plans de développement individuels des joueurs de cette équipe.
« Ce ne sont pas les équipes qui effectuent leur premier match en équipe première, mais les individus. De même, ce ne sont pas les équipes qui apprennent, mais bien les individus qui les composent »
Prenons un exemple : si une séance d’entraînement collective est axée sur la sortie du ballon, nous allons chercher à identifier les implications individuelles pour le gardien de but, les quatre défenseurs et les milieux centraux. Nous allons répondre à la question suivante : quels éléments spécifiques de leurs plans de développement individuels pouvons-nous intégrer à cette séance collective ?
Le développement individuel ne se limite pas à vingt minutes d’entraînement isolé avec un coach et un sac de ballons à un moment de la journée ; c’est un processus continu, qui s’étend tout au long de la journée. Cela inclut, par exemple, le travail en salle pendant la pré-activation : est-ce que le joueur suit un programme vraiment individuel ou un programme générique et commun à l’ensemble de l’équipe ? Sur le terrain, nous avons un contrôle total sur l’environnement d’entraînement. Nous déterminons le timing des exercices, leur enchaînement et si nous alternons ou progressons de manière séquentielle.
Nous prenons également en compte les joueurs contre qui le joueur va s’entrainer, ses ‘sparring partners‘ et les conditions dans lesquelles se déroulent les exercices. Par exemple, lors d’un 8 contre 8, nous pouvons introduire subtilement des conditions ou des contraintes différentes pour cinq ou six joueurs, sans que les autres membres de l’équipe en aient connaissance. Cela nous permet de répondre à des besoins individuels très spécifiques, tout en restant dans le contexte de l’équipe.
« Lorsque nous concevons une séance d’entraînement, peu importe le thème, il est essentiel de considérer comment celle-ci s’inscrit dans les plans de développement individuels des joueurs de cette équipe. »
Nous complétons l’entraînement collectif standard – comme le font toutes les meilleures académies – par un programme et une périodisation. Ensuite, nous identifions les joueurs les plus méritants : ceux dont l’attitude et le comportement sont exemplaires, et qui donnent toujours le meilleur d’eux-mêmes. Nous nous demandons alors : quelles opportunités supplémentaires pouvons-nous leur offrir ? Pour un U16, à fort potentiel et qui fait tout correctement, la principale récompense reste souvent de débuter le match. Or, il le ferait probablement de toute façon grâce à ses capacités.
Alors, comment maintenir la motivation de ces joueurs durant les deux ou trois années qui précèdent leur intégration à l’équipe première ? Pour répondre à cette question, nous avons mis en place un certain nombre d’initiatives comme le ‘Training Loan’, le ‘Training Exchange’ ou encore un ‘Talent Group’ au sein duquel les joueurs à haut potentiel et les plus performants – tant sur le terrain qu’en dehors – s’entraînent ensemble. Des membres du staff de l’équipe première observent souvent ces séances afin de mieux connaître ces joueurs.
« Nous pouvons introduire subtilement des conditions ou des contraintes différentes pour cinq ou six joueurs, sans que les autres membres de l’équipe en aient connaissance. »
Ces initiatives font partie de notre programme ‘Focus Player‘, qui est accessible à tous les joueurs de l’académie. Nous le présentons en début de saison aux joueurs et à leurs parents comme un réel outil motivationnel, auquel chacun peut aspirer.
Après la pré-saison, nous réunissons tous les entraîneurs principaux, le responsable de la phase professionnelle, moi-même en tant que responsable du développement individuel, le directeur de l’académie et certains membres du staff de l’équipe première. L’objectif est d’identifier les joueurs les plus prometteurs et les plus impliqués dans leur propre développement.
En cours de saison, il est possible que certains joueurs quittent le programme en raison de leurs performances ou de leur comportement. Inversement, d’autres qui ont connu des débuts moins prometteurs peuvent s’améliorer suffisamment pour intégrer le programme.
