Entraineur principal du RC Strasbourg, Liam Rosenior nous propose sa perspective sur le rôle d’entraîneur de football, l’émergence de la culture, l’importance de la fraicheur mentale ou encore la communication verbale et non verbale.
Chaque dimanche vous recevrez des idées sur l’analyse du jeu, l’entrainement ou encore l’apprentissage.
Qu’est-ce que le football représente pour vous ?
C’est toute ma vie. J’ai baigné dans cet univers depuis ma naissance, notamment parce que mon père était footballeur. Pour moi, c’est un mode d’expression, une forme d’art, une source de joie profonde et d’émotions fortes.
Avoir l’opportunité de continuer à œuvrer dans ce milieu est un privilège considérable, que je m’applique à respecter et à savourer au quotidien.
Définir une vision est indispensable dans tout projet. C’est quelque chose auquel on aspire, un idéal qui nous échappe constamment, mais vers lequel nous nous efforçons chaque jour de tendre. Quelle serait cette vision pour vous et comment essayez-vous de l’aligner sur celle des clubs que vous intégrez?
Ma vision pour toutes les équipes de football dans lesquelles je m’implique est assez simple : être entouré de personnes qui aiment vraiment ce qu’elles font. Si cet amour est là, le succès a tendance à suivre naturellement. L’enthousiasme, l’énergie et l’intensité viennent logiquement de cet amour fondamental du jeu.
Les meilleures équipes que j’ai vues, que ce soit le FC Barcelone, l’Arsenal d‘Arsène Wenger, le Manchester United de Sir Alex Ferguson ou le Milan d’Arrigo Sacchi, semblaient toutes unies par ça. Elles avaient l’air d’aimer jouer ensemble, d’apprécier sincèrement le football.
C’est pourquoi, à travers chaque décision que je prends, dans ma façon de gérer l’équipe et le staff, mon but est que chacun croit en notre objectif commun et comprenne l’importance de sa contribution propre au processus.
Fondamentalement, je veux que les gens viennent chaque jour avec envie et apprécient ce qu’ils font. C’est ce plaisir qui développe la discipline nécessaire à la rencontre du succès. Il encourage aussi à travailler dur et avec intensité, car ces aspects sont un dérivé naturel de l’amour sincère que l’on peut avoir pour ce que l’on fait.
Je pense avoir rejoint Strasbourg parce que les personnes qui m’ont engagé avaient une idée claire de qui je suis, de ce que je représente, de ma manière d’entraîner et du style de jeu de mes équipes. C’est ce qui nous a permis d’être sur la même longueur d’onde dès le départ, ce qui a été très bénéfique. Je me sens privilégié, parce que la direction croit en moi et en ma façon de travailler, en notre processus. Elle comprend les objectifs que nous visons.
Mon intégration s’est donc faite facilement, car tout le monde sait ce que nous voulons mettre en œuvre et sait où nous voulons aller. Je m’inscris donc tout simplement dans la vision globale du club, qui n’a pas eu besoin de s’écarter de sa vision initiale en me recrutant.
La culture est un aspect essentiel de votre approche. Pour vous, elle précède la performance et les résultats. Compte tenu de sa nature intangible et multidimensionnelle, comment favorisez-vous son émergence au sein d’une équipe ?
Pour moi, la culture renvoie avant tout à ce que ressent chaque personne dans le groupe. C’est le point clé. Comment cet environnement affecte-t-il le sentiment de chaque individu ? Il faut donc commencer par l’humain. On ne peut pas arriver et décréter unilatéralement ce que sera la culture, car celle-ci est dépendante des personnes qui composent l’équipe ou l’organisation.
Mais pour faire émerger cette culture, il est essentiel que chacun se sente libre d’être soi-même. L’authenticité et une certaine vulnérabilité sont importantes. Nous voulons tous nous sentir acceptés et valorisés, savoir dans quelle direction nous allons, ce qui nous attend, mais aussi pouvoir donner le meilleur de nous-même. Pour y parvenir, il faut arriver à faire en sorte que chacun se sente spécial.
Chaque personne est unique et apporte quelque chose de différent. Chacun pense et approche la vie à sa manière. Si on réussit à créer un cadre où chacun s’épanouit au sein d’un groupe, dans le respect et avec des règles claires, alors tout le monde avance ensemble dans la même direction.
