Le directeur sportif doit concevoir la stratégie sportive du club à court et long terme

Directeur sportif, passé notamment par le Dinamo Bucarest, Gabriel Glăvan nous propose un éclairage sur ce rôle, ses caractéristiques en fonction du contexte, mais aussi sur l’évolution du football roumain.

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Que représente le football pour vous ?

Il représente une part importante de ma vie. Je ne peux pas imaginer ma vie sans le football. Depuis l’âge de 16 ans, je voulais être directeur sportif du Dinamo Bucarest, le club de mon enfance, et j’y suis parvenu. Je voulais travailler pour l’équipe nationale et j’y suis parvenu. Je rêve aujourd’hui de devenir le premier directeur sportif roumain opérant dans un club du Top 5 européen.

Je crois de tout mon cœur que je peux réussir dans ce domaine. C’est la chose la plus importante dans ma vie, après ma famille. Je ne peux pas vivre sans football.

Le football roumain peine à retrouver les ingrédients lui ayant permis de briller dans les années 80 et 90, à travers les performance du Steaua ou encore du Dinamo et de la sélection roumaine. Par ailleurs, les conditions d’émergence de joueurs équivalents à Gheorghe Hagi, Gheorghe Popescu ou encore Dorinel Munteanu ne semblent plus réunies. Comment l’expliquez-vous ?

Ce que l’on a pu observer à travers les trajectoires de joueurs comme Gheorghe Hagi ou d’autres évoluant à cette époque est le résultat du système mis en place sous l’ère communiste en Roumanie. Avant les années 1990, nous avions deux grands clubs : le Steaua Bucarest et le Dinamo Bucarest. Le Rapid Bucarest était un bon club, mais ce n’était pas un grand club. Craiova a également réalisé quelques performances en Europe dans les années 80.

Le Steaua était le club de la police et le Dinamo, celui de la sécurité et du ministère de la Défense. Ces deux clubs prenaient tous les meilleurs joueurs du pays pour leurs équipes. C’était une grande rivalité, tout le monde voulait jouer au Dinamo et au Steaua. Les footballeurs étaient, par ailleurs, très privilégiés par rapport au reste de la population : salaires, statut social, possibilité de sortir du pays, etc.

À cette époque, il n’était pas question de développement du joueur. L’objectif était seulement de sélectionner les meilleurs et de les réunir au même endroit. Bien sûr, il y avait de bons entraîneurs, mais il y avait peu d’innovation. De plus, les talents du monde entier étaient plus ou moins égaux. Le pays qui parvenait à réunir ses talents au même endroit avait les plus grandes chances de remporter quelque chose.

Les pays du monde entier ne disposaient pas vraiment d’images, de données ou de statistiques avancées, comme c’est le cas aujourd’hui. Ils ne savaient pas de manière détaillée à quoi s’attendre lorsqu’ils affrontaient un adversaire.

Le parti communiste avait créé une école de football appelée Luceafarul, et tous les meilleurs enfants du pays étaient sélectionnés, puis éduqués au même endroit. C’est une organisation qui a ensuite permis au Steaua Bucarest de remporter la Ligue des champions en 1986, au Dinamo Bucarest d’aller en demi-finale de la Ligue des champions en 1984 et en demi-finale de la Coupe des coupes en 1990.

« À cette époque, il n’était pas question de développement du joueur. L’objectif était seulement de sélectionner les meilleurs et de les réunir au même endroit »

Lorsque le pays a finalement réussi à dépasser l’idéal communiste, les joueurs ont commencé à quitter le pays. En 1990, toutes les équipes voulaient signer Gheorghe Hagi, Gheorghe Popescu, Dorinel Munteanu, etc. Tout le monde les voulait parce qu’ils étaient libres de tout contrat à l’époque. Le parti communiste s’étant écroulé, les équipes ont été privatisées, les joueurs étaient désormais libres de partir et tout le monde voulait quitter le pays.

