Manchester City : exploitation de la périphérie

3ème partie d’une analyse consacrée à Manchester City, version 2020/2021, axée sur l’exploitation de la périphérie et l’attaque du rideau transversale profond adverse.

Pour relire les analyses précédentes :

  1. Manchester City: variabilité de la 1ère ligne
  2. Manchester City: exploitation des zones d’attraction

Sur les différents matchs analysés, les joueurs de P.Guardiola ont tendance à transpercer le bloc adverse par l’intérieur plutôt qu’à la périphérie. Néanmoins les joueurs à la périphérie jouent un rôle prépondérant dans l’ouverture des espaces intérieurs. L’analyse sera donc orientée sur l’exploitation des couloirs extérieurs à différentes hauteurs et l’attaque du rideau transversal profond adverse.

Les matchs analysés :

  • Liverpool / Manchester City (Journée 23)
  • Everton / Manchester City
  • M’Gladbach / Manchester City

FACE À LIVERPOOL : ASYMÉTRIE POSITIONNELLE A TOUS LES ETAGES

Les Cityzens souhaitent densifier le bloc des Reds dans les couloirs intérieurs pour profiter d’opportunités dans les couloirs extérieurs. La périphérie est essentiellement occupée par 2 doublettes de chaque côté : Zinchenko-Sterling à gauche et B.Silva-Mahrez à droite. Au regard du profil des joueurs, les modalités d’interaction à 2 et à 3 sont différentes et les objectifs le sont tout autant.

Stabilité vs instabilité

Le côté gauche est sans nul doute le plus stable dans sa structure avec Sterling en haut et Zinchenko en bas d’une diagonale. Ils semblaient vouloir exploiter le couloir extérieur, en respectant un principe cher à Guardiola : « la meilleure façon de jouer vers l’extérieur est de trouver une passe depuis l’intérieur ».

Ces conditions permettent à Sterling d’attaquer le rideau transversal profond depuis la périphérie, en s’appuyant sur ses qualités de vitesse pour exploiter la profondeur.

Le côté droit est bien plus instable pour différentes raisons, notamment la proximité de la paire B.Silva et R.Mahrez dans les distances d’interactions. B.Silva évolue de façon un peu extrême, soit en étant très proche de la ligne de touche sous R.Mahrez, soit en étant dans le couloir intermédiaire lorsqu’il évolue au-dessus de R.Mahrez.

Cette dernière configuration est récurrente dans le style de jeu des mancuniens qui s’explique par la domination souvent territoriale et le gout prononcé de ces deux joueurs pour les espaces réduits et le dribble.

Connexion haut débit à la périphérie … Hauteur vs largeur

Zinchenko et Silva sont positionnés de façon symétrique dans la hauteur (sur la même ligne) et asymétrique dans la largeur (pas dans le même couloir). Zinchenko est le plus souvent très proche de la ligne de touche pendant que Silva se positionne fréquemment un peu à l’intérieur du couloir latéral. A noter que l’amplitude est garantie, en théorie, par un défenseur latéral et un milieu évoluant plutôt à l’intérieur.

A l’inverse, une fois que le ballon est à l’approche de la zone de finition, Silva occupe une zone axiale, allant du couloir axial jusqu’au couloir intermédiaire droit. Zinchenko maintient sa position dans le couloir extérieur gauche. Cette variabilité positionnelle garantit une forme d’équilibre de la structure collective et les conditions favorables à un déséquilibre adverse, tout en respectant les préférences de chacun.  

Géométrie appliquée dans les pyramides

L’utilisation des couloirs latéraux  via un triangle « assis » sur la ligne de touche est aussi très intéressante. Zinchenko et Sterling sont très proches des limites du terrain, quand Gündogan occupe la bordure du couloir intermédiaire gauche. Cela permet à Sterling d’attaquer la profondeur, depuis le bord extérieur du couloir latéral, tout en ouvrant le champ de vision et des possibles à Gündogan qui se retrouve sur son meilleur pied dans le couloir intermédiaire.

A l’inverse, Cancelo et Silva occupent le couloir intermédiaire, quand Mahrez est isolé sur la bordure intérieure du couloir latéral. Tous les trois, par leur sensibilité commune du jeu et une proximité spatiale, favorise la continuité du jeu pour Cancelo et le déséquilibre dans les espaces réduits, pour Silva seul ou à deux. Mahrez, en faux pied dans le couloir intérieur, recherchera le 1 contre 1.

Géométrie dans l’espace

Configuration à T0 : Au départ de cette séquence Zinchenko et Silva sont positionnés de façon symétrique dans la hauteur, mais dissymétrique dans la largeur, afin de contourner le bloc très compact des Reds caractérisé par la proximité de la 1ère ligne de City (Analyse 1/4) et par le positionnement de Foden et Gündogan dans les Zones de Lumière (Analyse 2/4).

T+10 secondes : Après quelques secondes chaotiques, la doublette Zinchenko (gaucher) et Sterling (droitier), en bordure extérieure à la périphérie représentent le starter pour ce dernier dans l’attaque du rideau transversal. Par son déplacement dans le dos de son adversaire direct (Alexander-Arnold), Sterling offre deux choses :

Une solution de finition qualitative pour lui, s’il reçoit le ballon dans des conditions qu’il affectionne particulièrement : prise de vitesse face à un adversaire direct, en poursuite ; dans le couloir latéral.