C’est un aspect sur lequel nous avons beaucoup insisté en arrivant à Strasbourg : connaître chaque personne, pas seulement les joueurs, mais aussi le staff. Avoir des conversations informelles, découvrir leurs familles, leurs origines, leur histoire, leur parcours. Et ensuite, prendre des décisions en fonction de cela, des décisions qui vont les aider à grandir et à atteindre leur potentiel. Je ne suis pas arrivé avec une idée préconçue de la culture. Je suis arrivé avec l’envie de comprendre chaque personne afin que nous puissions construire quelque chose qui fasse ressortir le meilleur de chacun.
Pour vous, avoir foi en votre processus est essentiel, surtout qu’en football, le doute peut rapidement s’installer lorsque les résultats ne sont pas au rendez-vous. Qu’avez-vous mis en place afin que joueurs et staff continuent à y croire lorsque, justement, du point de vue des résultats, c’était plus difficile ?
Tout d’abord, j’ai beaucoup de chance. Pourquoi ? Parce que le management du club croit en notre travail. Avant même mon arrivée, nous savions qu’il y aurait des moments difficiles, que nous traverserions probablement une période où les victoires seraient difficiles à obtenir. Cela m’a donné la force de continuer sur notre voie.
Lorsque vous bénéficiez de la confiance de vos supérieurs hiérarchiques, vous pouvez transmettre cette confiance à votre équipe et à vos joueurs. Même sur la période où nous avons enchaîné quatre défaites, j’ai vu des choses très positives dans notre jeu, des améliorations notables. C’est bien entendu difficile à expliquer aux supporters qui paient cher pour voir des victoires, mais l’équipe avançait même si les résultats ne le reflétaient pas. Nous percevions des signaux très encourageants.
D’autre part, il faut comprendre une chose : en football, même si c’est peut-être moins vrai aujourd’hui, l’échec fait partie de l’apprentissage. Ces revers sont inhérents au jeu. L’important, c’est que l’équipe et moi tirions les leçons de ces moments difficiles, que l’on comprenne pourquoi ils se sont produits pour ne pas les répéter. C’est une manière naturelle de progresser : il faut faire des erreurs. Parfois, il faut échouer pour atteindre ses buts.
Là où nous avons également beaucoup de chance, c’est que nous avons un groupe qui est très réceptif et que nous avons pu leur montrer pourquoi nous avions perdu certains matchs, pourquoi nous avions commis certaines erreurs, sans changer notre idée générale. Nous sommes restés concentrés sur notre objectif. Aujourd’hui, nous commençons à voir les fruits de ce travail de tous les instants.
Comment percevez-vous la notion de « risque » et quel est son impact sur votre approche du jeu et vos décisions ?
À mon arrivée au club, un certain nombre d’observateurs percevait mon style de jeu comme trop risqué. Cependant, je ne partage pas cette interprétation si l’on considère que l’entraînement et la répétition nous permettent d’amener de la consistance à une approche cohérente. Je ne me définis pas comme un entraîneur qui prend des risques inconsidérés ; j’accorde une grande importance à la répétition et à une préparation méticuleuse.
Dans la vie en général, la prise de risque est souvent nécessaire à l’obtention de résultats significatifs. Une aversion systématique au risque peut conduire à une existence monotone. Il est parfois impératif de s’aventurer dans l’inconnu, de sortir de sa zone de confort pour véritablement s’épanouir et découvrir des opportunités insoupçonnées. Mon propre choix de m’installer ici, en France, m’a initialement semblé être un pari, un saut dans l’incertitude, mais il s’est révélé être l’une des expériences les plus enrichissantes de ma carrière.
Donc, si l’on décide de prendre un risque, il faut s’y engager pleinement, et cela peut s’avérer extrêmement fructueux. Cependant, il ne s’agit pas de prendre une succession de risques de manière inconsidérée. Il est crucial de les examiner attentivement et d’avoir une base logique derrière les choix que l’on fait.
Pour Jeff Bezos (Amazon), la plupart des décisions que nous prenons sont équivalentes à des « portes à double sens”. Nous pouvons les emprunter, mais si nous nous apercevons que la décision prise n’était finalement pas la bonne, il est possible de choisir une autre porte et donc de prendre une autre décision. A l’inverse, certaines décisions sont des « portes à sens unique”, parce que les conséquences qui y sont associées sont importantes et difficilement réversibles. Dans votre quotidien, avez-vous des exemples correspondant à chacune de ces catégories ?
Décider du départ de collaborateurs fait clairement partie des décisions de type « porte à sens unique ». Qu’il s’agisse de membres du staff ou de joueurs, parce qu’ils ne correspondent pas totalement à la culture ou à notre manière de fonctionner. Ce n’est pas une question de valeur intrinsèque, mais plutôt d’intégration au sein du projet. Dans ma carrière, j’ai déjà été confronté à ce type de décisions avec des membres du staff, et bien sûr avec des joueurs, qui ont dû quitter le club.
