France - Tunisie 2022 : analyse pré-match

Analyse proposée par Adrien Tarascon, responsable du développement des joueurs, de la méthodologie et des données au LOSC.

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Dans l’une de ses chroniques pour la Coupe du Monde, Carlo Ancelotti déclarait :  » J’aimerais souligner l’attitude, l’engagement défensif collectif et la volonté de se battre sur chaque ballon qu’a fait la Tunisie contre le Danemark. C’est la base d’une équipe compétitive ».

Cette évidence, relue après la défaite 1-0 de la Tunisie contre l’Australie prend un double sens. Elle met autant l’accent sur ce que la Tunisie sait proposer, que sur ce qu’elle laisse entrevoir comme lacunes sur d’autres dimensions clés pour la compétitivité d’une équipe.

Que pouvait proposer la Tunisie face à une équipe qui choisirait de la faire déjouer ? Que resterait-il aux Aigles de Carthage si un adversaire contrôlait stratégiquement un match pour le détourner de ses points forts ? Le costume d’organisateur de jeu était moins taillé pour le duo SkhiriLaidouni que le bleu de chauffe contre les Danois.

Le casse-tête est immense pour Jalel Kadri, le sélectionneur tunisien. Face à une France, qui a su ordonner son armada offensive dans un bloc compact pour éteindre le Danemark, il devra aider ses guerriers à créer plus que lors des deux premiers matchs, tout en laissant moins d’opportunités de contre-attaque que face aux Socceroos ; nos individualités offensives n’attendent que ça.

Clé n°1 : un bloc français passif mais largement suffisant pour faire déjouer les tunisiens ?

A moins d’un changement radical dans la création du jeu tunisien, après avoir stérilisé le jeu danois, le bloc français a tout pour inquiéter les Aigles de Carthage.

L’Australie, dans un 442 scolaire et efficace, a mis en évidence aussi bien des défauts de structure, que des limites individuelles dans la création du décalage initial.


L’Australie a pu bloquer la Tunisie avec un 442 médian et une attention un peu plus particulière à Skhiri (#17). Les premières touches fermées de Bronn et la mauvaise occupation de l’espace ont non seulement empêché les tunisiens de progresser mais les ont même mis sous pression.


Contre le Danemark, Les français ont choisi de laisser énormément de liberté avec ballon aux trois centraux danois. Giroud décrochant pour défendre en 4v4 avec référence individuelle le carré intérieur Danois qui malgré ses permutations ici ne trouve pas d’espaces.

Lorsqu’on voit la propension tunisienne à la passe négative et les ballons dégagés par Aymen Dahmen, malgré des situations en 4v1 face au seul pressing de Mitchell Duke, on aurait envie de voir ce troisième match de poule servir de laboratoire pour prendre des repères au pressing, si nous devions courir après le score lors de la phase finale.

En cas de pression, la cible est claire : les faire jouer à droite, Bronn (#6), central droit a montré son extrême fragilité face au pressing mettant souvent en difficulté son défenseur axial Meija (#4).

 


Les milieux tunisiens n’ont jamais su sortir de l’ombre de la première ligne de pression australienne, Bronn (#6) ne parvenant jamais à ouvrir sa première touche pour connecter avec Drager (#20) trop haut, il a constamment mis Meija (#4) sous pression avec des pertes critiques à la clé.

Clé n°2 : renversement puis course sortante, seule arme tunisienne ?

Pour nourrir de maigres espoirs tunisiens, il faut se tourner vers notre côté gauche. Si nous sommes denses dans l’axe, nous ne mettons aucune pression sur les potentiels renversement. Christian Eriksen l’a lu assez tôt dans le match en trouvant une zone sans pression pour chercher le 2v1 à l’opposé.


Les centraux danois ont également pu renverser, vers notre côté gauche. Certes Dayot Upamecano, impeccable dans le timing pour coulisser. Quand il s’agit de protéger la profondeur de son latéral, le bavarois est quasiment imprenable dans ce genre de duels mais la Tunisie pourrait au moins provoquer au bout de ce circuit quelques corners.


Nos failles sont plus sérieuses bloc bas, quand Upamecano doit rester en place pour défendre la surface et confier la couverture de la course sortante à un milieu. Dès ses années parisiennes, Adrien Rabiot pouvait être en difficulté sur ce type de couverture. Les danois auront su le prendre à défaut deux fois.

La première est à l’origine du corner de l’égalisation. La seconde donnera lieu à l’autre grosse occasion danoise du match. Cela demandera aux tunisiens, le courage d’attaquer notre dernière ligne en nombre avec le risque de déséquilibre qui s’en suit. C’est à ce prix qu’ils pourront tenter d’exploiter la seule faille que les bleus ont montré contre le Danemark.

