Le point de départ de la progression individuelle, c'est le projet collectif

Entraineur professionnel de football, Dimitri Farbos est passé notamment par les staffs professionnels de l’Olympique Lyonnais, du Stade Rennais, avant d’arriver au LOSC.

Il nous propose un éclairage sur son parcours, son rapport au football, le travail en staff, ainsi que les spécificités du rôle d’entraineur adjoint.

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Qu’est-ce que le football représente pour vous ?

C’est avant tout un jeu. Comme beaucoup de pratiquants et de personnes qui évoluent dans ce métier, j’ai commencé à jouer très jeune. C’est une passion qui m’a été transmise par ma famille, mon entourage.

Le deuxième élément important, c’est que ce n’est pas n’importe quel jeu. C’est un jeu qui favorise le partage et où le collectif est prépondérant à tous les niveaux. Que ce soit sur le terrain, à travers l’équipe qui joue, au sein du staff, au niveau de l’organisation sportive, mais aussi à travers la relation avec les supporters. 

Le troisième élément, qui est arrivé très tôt chez moi, c’est l’esprit de compétition. C’est un aspect qui est propre à chacun et, bien entendu, personne n’est obligé d’arriver dans le football en étant tout de suite un compétiteur.

Néanmoins c’est cet esprit-là qui m’a en partie motivé à, dans un premier temps, essayer de devenir footballeur professionnel, puis, dans un second temps, m’a donné les moyens d’accéder au haut niveau par un autre métier, celui d’entraîneur de football.

Le jeu, le partage et la compétition sont une bonne représentation de ce qu’est le football pour moi.

Qu’est-ce que veut dire “être un compétiteur” ?

Être compétiteur, pour moi, c’est qu’au-delà du plaisir du jeu, on va inclure un certain rapport au résultat, à la gagne, dans les motivations qui nous poussent à jouer. Cela ne réside pas uniquement dans le fait de battre un adversaire, mais également dans le fait d’être soi-même performant, de s’améliorer à travers la performance collective et individuelle.

« La capacité du compétiteur à mettre son égo au service de la performance est un élément important »

Il y a cette motivation qui est liée à l’efficacité et au résultat. Pour moi, c’est l’essence d’un compétiteur. La capacité du compétiteur à mettre son égo au service de la performance est un élément important.

Je pense que ce qui fait le point fort d’un athlète de haut niveau, peu importe la discipline, c’est de savoir utiliser cette composante de façon optimale pour performer.

En jeunes, vous avez pratiqué le football à haut niveau, avec l’ambition de devenir joueur professionnel. Comment avez-vous vécu cette transition entre le football amateur de votre enfance et cette expérience dans un centre de formation ?

Il y a eu plusieurs phases de transition. La première qui est arrivée très jeune, c’est de sortir de mon cocon, c’est-à-dire la campagne du Sud-Ouest. Là- bas, je jouais au football sans aucune pression, avec la passion du jeu, mais avec un fort esprit de compétition qui m’était propre.

En arrivant en centre de formation, les enjeux, malheureusement, prennent un peu le dessus pour un certain nombre de joueurs. Au début, ce n’était pas forcément mon cas, j’arrivais un peu innocemment dans ce monde-là et j’ai rapidement senti que le projet individuel prenait le dessus et je faisais le même constat autour de moi.

L’image que j’avais de la performance collective, l’image de tout ce qui était motivant pour moi dans le football, a pris un petit coup. Mais étant passionné et cherchant toujours à m’améliorer, j’ai rapidement trouvé du sens dans le fait de m’entraîner durement, m’entraîner régulièrement et corréler les projets sportif et scolaire.

« En arrivant en centre de formation, les enjeux, malheureusement, prennent un peu le dessus pour un certain nombre de joueurs »

Je fais mon chemin, qui se déroule bien et à 16 ans, je suis victime d’une rupture du ligament croisé antérieur du genou droit. Serais-je devenu professionnel sans ça ? Il m’est difficile de le savoir mais cela a freiné ma progression.

En parallèle, cet évènement m’a permis de prendre du recul et me dire que peut-être qu’il existait d’autres perspectives que celle de devenir joueur professionnel. À cet âge-là c’est pourtant difficile d’y penser car on a seulement en tête l’objectif d’y arriver.

Du coup, on doit réfléchir différemment, se préparer mentalement à ce qui peut être une potentielle déception et envisager de faire autre chose. Cette transition-là a été beaucoup plus difficile, parce que le jour arrive où on te dit: « Tu ne vas pas signer professionnel ». Au départ, il y a une part de déni car on te dit aussi: « De toute façon, il y a d’autres clubs. Tu vas pouvoir rebondir ailleurs ». Donc on essaye.

Cela a marché pour d’autres. Pour moi, cela n’a pas fonctionné, en partie parce que j’ai découvert autre chose. J’ai découvert l’université, je me suis rapproché de ma famille, de mes proches, etc.

C’est peut-être quelque chose qui m’avait manqué pendant mon parcours de formation. C’est un sujet qui est peu abordé, mais dans le parcours de formation d’un jeune, l’éloignement est un paramètre qui peut être difficile.

Cette transition m’a permis de basculer très rapidement vers d’autres préoccupations. Je me suis demandé si j’allais m’orienter vers le professorat de sport ou des métiers liés au sports, donc je suis rentré en STAPS.

Assez vite, je me suis aperçu qu’il n’y avait que la performance qui m’intéressait. Je ne me voyais pas accompagner des gens qui ne pratiquaient pas un sport dans un but de performance, voire de performance de haut niveau.

