Configuration du jeu et cellule de l’action de pointe

Proposition théorique de © Jean-Francis Gréhaigne, professeur des Universités honoraire en STAPS de l’Université Bourgogne Franche-Comté

Une configuration représente l’aspect sous lequel se présente une action ou un événement, c’est-à-dire la manière dont une idée ou un projet prennent peu à peu forme, s’ordonnent et passent d’une abstraction à quelque chose de concret, d’observable et d’évolutif. Gréhaigne, Godbout & Bouthier (1997, 2001) proposent que le concept de configuration du jeu se trouve au cœur de la réflexion didactique à propos des décisions prises en jeu. Il renvoie aux positions relatives des joueurs des deux équipes, en relation avec la possession et la position du ballon, ainsi qu’avec les déplacements des joueurs. 

Dans cette trame dynamique de transformation du jeu (Gréhaigne, 2021), la cellule de l’action de pointe comprenant quelques attaquants et défenseurs est le plus souvent située au cœur de la défense adverse, en se déplaçant au front du ballon. Si le porteur de balle arrive à mettre le trouble dans la défense adverse en éliminant son adversaire direct ou en attirant plusieurs défenseurs, cela profitera à ses coéquipiers qui auront la possibilité de prendre les espaces vides en vue de tirer. Si au contraire un ou deux coéquipiers aspirent les défenseurs, il bénéficiera d’un espace plus élargi pour pénétrer et aller lui-même tirer. Si les joueurs en attaque s’organisent bien, en fonction des mouvements et des réactions adverses, ils pourront jouer au sein de cette cellule et terminer l’action par un tir.

En effet, dans le jeu entre le niveau d’organisation 1 contre 1 et le niveau affrontement partiel, il est apparu rapidement que ce groupe de joueurs engagés à la pointe de l’attaque au plus proche de l’action jouait un rôle particulier à explorer. En effet, cette entité faite d’attaquants et de défenseurs constitue un maillon important des relations d’opposition. Elle fait vivre le ballon, possède un fort potentiel d’action pouvant ouvrir dans le champ de jeu à une succession d’événements positifs ou bien être le lieu d’une récupération de la balle. Dans ce lieu d’opposition circonstancielle et de décision, côté attaquant on doit envisager a minima pour ce réseau temporaire de forces, la composition suivante : un joueur porteur du ballon, un joueur situé en appui en mouvement en évitant d’être hors-jeu, un soutien proche en cas de perte de balle pour assurer la couverture défensive et un soutien plus éloigné si le porteur de balle est en difficulté afin de ressortir le ballon et réorienter le jeu.

Dans une vision plus large, il est possible d’envisager un joueur dans chaque couloir périphérique si le porteur est dans l’axe du terrain afin de déplacer le jeu dans une dimension plus faible de l’organisation défensive. Pour la défense, un ou deux joueurs en barrage qui flottent éventuellement avec un autre défenseur un peu en retrait assurant la couverture axiale. Dans l’organisation et la construction du jeu, ces « cellules de l’action de pointe », cellules au sens d’éléments d’un sous-groupe organisé et de son fonctionnement, devront être rapides à se mettre en place ce qui rendra plus difficile pour les adversaires de prédire la continuité du jeu.

On vise à optimiser le rendement de l’attaque, l’efficacité dans la conservation du ballon ou la réussite des duels pour le porteur de la balle. L’amélioration de la co-construction de ce référentiel partiel commun par la compréhension et le partage des subjectivités des joueurs est un aspect important pour une équipe où les équipiers sont issus d’horizons différents en matière de formation et de représentations. Pour les adeptes d’un système de défense haute, cette cellule de l’action de pointe est l’endroit idéal pour la récupération de la balle tout en se protégeant d’un jeu dans la profondeur grâce à la loi du hors-jeu et à la couverture défensive du gardien de but avancé.