Clé n°3 : contrer dans le dos des pistons tunisiens

Si la Tunisie veut espérer mettre en difficulté la France, elle devra attaquer avec de la profondeur, en 5v4 notre dernière ligne, et notamment chercher le 2v1 autour de notre latéral gauche.

Néanmoins, cette tactique pourrait avoir un coup élevé. Avant même cette Coupe du Monde et malgré un système alors en 433, les espaces laissés dans le dos des latéraux tunisiens à la perte était une faiblesse notable. 

Cet espace dans le dos des pistons, les australiens l’ont exploité à de nombreuses reprises face au 523 tunisien. Dans l’obligation de gagner et sans solution pour nous faire mal à l’intérieur il y a fort à parier que les hommes de Jalel Kadri seront contraints de s’exposer.


Sur le contre, l’Australie parvient à renverser et trouver l’espace laissé par la montée du caennais Abdi (#24)

Clé n°4 : la connexion Théo Hernandez – Mbappé peut faire encore mieux face au 541

Si quelques percussions, notamment en transition, à l’image de l’ouverture du score de Kylian Mbappé, ont piqué les danois, le duo Hernandez – Mbappé a souvent manqué de repères positionnels face au 541 Danois.

On aurait pu s’attendre à voir Théo Hernandez demander souvent le ballon dans le dos de son ailier pour alimenter Mbappé en 1v1 contre Andersen et accompagner mais il n’en a rien été.


Plutôt que de laisser l’espace à une projection de Théo Hernandez en se recentrant Mbappé décroche et reste dans le même couloir que son latéral. Le décalage initial est avorté.


Alors que la séquence est propice Théo Hernandez tarde à se placer dans le dos de l’ailier Danois, tout en recevant dans une mauvaise position il provoque la sortie de Kristensen qui laisse de l’espace à Mbappé pour combiner dans le dos. Avec une meilleure position initiale du Milanais le duo aurait pu faire encore plus mal sur ce type d’actions.

Clé n°5 : créer le surnombre autour de Skhiri / Laidouni

Malgré le 0-0 face au Danemark le 523 tunisien avait montré quelques failles en bloc médian. Trop vite surchargé émotionnellement par le but à remonter c’est tout l’édifice défensif qui a cédé contre les australiens. Les tunisiens tenteront certainement quelques corrections d’ici leur « finale » mais pour nos bleus on peut présager d’espaces à exploiter entre les lignes tunisiennes.

Les ailiers du 523 tunisien sont trop larges pour défendre aussi haut (ou trop haut et faciles à aspirer pour défendre aussi large). Quand un adversaire propose un 4+2 voire un 3+2 à la création, l’espace disponible pour les milieux adverses contraint Skhiri ou Laidouni à sortir très haut, laissant d’énormes espaces entre les lignes. Leurs défenseurs centraux n’ont pas les aptitudes physiques pour les gérer et le décalage se créé facilement.


Les 2 n°6 tunisiens sont contraints de sortir à contre temps pour compenser le mauvais pressing de leur 1ère ligne. Profitant du temps d’avance et avec un carré intérieur approprié, l’Australie créé le décalage initial.


Un 6 peut profiter de la largeur de la ligne de pression tunisienne pour s’insérer entre le 9 et l’ailier obligeant Skhiri (#17) à sortir, dans son dos, Bronn (#6) est incapable de défendre en avançant, et cette supériorité individuelle permet de trouver le décalage initial.

Autre autoroute vers l’interligne tunisienne, notre central droit pourra capitaliser sur les difficultés défensives de Msakni (#7), le leader technique des Aigles ne ferme jamais la ligne de passe intérieure et rarement la ligne de passe vers un latéral qui voudrait gagner son dos.

Conclusion

Étape de transition dans la course des Bleus vers la 3ème étoile, ce match face aux Aigles de Carthage sera forcément déconnecté du reste de la compétition.

Des interrogations nous n’en avons plus beaucoup. Les hommes de Deschamps ont posé le décor face au Danemark. Défense en bloc de 9 joueurs + Mbappé, référence défense individuelle calquée sur la structure adverse.

Offensivement, une capacité sans égal à créer des occasions sans déséquilibre structurel. Les rotations sont probables pour ce troisième match de poule, il faudra scruter les prestations qui pourraient faire évoluer la hiérarchie en sortie de banc. Le XI, lui, semble déjà verrouillé.

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