Professeur à la York University (Toronto, Canada), Joe Baker, est l’un des chercheurs les plus reconnus et actifs en sciences du sport.
Ses recherches sont principalement axées sur le développement et le maintien de performances sportives de haut niveau au sein des sports d’équipes et individuels, mais aussi les facteurs psychosociaux qui influencent la participation des individus à une activité physique tout au long de leur vie.
Dans ce questions/réponses, les thèmes abordés sont les suivants: identification et développement du talent, effets de l’âge relatif, spécialistes et généralistes, inné et acquis, etc.
Chaque dimanche vous recevrez des idées sur l’analyse du jeu, l’entrainement ou encore l’apprentissage.
Sommes-nous performants dans le domaine de l’identification du « talent » ?
En général, non. Mais gardez à l’esprit que le “résultat” que nous essayons de prévoir est très complexe et dynamique. Dans certains sports (par exemple, les sports où des facteurs physiques tels que la taille et la stature sont essentiels à la performance), ce processus est plus facile (c’est-à-dire que nous pouvons prédire ces variables physiques de manière assez cohérente) mais dans la plupart des sports, en particulier les sports collectifs, les faits indiquent que nous sommes très mauvais pour prédire qui réussira à l’avenir.
À quel âge l’apprentissage moteur ralentit ?
Je ne suis pas un expert dans ce domaine, mais je pense qu’en général, l’apprentissage moteur est similaire à d’autres formes d’apprentissage. Dans la mesure où il atteint probablement son maximum pendant l’enfance et la jeunesse, lorsque le cerveau est le plus actif, et où il est probable qu’il décline après cette période. Il est important de se rappeler qu’en l’absence de maladie ou de blessure, notre capacité à apprendre de nouvelles tâches motrices ne s’arrête jamais.
Malgré un talent unique, beaucoup de joueurs ont failli ne jamais accéder au football professionnel, en raison d’un développement morphologique tardif (Messi, Griezmann). Pensez-vous que les clubs professionnels devraient plutôt baser leurs critères de sélection sur les compétences et les aptitudes plutôt que sur la taille et les attributs morphologiques ?
D’une part, ce type de résultat montre comme il est difficile de prendre de bonnes décisions en matière de sélection et ce, à tout âge ! D’autre part, cela met en évidence les possibilités qui s’offrent aux clubs qui adopteraient une approche de sélection différente – une approche qui mettrait l’accent sur l’importance des compétences et des aptitudes plus générales, ainsi que sur d’autres prédicteurs possibles de succès comme la résilience, l’autorégulation, la résistance mentale, etc.
Qu’est-ce que le bio-banding et y a-t-il déjà des effets connus ?
Le biobanding est une méthode utilisée, dans les catégories de jeunes et qui tente d’utiliser le niveau de maturité biologique, comme stratégie de regroupement, afin de réduire les différences de taille, de force, de puissance, etc. liées à la maturité biologique. À ma connaissance, un certain nombre de ligues sportives ont essayé cette approche, mais je n’ai pas connaissance d’études à long terme sur son efficacité. Je pense que l’idée d’équilibrer les différences liées à la maturité, entre les membres d’une cohorte est excellente, mais équilibrer les différences physiques dans le cadre du sport n’est peut-être qu’une partie de la solution. Les jeunes relativement âgés peuvent être plus matures sur le plan cognitif, avoir une plus grande expérience de la vie et de l’entraînement et se comporter différemment dans leur groupe social. Tous ces facteurs peuvent avoir un impact direct ou indirect sur le développement des athlètes.
Pensez-vous que « l’entrainement représentatif » est plus efficace pour le développement des joueurs ?
Si vous faites référence à la notion de s’assurer que les environnements d’entrainement soient similaires aux environnements de compétition, je pense que la recherche dans ce domaine est très solide, bien que je ne sois pas un expert en la matière. Plus nous pouvons rendre l’entrainement « représentatif » en termes d’exigences cognitives, d’émotions, de stress, etc., meilleur sera l’apprentissage et les adaptations, en particulier plus tard dans le processus d’acquisition des compétences. C’est logique (on ne peut s’entraîner d’une manière et s’attendre à être performant d’une autre manière), mais cela va à l’encontre de nombreuses approches traditionnelles de l’entraînement (par exemple, décomposer les compétences en leurs éléments constitutifs au lieu de les entraîner dans leur intégralité).