Nous avons continué à réaliser de bonnes performances avec les vestiges du système précédent et les talents qui étaient encore dans le système. Mais après son effondrement, les entraîneurs et les clubs ne savaient plus vraiment comment fonctionner, ils n’innovaient pas et ne comprenaient pas l’importance de mettre en place un projet à long terme. Les propriétaires de clubs avaient du mal à maîtriser leurs émotions, ils voulaient gagner le plus vite possible et se sont empressés de recruter les joueurs les plus chers du pays.

Entre 2004 et 2010, le pays a connu un boom économique. De nombreuses personnes ont gagné beaucoup d’argent et ont investi dans le football. Néanmoins, en 2014, la plupart des propriétaires de clubs roumains et des agents ont été arrêtés, puis emprisonnés à la suite d’un grand procès lié aux transferts. Après cela, les gens ont commencé à craindre d’investir dans le football.

Les clubs ont donc été repris par les mairies locales. Mairies et communautés ont commencé à investir dans les enfants et à placer leurs propres personnes au sein des clubs. Ainsi, quelqu’un qui travaillait en mairie est devenu président du club de football local, sans réellement savoir comment devrait fonctionner un club. En parallèle, les budgets de fonctionnement ont drastiquement baissé.

Par exemple, en 2004, au Dinamo Bucarest, parce qu’il y avait des investisseurs, certains joueurs étaient payés un demi-million d’euros par an, ce qui était très important à l’époque, comparé à l’Europe. Si l’on tient compte de l’inflation, un salaire de l’époque équivaudrait à près d’un million d’euros aujourd’hui. Les salaires seraient donc 10 fois moins élevés aujourd’hui. Nous avions des salaires qui pouvaient être comparés à ceux de la Bundesliga ou de la Ligue 1 française.

Aujourd’hui, en Roumanie, les salaires moyens sont de 100 000 euros par an. En parellèle, les salaires et les performances en Europe ont beaucoup évolué. Les clubs roumains offrent des salaires plus bas, tandis que les clubs d’Europe occidentale offrent des salaires plus élevés. Ils développent des joueurs et innovent, alors que nous ne développons pas de joueurs et n’innovons pas. Nous ne croyons pas en la technologie, nous ne croyons en rien, et le fossé se creuse de plus en plus.

C’est pourquoi nous sommes dans cette situation aujourd’hui. Nous croyons toujours que le talent naturel est la clé, ce qui n’est pas le cas. Tout le monde pense qu’il connaît le football, parce qu’il a regardé des matches quand Hagi jouait. D’ailleurs, à l’heure actuelle, Hagi est la seule personne qui essaie de faire quelque chose de positif dans notre football. Il est le propriétaire du FC Farul Constanța et leur approche du développement des joueurs roumains est très intéressante. En résumé, ce sont les principales raisons pour lesquelles le football roumain est en perte de vitesse.

Comment êtes-vous entré dans le monde du football et quel a été votre parcours ?

Dès l’âge de 16 ans, j’ai commencé à envoyer des courriers aux clubs et, bien sûr, personne ne m’a répondu. À 19 ou 20 ans, j’ai réussi à obtenir un rôle de scout dans la plus grande agence d’agents de Roumanie, Becali. Néanmoins, pour atteindre mon objectif de travailler dans un club, il m’a fallu six ans. J’ai essayé tous les moyens possibles pour entrer dans un club de football, avant de réussir à le faire à l’ASC Oțelul Galați en 2013.

L’ancien joueur, Ovidiu Burcă, en était le directeur sportif. J’y suis resté six mois, le club a rencontré de gros problèmes financiers et a été relégué. Mon expérience à Otelul n’a pas été perdue pour autant. C’est à cette période que j’ai constaté que les entraîneurs n’avaient très souvent aucune considération pour ceux qui ne sont pas issus du monde du football ou qui ne sont pas d’anciens joueurs professionnels.

Il a donc fallu que je développe des compétences qui pourraient leur être utile. C’était le seul moyen de les pousser à écouter mes idées. J’ai investi le domaine de l’analyse de la performance, afin que mes recommandations soient étayées par des données qualitatives et quantitatives.