« C’est un sujet qui est peu abordé, mais dans le parcours de formation d’un jeune, l’éloignement est un paramètre qui peut être difficile »

J’ai en parallèle commencé à passer mes diplômes d’entraîneur. Cela a constitué la transition la plus agréable que j’ai jamais vécu. Dès les premiers cours du Brevet d’Etat, je donnais beaucoup de sens aux différents contenus que j’ai rapidement associé à tout ce que j’avais déjà vécu sur le terrain en formation.

Cela m’a donné un sentiment de confiance et la certitude d’avoir trouvé mon chemin, de savoir ce que je voulais faire. J’ai fourni beaucoup d’efforts pour y arriver mais c’était très agréable.

A mon sens, il y a donc eu deux transitions. Celle plus jeune, avec beaucoup de naïveté et celle avec plus de maturité et un peu plus de déception au départ, qui m’a finalement amenée vers ce que je fais aujourd’hui et qui est sans aucun regret, la meilleure chose qui me soit arrivée au niveau professionnel.

Cette transition vers ce parcours universitaire, avec le recul, comment évalueriez-vous son apport dans votre construction en tant qu’entraîneur ?

Le parcours universitaire m’a amené tout ce qui est lié à l’ouverture. Tout ce qui est lié à la capacité de travail également qui m’a permis d’enrichir mes connaissances, mais surtout l’esprit d’ouverture.

Le danger dans notre métier et dans notre milieu, c’est de vivre dans un cercle un peu fermé et d’être, comme on l’appelle souvent, dans la machine à laver et de ne pas prendre le temps d’en sortir.

« Le parcours universitaire m’a amené tout ce qui est lié à l’ouverture »

Ne pas s’ouvrir aux autres dans nos clubs, dans nos équipes, dans notre milieu, mais en plus, de ne pas s’ouvrir aux autres sports, aux autres mouvements dans la société, etc. Je trouve que sur cet aspect, l’université est un environnement très riche.

Les 5 années que j’y ai passé ont été très agréables. Cela a été une véritable chance pour moi d’avoir pu vivre ces années universitaires et toutes ces années de formation pour développer mes connaissances, mes compétences et m’intégrer professionnellement.

Vous avez démarré votre parcours d’entraîneur au Toulouse FC ?

Dans un premier temps, j’ai commencé par entraîner dans mon club de Marmande en Lot et Garonne, sur les U15 et en parallèle j’ai aussi entraîné sur les stages des Girondins de Bordeaux pendant les vacances scolaires. Tout cela a été très formateur.

Le premier club « connu » dans lequel j’ai travaillé, c’est effectivement le TFC. A l’époque, j’ai fait un choix qui pouvait interpeller certaines personnes. J’avais choisi de passer du football à 11, en quittant Marmande, pour aller entraîner des catégories plus jeunes en rejoignant Toulouse. Pour moi, c’était l’opportunité de rentrer dans une belle école de football et un club important.

Cela s’est avéré être un des meilleurs choix que j’ai effectué, puisqu’en quatre ans là-bas, j’ai découvert énormément de choses et je me suis aguerri.

Vous avez fait le choix d’aller du football à 11 à l’école de football et ensuite, vous avez opéré une nouvelle transition intéressante en rejoignant très jeune le staff professionnel de l’OL dans un rôle encore différent, celui de préparateur physique. Comment avez-vous vécu cette transition ?

Grâce à l’université, j’ai pu développer une double compétence. A travers la formation fédérale et avec d’autres experts à l’université, j’ai développé ma compréhension de l’entraînement.

J’ai également développé ma compréhension de la préparation athlétique car j’avais cette sensibilité, étant donné mon histoire personnelle, notamment ma rupture des ligaments croisés. De ce fait, le côté réhabilitation m’intéressait fortement.

A Toulouse, ce qui a été intéressant, c’est que j’ai eu la possibilité de me développer et d’exercer cette double compétence. A l’école de foot, puis à la préformation et à la formation sur l’aspect entraînement, mais en même temps, j’intervenais sur le centre de formation, au niveau de la préparation athlétique et réhabilitation/réathlétisation.

Cette double compétence m’a donné l’opportunité d’être sollicité par l’Olympique Lyonnais en 2014. Lorsque Hubert Fournier est nommé entraîneur de l’OL, Alexandre Marles, qui était responsable de la performance, m’appelle et me dit qu’ils cherchent un préparateur physique spécialiste de la réathlétisation.

Aussi, le coach aimerait que ce soit quelqu’un qui ait la fibre entraîneur et qui soit proche du staff afin qu’il y ait le maximum de cohérence dans les contenus. Cette double compétence m’a servie et m’a été utile du point de vue de l’intégration professionnelle.

Lorsque j’arrive à l’OL, j’ai 25 ans. J’ai eu la chance de travailler dans un staff expérimenté qui m’a intégré très rapidement. Sur la préparation, j’ai notamment travaillé avec Antonin Da Fonseca, avec qui je travaille encore aujourd’hui. Nous étions focalisés sur l’animation des contenus, sur la construction des plans de réathlétisation, sur comment arriver à la performance, etc.

Ce besoin exprimé par Hubert Fournier, c’est-à-dire pouvoir compter sur un préparateur physique ayant la “fibre entraîneur”, préfigurait ce qui est de plus en plus recherché aujourd’hui dans les staffs de haut-niveau, c’est-à-dire des entraîneurs de football spécialiste d’une ou plusieurs dimensions de la performance.