Pensez-vous que les fédérations devraient s’appuyer sur un système de compétition basé sur la taille et le poids plutôt que sur l’âge chronologique ? (afin de s’adapter à l’évolution naturelle des jeunes joueurs et de mettre les joueurs à maturité tardive dans les meilleures conditions pour développer leur talent).
Cela semble logique. Si nous avons du mal a faire la distinction entre la taille, le poids, la stature et le talent (comme le montrent les effets de l’âge relatif), une approche qui minimise l’influence de ces variables est logique. Aussi, les recherches menées au cours de la dernière décennie suggèrent que ces effets sont très subtils. L’”effet outsider », par exemple, montre que ceux qui semblent être désavantagés au départ (c’est-à-dire les plus jeunes) deviennent souvent de meilleurs joueurs. Je suggère que nous essayions de déterminer ce qui, dans cet environnement « défavorisé », conduit à un meilleur apprentissage ou à de meilleures compétences chez ces joueurs, afin que nous puissions développer de meilleurs environnements d’entraînement pour tout le monde. De même, il faut trouver pourquoi des joueurs relativement jeunes se désengagent du sport (par exemple, est-ce dû à une diminution de leurs sentiments de compétence ou de plaisir) et combler ce manque. Diminuer l’influence des variables liées à la taille peut être un bon point de départ, mais je pense que ce n’est qu’une partie de la solution.
Existe-t-il un “gène du talent” ?
En tout cas, pas comme quand on pense à un gène pour le syndrome de Down ou à la maladie de Huntington. Les recherches les plus récentes suggèrent qu’il pourrait y avoir des milliers de gènes qui affectent le développement d’un athlète. Dans certains sports, ces gènes ont un effet direct, comme les nombreux gènes qui affectent la taille d’une personne, tandis que d’autres interagissent de manière indirecte, comme les gènes qui affectent la capacité et/ou la vitesse d’apprentissage/d’adaptation. Si nous formulons cette question comme suit: « Les gènes affectent-ils le développement de l’athlète? », la réponse est sans aucun doute « oui ».
Est-il logique d’opposer “généralistes” et “spécialistes” ?
Non, l’idée qu’il existe un modèle « taille unique » qui pourrait expliquer le parcours de développement de tous les athlètes est trop simple. Certains athlètes seront attirés par un parcours de spécialiste, tandis que d’autres devront peut-être généraliser. Avoir une approche axée sur les besoins individuels de chaque athlète et sur les avantages de la généralisation (développement des mouvements fondamentaux, réduction du risque de blessure, etc.) et de la spécialisation (plus de temps consacré à la tâche, adaptations plus spécifiques, etc.) est supérieur a la simple opposition entre “généralistes” et “spécialistes”
Est-il logique d’opposer l’inné et l’acquis ?
Non, il est quasi certain que cette vision du développement de l’athlète est trop simpliste. Comme je l’ai indiqué dans une réponse précédente, les gènes ont clairement une influence sur le développement de l’athlète et le degré d’influence qu’a l’inné sur un sport, dépend des principaux indicateurs de performance de ce sport. Bien que l’inné a un rôle à jouer, les entraîneurs ont une influence beaucoup plus importante sur « l’acquis », dans l’équation du développement de l’athlète (par exemple, la qualité de l’environnement d’entraînement, l’équilibre entre le stress de l’entraînement et une récupération appropriée). Il est donc probablement plus logique de se concentrer sur ce point.
Est ce que les systèmes d’identification et de développement des talents, sont les formats les plus adaptés pour favoriser le développement des joueurs ?
