Entraineur de football et professeur à l’école des entraineurs de la province de Guipuscoa depuis plus de 40 ans, Mikel Etxarri est l’un des personnages clés du parcours de formation emprunté par de nombreux entraineurs de haut-niveau, étant nés ou ayant été formés dans la province basque.
Il nous propose un éclairage sur sa trajectoire, l’importance de la compréhension du jeu dans la formation des entraineurs et des joueurs, ainsi que sa perspective sur les spécificités du Pays basque.
Chaque dimanche vous recevrez des idées sur l’analyse du jeu, l’entrainement ou encore l’apprentissage.
Que représente le football pour vous ?
C’est une passion qui a débuté très jeune. À l’âge de sept ou huit ans, j’allais voir tous les entraînements de l’équipe de mon village, qui était l’équipe de l’usine Michelin. Le dimanche, j’accompagnais mon père à tous les matchs. Mais à l’âge de 13 ans, j’ai perdu mon père et dans ma famille, personne n’avait joué au football auparavant.
Cependant, j’ai eu la chance que le propriétaire d’un bar de la ville de Lasarte, le Bar Gure Etxea, crée une équipe composée de jeunes qui jouaient sur le terrain de l’Hippodrome de San Sebastián, sous le nom de TXAPELDUN (« Champion » en basque), pour jouer le championnat de plage de la ville.
Ma première licence, que je possède toujours, est datée de septembre 1959. C’est la date de mon premier contact avec le monde du football dit « organisé ». Pour jouer le week-end sur la plage, nous emmenions en bus, les poteaux en bois depuis notre village. Nous tracions nous-mêmes les lignes du terrain dans le sable et assemblions les buts.
C’était l’époque où le Real Madrid commençait à jouer la Coupe d’Europe. Ils logeaient à l’hôtel Londres près de la plage de San Sebastián et regardaient parfois les matchs le dimanche matin, lorsqu’ils devaient jouer contre la Real Sociedad le week-end. Cela fait maintenant 63 ans que je suis impliqué dans le football. Cette passion grandissante s’est transformée en profession.
À cette époque, l’équipe de l’usine Michelin n’avait qu’une équipe senior. C’est seulement l’année de mes 15 ans, en 1961, qu’une équipe juvenil fut créée. J’ai alors rejoint cette équipe pour laquelle j’ai joué durant trois ans et demi, parce que la dernière moitié, bien qu’étant juvenil, je jouais déjà avec les seniors. J’ai par ailleurs été présélectionné durant deux ans dans l’équipe juvenil de la province du Guipuscoa.
J’ai ensuite quitté l’équipe Michelin, pour devenir un joueur professionnel « bon marché », en allant jouer à Calahorra, une équipe de La Rioja, quand j’avais 20 ans. Puis il y a eu Motrico, Tolosa et je suis revenu jouer pour Michelin. À cette époque, nous avons disputé le Championnat d’Europe des entreprises Michelin à Stoke-on-Trent (Angleterre), que nous avons remporté en ayant la chance de marquer le but de la victoire dans les prolongations de la finale. Je n’ai quitté Michelin qu’à l’âge de 25 ans, après la sortie non maîtrisée d’un gardien de but, qui m’a involontairement brisé le tibia et le péroné.
À cette période, je travaillais aussi dans une entreprise de caoutchouc, car en parallèle du football, j’avais mené des études d’ingénieur. Après avoir récupéré de cette blessure, j’ai encore joué pendant un an, mais comme c’était difficile, je me suis tourné vers le rôle d’entraîneur. C’est donc en 1978, après trois ans de formation, que j’ai obtenu le diplôme national d’entraîneur, qui est le niveau le plus élevé en Espagne. Nous étions trois entraîneurs venant du Guipuscoa et nous nous sommes classés premiers, deuxièmes et quatrièmes sur les 45 stagiaires ayant été certifiés, parmi les 220 personnes ayant participé à la formation.
J’ai eu la chance de commencer par entraîner les juveniles de Michelin durant deux saisons, puis j’ai été promu entraîneur de l’équipe première. Nous n’avons pas pu éviter la relégation lors de la 1re saison, mais nous sommes remontés dès la saison suivante. Le nouveau directeur de Michelin a ensuite supprimé l’équipe senior et n’a conservé que deux équipes de jeunes.