Je pense que cela ne peut être qu’un point fort. Pour quelqu’un qui doit intervenir en tant que préparateur physique, responsable de la performance ou responsable de la réathlétisation, cela peut être un point fort d’avoir ce côté entraîneur.

J’identifie deux raisons. La première, c’est que cela permet d’avoir une lecture accélérée, spécifique et adéquate de ce que demande la performance. Cela va faire gagner du temps au quotidien dans ce qu’il faut mettre en place.

La deuxième concerne ce que nous allons proposer sur le terrain. Je l’ai vécu à Lyon et je pense que ça a été un de mes points forts au départ pour gagner en crédibilité. Je fais référence à la capacité à rendre spécifique ces moments de réathlétisation. C’est-à-dire créer un lien entre ce qui va être fait en salle, ce qui va être fait sur le terrain et ce qui va être attendu en compétition.

« Cela permet d’avoir une lecture accélérée, spécifique et adéquate de ce que demande la performance. Cela va faire gagner du temps au quotidien dans ce qu’il faut mettre en place »

A l’image de certains sports comme le rugby, on peut penser aussi qu’en football, à travers le développement des staffs de clubs de haut-niveau, il y aura de plus en plus de profils d’entraîneurs adjoints ayant une spécificité.

Néanmoins, cela ne veut pas dire que quelqu’un qui n’a pas été entraîneur, qui n’a pas la fibre entraîneur spécifique foot ou qui n’a pas été joueur, ne peut pas devenir un bon préparateur physique en football, puisque chacun est à même de développer ses compétences. Toutefois, cela peut faire gagner du temps et dans les staffs, ce sont clairement des profils qui sont de plus en plus recherchés.

Suite à votre expérience à l’OL, vous effectuez une nouvelle transition en termes de poste, mais également une transition culturelle, en rejoignant Bruno Genesio en tant qu’entraîneur adjoint au Beijing Guoan (Chine). 

Durant mes années lyonnaises, j’ai ressenti profondément que ce qui m’animait, c’était l’entraînement. J’étais très heureux dans ce que je faisais, notamment sur les premières saisons, mais au fur et à mesure, j’ai évolué. Je me souviens de certaines discussions avec Bruno Genesio ou avec la direction à travers lesquelles et je leur faisais part de mon ressenti de basculer à nouveau sur l’entraînement.

En cinq saisons et demie à Lyon, ce sentiment s’est progressivement installé. Je me souviens notamment de la période de transition entre Sylvinho et Rudi Garcia, durant laquelle Gérald Baticle m’a confié le rôle d’adjoint dans lequel je me sentais épanoui.

Cela m’a permis de donner du sens à mon projet et m’a donné envie d’avancer dans cette direction. Alors, lorsque j’ai eu l’opportunité de rejoindre Bruno en Chine (janvier 2020), dans ce rôle-là, forcément, je n’ai pas hésité.

C’était une prise de risque, mais encore une fois, c’est l’un des meilleurs choix que j’ai pu faire. Après un court délai de réflexion et avec le soutien de mon entourage, j’ai décidé de tenter l’aventure. Malgré une année particulière dû au COVID, ce qui nous a demandé une certaine capacité d’adaptation, ce fût une expérience très riche que ce soit humainement et professionnellement.

Avec un peu de recul, qu’est ce que cette exposition à une culture très différente vous a apporté ? Sur quoi pouvez-vous encore vous appuyer dans ce que vous faites au quotidien ?

C’est forcément une richesse. Les joueurs chinois, même s’il y avait cinq ou six étrangers habitués du football européen, n’est pas le même public qu’ici. Il a logiquement ses propres spécificités. Ce sont des joueurs avec de très bonnes qualités techniques sur le terrain et qui, au sens culturel plus large, ont un rapport à l’entraînement, à la hiérarchie et à l’autorité qui est différent du nôtre.

Dès les premiers jours, j’ai pu m’en apercevoir. Le niveau d’écoute et de mise en application des consignes est assez impressionnant et ça, c’est forcément un des gros points positifs de leur attitude et leur état d’esprit.

En revanche, le revers de la médaille, c’est que la créativité, le lâcher prise, la notion de prise d’initiative est peu présente. On retrouve peu de profil dribbleur, peu de profil vraiment créatif, capable de créer des choses dans les 30 derniers mètres, de prendre des risques, etc.

Je pense que c’est en partie dû à une forme d’anxiété de commettre des erreurs, une forme de peur. La peur de mal faire, de rater, plus que d’envie de réussir. C’est une expérience qui nous a servi très rapidement lors de notre retour en France.

« Il y avait certaines similitudes avec ce que nous avions vécu en Chine et cette expérience nous a permis de rapidement identifier des leviers pour avancer »

Lorsque nous sommes arrivés au Stade Rennais, nous devions faire repartir une bonne équipe, qui était sur une série de résultats négatifs, donc en perte de confiance.

Nous nous sommes retrouvés face à des joueurs qui n’osaient plus prendre de risques. Il y avait certaines similitudes avec ce que nous avions vécu en Chine et cette expérience nous a permis de rapidement identifier des leviers pour avancer : dédramatiser l’erreur, chercher le lâcher prise, les encourager à se tromper et à essayer encore, etc. Ce sont des choses qui étaient facilement transposables et qui étaient très présentes dans cette culture-là

Je pourrai également évoquer le niveau d’engagement des personnes qui travaillaient autour de l’équipe professionnelle et souligner leur grande générosité au quotidien pour aider l’équipe à performer.