La philosophie qui sous-tend les systèmes d’identification et de développement des talents – concevoir les meilleurs environnements d’apprentissage autour de ceux qui ont le plus grand potentiel pour réussir – est logique ; cependant, la réalité est que ces systèmes sont devenus un obstacle à leur propre succès. En forçant les sélections de plus en plus précoce, l’accès aux ressources est limité aux athlètes qui ont été identifiés le plus tôt, ce qui rend difficile pour les jeunes qui se développent plus tard de s’engager dans le système. Ces systèmes ont donc favorisé un processus où le développement des talents dépend de la qualité de la décision de sélection précoce – malheureusement, les faits suggèrent :
a) qu’il est beaucoup plus complexe de prédire le talent avec fiabilité à partir d’indicateurs précoces
b) que nos décisions concernant les talents précoces sont biaisées et largement incorrectes.
Comment pouvons-nous différencier ce qui lié à “l’inné”, de ce qui est “acquis” ?
Les scientifiques sont en mesure de le faire, du moins de manière générale, dans la manière dont ils conçoivent leurs approches statistiques. Par exemple en analysant la variance nette expliquée par les gènes et l’environnement séparément, ainsi que l’interaction gène x environnement (c’est-à-dire l’influence de l’environnement sur les facteurs génétiques). Pour les entraîneurs et les athlètes, une façon simple d’envisager cette question est de considérer « l’acquis » comme l’ensemble des éléments sur lesquels ils ont un contrôle et qui ont une incidence sur le développement, l’apprentissage et, éventuellement, la réussite.
Comment les émotions influencent-elles le talent ?
Les émotions influent sur toute une série de facteurs liés au talent. De la manière dont le plaisir et la frustration affectent la motivation à long terme d’un athlète et qui est nécessaire au développement de ses compétences, à la manière dont l’état émotionnel d’un entraîneur/scout affecte la façon dont il évalue un athlète. Malheureusement, la plupart des recherches sur les émotions dans le domaine du développement des athlètes ont identifié ces relations de manière relativement superficielle (par exemple, les athlètes doivent « prendre du plaisir » dans ce qu’ils font, etc.), ce qui ne nous dit pas grand-chose sur l’origine de ces émotions (par exemple, pourquoi les athlètes de haut niveau apprécient les entraînements stressants et difficiles ?)
Comment définir le « talent » ?
Cela semble être une question facile, mais elle nous a pris beaucoup de temps ces dernières années. Les chercheurs, les décideurs politiques et les entraîneurs utilisent souvent le terme « talent » pour désigner différentes choses et il est donc important de s’accorder sur une définition claire. Nous avons passé en revue toutes les preuves et théories relatives au talent dans le sport et nous nous sommes accordé sur la définition suivante : il est inné (c’est-à-dire provenant d’éléments biologiques présents à la naissance), multidimensionnel (c’est-à-dire constitué de capacités provenant d’un éventail de catégories cognitives, physiques et psychologiques générales), émergent (c’est-à-dire impliquant des interactions entre des facteurs qui se combinent de manière multiplicative), dynamique (c’est-à-dire changeant durant les étapes du développement, en raison d’interactions avec les environnements et d’une expression génétique aléatoire) et symbiotique (c’est-à-dire que des facteurs culturels et sociaux détermineront la valeur ultime du talent d’un individu).
Comment travailler avec un joueur de talent ?
Je ne suis pas sûr de comprendre totalement la question, mais je pense que nous devons nous éloigner des approches qui se concentrent sur un modèle ou une approche unique pour tous les athlètes. Il est important que les entraîneurs se concentrent sur les besoins de chaque athlète avec lesquels ils travaillent comme s’ils étaient uniques, plutôt que d’essayer de faire entrer leurs athlètes dans un modèle préformaté.
Si le « talent » est mesurable, quels sont les outils utilisés pour l’évaluer ?
Cela dépend du sport. Les sports qui reposent essentiellement sur des éléments physiques (par exemple, l’aviron) disposent à la fois d’indicateurs plus clairs, du « talent » et d’outils simples et objectifs pour les mesurer. Les sports plus complexes, comme le football, où la taille est importante mais où les compétences tactiques, la créativité et la prise de décision, entre autres facteurs, sont plus difficiles à identifier car les chemins qui mènent à la l’excellence sont plus variés. Dans ces sports, les instruments de mesure de ces facteurs peuvent encore être précieux pour suivre le développement des joueurs, mais ils doivent être considérés comme moins déterministes.