J’ai ensuite rejoint le Fotbal Club Voluntari, qui venait d’être promu en première division. Ils m’avaient contacté afin que je leur recommande des joueurs. Ils avaient eu de bons échos sur ce que j’avais réalisé à Otelul. J’y ai travaillé pendant cinq ans. J’ai été confronté aux mêmes difficultés que lorsque j’étais à Otelul : faible budget, méfiance, etc.

Ensuite, j’ai rejoint l’Universitatea Craiova où j’ai énormément évolué car j’ai pu rencontrer un certain nombre de personnes influentes du monde du football roumain, étant donné que le club changeait d’entraîneur tous les trois mois. J’ai ensuite rejoint le Fotbal Club UTA Arad en tant qu’analyste de la performance et responsable du scouting, principalement parce que j’ai créé et mis en place le département de scouting.

J’ai également acquis de l’expérience au sein de l’équipe nationale des moins de 21 ans en tant que responsable de la performance et de l’analyse pendant deux ans.

« C’est à cette période que j’ai constaté que les entraîneurs n’avaient très souvent aucune considération pour ceux qui ne sont pas issus du monde du football ou qui ne sont pas d’anciens joueurs professionnels »

À cette époque, le club de mon enfance, le Dinamo Bucarest, était en grande difficulté et sur le point d’être relégué en deuxième division. Personne ne voulait rejoindre le club et tout le monde pensait qu’il allait faire faillite parce qu’il avait huit millions d’euros de dettes et qu’il repartirait en cinquième division. C’est alors qu’un de mes meilleurs amis a relevé le défi en devenant président du club. Il m’a appelé et m’a demandé si je voulais devenir son directeur sportif. C’était un rêve qui devenait réalité, car nous rêvions de ce genre de scénario lorsque nous étions plus jeunes.

Lorsqu’il m’a demandé qui nous devrions engager comme entraîneur, j’ai tout de suite pensé à Ovidiu Burcă, celui qui m’avait donné l’opportunité de travailler dans le football. Il commençait sa carrière d’entraîneur et avait réussi à faire monter une équipe de la troisième à la deuxième division. J’ai pensé qu’il serait l’entraîneur idéal pour nous aider à monter en première division, alors que tout le monde pensait que nous ne pourrions même pas nous maintenir en deuxième division.

Contre toute attente, nous avons réussi à monter en première division. Nous avons travaillé sans nous payer, car la situation financière était très mauvaise et nous ne voulions pas prendre l’argent du club. C’était très difficile, car sur les sept premiers matches, nous en avons perdu cinq. Tout le monde nous contestait, mais nous avons réussi à accéder à l’élite de manière incroyable.

Aujourd’hui, je travaille avec la Fédération, en tant qu’intervenant pour les licences UEFA B, A et Pro sur les thèmes du scouting, de l’analyse et du management.

Pour vous, quelles sont les caractéristiques générales du rôle du directeur sportif et quelles sont les variables liées au contexte dans lequel il évolue ?

Le directeur sportif, par définition, c’est le chef du département sportif. Il est responsable des staffs de l’équipe première, de l’équipe réserve, de l’académie. Il est à la tête de tous les départements : le scouting, l’analyse, la performance, le médical, la préparation physique, l’académie, la méthodologie. Il doit mettre en œuvre la philosophie et le modèle de jeu. Il doit concevoir la stratégie sportive du club à court et long terme.

Il travaille avec le budget proposé par les propriétaires ou le président. Dans le cadre de ce budget, il engage des personnes et met en place des processus, des cadres de travail et des structures au sein du club. Cependant, en fonction du budget, il doit posséder des compétences ou des qualités différentes, car une grande partie de son rôle c’est de gérer les risques. En tant que directeur sportif, il évalue les risques en fonction du budget dont il dispose.

Normalement, plus le budget est élevé, plus le risque est faible. Plus le budget est faible, plus le risque est élevé. En effet, dans le cas d’un budget réduit comme celui dont je disposais, vous devez comprendre que les personnes avec lesquelles vous travaillez ne sont pas parfaites. Les joueurs que vous pouvez signer, le personnel que vous pouvez recruter et tout l’écosystème autour du club ne sont pas parfaits. Vous devez donc agir comme un mentor et comme quelqu’un qui a besoin de construire quelque chose.

