Manchester City : flexibilité dans les zones d’attraction

2ème partie d’une analyse consacrée à Manchester City, version 2020/2021, axée sur la flexibilité des joueurs de Guardiola dans l’utilisation des zones d’attraction.

Pour relire la 1ère partie : Variabilité de la 1ère ligne de Manchester City

A l’observation des zones d’attraction, nous analyserons la flexibilité de Cancelo et de Rodri, les principaux protagonistes de City dans ces zones stratégiques.

Nous formulerons quelques propositions afin d’analyser l’auto-organisation de ces deux joueurs, relativement aux caractéristiques adverses.

Les matchs analysés :

  • Liverpool / Manchester City (Journée 23)
  • Manchester City / Tottenham (Journée 24)
  • Everton / Manchester City (Journée 16)
  • M’Gladbach / Manchester City (8ème de finale aller, Champions League)

INVERSION DES POSITIONS EN ZONES D’ATTRACTION FACE A UN LIVERPOOL PROACTIF

Sur ce match, l’occupation récurrente des zones d’attraction par Cancelo et Rodri semblait avoir pour objectif minimal de semer le doute dans l’esprit de leurs adversaires et de profiter d’un crédit temps plus important. Un autre objectif était d’attirer un ou plusieurs adversaires afin d’offrir aux partenaires les plus proches, notamment ceux de l’espace d’aide mutuelle, des conditions optimales d’espace et de temps.

En ce sens, si l’espace disponible est un indicateur privilégié, le temps dont disposeront les partenaires de ces deux attracteurs ou eux-mêmes, est un élément fondamental pour comprendre l’évolution du rapport de force en faveur des Cityzens (Gréhaigne & Marle, 2021).

Lors de cette confrontation, Cancelo a reçu de nombreux ballons dans cette zone d’attraction, notamment dans le couloir intérieur droit. Rodri a joué comme un aimant, dans le couloir intérieur gauche (alors qu’il est droitier), pour mieux attirer un milieu de Liverpool et/ou isoler Salah à l’opposé, voire jouer à la périphérie.

Pour analyser les différentes configurations momentanées du jeu, la notion de temps sera donc centrale.

Configuration à T0 : Cancelo se positionne au fond de l’espace droit de la zone d’attraction et attire l’attention des deux milieux de Liverpool. La zone droite de lumière (non visible sur l’image) est à ce moment précis « non exploitable » (espace fermé), car le ballon est interceptable.

T +2 secondes : Cancelo offre une aide au porteur d’attraction et parvient à attirer Alcantara. Son déplacement permet d’ouvrir la zone de lumière (espace ouvert) occupée par Foden, alors qu’elle était non exploitable à T0.

Pour Stones, l’accès à cet espace (et à Foden), peut se faire de 2 manières :

  1. De façon directe (Stones vers Foden)
  2. De façon indirecte, via une relation extérieur-intérieur (Stones – Silva – Foden).

L’un des éléments intéressants sur ce match, c’est le positionnement inversé (faux pied) de Foden (intérieur droit) et de Gündogan (intérieur gauche) …  Cela semble être une réponse à la tendance d’Arnold et Robertson, les latéraux, à presser à l’intérieur de la zone de lumière, quand l’un des Cityzens y reçoit le ballon.

Le positionnement de deux excentrés à la périphérie (Mahrez et Sterling) chère à Cruyff, offre un cône des lumières (Menaut, cité par Gréhaigne, 2014) dissuadant la tendance naturelle des latéraux de Liverpool tout en offrant du temps à Foden et Gündogan, pour percuter dans les couloirs intérieurs. Cette organisation agit comme un ciseau avec deux paires de joueurs en pieds inversés, sur deux hauteurs différentes, afin de profiter des espaces dans l’axe horizontal et longitudinal.

Ce positionnement a aussi permis aux centraux de réaliser, avec leurs pieds « forts » et une certaine qualité « garantie », des passes diagonales qui sont compliquées à défendre, vers les pieds préférentiels de Sterling et Mahrez.

EXPLOITATION « PLUS COURANTE » DES ZONES D’ATTRACTION FACE A L’ORGANISATION RIGOUREUSE DE M’GLADBACH

Configuration à T0 : Sur les images précédentes, Cancelo occupait l’espace droit de la zone d’attraction. Ici, il occupe de façon préférentielle l’espace gauche de cette même zone, le plus souvent entre deux joueurs de M’Gladbach. Sa position lui permet aussi d’offrir du temps à ses partenaires à la périphérie (Laporte) et/ou à l’intérieur pour Rodri, par exemple.