Dans quelle proportion devrions-nous développer les forces vs les faiblesses d’un joueur ?
Je ne sais pas s’il existe une « règle » claire pour les proportions. Il est important de reconnaître qu’il faut trouver un équilibre entre la concentration sur les faiblesses (afin de continuer à s’adapter et à s’améliorer) et la concentration sur les forces (afin de promouvoir des sentiments de compétence, de réussite, de confiance, etc.). Cet équilibre est probablement propre à l’athlète et doit être déterminé entre le joueur et l’entraîneur.
Une fois qu’un joueur est sélectionné, sur quels aspects devrions-nous porter notre attention : les faiblesses ? les forces ? Les deux ?
Une fois qu’un joueur est sélectionné, nous devrions nous concentrer sur les éléments qui permettront de le faire progresser sur les facteurs clés liés à la performance. Ces facteurs changent considérablement au cours du développement et l’accent doit être mis sur les facteurs les plus pertinents pour la performance actuelle, ainsi que pour « planter les graines » de la performance future.
Est-ce que l’éducation familiale est un facteur clé du talent ? Si oui, comment pouvons-nous le mesurer ou le détecter ?
Il peut l’être. Cela dépend de l’athlète. Certains ont besoin du soutien et des ressources fournis par leurs parents, tandis que d’autres les obtiennent de leurs pairs. Notre travail sur l’influence des parents dans le développement de l’athlète suggère que ces relations sont très subtiles et nuancées. Il est difficile de mesurer ce rôle en raison de sa complexité (par exemple, comment les ressources changent-elles selon l’ordre de naissance, le nombre d’enfants dans la famille, le rôle de la mère et du père, etc.)
Le contexte social d’un joueur est-elle une composante du talent ? Si oui, dans quelle mesure ?
Dans notre modèle, oui. Le contexte est important car il influe sur la façon dont les athlètes s’entraînent. Par exemple, un athlète qui grandit au Canada aura plus de facilité à devenir un joueur de hockey sur glace qu’un athlète australien, car le contexte facilite le cheminement (c’est-à-dire l’accès à des ressources telles que les installations sportives et les programmes d’entrainement).
La sélection précoce des joueurs est-elle le meilleur moyen d’identifier les futurs sportifs de haut-niveau ?
En principe, non. Si nous considérions le développement de l’athlète comme un cheminement unique à déterminer pour chaque athlète, nous serions probablement plus à même d’équilibrer l’entraînement et les besoins de l’athlète. Cependant, la réalité est que le sport (à l’exception des académies professionnelles, etc.) est généralement un système très « limité en ressources » et les entraîneurs sont tenus de faire des sélections afin de mieux gérer les ressources limitées dont ils disposent. Toutefois, les entraîneurs devraient être encouragés à ne pas faire ces sélections avant que cela ne soit absolument nécessaire.
Le talent est-il inné ?
Comme je l’ai mentionné plus haut, les chercheurs, les entraîneurs, etc., ont des définitions différentes de ce que signifie le « talent ». Dans notre définition, nous l’avons déterminé comme « inné » parce que si nous ne définissons pas le talent comme présent à la naissance, il est très difficile de le distinguer des autres variables du développement de l’athlète comme les « compétences » ou les « aptitudes ».
Existe-t-il un « plafond de verre » tactico-technique pour le développement des joueurs ou y a-t-il toujours un moyen pédagogique de les aider à progresser ?
Il est difficile de répondre à cette question car personne n’a jamais fait d’études assez longues pour le découvrir de manière concluante. Les études sur l’apprentissage à long terme ont montré que nous ne perdons jamais la capacité à apprendre, mais ces études ne sont pas réalisées dans les conditions extrêmes de la performance humaine (par exemple, dans les sports olympiques). De plus, le taux d’amélioration devient de plus en plus faible à mesure que l’on devient plus compétent, ce qui rend le changement plus difficile à percevoir lorsqu’il se produit. Si je devais donner une réponse, je dirais probablement « oui, il y a toujours un moyen d’aider un athlète à continuer à progresser », du moins jusqu’à ce que les implications biologiques du vieillissement se mettent en travers de la route.