Au rugby, on retrouve ce type d’analyse, avec la notion de « zone cruciale » quand il s’agit de cerner les conditions de production efficace de la continuité́ du jeu dans les phases de mouvement général où les joueurs et le ballon sont en mouvement. À partir des actions effectives, il est donc question de caractériser l’existence d’un ou plusieurs modèles pragmatiques dans le jeu de mouvement (Mouchet, Uhlrich, & Bouthier, 2005).

Si l’on considère que le football est un système dynamique non linéaire où la coordination de l’équipe est obtenue par l’organisation et l’auto-organisation et non l’animation, il va falloir faire face à des phénomènes émergents. Alors, on ne peut pas être un joueur passif qui réagit a posteriori donc en retard. C’est donc une expertise prospective de l’action que l’on vise. Avoir des opportunités d’action avec le ballon, c’est partager de nombreuses opportunités d’agir avec ses partenaires. Le porteur de balle a ainsi la possibilité de transmettre le ballon à un partenaire ou à un autre, de lui donner dans les pieds ou dans sa course, voire de lui adresser une passe aérienne. Enfin, cet échange de balle entre le passeur et le réceptionneur peut s’effectuer vers l’arrière, vers l’avant ou vers la périphérie pour assurer la continuité d’un mouvement d’attaque fécond.

Défense sur la cellule de l’action de pointe

D’une manière générale et comme au rugby, la défense en football, dans le jeu de transition ou dans la zone de pré-vérité défensive, est organisée en trois rideaux :

  • Un rideau (R1) proche au front du ballon avec une dyade ou peu de joueurs qui flottent.
  • Un rideau (R2) moyen plus étoffé avec souvent 4 joueurs.
  • Un rideau (R3) transversal profond avec quatre ou cinq joueurs plus le gardien de but en fonction de l’emplacement de la défense. Suivant les configurations du jeu, le gardien de but est le dernier rempart à lui tout seul, soit intégré au dernier rideau.

En revanche, dans la zone de vérité défensive, il n’existe souvent plus qu’un seul rideau un peu étagé. Une organisation ou une réorganisation ponctuelle des rideaux, en relation avec différentes configurations du jeu particulières, obéissent à des lois de composition internes.

En effet, du fait de la nécessaire recomposition des rideaux, les rôles de premier, deuxième et troisième rideau sont liés aux principes respectifs qui suivent. Une dyade constitue un couple de deux joueurs en interaction, cette relation étant fondée sur une opposition asymétrique. Dans la pratique, cette relation se réfère à une communication non verbale en face à face entre deux joueurs, impliquant leurs postures et leurs comportements. Dans la dyade 1 x 1, il est primordial d’empêcher la pénétration du ballon ou du joueur (centre, tir et on doit boucher le couloir de jeu direct), ensuite et/ou simultanément, empêcher de construire la profondeur défensive avec un premier rideau en couverture (en relation avec la configuration de la cellule de l’action de pointe) puis une densification à l’approche du but défendu avec l’ensemble de l’équipe. On parle bien de la dynamique des rideaux défensifs.

La circulation des défenseurs entre les rideaux du système défensif se fait nécessairement avec une « consommation » des défenseurs, qui s’opposent effectivement au mouvement offensif adverse. La conséquence de cette mouvance défensive entraîne l’indispensable suppléance, des éléments défensifs momentanément hors d’action.

Pour l’attaque, les lignes de forces sont les différentes organisations étagées sur le terrain :

  • Une ligne (LF1) proche au front du ballon avec peu de joueurs qui flottent.
  • Une ligne (LF2) en position médiane plus étoffée avec souvent trois à quatre joueurs.
  • Une ligne (LF3) profonde avec quatre ou cinq joueurs plus le gardien de but en fonction du jeu.

Une organisation ou une réorganisation ponctuelle de ces lignes de forces visent à la déstabilisation du bloc défensif pour espérer marquer un but tout en étant prêt à faire face à une perte du ballon. Sous de multiples formes, la « rupture » est devenue la matrice analytique des rapports d’opposition. Cette matrice rend compte de comment un équilibre se développe elle est basée sur l’analyse de l’interaction entre les joueurs. La notion de « rupture » joue un rôle central dans le jeu d’attaque car elle est à la fois un processus de sélection des possibles et un instrument d’articulation entre continu et discontinu. Penser la diversité des apports de cette matrice ne peut se faire qu’au prisme de la dialectique.