Il est essentiel que les joueurs soient conscients de cette flexibilité. Ils doivent comprendre qu’ils ont la possibilité d’accéder à ces opportunités supplémentaires. Faire partie d’un programme comme celui-ci est un avantage, mais les joueurs savent qu’ils peuvent aussi bien y entrer qu’en sortir.
Par ailleurs, nous évitons délibérément de catégoriser les joueurs de manière définitive. J’ai pu constater dans d’autres clubs que le fait d’étiqueter un joueur de 15 ans comme « très prometteur » ou de « catégorie A » peut le rendre complaisant. Il risque de penser que tout lui est acquis. Ce n’est absolument pas notre approche. Nous voulons leur donner accès à diverses activités, mais en leur faisant clairement comprendre que s’ils cessent de fournir les efforts nécessaires pour y accéder, ces opportunités ne leur seraient plus accessibles.
Etant donné que l’objectif est de préparer les joueurs aux réalités de l’équipe première – les hauts et les bas, les différentes exigences –, qu’est-ce que comprend le programme « Focus Player » ?
Le ‘Training Loan’ est l’une des initiatives clés de notre approche. À Leipzig, nous avons beaucoup de joueurs prometteurs dans toutes les catégories d’âge. Lorsqu’ils ont plus ou moins 16 ans, qu’ils commencent à avoir un développement physique leur permettant de jouer avec des adultes, la réalité est qu’il y a peut être sept ou huit joueurs qui peuvent évoluer dans leur rôle en U16, U17 et U19. Et ça, avant même d’envisager qu’ils puissent prétendre à l’équipe première.
Notre philosophie nous poussant à essayer de ne jamais perdre une seule seconde du développement de chaque joueur, nous avons établi un partenariat avec une équipe de quatrième division. Nous y envoyons nos jeunes de 15 et 16 ans à fort potentiel pour s’entraîner. Plutôt que de les prêter et de perdre une partie du contrôle sur leur développement, nous nous sommes dit que nous voulions qu’ils découvrent ce que cela représente de jouer avec des adultes, et qu’ils soient confrontés à tous les défis que cela implique sur les plans mental, physique, technique et tactique.
Donc, un jour par semaine – généralement le mardi ou le mercredi – au lieu de s’entraîner avec leur catégorie d’âge habituel, ils s’entraînent avec l’équipe première masculine de notre club partenaire. Cela leur permet de se familiariser avec ce que c’est que d’arriver sur un terrain d’entraînement sans connaître personne, ou d’entrer pour la première fois dans un vestiaire d’adultes, sans connaître personne.
Nous ne voulons pas que leur première expérience de ce type se produise lorsqu’ils foulent le terrain de notre équipe première, car la pression y est incomparable. Nous voulons qu’ils se sentent à l’aise et qu’ils se disent : j’ai déjà vécu cette situation. J’ai déjà évolué sur un nouveau terrain que je ne connaissais pas, je sais comment donner le meilleur de moi-même et comment faire la différence à l’entraînement. C’est l’un des éléments fondamentaux de notre programme.
Le ‘Training Exchanges’ nous permet d’envoyer nos joueurs s’entraîner dans les meilleurs centres de formation d’Europe au sein de leur catégorie d’âge. A l’académie, nous faisons souvent référence à la notion de “moi contre moi”, en insistant sur le propre développement du joueur et en évitant la comparaison constante aux autres. Cependant, il arrive un moment, surtout en phase de transition, où il devient nécessaire de prendre du recul. Leipzig a la chance de pouvoir recruter des joueurs du monde entier, et souvent pour des sommes importantes.
Nos joueurs doivent donc comprendre que même s’ils sont les meilleurs milieux de terrain de 17 ans au sein de notre académie, il doivent se demander : à quoi ressemble le meilleur milieu de terrain de 17 ans en Espagne, en Angleterre ou en France ? Car la réalité, c’est que l’équipe première pourrait dépenser 20 millions pour un joueur belge.
Pour nourrir leur motivation et les soutenir tant que nous pouvons encore influencer leur développement, nous les emmenons dans certaines des meilleures académies. L’idée, c’est qu’ils puissent se confronter à d’autres joueurs à l’entraînement et découvrir des environnements différents.