Définir une vision est un aspect important dans un projet. Définir cet idéal, cet horizon, qui n’est pas atteignable mais qui inspire toutes les parties prenantes du projet, jour après jour. C’est un peu ce à quoi l’on doit aspirer en permanence. A quoi ressemble votre « idéal » ? 

Chaque entraîneur a un idéal, qu’il va définir et modéliser de manière plus ou moins différente. Les moyens utilisés pour l’atteindre seront également différents. Cet idéal doit aussi correspondre et s’adapter au public que l’on a en face de soi. Pour moi, la première chose, c’est de définir ce qui peut être généralisé, peu importe le public que l’on a en face de soi.

Qu’est-ce que je veux que mon équipe dégage ? Si je dis que mon équipe doit être proactive, je dois définir ce que veut dire proactif. Certains diront, par exemple, que leur équipe doit défendre d’une certaine manière, car c’est leur façon d’imposer quelque chose à l’adversaire, etc. Donc derrière ce côté proactif, il faut définir ce que l’on veut voir apparaître.

Mon idéal, c’est une équipe qui exprime sa proactivité à travers le pressing, c’est-à-dire imposer une intensité à l’adversaire. Par ailleurs, cette intensité doit forcément être adaptée au rapport de force. S’il nous est défavorable, par exemple, notre pressing sera différent, mais nous devrons trouver les moyens pour ne jamais subir la situation.

« La première chose, c’est de définir ce qui peut être généralisé, peu importe le public que l’on a en face de soi »

Une équipe peut aussi décider de presser haut en toute circonstance. Si cela fonctionne, c’est très bien. Maintenant, nous pouvons aussi nous dire que la meilleure façon de jouer contre notre prochain adversaire c’est de ne presser que sur des phases arrêtées, de proposer un bloc médian, très actif et surtout de décider de le faire.

Le plus important, c’est de décider de le faire. L’entraîneur n’est bien entendu pas le seul à décider, cette décision implique les joueurs et le staff, parce que tous les acteurs doivent se sentir décisionnaires sur ce qui va être mis en place. 

Sur l’aspect offensif, c’est la capacité à faire preuve de créativité pour être capable de jouer sous pression et surtout vers l’avant dès qu’il y a la possibilité de déséquilibrer l’adversaire. Cette créativité s’exprime à travers le jeu de position, bien évidemment, la prise d’initiative technique mais également la répétition de mouvements qui permettent de créer des espaces pour progresser.

A haut-niveau, de plus en plus d’équipes deviennent complètes. Je trouve qu’on se dirige vers la fin de la différenciation entre les équipes dites « de possession » et les équipes dites « de transition ». Aujourd’hui, pour performer, il faut être capable d’avoir une bonne maîtrise, parce que cela donne de la confiance aux joueurs et en même temps, il faut être capable de saisir la moindre opportunité de jouer vers l’avant pour déséquilibrer.

Tactiquement et physiquement, le football a évolué. Il n’y a aucun match facile, les oppositions sont de plus en plus difficiles. Les matchs sont très bien analysés, les staffs travaillent bien et si on ne saisit pas les opportunités pour déséquilibrer l’adversaire, on peut se retrouver sur des styles de matchs qui sont très difficiles type « handball », où on prend le risque de se faire contrer.

On peut avoir l’impression d’imposer notre jeu, mais finalement, c’est l’adversaire qui impose des choses et qui derrière va se procurer une action beaucoup plus ouverte que ce que nous nous allons créer dans leur camp.

« A haut-niveau, de plus en plus d’équipes deviennent complètes. Je trouve qu’on se dirige vers la fin de la différenciation entre les équipes dites de possession et les équipes dites de transition »

Sur les transitions, je trouve que la différence entre une bonne et une très bonne équipe dans la dynamique du jeu, c’est que la très bonne équipe réagit vite et bien, dans un sens comme dans l’autre. Réagir vite et bien, cela ne veut pas dire que lorsque l’équipe perd le ballon, tout le monde doit presser à fond. Il faut surtout être en mesure d’analyser, de percevoir les informations pertinentes, d’anticiper les réactions. C’est pour cela qu’un gros travail est nécessaire afin d’anticiper la perte ou le gain du ballon.

Par ailleurs, la modélisation est bien entendu importante, mais je trouve qu’il est dangereux d’arriver dans un club et de définir seul ce qui doit être mis en place. Ce qui est à mon avis très important, si on veut que les joueurs, le staff et tous les acteurs qui sont autour de soi, puissent aider l’équipe à performer et à avancer vers cet idéal commun, c’est de les impliquer pour que chacun adhère au projet. L’entraîneur arrive avec son modèle, il veut les convaincre, mais il faut qu’il soit très habile afin de les impliquer et que cela vienne aussi d’eux.

Tout ce que j’ai évoqué précédemment, ce sont des idéaux. Lorsqu’on est joueur ou entraîneur, il n’y a que des idéaux positifs. Il n’y a pas un joueur qui dira qu’il n’a pas envie de performer à travers ce type de projet de jeu. Le plus important pour l’entraîneur, au départ, c’est d’amener tous les acteurs à être partie prenante de ce projet proposé.

Ce qui semble le plus important, c’est donc de convaincre les différentes parties prenantes de l’attrait du projet. Par ailleurs, en fonction du club, de la ville, de la région ou encore du pays, les attentes seront différentes. 