Existe-t-il une limite d’âge pour développer son talent ?
Cela dépend probablement du sport – en gymnastique par exemple, la fenêtre à laquelle vous devez commencer à vous entraîner s’ouvre très tôt en raison des contraintes biologiques affectant la malléabilité des articulations, etc. (qui ont tendance à se raidir avec l’âge) et de la nécessité d’accumuler des milliers d’heures d’entraînement avant l’âge de la performance maximale (qui tend à être très précoce). Dans d’autres sports, cette fenêtre de développement peut être différente – soit en s’ouvrant plus tard, soit en restant ouverte plus longtemps, etc. Les limites absolues de ces tranches d’âge sont inconnues, mais je suis certain qu’elles existent. Il y a probablement une raison biologique à ce que les sexagénaires ne gagnent pas de marathon ou de sprint.
Existe-t-il des prédispositions au talent ?
Je crois qu’il doit y en avoir ; argumenter autrement n’a pas de sens, en se basant sur la théorie de l’évolution. Il faut qu’il y ait une variabilité génétique dans une population pour entraîner un changement évolutif. Cependant, je ne pense pas que nous ayons de très bons modèles ou tests pour trouver ces prédispositions. C’est peut-être parce que nous n’avons pas cherché aux bons endroits ou parce qu’ils sont trop complexes à trouver avec les approches simples que nous avons utilisées jusqu’ici.
Existe-t-il des activités sportives ou, plus largement, des activités où la détection des talents fonctionne ?
Oui, les sports qui reposent sur des variables physiques relativement simples semblent avoir plus de succès avec les initiatives de détection des talents (par exemple, l’aviron a connu un certain succès au niveau international). Cela est sans doute dû au fait que nous comprenons mieux comment les variables physiques changent au cours du développement et le rôle que ces variables jouent dans les performances des adultes. Pour les sports et les activités qui reposent sur un plus grand nombre de variables et/ou des variables moins bien comprises, les initiatives de détection des talents sont moins fructueuses.
Devrait-il y avoir une distribution équivalente, des mois de naissance, dans chaque catégorie d’âge ?
J’ai déjà écrit à ce sujet dans d’autres questions, je vais donc être un peu bref dans ma réponse. En principe, l’élaboration d’une politique qui assure une répartition égale des mois de naissance dans chaque catégorie d’âge semble excellente. Toutefois, elle ne reflète pas la complexité de ces effets de l’âge relatif. Par exemple, ‘l‘effet outsider » (underdog effect) dans la littérature sur l’âge relatif souligne comment des environnements qui semblent initialement défavorables peuvent conduire à un meilleur développement des compétences – si nous modifions l’environnement, nous supprimons cet « avantage » pour ce groupe. Je pense qu’une meilleure solution serait de découvrir le mécanisme de cet effet (par exemple, est-ce parce que les entraîneurs font des choix biaisés, fournissent aux athlètes relativement plus âgés un meilleur retour d’information, etc.) et de recréer la façon dont nous dispensons l’instruction et la formation aux jeunes en développement afin que davantage d’athlètes puissent s’épanouir.
Quels sont les biais cognitifs courants dans le processus d’identification des talents et comment les surmonter ?
À part les biais bien connus comme l’effet de l’âge relatif, nous ne savons pas grand-chose sur les biais qui affectent l’identification des talents. Il est probable qu’il existe plusieurs biais qui affectent la façon dont les entraîneurs évaluent leurs propres sélections (par exemple, biais de confirmation, biais de rétrospection) car ils semblent y avoir des limites dans la façon dont nous traitons les informations en général. Peut être qu’il est possible de les surmonter en améliorant la qualité des informations qui éclairent les sélections (par exemple, en utilisant des mesures objectives, fiables et valides pour les résultats qui nous intéressent) et en améliorant la façon dont nous prenons nos décisions (par exemple, en ne s’appuyant pas sur un seul coach mais en recherchant plutôt un consensus entre les évaluateurs).