J’ai alors passé trois ans à Aurrerá Ondárroa Bizkaya, puis je suis revenu entraîner les juveniles de Michelin avec qui nous avons obtenu deux promotions consécutives afin d’accéder à la Division d’honneur, le plus haut niveau dans cette catégorie d’âge. C’est sur cette note que j’ai conclu mes 20 ans chez Michelin, en tant que joueur, puis entraîneur. J’ai ensuite rejoint la Real Sociedad en tant qu’entraîneur adjoint de l’équipe réserve.
J’ai occupé cette fonction durant trois ans, puis j’ai rejoint l’équipe de l’université du Pays basque. J’ai ensuite été engagé par Eibar en deuxième division, où j’ai dirigé la deuxième équipe de la province pendant deux ans. Par la suite, je suis retourné à la Real Sociedad jusqu’à la fin de ma carrière d’entraîneur. Au total, j’ai passé 20 ans à la Real Socied
Vous êtes professeur à l’école des entraîneurs de la province de Guipuscoa depuis plus de 40 ans. Comment avez-vous appréhendé ce rôle « d’entraineurs des entraineurs » et quelle a été votre évolution ?
Avec Xabier Azkargorta, qui a dirigé de nombreux clubs de 1re division en Espagne, mais aussi au Japon, en Bolivie et au Chili, nous avions promis au directeur de l’école des entraîneurs du Guipuscoa que si nous devenions entraîneurs nationaux, nous rejoindrions l’école pour y devenir nous aussi professeurs. Une fois diplômés, c’est ce que nous avons fait. Il devait s’occuper de la dimension tactique du jeu et moi, de la dimension technique.
Seulement, au bout de deux ans, il est parti en Catalogne pour entraîner le Gimnàstic de Tarragone, puis l’Espanyol de Barcelone. Celui qui devait le remplacer au sein de l’école n’était pas intéressé par les aspects tactiques, nous avons donc échangé les rôles. Depuis cette époque, tout le monde me considère comme un passionné de tactique, alors qu’à la base, ce sont les aspects techniques qui m’intéressaient le plus.
Ce rôle de professeur m’a permis de développer une compréhension profonde de la dimension tactique, car l’enseignement est un aspect dont je me soucie beaucoup. Je pense que le meilleur moyen d’atteindre un entraîneur en formation, c’est à travers la compréhension du jeu. Il faut donc soit même avoir une excellente compréhension des différentes dimensions qui composent le jeu et de leurs interactions.
J’ai moi-même eu de très bons professeurs à l’école des entraîneurs et ils m’ont laissé de bons souvenirs. C’est mon attrait pour l’enseignement du football qui me pousse d’ailleurs à organiser chaque année, depuis 1990, un colloque estival (Curso de Verano) à destination des entraîneurs, en partenariat avec l’université du Pays basque. En plus de ma présence, nous accueillons trois intervenants extérieurs et un quatrième travaillant à la Real Sociedad. Ce dernier est normalement le directeur de la formation du club.
« Le meilleur moyen d’atteindre un entraîneur en formation, c’est à travers la compréhension du jeu »
Nous avons toujours eu beaucoup de chance, parce que nous avons toujours eu des intervenants de qualité. En général, les intervenants auxquels nous nous intéressons sont d’excellents pédagogues. Le fait qu’ils aient entraîné à haut niveau, n’est pas un critère déterminant, bien que ceux qui l’ont été sont évidemment très appréciés. Ce qui nous intéresse c’est le degré d’approfondissement de leurs connaissances sur les différentes composantes du jeu.
Ce qui est passionnant, c’est de savoir pourquoi les choses se produisent. Par exemple, il y a deux aspects dans le développement des jeunes joueurs qui me semblent importants. L’une est la frappe de balle et l’autre la vision périphérique, que j’associe à l’importance de penser à l’action suivante et au réajustement constant de l’orientation corporelle du joueur.
En Espagne, nous avons eu de très bons exemples de joueurs qui excellaient sur cet aspect. Il y a eu par exemple Emilio Butragueño, Pep Guardiola, Sergio Busquets. A la Real Sociedad, nous avons eu l’un de ces joueurs fabuleux en la personne de Xabi Alonso. Dès l’âge de 16 ans, il jouait systématiquement en explorant visuellement son environnement, ajustant constamment son orientation corporelle et comme il possédait une bonne de balle frappe, il était capable d’envoyer le ballon où il le voulait.