Lorsqu’on veut s’engager sur un projet, la première chose, c’est de l’analyser. Les attentes peuvent être effectivement différentes en fonction du public, mais aussi de la direction.

Le choix du projet va donc être une chose très importante. Aujourd’hui, en tant qu’entraîneur, c’est difficile d’avoir le choix, mais si on l’a, si on a le temps, c’est important d’aller vers un projet qui regroupe le maximum d’éléments favorables à la mise en place de son projet de vie et son projet de jeu.

Il ne faut pas que l’entraîneur aille à l’envers de ce qu’il souhaite, de ce qu’il a au plus profond de lui. A mon sens, l’entraîneur doit être authentique, sinon il prend le risque de se perdre. Il ne va pas négocier avec les parties prenantes, parce qu’il y a quand même une forme que ce dernier va imposer.

« En tant qu’entraîneur, c’est difficile d’avoir le choix, mais si on l’a, si on a le temps, c’est important d’aller vers un projet qui regroupe le maximum d’éléments favorables à la mise en place de son projet de vie et son projet de jeu »

Ce qu’il est, il va l’imposer. Sa façon de voir les choses, sa philosophie de jeu, le relationnel qu’il a avec les joueurs, le staff, le club. Tout ce qui fait qu’il est lui-même, il va forcément le mettre en avant et l’assumer. Néanmoins le club a fait le choix de le recruter, donc là-dessus, tout le monde au sein de l’organisation doit être en accord.

À partir de là, le but est de s’accorder sur des principes de jeu, sur une philosophie de jeu, sur une façon d’analyser certaines choses, de préparer les matchs, de convaincre les joueurs, de convaincre le staff, de convaincre les dirigeants qu’on va aller dans cette direction.

Comment définiriez-vous le rôle d’entraîneur adjoint ? Y a t’il des spécificités en fonction du club dans lequel on évolue ?

La première mission d’un entraîneur adjoint est d’aider le coach principal, d’être un facilitateur au quotidien. Cela se manifeste à travers tous les différents paramètres qu’il peut gérer et du coup, filtrer et lui faire gagner du temps.

Mais attention, « aidant » ne veut pas dire aller « uniquement » dans son sens. Le plus important, c’est d’avoir une relation de confiance et une fois qu’elle est établie, c’est rester soi même objectif jusqu’à la dernière prise de décision du coach. Dans ce rôle d’adjoint, je me dois de donner mon opinion, sans qu’elle ne soit influencée par celle du coach ou des autres membres du staff.

C’est une approche de la collaboration qui est grandement favorisée par le style de management du coach. Dans notre cas, c’est très agréable, car nous pouvons nous positionner, donner notre ressenti, que ce soit moi ou les autres entraîneurs adjoints. Bien entendu, le dernier décisionnaire est l’entraîneur.

L’entraîneur adjoint se doit de faciliter le quotidien de l’entraîneur principal, parce que nous savons que c’est un métier difficile. Nous savons qu’il y a beaucoup de paramètres, autres que le terrain, à gérer lorsqu’on est entraîneur principal. Il y a énormément de paramètres extérieurs au cœur du métier que sont l’analyse, l’entraînement et le terrain.

« L’entraîneur adjoint se doit de faciliter le quotidien de l’entraîneur principal, parce que nous savons que c’est un métier difficile »

Donc, le premier rôle, à mon sens, c’est d’être un facilitateur. Le deuxième, c’est de fonctionner en ayant aucun regret. Par exemple, si le coach dit qu’il aimerait bien jouer de telle ou telle manière et qu’au fond de moi, j’ai une autre idée pour la composition d’équipe ou la stratégie, je ne me vois pas ne pas lui dire, quitte à le faire douter dans un premier temps. Cela va amener un échange.

J’estime que si j’arrive à le convaincre, étant donné que c’est quelqu’un d’intelligent et de performant, je vais me dire que j’ai bien fait d’y aller. A l’inverse, si je n’arrive pas à le convaincre, peut-être que tout simplement, ce n’était pas forcément la bonne idée, mais ça nous a fait réfléchir et échanger. Je pense que c’est quand même du temps de gagné, en tous cas, si on s’inscrit dans une vision à long terme.

Sur l’aspect facilitateur, il y a également la relation aux joueurs. Les entraîneurs principaux ont tous des managements différents, mais le rôle d’un adjoint, c’est aussi de pouvoir sentir des choses en se rapprochant de certains joueurs, en discutant de façon informelle, de façon formelle avec des entretiens vidéo et pouvoir de temps en temps extraire des choses de la part des joueurs, qu’ils n’oseraient peut-être pas dire au coach dans un premier temps. Cela contribue aussi à faciliter les relations et à gagner du temps.

« Les spécificités de ce rôle d’adjoint sont davantage dépendantes du fonctionnement de l’entraîneur principal que du club dans lequel il évolue »

Cette notion de relation humaine est présente également dans le management du staff. En effet, à travers mon rôle d’entraîneur d’adjoint, j’ai un lien quotidien avec les différents staffs qui interviennent auprès des joueurs. Forcément, le lien le plus étroit est créé avec les autres entraîneurs adjoints et le staff performance avec qui nous préparons et animons les séances d’entraînement. Nous anticipons également les plannings et les différentes réflexions autour de la charge d’entraînement des joueurs.

Je suis aussi en relation quotidienne avec le staff des analystes vidéo qui fournit un travail important sur l’analyse de nos adversaires appliquée à notre projet de jeu. Dans ce cas, mon rôle est d’être capable de manager les idées de chacun pour optimiser le rendu que nous présenterons aux joueurs durant la semaine.