C’est à vous qu’incombe la pression des résultats, car c’est vous qui êtes responsable de l’éducation, du mentorat et de la mise en place de systèmes. Lorsque vous recrutez des joueurs, vous devez comprendre que vous recherchez des qualités spécifiques qui sont essentielles pour mettre en œuvre le modèle de jeu du club. Vous ne pouvez pas recruter les joueurs parfaits, vous n’êtes pas à Manchester City. Il est impératif que vous et les membres de l’organisation compreniez que les joueurs que vous prenez ne sont pas parfaits.

Si vous souhaitez recruter un attaquant qui a une bonne finition, un bon jeu de tête, qui sait s’associer aux autres, un bon jeu sans ballon, de la vitesse, de la force, etc., vous ne pourrez pas l’avoir. Vous devez donc établir un modèle de jeu, en concertation avec l’entraîneur principal, afin de valoriser les profils de joueurs qui sont déjà au club ou qui sont financièrement accessibles.

« Le directeur sportif, par définition, est le chef du département sportif. Il est responsable des staffs de l’équipe première, de l’équipe réserve, de l’académie. Il est à la tête de tous les départements : le scouting, l’analyse, la performance, le médical, la préparation physique, l’académie, la méthodologie. Il doit mettre en œuvre la philosophie et le modèle de jeu. Il doit concevoir la stratégie sportive du club à court et long terme »

Lorsque vous disposez d’un budget plus important, le risque se situe au niveau du département. Vous avez la possibilité d’engager les meilleures personnes (joueurs et personnel) et ils doivent être performants. Lorsque le budget est faible, il faut développer des joueurs. Avec un budget plus élevé, il faut être performant. La pression est donc constante sur les personnes qui doivent produire des informations, des données, des connaissances et des résultats.

Par exemple, Chelsea prend de très gros risques avec un budget très important. Ils ont embauché beaucoup de gens venant de Brighton, mais au lieu de comprendre que Chelsea est en concurrence avec Manchester City, ils continuent à penser comme Brighton, en essayant de recruter les meilleurs potentiels du monde. À Chelsea, ils ont les moyens de recruter les meilleurs joueurs, pas les meilleurs potentiels. Ils peuvent directement recruter des joueurs du Real Madrid, ils n’ont pas besoin de recruter des joueurs évoluant dans des clubs équatoriens, par exemple. Ils signent des joueurs de Villarreal alors qu’ils peuvent signer des joueurs du Bayern Munich.

Ils se sont engagés dans cette compétition pour trouver la prochaine perle rare, alors qu’ils devraient signer des joueurs qui sont déjà des superstars. Pourquoi ? Parce qu’ils ont un budget de superstars. Lorsqu’ils signent Moisés Caicedo de Brighton, en payant 120 millions d’euros, nous savons qu’il ne vaudra pas plus dans deux ans. Enzo Fernandez ne vaudra pas non plus plus que ce qu’ils ont payé pour lui. S’ils signent dans un autre club dans deux ans, Chelsea ne récupérera pas ce qu’il a payé pour eux. Même s’ils avaient signé pour 50 millions d’euros, un club ne paierait pas plus de 100 millions d’euros, après deux années extraordinaires à Chelsea.

Chelsea a le budget pour signer des joueurs comme Aurélien Tchouameni ou Joshua Kimmich, mais ils veulent signer du « potentiel ». Brighton devrait signer du potentiel, je devais signer du potentiel lorsque j’étais au Dinamo. Les clubs ayant des contraintes économiques importants devraient signer des joueurs à potentiel. Cependant, ne vous méprenez pas, même les grands clubs doivent signer des joueurs à potentiel, mais probablement deux par saison, pas dix. Les joueurs à potentiel ne peuvent pas tous devenir des superstars. En fait, l’argent dépensé pour ce type de joueur pourrait être utilisé pour signer de véritables superstars afin de construire un club capable de se battre pour les premières places.