Figure 1. Les espaces de phase

Comment se réorganisent les rideaux et les lignes de forces quand le ballon est dans les couloirs périphériques, voire les couloirs intermédiaires ou dans la zone de vérité défensive ? Dans une approche plus fonctionnelle, quand la balle est à la périphérie, on constate que l’axe du jeu a pivoté. Francisco Seirul-lo Vargas cité par Alberola et Lebrun (2021), en se centrant sur l’exploitation de la périphérie et de l’attaque du rideau transversal profond par Manchester City, détermine trois espaces : l’espace d’intervention près du ballon, l’espace d’aide mutuelle qui correspond à la cellule de l’action de pointe et un espace de coopération où les appuis et les soutiens sont prépondérants. Pour la défense on retrouve R1 au front du ballon, R2 la couverture axiale et R3 la réserve axiale. La cellule de l’action de pointe contient un potentiel d’actions à exploiter pour l’attaque et pour la défense des actions à annihiler.

Les lignes de forces

Pour les attaquants, le but de la cellule est de prendre de l’avance dans une partie du terrain, à l’aide d’un jeu avec les appuis, en débordement ou avec une grande transversale, tout en assurant un début de couverture axiale. L’intelligence collective est un levier essentiel pour transformer durablement les organisations et fonder une performance durable. Une partie du groupe en appui est sur la ligne de front avec les adversaires, il s’agit pour lui de mobiliser les défenseurs pendant le déplacement des deux autres. Au niveau tactique, un match se gagne en disposant les moyens adéquats au bon endroit et au bon moment (principe d’économie des forces et de concentration des efforts) pour créer un rapport d’opposition favorable.

Enfin, l’affrontement doit être mené en un temps court, pour espérer conserver le temps d’avance. Le fait de remettre le ballon en arrière aux coéquipiers en soutien assurant la couverture axiale entraîne souvent la renaissance d’un rideau R2 préalablement consommé. Cela ne veut pas dire qu’il faut continuer d’aller de l’avant à tout prix mais qu’il faut être conscient de ce problème qui change le rapport de forces (au sens de qui change le rapport des forces en présence).

Les emplacements de l’affrontement

La figure 2a (cas 1) illustre un espace de jeu effectif (EJE) en zone défensive, avec un ballon en arrière de l’EJE dans le couloir central avec une défense en barrage (ce type d’affrontement pouvant se situer, également, à la périphérie arrière droite ou gauche). Le danger le plus immédiat est constitué par une perte de balle qui, à cet endroit, permet au défenseur direct de devenir premier attaquant avec une position de tir très favorable. Le point 2 montre un EJE toujours en zone défensive, avec un ballon en avant de l’EJE dans le couloir central et une défense à la poursuite. C’est une situation assez favorable pour l’attaque mais il reste à parcourir une bonne partie du terrain avant d’arriver à une position de tir favorable. Le cas 3 avec un EJE en zone défensive illustre un ballon en milieu de l’EJE dans le couloir central avec une défense en barrage. La montée de balle vers une position de tir reste à effectuer.

Figure 2. Position de l’EJE sur le terrain et emplacement de l’affrontement avec défense en barrage notée et défense à la poursuite notée.

La figure 2b (point 1) décrit un EJE en zone offensive, avec un ballon en arrière de celui-ci, dans le couloir central avec une défense en barrage. Ce type d’affrontement peut se situer, également, à la périphérie arrière. Cela renvoie à une attaque de position face avec une défense entre le ballon et la cible. Le point 2 avec un espace de jeu effectif toujours en zone offensive, montre un ballon à l’avant de l’EJE légèrement décalé dans le couloir central avec des défenseurs à la poursuite. Ici le porteur de balle est en position très favorable. Le cas 3 illustre un EJE en zone offensive, avec un ballon au milieu de l’EJE, l’attaque reste à développer.