Bien évidemment, la relation avec le staff médical est aussi très importante, ils sont une ressource précieuse pour nous, à travers le travail qu’ils fournissent au quotidien et leur proximité naturelle avec les joueurs.

D’après mon expérience, les spécificités de ce rôle d’adjoint sont davantage dépendantes du fonctionnement de l’entraîneur principal que du club dans lequel il évolue. Cependant, en fonction de la composition du staff, certaines missions peuvent être élargies ou réparties différemment.

Qu’est ce qui, dans le management de Bruno Genesio, a facilité l’installation de cette sécurité psychologique qui vous permet, ainsi qu’aux autres membres du staff, d’exprimer librement vos idées, d’être en désaccord, de faire part de vos préoccupations, sans craindre de potentielles répercussions négatives ou pressions qui vous pousseraient à travestir vos opinions ?

La première chose, c’est la relation de confiance qui favorise la transparence qu’il y a entre nous. Je trouve que lorsqu’on travaille dans la transparence, cela permet de travailler sereinement parce qu’on sent qu’il n’y a pas de jugement. Quand il n’y a pas de jugement de valeur, qu’il n’y a pas de non-dit, en bonne intelligence, on peut se permettre d’échanger de façon constructive.

La deuxième chose, au-delà de la transparence, c’est qu’il faut aussi avoir la capacité à laisser les gens s’exprimer. C’est le cas aujourd’hui dans le management de Bruno Genesio. Quand on sent que l’on est écouté, forcément, cela donne un peu plus de motivation pour revenir le lendemain, le surlendemain, etc. Donc, il y a la transparence et l’écoute.

Lorsqu’on aborde la question de la dynamique de groupe et de certaines de ses dimensions comme la cohésion, ce sont souvent aux joueurs que l’on fait référence. L’expression “le groupe vit bien” caractérise d’ailleurs souvent cet aspect dans les médias. La dynamique de staff, surtout que les staffs sont de plus en plus étoffés, est moins abordée. Comment, dans votre staff, cette dynamique fonctionne-t-elle, notamment en termes de prise de décision ?

Il est vrai que lorsqu’on parle de cohésion, souvent, on fait référence aux joueurs. La cohésion du staff est également très importante, parce que nous sommes amenés à passer énormément de temps ensemble. Les joueurs passent quelques heures ensemble, là où nous, nous passons des journées entières ensemble.

Pour que les relations soient fluides, il faut créer un état d’esprit. Ensuite, comme pour toute forme d’organisation, il faut un cadre. Ce cadre, c’est l’entraîneur principal qui le pose. A mon sens, l’une des premières choses que l’entraîneur doit déterminer dans ce cadre, ce sont les missions. En déterminant les missions, de façon claire, il implique et valorise les gens dans son staff.

Par exemple, parmi les entraîneurs adjoints, il va y en avoir un qui va être chargé de la relation avec la post-formation, avec l’équipe réserve et le suivi des jeunes joueurs. Un autre va être plus axé sur le développement spécifique des joueurs offensifs, à travers l’usage de la vidéo notamment. Un autre sera chargé des CPAs. Suivant l’entraîneur, ces fiches de mission peuvent être complètement différentes. Effectuer ce travail est structurant.

Néanmoins, ce n’est pas parce que ce n’est pas moi qui prépare les coups de pied arrêtés, que nous n’échangeons pas en amont et que je ne donne pas mon ressenti sur les CPAs. Seulement, chacun respecte ces missions et sur les décisions prises, tout le monde se soutient. Pour moi, cette cohésion se crée forcément à travers le cadre, le respect de chacun, la transparence, l’écoute et aussi à travers ce que nous pouvons créer autour, c’est-à-dire des moments de convivialité, apprendre à se connaître, etc.

Dans une activité ou la performance collective est fondamentale, mais où l’individualisation est au cœur des préoccupations, comment trouvez-vous le « juste » équilibre ?

C’est un des sujets importants du moment, étant donné la manière dont le football est médiatisé. Cette médiatisation est centrée sur les individus, ce qui coïncide avec l’évolution de la société qui met beaucoup l’individu en avant. Néanmoins, je vais reprendre une phrase de l’Art de Vaincre, le livre de Dan Carter, pour illustrer ce sujet : « Personne n’est plus grand que l’équipe ».

La première chose, pour pouvoir progresser de façon individuelle, c’est de comprendre cela. Le coach, à travers son management, doit faire ressentir dès les premiers instants que l’épanouissement d’un individu ne se fera qu’à travers le projet collectif et pas l’inverse. L’épanouissement de l’équipe ne sera pas la résultante des récompenses individuelles, mais bien de l’optimisation de l’association des différentes individualités.

J’ai la chance de travailler avec Bruno qui le répète souvent aux groupes avec lesquels nous travaillons. C’est quelque chose que je lis souvent aussi dans le milieu du rugby. Pour moi, le point de départ de la progression individuelle de chacun, c’est de comprendre cela.

Cela fait 10 ans que je suis dans un staff professionnel de Ligue 1 avec différents joueurs, différents égos, différentes façons de faire. A partir de ce que j’ai observé et de ce que j’essaie de mettre en place dans les relations individuelles que j’ai avec les joueurs, je constate qu’il faut un maximum de transparence.