Encore une fois, tout est une question de gestion des risques. L’évaluation du risque et de l’environnement est très importante. Il est essentiel de comprendre qu’être directeur sportif à Manchester City et au FC Lorient est très différent, même si cela semble évident. D’une part, vous devez principalement développer des joueurs dans votre académie, parce que vous n’avez pas le budget nécessaire, et d’autre part, vous devez surtout chercher à acquérir des joueurs qui sont prêts à évoluer directement au plus haut niveau.

Lorsque vous étiez au Dinamo Bucarest, la situation économique était extrêmement compliquée. Néanmoins, vous avez réussi à revenir en première division, à mettre en place un certain nombre de choses pour vous maintenir et être performant. Quel est l’état d’esprit nécessaire pour être performant dans ce contexte ?

Ne pas avoir d’argent est un contexte difficile, mais avoir des dettes est pire que de ne pas avoir d’argent. Lorsque nous étions en deuxième division, nous n’avions pas d’argent pour payer les repas des joueurs lors des stages. Nous n’avions pas d’argent pour les hôtels. Nous n’avions pas d’argent pour les salaires.

Lorsque nous avons repris le club, il nous restait dix jours pour constituer l’équipe. Durant cette période, nous avons réussi à faire signer des joueurs français comme Quentin Bena et Lamine Ghezali. Je les avais vu jouer avec l’UNFP lorsque j’étais venu en France pour assister à quelques matchs. Nous avions absolument besoin de recruter ces joueurs et nous leur proposions des salaires très bas (environ 2 500 euros par mois). Nous avons également signé des joueurs d’autres pays et de Roumanie.

Pendant une longue période, nous n’avons pas pu payer les joueurs et ils savaient qu’il n’y avait pas d’argent à ce moment-là. Même si l’argent est essentiel et que nous savions qu’il viendrait, nous devions créer une atmosphère où l’argent n’était pas l’objectif principal. Dans ce genre de situation, il faut savoir motiver les gens. L’état d’esprit à avoir est de comprendre que les gens font plus pour leur passion que pour leur travail. Mais en même temps, vous devez leur offrir quelque chose.

Tout d’abord, vous devez être un leader. Un leader, quel que soit l’environnement, la culture ou le pays, doit posséder trois qualités pour être respecté. La première, c’est d’être honnête et de tenir ses promesses. Si vous ne tenez pas les promesses faites aux personnes avec lesquelles vous travaillez, vous ne serez pas un leader pour elles. C’est la qualité la plus importante. Respectez votre parole.

Si vous dites que vous n’avez pas d’argent, cela signifie que vous n’en avez vraiment pas. Si vous dites que les salaires seront versés le 5 du mois, ils doivent être versés le 5. Respectez les promesses que vous faites aux gens, et ils vous respecteront parce qu’ils comprennent clairement la situation.

Deuxièmement, soyez compétent dans votre travail. Lorsque vous leur parlerez et qu’ils verront qu’ils s’améliorent sous votre direction, ils vous respecteront. Ils voient que vous êtes une personne compétente et ils apprennent de vous.

Le troisième aspect le plus important, combiné aux deux premiers, est de maintenir une relation positive avec les personnes avec lesquelles vous travaillez. Vous devez donc joindre le geste à la parole, être compétent et entretenir des relations positives avec les membres de votre organisation. Ils vous reconnaîtront alors comme un leader et vous suivront.

Vous devez également motiver vos collaborateurs. Comment créer cette motivation ? Tout d’abord, en leur faisant confiance et en leur donnant de l’autonomie. Les gens veulent être leurs propres leaders. Ils veulent prendre leurs propres décisions. Il faut donc déléguer. Vous devez leur montrer que vous avez confiance en leurs capacités. En particulier dans les moments difficiles, vous devez leur montrer que vous leur faites entièrement confiance.

Ils doivent percevoir que vous pensez qu’ils sont utiles à l’organisation, que vous ne pouvez pas faire les choses sans eux et que vous avez confiance en leur capacité à respecter les délais. Lorsque quelque chose doit être fait, vous leur donnez l’autonomie nécessaire pour organiser leur travail afin de respecter le délai que vous avez fixé ensemble.