Tant qu’il ne reçoit pas le ballon, mais qu’il reste un receveur potentiel il représente une menace dans la profondeur qui obligera son adversaire direct à le suivre et faire reculer le rideau transversal profond. Une fois qu’il n’est plus receveur potentiel, il offre à son partenaire situé dans les Zones de Lumières, des conditions qualitatives pour le pied droit de son partenaire.

T+15 secondes : Comme évoqué sur la configuration de jeu précédente, il est intéressant de voir le positionnement asymétrique de B.Silva, dans le couloir intermédiaire. Cela permet d’isoler Mahrez, pour redonner du temps. L’attaque du rideau transversal profond de Liverpool se fait en égalité numérique, voire avec une supériorité numérique et dynamique. Les deux joueurs à la périphérie encadrent le rideau transversal profond, pour mieux l’attaquer par des déplacements qui traverseront au moins un couloir.

Sterling traverse le couloir extérieur gauche, vers le couloir intermédiaire gauche. Foden attaque le couloir central vers un des deux couloirs intermédiaires en prenant soin de passer entre les deux défenseurs axiaux. Mahrez traverse presque les deux couloirs de droite par son déplacement horizontal.  A ces trois joueurs s’ajoute les courses plutôt rectilignes de Gündogan et Silva vers la profondeur de leur couloir intermédiaire respectif.

T+19 secondes (1): les conditions du 1c1, notamment dans l’espace d’intervention doivent faire émerger la supériorité qualitative de Mahrez face à son adversaire direct.

Ici, Robertson semble mal embarqué au regard de l’orientation de ses pieds, mais surtout de ses hanches alors que Mahrez apprécie de se redonner de l’angle avec son pied gauche pour tirer, centrer ou feinter de le faire.

T+19 secondes (2): l’observation de cette situation nuance les conditions de ce 1c1, fortement influencées par la configuration plus large de l’espace d’aide mutuelle. Cette situation ressemble davantage à un 1c1+1, en défaveur du Cityzen, qui voit sa liberté d’expression se réduire, à l’approche de la surface de réparation.

T+19 secondes (3): l’observation de cette situation, nuance les conditions de ce 1c1+1, fortement influencées par la configuration encore plus large de l’espace de coopération, qui ressemble davantage à 1c4+1 gardien, voire 3c5+1 en défaveur du cityzen, qui voit sa liberté d’expression se réduire un peu plus.

AUTO-ORGANISATION POUR MANIPULER LE RIDEAU TRANSVERSAL PROFOND D’EVERTON

Face au marquage individuel des hommes de C.Ancelotti, les Cityzens et notamment Foden et Silva, ont su adopter une organisation variable pour manipuler le rideau transversal profond des Toffees.

Configuration à T0 : Jesus, après avoir décroché, reçoit le ballon dans le couloir central et Cancelo anticipe la réception du ballon en scannant l’environnement proche de Foden et Sterling. Ces deux derniers sont marqués de façon stricte par leur adversaire direct respectif. Face à cette organisation défensive, Sterling fixe son adversaire direct au large et en bas du couloir direct gauche, délimité par le fond noir transparent.

T+1 seconde : Cancelo, en possession du ballon, invite Doucouré à sortir pour lâcher le marquage individuel de Foden. En sortant,  le joueur d’Everton créer un espace dans son dos et déchire le rideau transversal profond, dont Foden va profiter. En effet hors du champ de vision de son « bodyguard » du jour, Foden s’engouffre dans la brèche, restée ouverte par l’effet de la fixation de Sterling qui retarde la course de Coleman et que Keane cherche à compenser.

Il est intéressant d’observer ici comment Foden profite de cet intervalle sensible dans le dernier rideau défensif. Lancé sur son pied préférentiel, dans une direction favorable et opposée à celle de Keane, lequel engagé dans une course à haute vitesse pourra difficilement changer de direction. Cela met en exergue ses lacunes dans ce domaine, face au jeune Cityzen, qui cherchera à s’ouvrir le chemin du but.

Enfin, il est possible de constater le niveau de désorganisation de la dernière ligne d’Everton dans la gestion de la profondeur, par les comportements à contre temps de Coleman et contradictoires de la charnière Keane et Holgate

Configuration à T0 : Sur cette situation, les Cityzens vont rechercher à nouveau le même effet ciseau dans les déplacements, pour déchirer la dernière ligne défensive. Cependant, les rôles de Foden et Sterling sont revisités.  

T+ 3 secondes : Ici, Foden veut se jouer du marquage de Doucouré et libérer un espace à offrir aux qualités de vitesse de Sterling. Variation des rôles, puisque c’est Foden qui vient aspirer son vis-à-vis, à la périphérie gauche, sous la position de Sterling.  Celui-ci pourra attaquer la profondeur dans des conditions idéales, au regard de ses déplacements préférentiels, en partant du couloir latéral pour passer dans le dos de son adversaire et le rendre aveugle quelques instants, ce qui lui sera précieux.