Ce qui est le plus important, c’est l’intelligence et la compréhension du jeu. C’est cette capacité qui permet au joueur d’effectuer les mouvements adaptés, de changer constamment de point de vue afin de savoir où l’on se trouve par rapport au ballon, à ses coéquipiers et aux adversaires. C’est cette constante adaptation qui permet d’avoir de la maîtrise sur le jeu.
Un grand nombre d’entraîneurs originaires de la province de Guipuscoa et plus largement du Pays basque, sont aujourd’hui à la tête d’équipes évoluant dans les meilleurs championnats européens. Comment expliquez-vous ce phénomène ?
Je ne pense pas qu’il y ait de raison spécifique. Avoir autant d’entraîneurs basques au plus haut niveau en même temps est, de mon point de vue, une coïncidence. Mais qu’il y ait beaucoup d’entraîneurs qui atteignent ce niveau n’est pas une coïncidence, car la compétence est bien présente. Ce sont des entraîneurs extraordinaires. Je m’explique ce phénomène à travers une phrase que j’ai lu il y a quelques années : le football est le reflet du peuple qui le pratique.
Autrement dit, en fonction du pays, de la région ou encore de la culture, la façon de jouer au football varie. Par exemple, elle n’est pas la même dans le sud et dans le nord de l’Espagne. C’est totalement différent. Dans le sud, les joueurs sont plus habiles, mais moins athlétiques. Le football du nord s’est toujours distingué par son caractère, sa puissance, par la dureté des duels, etc.
Le peuple basque a été un peuple d’émigrants. Nombreux sont ceux qui sont partis à l’étranger à la recherche d’un emploi et les travaux manuels ou encore, les travaux des champs sont caractéristiques de la vie du peuple basque. Également, le Pays basque possède une longue tradition d’association, à travers la création de coopératives notamment. Le Groupe Mondragón, créé dans la ville du même nom dans la province du Guipuscoa, en est un bel exemple. Ce style de coopération, de solidarité à travers le travail de groupes humains, est une autre caractéristique fondamentale du peuple basque.
Les sociétés gastronomiques sont une autre forme d’association propre au peuple basque. Ce sont des structures qui permettent à ses membres de se réunir pour déjeuner, dîner, etc. On y cuisine ensemble, on y apporte de la nourriture. Dans tous les villages du Pays basque, il existe des sociétés de ce type. Jusqu’à il y a quelques années, seuls les hommes pouvaient y adhérer, mais aujourd’hui, hommes et femmes peuvent s’y joindre.
« Le football est le reflet du peuple qui le pratique »
Les épreuves de force basque sont une autre illustration intéressante de cette vision. Celles-ci trouvent leurs origines dans l’exercice des travaux quotidiens (travaux de la forêt, des champs, du bâtiment, de la ferme, etc.) et l’utilisation d’outils provenant de ces travaux (haches, fourches, faux, pierres, pichets de lait, etc.).
Par exemple, l’une de ces épreuves consiste à couper le plus rapidement possible une certaine quantité de troncs d’un certain diamètre au moyen d’une hache. Une autre consacre celui qui peut soulever le plus de fois une pierre de 200 kg.
Ce sont des épreuves qui valorisent l’habileté, la force, l’endurance ou le goût de l’effort et qui favorisent la compétition. Dès l’âge de huit ou dix ans, dans les fêtes de village, nous sommes exposés à tout ce sport, tous ces efforts. L’aspect compétitif est aussi exacerbé parce qu’il y a de l’argent en jeu, à travers les paris. Je peux parier 10 000 € que je couperai un tronc avant mon adversaire.
Le travail a une valeur extrêmement importante au Pays basque. Nous sommes également têtus et peut être que ces valeurs sont utiles pour faire face aux épreuves, comme ce fut le cas de Xabi Alonso lorsque son équipe n’a pas perdu un seul match de la saison. Non seulement son équipe n’a pas perdu, mais ils en ont gagné 10 ou 12 dans les cinq dernières minutes, alors qu’ils étaient menés.
Ce n’est pas une coïncidence. Le faire une ou deux fois peut être une coïncidence. Le faire sur 10 ou 15 matchs, où ils avaient un retard de 2 buts à rattraper pour certains, ce n’est pas une coïncidence. Ce goût du travail, de l’effort, est profondément ancré dans le peuple basque.