Pour motiver les gens, vous devez également leur proposer de la formation et du mentorat. Lorsque les gens apprennent et se forment, ils obtiennent quelque chose d’extrêmement précieux. Par exemple, 60 personnes ont travaillé bénévolement dans notre département de scouting, parce que nous n’avions pas le choix. En contrepartie, nous leur avons offert une formation et du mentorat. Nous leur avons offert la possibilité de travailler dans le football, de parler aux gens du football, de parler directement aux joueurs, aux entraîneurs, à nous, tout ce qui pouvait leur être utile.

Dans notre situation, cela semblait être un échange équitable. Par la suite, nous leur avons également offert des opportunités. Par exemple, sur ces 60 personnes, beaucoup travaillent aujourd’hui à plein temps dans le football. Que ce soit au Dinamo, au Rapid, à la Fédération roumaine ou dans d’autres clubs. Lorsque j’entends parler d’une opportunité dans un club, j’appelle ce club et je leur fais savoir que je connais quelqu’un avec qui j’ai travaillé, qui est très compétent et qui pourrait occuper le poste.

La dernière chose qui est très importante dans toute organisation, c’est d’être disciplinés vis-à-vis de la vision et la mission, que nous nous sommes fixée Elles doivent nous encourager à croire que si nous faisons les choses d’une certaine manière, nous deviendrons tous meilleurs. Nous devons avoir un rêve commun. Ensemble, nous devons imaginer à quoi ressemblera le Dinamo à l’avenir et ce que toutes les parties prenantes du club (management, salariés, joueurs, staff, supporters) doivent ressentir, par rapport au travail accompli.

Il est très motivant d’avoir un objectif partagé par toute une organisation. Pourquoi ? Parce que les gens croient aux histoires. En tant qu’êtres humains, nous faisons généralement des choses en souhaitant qu’elles aient un impact sur le futur. Tous les autres animaux de la planète vivent dans le présent. Ils ne se projettent pas dans le futur. Les êtres humains peuvent envisager de ne pas manger durant une semaine, s’ ils ont la perspective de pouvoir le faire à la fin de celle-ci. Les animaux ne peuvent l’envisager, mais les humains oui.

Si vous dites à vos équipes que nous devons faire un sacrifice maintenant, mais que dans deux ans, nous serons en position de concurrencer les meilleures équipes, ils le croiront et feront les sacrifices pendant les deux prochaines années. Pourquoi ? Parce qu’ils croient en la possibilité d’atteindre un état supérieur dans le futur. C’est ce qui s’est passé au Dinamo. Nous avons réussi à être promuss, les supporters nous ont suivis et cela a été une période absolument incroyable.

Les gens doivent comprendre que nous sommes dans le même bateau, que vous êtes le leader, que vous êtes responsable. De votre côté, vous devez également collaborer avec les personnes avec lesquelles vous travaillez et comprendre que pour être un leader, vous devez avoir certaines qualités, et que pour motiver les gens, vous devez faire les choses d’une certaine manière.

L’entraîneur principal est aussi l’un des personnages clés d’une organisation sportive. Aujourd’hui, les clubs structurés vont au-delà de l’intuition et effectuent une vérification diligente lorsqu’ils souhaitent recruter un entraîneur. Ils disposent de données quantitatives et qualitatives leur permettant d’évaluer sa compatibilité avec le projet sportif du club et de gérer le risque autant que possible. Au Dinamo, vous avez engagé un entraîneur dont les idées étaient cohérentes, mais finalement inadaptées au contexte rencontré en 1ère division et à ce que vous viviez en tant qu’organisation. Comment avez-vous vécu cette déconnexion et comment l’avez-vous gérée ?

C’était inattendu, car lorsque nous avons été promus en première division, nous pensions que nous ferions une très bonne saison. Le staff avait ma confiance, même s’il était de mon devoir de discuter régulièrement avec eux de leurs décisions. Je n’étais pas d’accord avec certaines d’entre elles et je les ai avertis à plusieurs reprises que ces décisions pouvaient entraîner des répercussions non seulement sur l’équipe, mais aussi sur l’ensemble de l’organisation.