Ces deux configurations permettent aux Cityzens d’amener de l’incertitude positionnelle, temporelle et évènementielle pour semer le désordre dans le rideau transversal profond adverse. L’objectif étant d’attaquer le dernier rideau, non pas le plus souvent possible, mais dans les meilleures conditions possibles, pour reprendre les termes du technicien catalan. Plus ne veut pas dire mieux.

Configuration à T0 : Dans le couloir latéral droit, l’interaction entre Silva et Mahrez est semblable à celle du match contre Liverpool. En revanche, la distance de relation entre ces deux joueurs a été modifiée, avec Silva dans la Zone de Lumière et Mahrez dans le couloir droit. En revanche, l’étagement a presque disparu dans cette organisation.

T+9 secondes : Silva attaque l’espace entre le central et le latéral d’Everton afin d’ouvrir une voie de passage à l’approche de la surface et offrir des conditions idéales de 1 contre 1 pour Mahrez.

T+10 secondes : Mahrez rentre dans la surface par une conduite parallèle à ligne de but et s’offre une palette large face au but (un tir en force au 1er poteau ou au 2ème poteau, un tir brossé, voire un centre au 2ème poteau).

Cette réduction des distances d’intercations entre les deux joueurs de City, a permis d’inviter Digne à venir garnir le rideau transversal profond et insister sur l’hésitation à venir, entre son défenseur axial Holgate et son latéral gauche Godfrey ou l’inverse. Cela laisse une supériorité dynamique quel que soit le choix de la doublette Silva et Mahrez.

P.Guardiola a souhaité modifier certaines modalités dans leurs relations afin de s’adapter aux organisations spontanées du rideau transversal profond adverse et mieux le prendre à revers.

FACE AU BORUSSIA M’GLADBACH : TRAFFIC SUR LA CEINTURE EXTERIEURE

Face aux allemands, les Cityzens ont densifié la périphérie avec Gündogan, Foden dans le couloir latéral gauche pour aimanter les pivots allemands et ainsi créer des lignes de passes vers Jesus à l’intérieur. L’option d’étager 3 joueurs à la périphérie gauche, avec deux joueurs sur le pied préférentiel, Foden en haut et Laporte en bas, va offrir les conditions d’attaque du rideau transversal profond.

Laporte comme rampe de lancement longue distance avec sa qualité de passe grand angle, permet de jouer dans le dos du rideau transversal profond. Soit en jouant par-dessus, soit à travers pour trouver les déplacements préférentiels de ses partenaires dans leurs zones privilégiées.

A droite, au contraire, l’organisation à la périphérie est différente, avec ici une exploitation des qualités de vitesse de Walker qui apprécie les grandes courses rectilignes pour attaquer la profondeur dans le couloir intermédiaire. Sterling exploitera ses qualités de vitesse en partant bien de l’extérieur du couloir extérieur droit, pour prendre à revers la dernière ligne défensive.

Le choix d’aligner Laporte, gaucher dans une position en bout de structure à 3, aux dépens de Stones ouvre une palette variée de lignes de passe dans le dos du rideau transversal profond pour Foden et sa course oblique, Jesus dans sa course rectiligne, voire 3ème homme devant avec Gündogan.

Le cône de lumière des Cityzens, très évasé, étire les distances entre les joueurs des différentes lignes d’opposition, notamment ceux du dernier rideau. Pour reprendre la maxime de Luis César Menotti : « Il faut utiliser la largeur pour accéder à la profondeur ».

Sur ce match, une certaine faiblesse des latéraux de l’équipe allemande, dans la gestion de la profondeur et la capacité à se retourner avait été identifié au préalable. Ce constat explique en partie le choix d’aligner deux excentrés (Foden et Sterling), rapide dans l’exploitation de la profondeur, notamment par des courses diagonales, très difficiles à contrôler par leurs adversaires directs et des conditions peu confortables pour se retourner pour les défenseurs.

CONCLUSION :

L’exploitation de la périphérie et l’attaque du rideau transversal profond adverse s’articulent sur des principes variables et personnalisés en fonction de la dialectique des caractéristiques des joueurs de City et la position occupée :

  • Auto-organisation pour contourner à la périphérie le rideau transversal profond, mais le plus souvent créer des espaces dans les 3 couloirs centraux et le traverser pour attaquer la profondeur.
  • Configuration des relations entre les caractéristiques individuelles des joueurs, l’auto organisation collective permet l’émergence de synergies singulières pour les Cityzens, tout en visant la mise en difficulté du rideau transversal profond adverse.
  • Asymétrie et/ou symétrie des joueurs à la périphérie pour optimiser les connexions entre les joueurs.
  • Une certaine récurrence à la périphérie droite avec une recherche du 1c1 pour Mahrez, afin d’éliminer et enchainer dans la surface ou une conduite presque parallèle à la ligne pour s’ouvrir l’angle de frappe ou de feinte.

Analyse réalisée par Illies Lebrun / Olivier Alberola et éditée par Alilou Issa.

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