T +2 secondes : Cancelo réceptionne le ballon au milieu de la zone d’attraction et attire le pivot offensif adverse (flèche rouge), ainsi que l’attaquant axial orienté vers son propre but. Cette attraction permet, en plus, d’isoler le milieu adverse (encadré jaune) qui se retrouve confronté au syndrome de la « couverture trop courte » au cœur de l’hiver.

En « couvrant les pieds » (Silva), il exposera la tête, en laissant de l’espace à G.Jesus et en couvrant la tête (G.Jesus), il découvrira ses pieds, laissant du temps à Silva. Ainsi, Jesus ou Silva, pourront franchir la ligne d’avantage, ligne noire fictive parallèle à la ligne de but qui représente le premier rideau défensif, (Gréhaigne, Bouthier, 1994) selon leurs caractéristiques et exploiter les zones de Lumière.

T +3 secondes : Rodri reçoit le ballon dans un rôle de 3e Homme avec du temps, de l’espace et face au jeu. Il peut alors profiter de l’émergence d’hommes libres, B.Silva ou G.Jesus, dans les zones de lumière. Ces zones ont été rendues « exploitables » grâce au positionnement de Cancelo à T0, qui a attiré les milieux allemands dans la zone d’attraction.

Positionné dans la zone d’attraction, Cancelo joue le rôle de bienfaiteur en aimantant des adversaires pour créer des espaces autour de lui. Il est, parfois, bénéficiaire, quand la structure adverse le permet, soit par la passe diagonale à contre-pied des déplacements défensifs ou par la conduite afin de provoquer les lignes adverses. La hauteur de sa position dans cette zone sera associée à des fonction diverses. Être au fond de cette zone lui permettra de fixer 2 joueurs et apparaître lui offre un pouvoir de nuisance bien supérieur où sa supériorité positionnelle peut attirer jusqu’à 4 adversaires les plus proches.

ORGANISATION FACE A UN TOTTENHAM TRÈS COMPACT

Sur ces images, on peut voir l’espace de jeu effectif défensif (EJED matérialisé en noir), en barrage très dense des Spurs et la position du porteur Cityzen à l’arrière de l’espace de jeu effectif offensif (EJEO matérialisé en bleu) illustrent ces difficultés.

On peut voir que l’EJEO de City englobe celui des Spurs, ce qui peut démontrer la compacité du bloc de Tottenham. Les milieux des Spurs contrôlent la position de B. Silva et protègent la ligne de passe vers Jesus et Gundogan dans les Zones de Lumière, devenues non exploitables (espace fermé).

À la différence des matchs précédents, le positionnement de Cancelo dans le couloir latéral droit peut s’expliquer par la volonté d’attirer les milieux excentrés adverses à la périphérie. Aussi, P. Guardiola semble avoir positionné Silva entre les milieux centraux adverses (Hojbjerg-Ndombélé), pour les obliger à réduire la distance d’intervention entre eux et ouvrir les couloirs intérieurs afin que les deux latéraux Cancelo et Zinchenko exploitent ces espaces sensibles pour se connecter à Gundogan et Jesus.

ADAPTATION DANS LA ZONE D’ATTRACTION ET PLEIN PHARE DANS LES ZONES DE LUMIERE

P. Guardiola a ajusté les positions de B. Silva et de G.Jesus, dans le dos de la 2nd rideau défensif afin de semer le doute chez les joueurs de Tottenham pour ouvrir des espaces et les rendre exploitables.

Configuration à T0 : À la différence des deux premiers visuels, sur le visuel ci-dessus l’espace entre les deux milieux centraux n’est plus occupé. Cancelo est repositionné à l’intérieur et à l’avant de la zone d’attraction à la limite du couloir latéral pour aimanter N’dombélé. Dans le même temps, plus bas, Rodri déconnecte Lucas de son équipe en se jouant de son marquage individuel, ce qui agrandit  l’EJED des Spurs.

T +7 secondes : Cancelo maintient sa position à la limite latérale de la zone d’attraction, obligeant Son et N’Dombele à comprimer leur distance d’intervention. Rodri campe sur sa position avec toujours la volonté de garder près de lui son « bodyguard » Lucas, soucieux de défendre en individuelle. Laporte à la réception du ballon aura tout le temps et l’espace pour manœuvrer.

T +10 secondes : Une des caractéristiques récurrente de ce jeu d’aimants en cascade dans la zone d’attraction, par les positions de Cancelo,  puis Rodri et Zinchenko dans le couloir latéral gauche, est de plonger son adversaire direct et la dernière ligne défensive de Tottenham dans l’inconfort de l’infériorité numérique.