Parfois, ces discussions étaient très amicales, parfois, en raison des résultats, le ton était plus élevé. Néanmoins, l’idée centrale était que nous étions dans le même bateau et que nous devions construire notre avenir ensemble. Pendant une longue période, compte tenu des joueurs à disposition, j’ai essayé d’expliquer pourquoi nous devions adapter notre style de jeu pour être plus cohérents, mais nous sommes arrivés à la conclusion que nous n’étions pas sur la même longueur d’onde. Il fallait donc prendre une décision. Soit nous nous adaptions, soit nous nous séparions. Nous avons décidé de nous séparer, même si nous étions de très bons amis.

Comment décririez-vous le processus de prise de décision mis en place pour minimiser l’effet des biais dans vos opérations quotidiennes ?

Il y a deux façons d’y parvenir, que je combine habituellement. Tout d’abord, les macrodécisions sont déjà encadrées. Nous savons quand prendre des décisions. Nous avons des processus à l’intérieur du club avec les joueurs et le personnel, et les décisions sont très faciles à prendre une fois que vous avez défini ce cadre. Ensuite, pour les microdécisions concernant les choses inattendues qui peuvent se produire quotidiennement, nous avons besoin d’une très bonne communication au sein de l’organisation.

La plupart des gens ne comprennent pas que dans le football, nous travaillons avant tout avec des êtres humains. Ce ne sont pas seulement des joueurs ou des entraîneurs. Ce sont des personnes et elles ont des besoins différents. Elles veulent être acceptées, appréciées, respectées, valorisées, aimées, etc. Vous devez comprendre que dans chaque décision que vous prenez, vous prenez une décision impliquant un être humain. Vous ne prenez pas une décision pour quelqu’un qui travaille dans le football.

Vous devez leur offrir la liberté de faire ce qu’ils veulent, mais aussi parler aux gens et leur montrer que pour avoir un bon environnement, nous devons collaborer et prendre des décisions qui sont dans l’intérêt de tous.

Si le comportement d’un joueur est problématique, il doit normalement être traité dans le vestiaire ou par des discussions individuelles avec la direction sportive, afin de lui dire que son comportement a des répercussions sur l’ensemble de l’organisation. Par exemple, j’ai eu un joueur qui avait un problème que nous ignorions. Il a très bien joué les trois premiers matchs, et après, il a été en très grande difficulté les deux mois qui ont suivi.

Par la suite, il est venu voir l’entraîneur et lui a dit qu’il avait un problème familial. Son père avait un très mauvais état de santé. Il était manifestement très affecté par cette situation et ne voulait pas en parler plus tôt. Je l’ai invité à dîner, j’ai parlé avec lui de ma famille, de ma relation avec mon père, juste pour l’amener à parler de son père, parce qu’il ne m’avait pas parlé de sa situation.

Nous avons parlé de ma famille, de mes vulnérabilités, pour qu’il se sente en sécurité et qu’il se permette d’être vulnérable avec moi et de me parler de ses problèmes, de ses pensées, etc. À la suite de cette discussion, il a commencé à mieux jouer sur le terrain.

Parfois, les gens craignent d’être vulnérables dans des contextes très compétitifs. Ils craignent de partager leurs émotions parce qu’ils appréhendent de perdre leur place au sein de l’équipe ou d’être perçus différemment. Dans le football de haut niveau, tous les joueurs veulent être des leaders et la plupart d’entre eux ne veulent pas montrer le moindre signe de vulnérabilité.

Il faut donc comprendre comment ce contexte fonctionne et comprendre que le fait de se montrer vulnérable en tant que leader est important, afin que les joueurs envisagent de l’être aussi. Il ne s’agit pas de plaisanter avec eux, ou de faire avec eux des choses qui vous compromettent, mais de leur montrer que vous êtes, vous aussi, un être humain et vous leur rappelez qu’ils le sont aussi.

La compréhension de personne à personne est donc plus importante que la compréhension entre de professionnel à professionnel. Avant d’être des professionnels, nous sommes des personnes. Les microdécisions que nous prenons quotidiennement sont d’abord basées sur les émotions et l’impact qu’elles auront sur l’aspect personnel des choses.