« Le coach, à travers son management, doit faire ressentir dès les premiers instants que l’épanouissement d’un individu ne se fera qu’à travers le projet collectif et pas l’inverse »

Aujourd’hui, les joueurs veulent aller vite et vite progresser. Du coup, peu importe le joueur, lorsqu’on lui présente quelque chose qu’il doit améliorer, si les choses sont amenées de façon précise et adaptée, que l’on est transparent, que l’on a de bons arguments, il sera à l’écoute.

Même si au départ, cela peut le froisser dans son égo, le lendemain, si c’est un joueur de haut niveau, il aura mis en place ce qu’il faut pour progresser. La première chose, c’est d’être transparent et surtout de ne pas chercher à mentir au joueur. Il faut être honnête avec lui, ne pas travestir la réalité sur son niveau pour acheter son écoute.

La deuxième chose, c’est qu’aujourd’hui nous avons des contenus en grande quantité. Nous avons des données, de la vidéo, des terrains et des infrastructures de qualité pour travailler. Il faut donc trouver le bon moyen pour proposer un contenu le plus précis possible parce que nous faisons face à un public qui a de moins en moins de temps.

Pour la génération actuelle, il faut que ça aille vite, donc il faut que nous aussi nous allions vite dans les arguments proposés. Dans le cadre d’une séance vidéo individuelle, par exemple, il faut que celle-ci soit énergique. Il faut une phrase d’accroche, une image d’accroche et une histoire à raconter. Tout cela va l’aider à donner du sens à ce qu’il fait.

Pendant quatre ou cinq minutes, il doit être focalisé sur le contenu, sortir de là et le lendemain s’en rappeler. Il ne faut pas juste lui proposer une évaluation. C’est ce que j’ai pu observer depuis que j’entraîne à ce niveau et c’est en ce sens que je construis les choses aujourd’hui.

Étant donné le nombre de perspectives différentes, de représentations, qu’il peut y avoir dans un staff, comment fait-on pour harmoniser les interprétations des uns et des autres, notamment à travers un cadre d’observation commun ?

Je pense qu’il y a deux choses. Tout d’abord, il y a le questionnement. Savoir se questionner, essayer de comprendre pourquoi la personne se positionne ou observe la situation de telle ou telle manière.

Par exemple, il nous est déjà arrivé de revoir une séance d’entraînement en staff, être quatre ou cinq personnes devant l’écran et ne pas interpréter la vidéo de la même façon. L’idée, c’est de savoir pourquoi on ne la voyait pas de la même façon.

Il fallait déterminer quels étaient les éléments, les potentiels parasites de chacun ou les indicateurs qui permettaient à l’un d’avoir une interprétation positive de la performance et à l’autre, de l’interpréter de façon négative. Dans ce genre de situation, on ne peut avancer qu’à travers l’échange.

« Le cadre d’observation et son degré de partage ne seront pas les mêmes le premier jour et au bout de quelques mois. Au fur et à mesure, nous allons créer des raccourcis, des réflexes et des automatismes. »

Ensuite, il y a les habitudes et les réflexes que nous allons développer au fil du temps. Le cadre d’observation et son degré de partage ne seront pas les mêmes le premier jour et au bout de quelques mois. Au fur et à mesure, nous allons créer des raccourcis, des réflexes et des automatismes.

Ce qu’il y a de plus difficile à créer dans notre métier, que ce soit sur le terrain ou en dehors, ce sont les automatismes. Pourquoi ? Parce que les automatismes sont générés par l’habitude, l’expérience, la confiance et la compétence.

Une fois que l’on arrive à acquérir cela, c’est très riche et cela nous fait gagner du temps. D’ailleurs je trouve que dans notre staff actuel, nous l’avons acquis de façon assez rapide, peut-être parce que c’est aussi un staff que le coach a construit.

Dans un sport où la compétition existe par défaut : compétition avec l’adversaire, compétition entre des joueurs d’une même équipe pour un poste, etc., le climat motivationnel pourrait assez facilement être centré sur l’ego. Que mettez-vous en place pour proposer un climat centré sur la maîtrise, la progression, sachant que de toute façon, le joueur ne peut décider s’il sera titulaire, remplaçant ou en tribune ?

Effectivement, le joueur ne peut décider s’il va jouer. Cependant, il est important de rappeler que chacun a une place qui sert le collectif. Même si on sait que la chose la plus dure dans le football, c’est qu’il y a des remplaçants, des titulaires et il y a même des joueurs qui ne sont pas dans le groupe. A ce sujet, Arsène Wenger disait que lorsqu’il était entraîneur, il avait l’impression de mettre des joueurs au chômage quand ils les mettaient sur le banc.

C’est une image mais cela permet d’illustrer l’impact que c’est d’être sur le banc pour un joueur. L’une des choses qui impacte le plus le joueur, c’est la concurrence. S’il est sur le banc, c’est que la concurrence a donné plus de satisfaction à l’entraîneur. Ce qui me semble important pour un joueur, c’est que sa motivation soit d’abord dirigée vers le groupe. Son projet individuel ne peut prendre le pas sur le projet collectif.

C’est quelque chose qui s’entretient au quotidien, notamment à travers quelques phrases qui peuvent sembler bateau. Exemple : « quand tu es remplaçant, tu as aussi ton rôle à jouer dans la performance de l’équipe. Pas uniquement en rentrant sur le terrain, mais avec toutes les ondes que tu vas amener dans le vestiaire, autour du groupe, à l’approche du match, à la mi-temps du match et à la fin du match ».