Par exemple, l’équipe première du RB Leipzig a connu des entraîneurs différents, de nationalité différentes. Cependant, à l’académie, la majorité des entraîneurs sont allemands. C’est d’ailleurs assez similaire à ce que j’ai pu observer lorsque je travaillais pour les Rangers : tous les entraîneurs de l’académie étaient écossais, tandis que l’équipe première avait des entraîneurs belges ou encore néerlandais.
Par ailleurs, nos joueurs ont-ils fait l’expérience de différentes approches de l’entraînement ? Même si nous sommes tous différents, ayant suivi le même parcours de formation et partageant des convictions similaires, l’entraînement peut sembler assez uniforme. Pouvons-nous donc exposer les joueurs à des méthodologies d’entraînement variées, à différentes cultures et à des approches de travail distinctes ?
« Nos joueurs doivent donc comprendre que même s’ils sont les meilleurs milieux de terrain de 17 ans au sein de notre académie, il doivent se demander : à quoi ressemble le meilleur milieu de terrain de 17 ans en Espagne, en Angleterre ou en France ? »
Certains entraîneurs sont très axés sur l’intensité et privilégient une communication intense. D’autres sont plus posés, avec un rythme d’entraînement plus lent, et leur réflexion est peut-être bien plus tactique. Nous nous efforçons donc de leur faire vivre ces expériences en sélectionnant avec soin les clubs que nous visitons. Nous choisissons souvent des clubs dont l’approche est presque l’opposé de ce qu’ils expérimentent ici au quotidien.
Tout au long de la semaine, les joueurs bénéficient également de programmes individuels. Ceux-ci incluent des séances d’entraînement supplémentaires avec nos entraîneurs-spécialistes. Cela se déroule généralement avant ou après l’entraînement collectif, dans le but d’enrichir constamment leur développement. Ensuite, il y a notre ‘Talent group’ où, une fois par semaine, des joueurs des U15 aux U19 se rassemblent au sein d’un groupe mixte pour s’entraîner.
Nous organisons également la Wings Cup, un tournoi individuel. Tous les joueurs qui y prennent part ont participé au programme tout au long de l’année. C’est en quelque sorte une forme de récompense ou une motivation supplémentaire. L’idée est qu’après avoir donné le meilleur d’eux-mêmes tout au long de la saison, parallèlement aux objectifs de l’équipe – comme remporter le championnat ou la Coupe d’Allemagne, participer à la Youth League, etc – les joueurs ont également la possibilité de gagner leur place dans l’équipe de la Wings Cup.
Ce tournoi est le résultat d’un travail considérable mené par différentes personnes au sein du club et en dehors. Notre première édition a eu lieu cette année (2025) et le bilan me semble très positif. Suite au tournoi, nous avons sollicité l’avis des soixante participants venus du monde entier – d’Amérique du Nord, d’Amérique du Sud et d’Europe – afin d’avoir leur point de vue en tant que joueurs. Nous organisons également des ateliers avec les différents staffs afin d’évaluer l’impact de cette initiative.
L’un des points majeurs dont nous avons discuté – et que j’ai moi-même constaté en tant qu’entraîneur de jeunes – est le suivant : si nous voulons que cette initiative contribue réellement au développement à tous les niveaux (c’est pourquoi nous nous sommes concentrés sur la performance et non uniquement sur les résultats), quel est son impact à long terme ?
Lorsque les joueurs retournent dans leurs clubs, comment utilisent-ils concrètement ce qu’ils ont appris durant le tournoi qui peut les aider dans leur développement ? Est-ce que cela reflète véritablement leurs plans de développement individuels ? Si nous avions identifié qu’un joueur devait s’améliorer en défense à 1 contre 1 lors du tournoi, quelle a été son expérience face à certains des meilleurs joueurs ? Nous espérons que les réflexions et les sessions de feedback nous apprendront autant, sinon plus, que les journées du tournoi elles-mêmes.
Quelle est votre approche vis à vis de sélection/désélection des joueurs participant au programme ?