À travers votre parcours dans le football, toutes ces expériences dans différents clubs, qu’avez-vous appris sur la nature humaine ?

Tout d’abord, j’ai beaucoup évolué en tant qu’être humain. Travailler dans cet environnement est absolument extraordinaire. J’ai découvert certains aspects du comportement humain qui sont très importants. Par exemple, que nous sommes des êtres qui valorisons, plus que tout, le statut que nous pouvons avoir ou que les autres peuvent avoir. Lorsque j’étais recruteur et analyste, j’ai dit certaines choses à certaines personnes, y compris des joueurs, qui n’ont pas été appréciés à leur juste valeur. Ils ne pensaient pas que c’était important.

En tant que directeur sportif, je dis exactement les mêmes choses et ils les jugent importantes. La position à partir de laquelle vous vous exprimez est donc très importante. C’est pourquoi il est important d’avoir une hiérarchie claire et si vous voulez adresser un message à quelqu’un dans l’organisation, vous devez savoir qui envoie ce message.

Pourquoi ? Parce que les gens respecteront le message en fonction du niveau d’importance ou de hiérarchie qui l’accompagne. Vous devez traiter les gens avec respect, mais vous devez comprendre que parfois, si vous voulez dire certaines choses, vous devez vous adresser aux bonnes personnes dans l’organisation pour avoir un impact. J’ai aussi compris qu’il fallait faire preuve d’une grande intelligence émotionnelle pour exister dans ce milieu.


De même, si vous avez un projet à long terme, vous ne pouvez négliger ceux ayant des échéances à court terme. Ces derniers sont en grande partie une question de gestion de l’humain. Les notions de liberté d’expression et d’inclusion sont extrêmement importantes. Certains joueurs, y compris certains membres du staff, peuvent ne pas forcément ressentir le besoin de s’exprimer. Néanmoins, en tant que directeur sportif, vous devez leur donner la possibilité de s’exprimer. Vous devez comprendre la valeur de l’inclusion. La diversité est importante dans certaines cultures, mais l’inclusion est très importante pour chaque culture, chaque organisation.

Certaines personnes peuvent avoir de très bonnes idées, mais être introverties ou penser que si elles s’expriment, elles diront quelque chose de stupide. Il faut donc créer un espace leur permettant de prendre la parole en sécurité, si elles le souhaitent. Il faut leur dire que nous sommes là pour elles si elles le souhaitent et que toute idée est précieuse.
Il faut aussi faire en sorte que les gens remettent en question nos idées. S’entourer de personnes qui nous mettent au défi, pas des béni-oui-oui, est la seule façon de grandir en tant que personne.

J’ai également compris quelque chose à propos de la vie en général. Lorsque l’on croit en quelque chose de tout son cœur, qu’il s’agisse d’une religion, d’une relation ou d’une entreprise, cela se produira, mais nous serons mis à l’épreuve. Notre foi et notre croyance seront mises à l’épreuve tout au long du chemin.

C’est une chose de dire : « Je crois que je vais réussir dans cet environnement. Je crois que j’aurais du succès », mais à un moment donné, il faudra démontrer, quelle que soit l’adversité, que nous croyons toujours au voyage que nous avons entrepris et que nous nous sommes complètement investis. Quoi qu’il arrive.

La performance et le développement ne se font pas sans souffrance. Vous souffrirez, vous serez inconstants, vous douterez, vous aurez des problèmes qui feront de vous une personne bien meilleure que celle que vous êtes déjà, parce que vous ne pouvez pas grandir sans défis et sans souffrances.

C’est pour votre bien que vous avez des défis à relever, car si vous n’en avez pas, vous ne grandirez pas. Vous resterez dans votre zone de confort. La croyance et la foi sont toujours mises à l’épreuve. C’est une règle générale que tout le monde devrait comprendre. Croire de tout son cœur en quelque chose ne sera pas facile, car cela s’accompagne de souffrances et de défis tout au long du chemin. Il ne tient qu’à vous de prouver que vous croyez suffisamment en cette chose pour relever ces défis.

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