Figure 3. Récapitulatif des emplacements les plus courants dans l’espace de jeu effectif. Les emplacements de l’affrontement dans l’EJE relèvent soit d’une défense en barrage soit d’une défense à la poursuite.

La figure 3 récapitule les emplacements que peut occuper un affrontement au front du ballon dans les différents couloirs de jeu. La défense est positionnée soit en barrage soit à la poursuite dans l’axe central ou la périphérie de l’aire de jeu. Ces principaux emplacements ont été choisis car ils sont conformes aux travaux d’Ali et Farraly (1990) sur les différentes formes d’attaque. Pour les joueurs engagés dans l’action, il faut avoir en tête, que les ballons à la périphérie devront être ramenés dans une position proche de l’axe du terrain pour faciliter une tentative de réalisation. Cette problématique du jeu soulève une interrogation qu’il faut résoudre : comment penser la rupture des équilibres dans le jeu ?

Avec des joueurs qui sont en interaction, ces situations sont dynamiques, l’environnement incertain et sous fortes pressions temporelles. Les enjeux sont forts et ils constituent une boucle ininterrompue entre perception/action et retour sur l’action. Enfin, ces situations se caractérisent par leur évolutivité, l’incertitude qu’elles imposent à un groupe de joueurs qui interagissent.

Fonctionnement de l’affrontement en football

Dans le football, le jeu de transition se situe essentiellement dans les zones de pré-vérité défensive et offensive ce qui le différencie par son mouvement des autres phases de jeu plus statiques comme l’attaque de position ou la défense avec un bloc bas appuyé sur sa ligne de but. Ce type de déplacement du ballon recouvre un temps important du jeu en football. Dans cet affrontement au milieu du terrain, le jeu de transition consiste en la conservation de la balle dans la remontée du ballon vers le camp adverse caractérisant la séquence de jeu entre la récupération de la balle et la possibilité d’atteindre la cible. Ce terme fait référence à une forme de latence entre la fin d’une séquence défensive et l’attaque du but adverse dans sa continuité.

Le jeu de transition désigne un processus de transformation au cours duquel un système passe d’un état d’équilibre à un autre. La transition n’est donc pas un simple ajustement mais une reconfiguration du fonctionnement et de l’organisation du système. Enfin, les transitions entre deux configurations du jeu sont aussi porteuses d’informations notables sur l’évolution du jeu et le déroulement de la rencontre. Le fait, pour Barcelone par exemple, de vouloir constamment étirer les phases de transition par la possession du ballon est un moyen de limiter les phases sans la balle. Un placement haut, en cas de réversibilité du jeu (perte de la balle) est une façon de repousser une phase sans ballon loin de sa zone défensive. Lors de la perte de la balle un pressing ultra-rapide empêche, souvent, l’adversaire de réussir sa contre-attaque, voire permet de récupérer le ballon immédiatement.

Tout cet ensemble ne peut émerger qu’au niveau des opérations cognitives où sont possibles les choix et la résolution des événements inattendus. Le développement de l’aptitude tactique suppose le développement de la capacité à décider et à décider vite, laquelle dépend de l’aptitude à concevoir des réponses adaptées. Ces différentes analyses n’ont d’intérêt que si elles débouchent sur du concret, en améliorant l’efficacité en jeu, d’où la focalisation sur la variété des systèmes de contraintes qui s’exercent sur les joueurs au cœur de l’action. Ainsi, le comportement intelligent d’une équipe sera le résultat de l’activité cognitive et motrice des joueurs en relation avec les perturbations issues du fonctionnement des différents sous-systèmes et des choix effectués pour compenser et/ou accentuer ces déséquilibres.

Avec comme référence centrale la cellule de l’action de pointe, la figure 4 propose une illustration d’une trame de jeu au milieu du terrain avec trois rideaux en défense et trois lignes de forces en attaque sur un espace stabilisé. Quelques tâches sont également spécifiées.

Figure 4. Illustration d’un jeu au milieu du terrain sur un espace stabilisé.