Il n’y a pas de règles strictes ni de durée fixe pour les joueurs qui participent au programme. Il n’y a pas non plus de limite quant au nombre de participants. Lorsque nous réunissons le groupe pour une séance d’entraînement, les seules questions que nous nous posons sont les suivantes : qui est disponible et quel est son besoin précis ? Nous ne nous soucions pas de la taille du terrain ou du nombre de joueurs idéal pour un exercice donné. Cela évite d’intégrer des joueurs supplémentaires juste pour les besoins d’une séance. Tout est basé sur le mérite des joueurs, sur ceux qui méritent vraiment d’être là.
Pendant une trêve internationale, en raison de blessures, nous avons organisé des séances avec seulement quatre joueurs, puis la semaine suivante, avec seize. Etant donné que nous n’avons pas à nous soucier d’un nombre de joueurs nécessaires en vue du match du week-end, nous fonctionnons de manière assez fluide. De plus, nous n’écartons aucun joueur du programme de manière rigide. Lorsque nous avons présenté le programme aux joueurs et au staff, nous avons clairement indiqué qu’un joueur ne serait pas écarté après seulement un ou deux mauvais matchs.
Nous sommes – comme beaucoup – conscients que la formation des jeunes est une véritable montagne russe. En ce sens, pour qu’un joueur sorte du programme, il faut généralement qu’il montre des performances en deçà des attentes durant plusieurs semaines – environ cinq à six semaines. C’est ce qui nous amène à conclure qu’il est dans une période plus difficile.
Par ailleurs, s’il affiche un comportement problématique sérieux, que ce soit à l’école ou sur le terrain, le joueur est immédiatement écarté. Il est bien entendu possible pour eux de regagner plus tard leur place. Cependant, si leurs performances sont en baisse, qu’ils traversent simplement une période délicate en match, mais que leur attitude et leurs efforts demeurent constants et élevés, ils resteront probablement dans le programme jusqu’à ce que nous estimions qu’une pause pourrait leur être bénéfique.
« Si leur première expérience de l’échec – ou de ce qu’ils perçoivent comme tel – intervient en U19 ou avec l’équipe première, sont-ils mentalement préparés à y faire face ? »
Encore une fois, notre objectif est de les confronter à un maximum de défis et d’obstacles afin de renforcer leur résilience. Souvent, les joueurs de ce programme sont les meilleurs de leur catégorie d’âge, que ce soit à 13, 14 ou 15 ans. Cela signifie qu’ils ne sont pas souvent confrontés à une adversité importante, puisqu’ils figurent toujours parmi les meilleurs.
Ils jouent constamment, reçoivent des éloges, remportent des trophées et participent à des tournois. Alors, si leur première expérience de l’échec – ou de ce qu’ils perçoivent comme tel – intervient en U19 ou avec l’équipe première, sont-ils mentalement préparés à y faire face ?
Yohan Cabaye a un jour souligné la nécessité de faire preuve « d’endurance mentale pour faire face aux déceptions quotidiennes ». En tant que footballeur professionnel, le joueur est constamment confronté à des revers : une non-sélection, une blessure, une suspension, une mauvaise séance d’entraînement, des problèmes personnels qui affectent la concentration, ou des désaccords avec ses coéquipiers. Comment faut-il gérer ces déceptions quotidiennes afin de s’assurer d’être au meilleur de sa forme le lendemain ?
Nous cherchons à leur inculquer cela le plus tôt possible, en fonction de leur âge et de leur stade de développement, puis nous les accompagnons. Le véritable atout de l’académie, c’est que nous pouvons les pousser et les placer dans des environnements stimulants – jouer dans des catégories d’âge supérieures ou inférieures, s’entraîner avec des groupes d’âges différents, par exemple. Nous maîtrisons ces variables, tout en leur apportant notre soutien. À mesure qu’ils progressent vers l’équipe première et qu’ils gagnent en maturité, ce soutien direct diminue naturellement.