Une fois ce type de décision actée, elle est définitive, sans possibilité de retour en arrière. Il faut se fier à son jugement, à son intuition, et prendre cette décision en accord avec ce que l’on estime être juste. Dès que l’on signifie à un membre du staff ou à un joueur qu’il ne fait plus partie de nos plans, c’est terminé. Il n’y a aucune marge de manœuvre pour revenir sur cette décision. Par conséquent, j’aborde ces décisions avec beaucoup de sérieux. Je m’efforce toujours d’être respectueux, mais je les prends de manière décisive et rapide.
Les décisions de type « porte à double sens » s’apparentent davantage à la composition d’équipe pour un match, aux changements effectués en cours de jeu, ou même aux ajustements mineurs que nous mettons en place constamment à l’entraînement. Les séances d’entraînement sont en perpétuelle évolution. Ce que nous prévoyons initialement peut être complètement réorienté une fois sur le terrain.
Ce sont des décisions prises sur le moment et qui peuvent être facilement modifiées si nécessaire. En résumé, je dirais que dans le domaine des ressources humaines, les signatures importantes et à long terme, ainsi que les départs, relèvent davantage de décisions de type « porte à sens unique », tandis que les ajustements et les modifications quotidiennes sont clairement des décisions à de type « porte à double sens ».
Au sein de votre staff, vous avez adopté une organisation horizontale. Comment cette approche fonctionne-t-elle dans la pratique notamment vis à vis de votre processus de prise de décision ?
Dans le staff, nous n’avons par exemple pas d’horaires prédéfinis pour nos réunions. Nous ne programmons d’ailleurs pas non plus de rendez-vous réguliers. Nous échangeons sur les sujets à aborder au moment où ils se présentent. Cette manière de fonctionner me semble plus organique, car chacun apporte sa contribution à une discussion portant sur une réalité actuelle. Ces échanges nous permettent de recueillir diverses perspectives, différents points de vue, des manières variées d’envisager les choses.
Je prends toutes ces idées en considération. Encore une fois, si les membres du staff se sentent à l’aise pour exprimer leur véritable opinion, sans crainte de ma réaction, ils peuvent être honnêtes. Ils n’appréhendent pas ma réponse à leurs ressentis. C’est ce qui nous permet d’avoir une discussion naturelle.
C’est à partir de ces échanges ouverts et informels que je prends les décisions concernant la composition de l’équipe, le système de jeu à adopter, l’organisation des entraînements, ou toute autre décision nécessaire. Tout découle de ces conversations franches et spontanées.
Comment abordez-vous la question du maintien de la fraîcheur mentale pour l’ensemble de votre écosystème : vous, votre staff et vos joueurs ?
Pour moi, le repos est un élément absolument fondamental. Il faut savoir s’arrêter. J’ai des exigences tactiques élevées envers les joueurs. Ils peuvent en témoigner, nous avons des réunions quotidiennes, parfois trois ou quatre. J’ai donc besoin qu’ils soient dans les meilleures dispositions mentales pour encaisser cette charge de travail. Sur le plan physique, nos entraînements sont intenses et nous sommes extrêmement méticuleux dans notre coaching. Il est tout simplement impossible de fonctionner à ce niveau tous les jours, que ce soit pour moi ou pour les joueurs.
C’est pourquoi j’estime que nos jours de repos sont une composante essentielle de notre semaine de travail. J’accorde probablement plus de jours de repos que beaucoup d’autres entraîneurs. Ce fut un changement culturel significatif à mon arrivée. Certains pensaient que j’étais fou de donner autant de temps libre, ils n’avaient jamais vu un entraîneur faire ça. Les joueurs ont besoin de ce temps pour assimiler les informations, pour récupérer correctement et pour pouvoir s’entraîner à l’intensité que nous requérons ici.
Bien entendu, notre approche n’est qu’une parmi beaucoup d’autres. Il n’y a pas une seule approche ; chacun structure son entraînement différemment. Cependant, je suis convaincu que le repos est aussi crucial que l’entraînement lui-même. Les jours de repos sont aussi précieux que les jours de travail afin de garantir que ces derniers soient aussi productifs que possible.