Aujourd’hui, ce remplaçant qui va envoyer de bonnes ondes, cela ne peut que lui servir parce que cela entretiendra une dynamique positive dans l’équipe. Le jour où il entrera dans l’équipe, il entrera également dans une dynamique positive qu’il aura contribuer à créer. Donc une dynamique de performance collective qui mettra en valeur sa performance individuelle.

Alors oui, dis comme cela, ça peut paraître banal et peut-être que les joueurs ne l’entendent pas tous comme cela. Néanmoins, les joueurs sont tous différents. Pour certains, ce discours va être accrocheur et ils vont tout donner pour que l’équipe performe. Ils seront capables de considérer qu’ils sont remplaçants car ils ont besoin s’améliorer sur certains points.

« Ce qui me semble important pour un joueur, c’est que sa motivation soit d’abord dirigée vers le groupe »

Ensuite, il y a d’autres types de personnalités et énormément de profils dans un vestiaire. Il y a notamment ceux qui sont au départ déjà centrés sur le but personnel, les statistiques, aller dans un grand club, etc. Tout ce qui va être lié à la récompense individuelle. C’est l’extrême inverse du profil qui place l’équipe en premier.

Ce joueur-là, c’est un exemple qui m’est cher, parce qu’on le retrouve forcément dans n’importe quelle équipe. Il y a toujours un, deux, trois joueurs qui seront, dans un premier temps, centrés sur les statistiques, sur leurs objectifs individuels et qui vont oublier que pour atteindre ces objectifs, il faut d’abord qu’ils se sortent de ces objectifs.

C’est comme lorsqu’on dit d’un attaquant qu’il est obsédé par le but et que pendant 10 matchs, il ne marque pas. S’il ne se centre que sur cet aspect, le danger, c’est qu’il perde confiance. Un joueur qui ne se concentre que sur l’obtention de bonnes notes dans le journal, être absolument titulaire, marquer, faire des passes décisives, être international, au départ, si sa motivation ne provient que de là, c’est dangereux.

En revanche, si nous arrivons à emmener le joueur sur le chemin qui lui permettra d’atteindre ses objectifs personnels à travers le collectif, ça peut être intéressant. Ça m’est déjà arrivé d’avoir un joueur qui fait un super match, qui marque, etc. Sur le match, il avait tous les critères de performance qui étaient remplis et c’est pour ça qu’il a marqué. Il a multiplié les appels sans recevoir le ballon, avant de le recevoir une fois et de marquer. Il a fourni des efforts défensifs, il a soutenu ses coéquipiers, etc.

Le match d’après, comme il a marqué précédemment, il veut à nouveau marquer. Ce qu’il oublie, c’est que ce qui lui a permis de marquer, c’est tout ce qu’il a fait en parallèle de son but. Ce qui a permis à l’équipe de performer, c’est aussi tout cela. Du coup, notre travail va être de proposer aux joueurs, et ils sont tous différents, des repères pour sortir de cette zone rouge.

C’est une autre référence à Dan Carter qui appelle cela la zone rouge. Pour lui, durant chaque match, chaque performance, le joueur arrive toujours dans cette zone rouge. Il y a toujours un moment où il sort de la bonne zone, où il va être décentré des paramètres positifs pour la performance. Il dit également que la différence entre un bon joueur et un très grand joueur, c’est la capacité à sortir rapidement de cette zone rouge.

En reprenant l’exemple de notre attaquant, qui se dit qu’il faut absolument qu’il marque, mon rôle va être de l’aider, de lui donner des repères afin qu’il puisse rapidement revenir dans la bonne zone, se concentrer plutôt sur le chemin et les moyens, que sur le but.

Compte tenu de toutes vos expériences, à différents postes, dans différents clubs, dans différentes cultures, au contact de différentes personnes, qu’avez-vous appris sur la nature humaine ?

La nature humaine est complexe et tellement riche. J’ai pu, au cours de mes différentes expériences, observer que le challenge pour un entraîneur est de créer une dynamique collective et de pouvoir faire adhérer l’ensemble du groupe à celle-ci.

Nous possédons tous une certaine capacité d’adaptation et, tous ces changements m’ont permis de réaliser qu’il faut se servir de tous les échecs comme d’une opportunité. Certains diront que c’est facile de dire ça, mais c’est une réalité. C’est une réalité que j’utilise de façon naturelle aujourd’hui.

Nous savons que l’échec fait progresser et il faut se servir de toutes ces mauvaises périodes : un mauvais résultat, une déception, un conflit, un joueur qui se blesse, etc. Dans tous ces moments qui peuvent être en apparence négatifs, il faut saisir l’opportunité de construire quelque chose de positif.

« Le challenge pour un entraîneur est de créer une dynamique collective et de pouvoir faire adhérer l’ensemble du groupe à celle-ci »

Ces 15 dernières années, j’ai pu côtoyer à la fois le milieu professionnel du football à différents postes et le milieu universitaire. Deux mondes différents, avec des personnalités différentes, mais complémentaires. Toutes les expériences que j’ai pu vivre m’ont appris un certain nombre de choses. 

Ce mélange me permet aujourd’hui, au niveau de l’empathie, de ma capacité à comprendre et à écouter les autres, de gagner du temps. J’ai été préparateur physique, j’ai été entraîneur à l’école de foot et en centre de formation. En tant qu’entraîneur adjoint, toutes ces expériences me servent. En tant qu’homme, cela me sert bien évidemment et je pense également qu’en tant qu’entraîneur principal, cela me sera aussi très utile.

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