Cette période de transition, des U15 aux U19, est donc cruciale. En effet, nous ne parlons pas seulement de transition pour caractériser le passage de l’équipe B ou des U19 à l’équipe première ; elle débute souvent dès les U15. Jouer dans une catégorie d’âge supérieure est une transition en soi. Si certains se concentrent uniquement sur cette dernière étape, nous avons, pour notre part, mis l’accent sur le développement de leur capacité à passer des U15 aux U16 ou U17. Nous pouvons ainsi poser les bases de la résilience, des aptitudes et des performances mentales nécessaires pour exceller et exprimer leurs meilleures qualités sur le terrain.
Lorsqu’un joueur quitte le programme, quel type de soutien mettez-vous en place pour vous assurer qu’il ne perd pas de vue son développement et qu’il garde confiance en ce qu’il essaie d’accomplir ?
Je crois que tout repose avant tout sur l’honnêteté. C’est le même principe que lorsqu’un joueur vient questionner l’entraîneur sur sa non titularisation. Nous devons toujours fournir une raison ou une explication claire. De même, si vous êtes entraîneur principal ou adjoint et que vous composez votre onze, les remplaçants ou les joueurs écartés qui vous sollicitent doivent toujours recevoir une explication valable.
Même si la raison peut relever d’une opinion avec laquelle le joueur n’est pas d’accord, vous devez toujours être en mesure de lui dire ouvertement et honnêtement : « Cette décision a été prise pour telle raison précise. Si tu travailles sur X, Y et Z, la situation peut évoluer. »
Je crois que l’approche est exactement la même dans le cadre de notre programme. Si un joueur est écarté du programme, il faut lui expliquer clairement : « Nous t’avons écarté pour ton comportement, tes performances, ton langage corporel (ou toute autre raison spécifique). C’est la raison de notre décision. Voici ce que nous pouvons faire pour t’accompagner dans ton évolution. Voici ce que tu dois faire, et comment nous pouvons t’aider ». Ce même principe s’applique à un U15 qui s’adresse à son entraîneur principal.
« Les remplaçants ou les joueurs écartés qui vous sollicitent doivent toujours recevoir une explication valable. Même si la raison peut relever d’une opinion avec laquelle le joueur n’est pas d’accord, vous devez toujours être en mesure de lui dire ouvertement et honnêtement : « Cette décision a été prise pour telle raison précise. Si tu travailles sur X, Y et Z, la situation peut évoluer. »
Ce programme appartient à tous les membres de l’académie. Il n’est la propriété d’aucun individu en particulier. Tout le monde – de l’équipe pédagogique en charge des joueurs résidents aux entraîneurs principaux, en passant par les kinésithérapeutes et les masseurs – partage le même objectif, la même mission.
Lorsque les joueurs posent des questions, nous devons toujours être en mesure de leur donner une réponse cohérente. Par exemple : « Tu ne fais pas partie du programme pour le moment car tes performances n’ont pas été suffisamment régulières au cours des trois derniers mois. Comment pouvons-nous les améliorer ? Quels sont tes points forts en tant que joueur ? Et sur quels aspects dois-tu travailler individuellement ?
Car, encore une fois, même si nous avons des séances dédiées pour les joueurs du programme, nous ne refusons jamais d’aider un joueur. Si un joueur vient nous voir et nous dit : « Je veux faire un travail individuel supplémentaire », nous lui trouverons toujours du temps.
Les entraîneurs individuels ne sont pas exclusivement réservés à ce programme et à ses participants ; c’est simplement une approche plus structurée pour eux, mais tout le monde peut avoir accès à ce soutien. C’est notre objectif et c’est la raison pour laquelle nous souhaitons faire de ce programme une initiative ambitieuse pour tous nos joueurs.
Avec toute l’attention portée au développement individuel, que mettez-vous en œuvre afin de minimiser le risque que les joueurs ne développent une déconnection avec les besoins collectifs inhérents à une équipe, notamment lors de la transition vers l’équipe première ?