Cette approche de la solidarité et ce goût partagé pour l’effort sont très importants. J’ai moi-même commencé à travailler à l’âge de 14 ans. En même temps, j’allais à l’école, je jouais au football, etc. Dans ces diverses activités, j’ai appris à être constant et consistant dans mon travail.
Pour en revenir au football, beaucoup de personnes me demandent si la formation des entraîneurs est différente au Pays basque. La réponse est non. Les parcours de formation sont ceux de la Fédération espagnole de football. La seule spécificité, c’est que chaque professeur est autorisé à adapter le parcours, afin que les stagiaires aient la formation la plus riche possible.
Malgré les différentes approches du jeu qu’il peut exister en Espagne (comme dans tous les pays), ces différentes approches sont souvent rassemblées sous l’appellation réductrice « jeu à l’espagnole », notamment en France. Ce qui peut laisser penser qu’il existerait un style de jeu unique, partagé par tous les entraineurs espagnols. Qu’en pensez-vous ?
Il n’y a pas d’uniformisation dans le jeu, en tant que telle. En ce sens, Andoni Iraola avait donné une interview à El País que je trouve très intéressante, parce qu’elle est un peu différente de ce que l’on entend habituellement. Ce qu’il disait n’est bien évidemment pas une vérité absolue, mais je suis assez d’accord avec lui.
Le journaliste lui demandait pourquoi il allait sur le banc avec un papier et un crayon. Pour écrire des choses, n’est-ce pas ? Et il lui avait répondu : “je n’ai pas qu’une seule façon de jouer, qu’un style de jeu ou qu’un seul système de jeu. Ce qui est fondamental, c’est de comprendre le jeu et de comprendre le jeu auquel vous voulez jouer, à un moment déterminé”. En effet, une équipe n’a pas qu’une seule forme de jeu, pas qu’un seul schéma. Elle peut proposer une grande variété d’organisation durant d’un même match.
On ne peut approcher le jeu que d’une seule manière. Pourquoi ? Parce que, par exemple, être en train de gagner ou de perdre, ce n’est pas la même chose. Par ailleurs, l’adversaire peut changer sa façon de jouer en cours de match, etc.
J’aime les entraîneurs qui sont capables de s’adapter en cours de match et qui montrent clairement que leur façon de jouer est différente en fonction du moment. Je pense que c’est là que se situe la vérité du jeu.
« La tactique doit être comprise par chaque joueur au niveau individuel, afin d’en faire un usage optimal au niveau collectif »
Je me souviens d’une discussion avec Benito Floro, qui était alors entraîneur du Real Madrid et il m’avait demandé: « Comment votre équipe joue-t-elle ? Comme l’équipe première ? J’avais répondu : « Non, je ne suis pas obligé». John Toshack était entraîneur de l’équipe première et j’étais l’entraîneur de la réserve. Ma priorité n’était pas que mes joueurs reproduisent ce que faisait l’équipe première, mais qu’ils comprennent le jeu.
La tactique doit être comprise par chaque joueur au niveau individuel, afin d’en faire un usage optimal au niveau collectif. Par exemple, si j’effectue un appel à 60 degrés par rapport à une ligne droite et si je fais un appel à 20°, l’espace créé sera différent.
L’espace va donc dépendre de la course réalisée. Donc la question qui se pose est la suivante : en fonction de la situation, quel type de course dois-je réaliser afin d’attirer un adversaire de manière optimale, afin qu’un de mes coéquipiers en profite ?
Tout cela, c’est le jeu, c’est la part de jeu que possède le football. Dans son livre Futbol : analisis del juego, Ricardo Olivos Arroyo écrivait que le football se divise en deux parties. L’une est la technique et l’aspect athlétique, que l’on peut maîtriser grâce à la préparation physique et au travail avec le ballon. Mais il y a une autre partie qui est le jeu. L’aspect “jeu” du football est maîtrisé grâce à la tactique ou à l’intelligence.
« J’ai beaucoup appris auprès des joueurs, en les écoutant, en leur demandant ce qu’ils voyaient, ce qu’ils observaient dans le jeu »
En ce sens, j’avais un jour demandé à un très bon joueur pourquoi Raúl González, qui jouait au Real Madrid, marquait chaque année 7 à 8 buts suite à des tirs repoussés par le gardien de but ou le poteau, alors que certains joueurs ayant joué pendant 10 ans en première division n’avaient jamais marqué sur ce type de situation.