Ici, la notion de décision tactique prend toute son importance en relation avec le fait que le joueur décide dans l’instant, dans un contexte « fluctuant à évolution rapide » (Garbarino, 1997). En sports collectifs, la notion de décision tactique se différencie de la notion de décision stratégique, réalisée lors de phases de jeu peu contraignantes ou lors des arrêts du jeu. Avec un souci d’efficience, elle implique une multiplicité de buts, certains compatibles, d’autres divergents. Par ailleurs, les situations dynamiques de plein mouvement où les joueurs et le ballon se déplacent, présentent une division du concept de décision en deux autres concepts contraires qui fonctionnent de façon dialectique.

  • Une dimension problématique, avec une incertitude et l’impossibilité d’une prévision complète avec des situations diverses mais se reproduisant avec une relative régularité.
  • Une pression temporelle variable selon les situations et les moments d’une même séquence, voire les emplacements sur le terrain.

Avec ce type de conception, l’idée de prédéterminer le cours des événements en fonction d’un plan que l’on aurait dressé à l’avance se trouve en grande partie exclue. C’est l’évaluation des forces en présence qui représente un moment clé de la réflexion. Au sein de processus antagonistes, l’interaction est continue. Aussi, c’est en fonction de ce qui est dommageable pour les adversaires à tout moment que les attaquants perçoivent ce qui leur est profitable et réciproquement pour les défenseurs.

La tactique repose donc sur les décisions successives, prises en fonction de l’évolution de l’action. Bien exploiter une configuration du jeu renvoie toujours à une ou plusieurs analyses pertinentes des propriétés de cette configuration. Il est ainsi déterminant que tout joueur soit capable d’estimer ce qu’est la configuration réelle des joueurs capables d’intervenir dans l’environnement proche, c’est-à-dire l’effectif réel des acteurs possibles, à l’exclusion de ceux déjà consommés et donc hors de position.

Enchaîner les trames de jeu

Les configurations momentanées du jeu peuvent être analysées d’abord comme une suite de photographies qui permettent de définir les positions des joueurs à un moment donné. Cela mène à une étude statique sur le plan de la distribution spatiale des attaquants et des défenseurs et de l’emplacement de la balle. En football, une description dynamique d’une séquence à l’aide de la notion de trame de jeu pourrait ainsi être effectuée à l’aide de la description de la forme de la trame de jeu offensive contre la trame de jeu défensive, de l’action en cours et de la zone de terrain concernée (Gréhaigne, 2021). Signe des temps, on ne présente plus systématiquement la tactique en trois rangées (4-4-2) mais en quatre (4-2-3-1 ou 4-1-3-2) mais on oublie toujours le gardien de but. Un exemple de description d’une suite de transformations dans une séquence de jeu est présenté figure 4 : l’action de jeu en noir, les trames des équipes sont en bleu et en rouge.

Figure 5. Exemple de description du jeu avec l’évolution des trames de jeu.

Avec ce type de description du jeu, on devrait pouvoir mieux identifier des organisations typiques d’une équipe. En attaque, les footballeurs les plus éloignés dans la largeur ou la profondeur offrent de l’ampleur et la possibilité d’élargir le jeu offensif. Les attaquants de la cellule d’action de pointe ont comme impératif de ne pas perdre le ballon mais aussi de le faire avancer ou de marquer. En défense, la participation active signifie que tout le monde défend, non pas en reculant pour monter une digue qui résisterait à l’assaut de l’adversaire, mais en se plaçant, à la fois, en profondeur pour la couverture défensive et très haut pour récupérer très vite le ballon.

En soit, ce pressing haut n’est pas une révolution, mais ce qui est nouveau c’est que de plus en plus d’équipes le pratiquent. Par contre, il n’est pas démontré qu’il est plus efficace au regard des travaux sur la récupération du ballon (Duprat & Gréhaigne, 2012) et des performances accomplies par certaines équipes considérées comme plus faibles que leurs adversaires. Ce choix impliquera des réponses de l’adversaire logiquement construites autour du jeu long, oublié ces dernières années avec le jeu court basé sur la possession. Cela confirme l’idée que le football évolue sans cesse et qu’il nécessite de former des joueurs intelligents capables de s’adapter et d’utiliser le ballon dans toutes les dimensions de l’espace de jeu.