En ce qui concerne le staff, il est impératif que dès qu’ils ont fini ce qu’ils ont à faire, ils rentrent chez eux. Il est inutile d’attendre mon départ pour en faire de même. C’est en approchant les choses avec cet état d’esprit qu’ils seront productifs lorsqu’ils sont là. Il m’arrive de leur dire : ‘Si vous avez fini à 15h, rentrez chez-vous. Votre journée est terminée.’ Rester jusqu’à 17h ou 18h si ce qui doit être fait est fait, n’a aucun intérêt. A raison de 250 jours par saison, ces trois heures supplémentaires représentent 750 heures inutiles. Le temps est précieux et doit être utilisé à bon escient.
De plus, au fil d’une saison, la fatigue s’accumule naturellement pour tout le monde. Il est donc important de bien se gérer dès le début pour tenir la distance. C’est une conviction forte chez moi : j’évite le surmenage. Si ce que je dois faire au centre d’entraînement est terminé, je rentre chez moi. Je peux visionner et analyser les matchs depuis mon domicile.
Ce mode de fonctionnement me permet de rester alerte mentalement, plutôt que de ressentir le besoin d’arriver très tôt ou de rester très tard au centre d’entraînement, juste pour donner l’impression d’être occupé. En réalité, la productivité diminue et on finit par accomplir moins car la concentration et l’intensité baissent.
Comment l’idée d’être en permanence « à une phrase de perdre un joueur » influence-t-elle votre approche de la communication et des relations avec vos joueurs ?
Je crois que tout repose sur l’établissement d’une relation de confiance solide, non seulement avec les joueurs, mais avec chaque personne dans la vie. Et la fragilité de la confiance est telle, qu’une fois la limite franchie, il est extrêmement difficile de rétablir la relation à son état initial. Cela vaut aussi bien pour un joueur que pour un proche. Une fois la confiance rompue, les choses ne sont plus jamais tout à fait les mêmes.
C’est avec cette perspective que j’aborde la gestion de mes joueurs. Même dans un moment de colère, je m’interdis de prononcer des paroles susceptibles de blesser ou de nuire à notre relation à long terme. Je suis profondément convaincu qu’une seule phrase malheureuse peut suffire à perdre la confiance d’un joueur. Un propos déplacé dans le feu de l’action, ou basé sur des informations erronées, peut entraîner une perte totale de confiance envers vous.
C’est pourquoi je suis extrêmement attentif aux mots que j’emploie et à la manière dont je traite mes joueurs. L’époque où le manager détenait un pouvoir absolu est révolue. Aujourd’hui, les joueurs ont une influence considérable. Pour qu’ils adhèrent sincèrement à votre projet, ils doivent croire en vous. Ils doivent avoir l’envie de jouer pour vous. Et pour cela, ils doivent sentir qu’ils progressent et qu’ils peuvent se fier à vos décisions.
C’est la raison pour laquelle je suis toujours vigilant dans ma communication avec eux. Je n’ai pas peur d’être honnête, mais je m’efforce de l’être en faisant preuve de respect. Je ne veux jamais franchir la ligne du manque de respect envers un joueur, car une fois cette limite dépassée, vous le perdez. Vous perdez son engagement.
Je pense que la clarté est essentielle pour chacun, dans tous les aspects de la vie. Si l’on comprend la direction empruntée et les raisons qui la motivent, même en cas de désaccord avec une décision spécifique, on peut au moins la respecter. C’est pourquoi je m’efforce d’être très transparent avec mes joueurs, voire même d’une certaine vulnérabilité. Je n’essaie pas de me présenter comme infaillible, car je ne le suis pas, et personne ne l’est. Cependant, lorsque j’explique les raisons qui sous-tendent une décision, cela leur offre un cadre logique et une compréhension du processus décisionnel.
Les motifs pour lesquels un joueur peut ne pas être sélectionné peuvent être multiples : ses performances individuelles, la nature de l’adversaire, la forme d’un autre joueur. Mais une fois qu’ils comprennent le raisonnement, ils ont la possibilité d’agir sur ces facteurs. Le manque de transparence ou de clarté, l’incertitude quant à sa position, est psychologiquement la situation la plus difficile à vivre pour quiconque.
Comment le langage corporel affecte-t-il votre évaluation de l’état de préparation des joueurs, à s’entraîner, à jouer, mais également de leur bien être général ?
Le langage corporel revêt une importance capitale, selon moi. C’est d’ailleurs un aspect que j’aborde fréquemment avec les joueurs. Quelle image projetons-nous en tant que collectif lorsqu’une décision nous est défavorable ? Quelle est notre réaction lorsque nous concédons un but ? Comment faisons-nous face aux moments difficiles, à la déception ?