T +10 secondes (bis) : Autre lecture de cette configuration du jeu avec l’exploitation des Zones de Lumière par la position des 3 joueurs dans le dos de la 2nde ligne d’opposition. On peut voir Hojbjerg pris au piège, car isolé de N’Dombele et de Lamela. S’il défend une ligne de passe, l’autre sera immédiatement exploitable.

Ce positionnement est difficile à défendre car il nécessite une mobilité constante de la ligne d’opposition (ligne des milieux) afin de protéger les lignes de passes vers les Zones de Lumière. Le pied gauche de Laporte a encore une fois pu être exploité via la recherche de passes croisées à contrepied du mouvement de la ligne adverse, grâce au positionnement de Gündogan et Jesus.

T +12 secondes : Le ballon plutôt haut dans l’EJED est confirmé par la consommation de 3 joueurs de Tottenham et le second rideau défensif se voit traversé, ce qui permet à Gündogan de recevoir le ballon dans la zone de Lumière. Autre élément intéressant, la synchronisation des positions et des déplacements, notamment l’aide d’attraction de Foden depuis le couloir gauche (T+10) vers le couloir intérieur gauche pour augmenter la profondeur à l’intérieur de la Zone de Lumière. Cette course a permis d’attirer Tanganga afin d’offrir un avantage spatio-temporel à Gundogan quand il recevra le ballon.

AUTO-ORGANISATION FACE AU MARQUAGE INDIVIDUEL D’EVERTON

Configuration à T0 : Face à Everton, les Cityzens ont fait face à un marquage individuel de la part des « Toffees » afin d’empêcher les hommes de P. Guardiola de s’associer. Cette orientation défensive a permis aux Cityzens de retourner les concepts défensifs adverses contre eux via la création d’espaces dans le couloir axial comme on peut le voir sur l’image ci-dessus. Rodri tombe en Zone d’initiation afin d’aimanter Richarlisson et d’aligner la 1ère ligne d’opposition adverse.

Configuration à T+1 seconde : Foden et Silva dérivent dans les couloirs intérieurs droit et gauche afin d’aimanter les 2 milieux centraux adverses, permettant l’ouverture du couloir axial. Jesus apparait à l’intérieur dans l’axe de la zone d’attraction, permettant à Laporte de le trouver dans le dos de la 1ère ligne adverse, sauce catalane « faux 9 ». Cancelo, lui se positionne, encore une fois, en « position inversée ». Il se fait oublier à gauche de la zone d’attraction à T0, pour mieux apparaitre comme 3ème homme à T+1 seconde et percuter ou tirer à T+3 secondes (ci-dessous).

T +3 secondes : Course très intéressante de Foden du couloir extérieur gauche vers le couloir intérieur gauche entre le central et le latéral adverse afin d’offrir une aide au porteur de finalisation. Un des objectifs semble être de permettre à Foden de rentrer dans la surface dans les meilleures conditions. Le qualitatif l’emporte sur le quantitatif pour Foden, ici, sur son pied préférentiel dans le dos de la dernière ligne pour finir l’action.

Aussi, le choix de positionner Cancelo en faux pied offre une multitude de possibilités, notamment par son orientation corporelle profilée vers le but adverse qui est source de danger dès sa 1ère touche. Sur cette situation, on peut voir le défenseur d’Everton sortir sur Cancelo pour essayer d’augmenter l’angle défensif et la zone interdite.

T +4 secondes : L’angle défensif augmente à mesure que le défenseur d’Everton se rapproche, par son changement de direction et l’orientation de ses appuis qui lui permet fermer la ligne de passe vers Foden. On observe, ici l’aspect dynamique des situations qui transforme des possibilités d’action dans des espaces « exploitables » ou « non exploitables » en fonction du temps, de la vitesse de déplacement de l’adversaire direct et du porteur du ballon. 

CONCLUSION

Ce qu’il faut retenir de l’exploitation de la zone d’attraction et des zones de lumière par les Cityzens :

  • Exploitation variable et variée des zones d’attraction et des zones de lumière.
  • Asymétrie positionnelle dans l’étagement, Rodri souvent beaucoup plus bas que Cancelo dans la zone d’attraction.
  • Une exploitation adaptée des profils de l’effectif Cityzen afin de faire émerger des supériorités qualitatives au regard des caractéristiques structurelles et individuelles adverses.
  • Volonté d’organiser une zone d’attraction électrique pour allumer les zones de lumière.

Analyse réalisée par Illies Lebrun / Olivier Alberola et éditée par Alilou Issa.

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