En résumé, les trames de jeu en football sont basées sur un style de jeu organisé en attaque comme en défense avec un ensemble de lignes directrices et de règles d’action et de gestion qui sont instituées au sein d’une équipe. Il existe des styles plus ou moins offensifs ou défensifs qui varient d’un entraîneur à l’autre et d’une équipe à l’autre. Mais, quels que soient les choix effectués, chacun a des principes fondamentaux, des règles et des détails critiques spécifiques qui rendent chacun unique et spécial par rapport aux autres. La réussite ou non dépend de ceux ou celles qui mettent en œuvre l’organisation du jeu, même si elle est constamment ajustée, transformée, voire corrigée et non une animation préétablie. L’examen de la dynamique du jeu consistera bien pour chaque séquence à analyser les mouvements des joueurs et de la balle à partir de leurs emplacements respectifs, leurs orientations et leurs vitesses de déplacement. La prise en compte de telles configurations dynamiques du jeu représente une réponse plus élaborée pour décrire la réalité car les rapports d’opposition sont pris en compte dans leur continuité.

Conclusion

Bien, réussir dans l’action de pointe suppose de mobiliser l’intelligence collective qui est aujourd’hui l’une des priorités des équipes et suscite un intérêt accru des chercheurs et des praticiens. La notion d’intelligence collective ou collaborative désigne la capacité d’un collectif à faire converger intelligence et connaissances pour avancer vers un but commun. Elle résulte de la qualité des interactions entre les joueurs. C’est une « intelligence parfois distribuée » (Rogalski, 1994), sans cesse valorisée, coordonnée en temps réel, qui aboutit à une mobilisation effective des compétences de chacun.

Les limites de l’intelligence collective sont souvent dues à des effets de groupe car elle suppose le partage de l’information, le respect de règles communes, la multiplication d’interactions sociales afin de développer des pratiques collectives visant à accroître la performance. Les situations de sports collectifs comme celles de football sont des situations d’opposition et de collaboration par excellence. Dans une équipe, les rôles et les fonctions sont évolutifs, notamment dans les situations de récupération de la balle ou de contre-attaques où la cellule de l’action de pointe est fortement engagée, ce qui impose aux joueurs de prendre des décisions pertinentes sous forte pression temporelle.

Merci à Alilou, Eric Duprat et Olivier pour leur lecture attentive et leurs propositions d’amélioration d’une première version de ce texte.

Références

Alberola, O., & Lebrun, I. (2021). Manchester City : exploitation de la périphérie. Nosotrosxp.com / Lectures / Analyse du jeu.

Ali, A. H., & Farraly, M. (1990). An analysis of patterns of play in soccer. Science & Football, 3, 37-44.

Duprat, E., & Gréhaigne, J.-F. (2012). Pour un football intelligent. La récupération du ballon. Éditions universitaires européennes. Sarrebruck, Allemagne.

Garbarino, J.-M. (1997). Analyse cognitive d’une habileté sportive : le cas du joueur sans ballon au football. Thèse de Doctorat (non publiée). Université de Nice Sophia Antipolis.

Gréhaigne, J.-F. (2021).Trame dynamique de jeu, style de jeu versus système de jeu. Nosotrosxp.com / Lectures / Aspects théoriques.

Gréhaigne, J.-F., Godbout, P., & Bouthier, D. (1997). Performance assessment in team sport. Journal of Teaching in Physical Education, 16, 500-516.

Gréhaigne, J.-F., Godbout, P., & Bouthier, D. (2001). The teaching and learning of decision making in team sports. Quest, 53, 59-76.

Gréhaigne, J.-F., Marle P., & Caty, D. (2015). L’apport de la notion de configuration du jeu pour analyser les rapports d’opposition. eJRIEPS Hors-série N° 1, 13-53.

Rogalski, J. (1994). Formation aux activités collectives.  Le Travail Humain, 57 (4) 367-386.

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