Si certains joueurs affichent des réactions positives, le reste de l’équipe a tendance à s’aligner. Il est donc crucial d’avoir des joueurs mentalement solides, capables de réagir adéquatement lorsque les circonstances sont défavorables. Lorsque onze joueurs adoptent individuellement cette attitude, cela se répercute naturellement sur la dynamique de l’ensemble de l’équipe.
Il est également essentiel de savoir interpréter le langage corporel individuel des joueurs : leur attitude au petit-déjeuner, leur engagement à l’entraînement, la manière dont ils abordent l’échauffement. Ce sont des signaux que j’ai appris à décrypter pour véritablement connaître les joueurs, pour distinguer ceux qui traversent une bonne journée de ceux qui rencontrent peut-être des difficultés. Ce sont des compétences qui se développent avec l’expérience. Je les cultive depuis des années, car j’avais l’intuition que cet aspect serait fondamental dans le rôle que je souhaitais endosser.
Un cadre tactique rigide peut parfois entraver le développement des jeunes joueurs (et des moins jeunes) sur le terrain, en contraignant leurs initiatives et leur créativité. Comment intégrez-vous cet aspect à votre approche afin d’éviter ce piège potentiel et conserver une certaine flexibilité ?
J’ai une idée très précise de la manière dont je souhaite voir évoluer mon équipe. Au sein de cette identité fondamentale, je peux adapter ou modifier certains aspects afin de concrétiser au mieux cette vision première. Je veux observer une équipe qui déploie une intensité réelle, une équipe qui ne manifeste aucune appréhension et une équipe qui aspire constamment à la possession du ballon.
Pour atteindre cet objectif, j’organise mon équipe de manière à favoriser l’émergence de ces éléments, en fonction de chaque adversaire. Je n’ai pas à un système rigide, ni de règles fixes concernant le moment ou l’endroit où nous devons presser par exemple. Nous analysons l’adversaire, puis nous nous efforçons d’appliquer ces valeurs fondamentales de façon à maximiser leur impact. C’est globalement mon approche.
En définitive, mon but est de tirer le meilleur parti des aptitudes de mes joueurs. J’essaie donc de proposer aux joueurs des rôles qui leur conviennent et qui mettent véritablement en lumière leurs points forts. Ensuite, que nous évoluions avec une défense à trois, un milieu en losange ou trois attaquants, ce ne sont que des décisions tactiques, des conséquences de ma volonté d’inculquer mon approche à l’équipe.
Comment suscitez-vous chez les joueurs le désir de se responsabiliser et de responsabiliser leurs coéquipiers, au-delà du simple respect des règles imposées ?
Ma conviction profonde est que le renforcement positif est plus probant que le renforcement négatif. C’est pourquoi je m’efforce de structurer 90 % de ma communication et de mes retours aux joueurs sur une tonalité positive.
Par exemple, si un joueur réalise un tacle décisif dans les ultimes minutes, en revenant défendre, je le mets en lumière devant l’ensemble du groupe, car cela illustre une valeur que je recherche au sein de toute l’équipe, et je le félicite pour cela.
L’effet naturel est d’inciter les vingt autres joueurs présents à aspirer à cette même reconnaissance. Plutôt que de focaliser l’attention sur une erreur individuelle, on met en avant un comportement positif et on en fait un modèle des attentes.
Les joueurs, comme tout être humain, indépendamment de leur rémunération, désirent se sentir valorisés et appréciés. Ainsi, pour encourager l’émergence des comportements souhaités, il est plus efficace de leur présenter des exemples de réussites plutôt que de s’attarder sur les échecs. L’accent est mis sur le positif afin de le renforcer.
Qu’est-ce que votre parcours vous a appris sur la nature humaine ?
Toutes mes expériences, tant dans le football que dans la vie en général, m’ont profondément enseigné une chose : au fond, nous sommes tous fondamentalement semblables. Peu importe notre origine géographique, notre langue maternelle, nos convictions religieuses ou notre éducation. En tant qu’êtres humains, nous partageons les mêmes besoins essentiels. Nous aspirons à être aimés, à nous sentir importants et à nous sentir uniques.
Plus mes voyages se multiplient, plus je rencontre des personnes diverses, plus je prends conscience de notre profonde similarité. Nous avons infiniment plus en commun que beaucoup ne le supposent. Si l’on est animé de bonnes intentions, nos espoirs, nos objectifs et nos valeurs convergent de manière frappante. Nous sommes, par essence, très semblables.
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