Nous utilisons un Plan de Développement Individuel (PDI) cohérent dans toute l’académie, des U19 aux U11. Cette uniformité nous permet de suivre efficacement les progrès d’un joueur tout au long de son parcours. Si l’on a des PDI très différents pour chaque tranche d’âge – même en tenant compte des différences naturelles entre les stades de développement – il devient difficile de mesurer et de suivre précisément leur progression.
Je pense souvent qu’en tant qu’entraîneurs, nous n’en faisons pas toujours assez pour influencer activement le développement des joueurs. Souvent, les joueurs grandissent, mais sans nécessairement s’améliorer de manière proportionnelle lorsqu’ils passent des U13 aux U14 par exemple. La mise en place de ce PDI cohérent est donc la première étape cruciale.
Ensuite, à mesure que les joueurs progressent vers la phase professionnelle (U17, U19 et équipe première), nous organisons des réunions bihebdomadaires avec les principales parties prenantes. Ces réunions rassemblent les entraîneurs principaux de ces catégories d’âge, moi-même en tant que responsable du développement individuel, le responsable de la phase professionnelle, le directeur de l’académie, l’entraîneur adjoint de l’équipe première, ainsi que les scientifiques du sport de l’équipe première et de l’académie.
Au cours de ces réunions, nous discutons spécifiquement de chaque joueur. Nous nous concentrons généralement sur deux joueurs par semaine, en analysant leur profil en profondeur. Nous discutons de qui ils sont en tant qu’individus et joueurs, de leurs points forts, de leurs limites et de leurs axes de développement actuels.
Par exemple, un joueur peut s’entraîner avec l’équipe première le mardi et le mercredi. Le staff de l’équipe première doit donc être parfaitement conscient de ses besoins spécifiques en matière de développement. Ce même joueur peut ensuite s’entraîner avec les U19 le jeudi et, selon le calendrier des matchs, jouer pour les U17 ou les U19 le week-end. Nous avons des joueurs qui évoluent même dans trois équipes différentes. Cela peut être une combinaison U15/U16/U17, ou encore équipe première/U19/U17.
Il est donc essentiel que tout le monde comprenne et s’accorde sur les besoins de chaque joueur. Si un joueur intègre les U19 et que l’entraîneur de cette équipe met fortement l’accent sur un domaine spécifique, tandis que l’entraîneur des U17 se concentre sur un aspect complètement différent, et que cela se produit fréquemment, cela peut générer une confusion et entraver sa progression.
Concernant la place du développement individuel vis à vis du collectif : tous nos PDI sont basés sur des profils associés à une position. À Leipzig, nous utilisons huit positions qui sont standard en football : défenseur central, arrière latéral, six, huit, dix, ailier, attaquant et gardien de but.
Chaque PDI est initialement structuré autour de ces profils. Bien sûr, chaque joueur est unique. Il existe donc différents types de numéros 10, différents types de défenseurs centraux, etc. Cependant, leurs objectifs et leur tableau de bord de développement sont tous alignés sur notre style de jeu, sur l’identité d’une équipe Red Bull, et plus particulièrement d’une équipe de Leipzig.
Dans quelle mesure les données influencent-elles votre réflexion et vos choix en matière de développement des joueurs ?
Nous intégrons une quantité significative de données dans nos PDI U17 et U19. Cela répond à deux objectifs principaux. Tout d’abord, cela met en lumière les points forts actuels des joueurs. Cela nous permet ensuite d’apporter une valeur ajoutée en nous concentrant sur les axes d’amélioration. Par exemple, un joueur peut être exceptionnel dans la réception du ballon à l’entrée de la surface, mais son taux de conversion ou sa précision dans la finition peuvent être faibles.
Les données nous indiquent donc qu’il excelle dans la réception du ballon dans cette zone. Elles précisent aussi s’il tire généralement après une ou deux touches, ou après un dribble. Nous pouvons ensuite concevoir des séances d’entraînement très spécifiques. Elles reproduisent des scénarios de match – la position exacte, le type de passe, le moment du tir – afin de travailler précisément sur son exécution.