Que pensez-vous de la pratique d’autres sports pour aider au développement des joueurs ?
Je pense que cela peut être très important dans les premières phases du développement de l’athlète pour développer un riche répertoire d’expériences de mouvement, une motivation intrinsèque générale pour le sport et la compétition ainsi qu’une capacité générale à gérer la frustration, le stress et d’autres émotions liées à la performance. Plus tard dans le développement, il peut jouer un rôle clé pour la récupération active, la gestion du stress (par exemple, comme distraction) et le plaisir.
Quels indicateurs utilisez-vous pour observer le talent ?
Les variables liées à la taille et à la stature sont des indicateurs évidents pour des sports comme le basket-ball, l’aviron, la gymnastique, le plongeon, etc., mais dans notre laboratoire, nous nous concentrons sur des variables psychosociales comme l’autorégulation, l’auto-efficacité et la résilience qui peuvent être importantes pour prédire la probabilité qu’un athlète consacre les milliers d’heures nécessaires au développement de ses compétences. Ces variables sont la « monnaie d’acquisition des compétences » et si un athlète n’en dispose pas, il ne restera probablement pas assez longtemps dans le sport pour voir son talent se concrétiser.
Qu’est-ce que le talent et quels sont les facteurs clés qui influencent son développement ?
Veuillez consulter ma réponse précédente pour savoir comment nous définissons le talent, mais les facteurs clés qui influencent son développement sont nombreux et divers. En général, nous les avons regroupés en « facteurs primaires » tels que les facteurs psychologiques (par exemple, la motivation, la personnalité, la gestion du stress et des émotions, etc.) et les facteurs liés à la formation (par exemple, la quantité et la qualité de la formation) et en « facteurs secondaires » (influences indirectes telles que l' »âge relatif », la culture, la proximité des centres d’entrainement, etc.). La combinaison précise des facteurs affectant le développement d’un athlète est probablement très personnelle et unique.
Quel est l’effet de l’âge relatif et comment affecte-t-il la détection des talents ?
L’effet de l’âge relatif est un phénomène que nous retrouvons avec persistance dans de nombreux sports qui mettent l’accent sur une sélection précoce des talents. L’effet montre essentiellement que dans un groupe d’âge d’un ou deux ans, ceux qui sont plus âgés par rapport à la date limite utilisée pour organiser les groupes d’âge sont plus susceptibles de continuer à participer (jouer) et se retrouver au plus haut niveau. C’est un effet qui est lié à l’identification des talents car il suggère que ceux qui mettent en place ces sélections de talents confondent les variables liées à la croissance et à la maturation (par exemple, la puissance, la vitesse, la taille) avec le talent.
Existe-t-il des sports qui permettent un bon transfert de compétences vers le football ?
Oui, en particulier lors des premières années de développement. Dans nos recherches, nous nous concentrons sur une approche appelée « éléments identiques » et qui est centrée sur les éléments communs aux différents sports. Par exemple, au cours des premières années de développement, si nous voulions développer la condition aérobie des joueurs de football, nous pourrions leur faire pratiquer n’importe quel type d’activité aérobie primaire et intensive. Même la capacité a « capter » des schémas offensifs et défensifs peut être transférée entre des sports qui partagent des structures similaires (par exemple, le hockey sur gazon et le football, mais pas le volley-ball). Les aspects psychologiques telles que la confiance, la motivation, la persistance et la résilience sont également susceptibles d’être développés dans le cadre d’autres activités sportives. Plus tard dans le développement, lorsque les « éléments » changent, nous pouvons toujours utiliser la participation à d’autres sports pour une récupération active, la gestion du stress et le simple plaisir. L’essentiel est de trouver un équilibre entre les besoins spécifiques des joueurs et le meilleur moyen de répondre à ces besoins. La plupart du temps, il s’agira d’un sport spécifique, mais n’ayez pas peur d’envisager d’autres activités.
Quelques références :
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