Il m’avait répondu : “parce qu’il est intelligent”. Je lui avais répondu que oui, il était certainement intelligent, mais que c’était surtout parce que lorsque l’un de ses coéquipiers allait tirer au but, il faisait en sorte de ne pas être hors jeu et se préparait à courir vers la zone ou le ballon pourrait être repoussé. J’avais ajouté : ne me dis pas que tu ne peux pas faire ça ?
J’ai beaucoup appris auprès des joueurs, en les écoutant, en leur demandant ce qu’ils voyaient, ce qu’ils observaient dans le jeu. Je leur demandais pourquoi tel ou tel événement se produisait, pourquoi avaient-ils pris telle ou telle décision, fait telle ou telle passe.
Cela m’a été très utile pour comprendre leur fonctionnement. Si l’on n’échange pas avec les joueurs, qu’on ne leur donne aucune explication et que l’on attend d’eux qu’ils proposent d’emblée des réponses adaptées, ils rencontreront des difficultés pour comprendre, parce qu’ils font sans cesse face à des situations nouvelles.
Ce que je crois, c’est qu’en certaines circonstances un style de jeu peut être dominant dans un championnat. Pour moi, la meilleure équipe d’Espagne est le Real Madrid. L’équipe qui joue le meilleur football, c’est le Real Madrid. En plus, c’est une équipe qui sait saisir sa chance lorsqu’elle se présente.
Par ailleurs, ils ont une spécificité rare, celle d’arriver à faire courir et transpirer des joueurs aux qualités exceptionnelles, qui le ferait moins ou pas du tout ailleurs. Ce qui n’est pas facile. Le FC Barcelone a également réalisé de très bonnes choses.
Je dirais qu’en Espagne, il y a effectivement des nuances. Les entraîneurs et les équipes basques sont aujourd’hui en vogue. La Real Sociedad joue l’Europe pour la cinquième année consécutive. L’Athletic Club a pratiqué un football merveilleux, il faut le reconnaître, même s’il s’agit de notre rival le plus proche.
« Pour moi, l’équipe qui joue le meilleur football, c’est le Real Madrid. En plus, c’est une équipe qui sait saisir sa chance lorsqu’elle se présente. Par ailleurs, ils ont une spécificité rare, celle d’arriver à faire courir et transpirer des joueurs aux qualités exceptionnelles, qui le ferait moins ou pas du tout ailleurs. »
Sur le plan technique, il n’y a pas de mauvais joueurs en Liga. La technique a beaucoup progressé. Dans n’importe quel match, on peut voir des gestes et des buts qui nécessitent certaines habiletés. Avant, il fallait regarder jouer le Real ou Barcelone pour voir ce genre de geste. Je ne pense pas que cela soit une coïncidence.
À quoi ressemble l’équipe d’Espagne aujourd’hui ? L’équipe actuelle compte cinq joueurs de la Real Sociedad et trois ou quatre de l’Athletic Club. Le Real Madrid est très peu représenté, ce qui est assez logique. S’il n’y a pas de joueurs espagnols évoluant au Real Madrid, comment pourrait-il y en avoir en équipe nationale ?
Le sélectionneur national, Luis de la Fuente, est originaire de La Rioja, mais il a passé toute sa vie à l’Athletic Club. Il porte donc naturellement de l’intérêt pour les joueurs y évoluant. Les influences sont donc nombreuses.
On dit souvent que pour savoir ce que nous réserve le futur, il faut étudier et comprendre le passé. Compte tenu de votre parcours, de toute votre expérience sur le terrain, des nombreux joueurs et entraineurs que vous avez accompagné, quelle direction pourrait prendre le jeu dans l’avenir et qu’avez-vous appris sur la nature humaine ?
Seule l’évolution du règlement peut profondément faire changer le jeu ou lui donner une autre direction. Pour moi, le jeu en tant que tel n’a pas énormément évolué, si ce n’est qu’il y a une meilleure maîtrise technique de la part des joueurs, qui est certainement liée à l’accumulation des heures de pratique et il y a plus de vitesse dans le jeu.
Malgré tout, ce qui reste le plus important en football, c’est la compréhension du jeu. Comprendre ou chercher à comprendre pourquoi certains événements se produisent, c’est ce qui apporte la connaissance nécessaire à la réalisation d’actions adaptées aux situations de jeu rencontrées.