Deuxièmement, les données révèlent aussi les lacunes dans le jeu d’un joueur. Ce même joueur peut, par exemple, rarement tirer depuis l’intérieur de la surface de réparation. Peut-être est-ce parce qu’il est moins enclin à faire des courses sans le ballon de l’autre côté du terrain, ou qu’il perd sa concentration et ne saisit pas le bon moment pour arriver dans la surface. C’est pourquoi nous analysons toujours les données : pour identifier à la fois les domaines où nous pouvons améliorer les points forts existants, et ceux qui doivent être ajoutés aux compétences du joueur.
C’est là que les données prennent toute leur mesure, car elles nous aident à concevoir les séances d’entraînement les plus efficaces possibles. De plus, cela renvoie à mon argument précédent : celui de mesurer non seulement les performances, mais aussi le développement. Si un joueur se trouve à un certain niveau à 16 ans et qu’il est toujours au même niveau à 18 ans, nous pouvons analyser ces deux années. Cela nous permet de montrer comment il était à 16 ans par rapport à aujourd’hui. Nous pouvons présenter toutes les interventions que nous avons mises en place pour développer différents aspects de son jeu, tant sur le plan technique que tactique.
Cela permet également d’avoir une réflexion critique qui nous amène à nous demander : « Avons-nous vraiment fourni l’environnement, les séances d’entraînement et les informations adéquates pour faciliter le développement de ce joueur ? ». S’il s’est développé, de quelle manière précise notre contribution a-t-elle eu le plus d’impact ? Si, en revanche, il ne s’est pas développé autant que nous l’espérions, nous pouvons alors analyser ce que nous pourrions faire différemment la prochaine fois pour atteindre les objectifs souhaités pour ce joueur.
Qu’est-ce que toutes ces expériences vous ont appris sur l’apprentissage et sur la nature humaine ?
Concernant l’apprentissage, j’ai compris que même si les anciennes théories sur les styles d’apprentissage – purement visuel ou auditif – ont été largement réfutées, les gens apprécient et s’engagent certainement dans l’apprentissage de différentes manières. Leurs intérêts individuels varient aussi considérablement.
Je crois que lorsqu’on peut donner un sens réel à ce qu’une personne apprend, elle est invariablement plus motivée et plus intéressée par le processus. Par exemple, si vous souhaitez travailler avec un joueur sur sa capacité à effectuer des centres depuis le couloir intermédiaire, le simple fait d’organiser une séance d’entraînement axée sur cet aspect peut déjà susciter un certain niveau d’engagement.
Selon la personnalité propre du joueur, certains donneront toujours le maximum, tandis que d’autres se contenteront du strict minimum s’ils n’en perçoivent pas l’intérêt. Cependant, si avant cette séance, vous prenez le temps d’expliquer pourquoi cette compétence est cruciale, ce qu’elle apportera concrètement à leur jeu, et si vous pouvez leur montrer des extraits de matchs ou des exemples de leur joueur préféré ou d’un joueur de l’équipe première utilisant efficacement cette compétence, alors, lorsque vous irez sur le terrain et organiserez la même séance, ils seront probablement beaucoup plus réceptifs et comprendront mieux l’objectif de l’exercice. Je pense que cela influence directement la motivation et l’intérêt des joueurs.
Cela nous renvoie aux joueurs ghanéens et ivoiriens avec lesquels j’ai eu la chance de travailler au Ghana. Comprendre pourquoi ils voulaient devenir footballeurs était fondamental pour moi. En ce sens, si vous pouvez systématiquement relier chaque élément de l’entraînement à la manière dont il va aider le joueur à atteindre ses objectifs personnels et sa mission globale – en faisant référence à ce qu’ils ont eux-mêmes exprimé comme aspirations – cela aura beaucoup plus d’impact.
Avec Right to Dream, nous mettions constamment l’accent sur l’importance d’avoir un objectif et d’être motivé par celui-ci. Je pense que cela vaut aussi bien dans la vie que sur le terrain de football. Si vous parvenez à éduquer et à inspirer un joueur en lui expliquant clairement le pourquoi, alors il sera beaucoup plus motivé pour poursuivre et atteindre son objectif.
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