Au-delà de cela, les buts font toujours 2,44 mètres de haut et 7,32 mètres de large, les corners sont les corners et une main reste une main. Le but du football reste de marquer un but de plus que l’adversaire pour remporter le match, pourtant l’approche du jeu est toujours plus défensive.
« Comprendre ou chercher à comprendre pourquoi certains événements se produisent, c’est ce qui apporte la connaissance nécessaire à la réalisation d’actions adaptées aux situations de jeu rencontrées »
En réalité, c’est le règlement qui incite à la mise en place d’un jeu défensif. Pourquoi ? Parce que faire match nul rapporte quand même 1 point à chaque équipe et avec une victoire 4-0, on obtient le même nombre de points que pour une victoire 1-0.
Peut-être qu’un changement serait aujourd’hui nécessaire. Pourquoi ? Parce que l’on peut constater que même le Real Madrid joue avec dix défenseurs lorsqu’il doit absolument remporter un match. C’est ce qui s’est passé lors de leurs deux dernières finales de Ligue des champions ou les deux fois où ils ont battu Manchester City. Ils les ont battus de la même manière : en défendant.
En ce sens, je pense que le règlement pourrait être modifié afin de favoriser l’attaque, un peu comme l’évolution de la règle sur les coups de pied de but. Celle-ci a permis l’émergence de nouvelles stratégies offensives intéressantes.
A propos de la nature humaine, il me semble qu’il y a toutes sortes de personnes dans le football. Il y a beaucoup de gens qui s’intéressent à l’étude de celui-ci, à la création, au développement de raisonnements et qui essaient de parvenir à des conclusions. Mais il ne faut pas croire que ces conclusions permettront de gagner tous les matchs ou d’être champion. Ce en quoi il faut croire, c’est en nos efforts pour essayer d’y parvenir.
Pourquoi ? Parce qu’un match de football est une lutte constante entre deux groupes ayant des objectifs contraires. Par ailleurs, un élément fondamental du succès dans le football, c’est la qualité des joueurs à disposition. C’est la qualité des joueurs qui permet de réaliser des performances de haut niveau.
La qualité à laquelle je fais référence, elle prend forme à travers le dévouement, l’esprit combatif, la façon d’être, la façon de se battre, la façon de croire en l’effort, etc. C’est la combinaison de tous ces éléments qui peut permettre d’atteindre un résultat. Ce n’est pas une question de savoir plus ou moins de choses, mais de faire des choses parce que l’on en est convaincu.
Lorsqu’on me dit : « Mikel, tu apportes trop de correctif durant le jeu, tu arrêtes trop le jeu », je réponds : “si je connaissais un autre moyen pour entrer plus simplement dans la tête des joueurs, je le ferais. C’est parce que je ne connais pas d’autres moyens que je fonctionne comme cela”. Ce sont certainement mes études dans le domaine de la physique-chimie, qui me poussent à chercher à comprendre comment les choses fonctionnent à travers l’observation.
Un ami me dit également souvent : « Avec toi Mikel, c’est difficile de parler, tu vois les actions avant qu’elles ne se produisent”. Je lui réponds : “C’est parce que tu ne te focalises que sur un élément, là où moi, je prends en compte différents éléments en parallèle”. Lorsque je pose la question suivante aux entraîneurs : “que regardez-vous ?” La réponse, c’est qu’ils ne regardent que le ballon et ne sont pas attentifs aux éléments qui pourraient les aider à déterminer ce que pourrait être l’action suivante (les joueurs démarqués, la préparticipation des joueurs éloignés, etc.).
Est-ce que par leur attitude, leur mouvement, les joueurs les plus éloignés de la zone où se trouve le ballon se préparent déjà à l’action suivante? S’approche-t-il de zones où le ballon pourrait potentiellement se situer par la suite ? Se déplacent-ils de manière à pouvoir intervenir sur la prochaine passe ? C’est un sujet qui m’intéresse énormément, mais je ne vois que peu de personnes se préoccuper de ces aspects-là, alors qu’ils sont d’une importance capitale.
Coïncidence ou pas, je pense que l’un des plus grands problèmes des joueurs actuels réside dans leur incapacité à penser à ce que pourrait être l’action suivante et donc à s’organiser en conséquence…
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