Professeur à l’Institut National d’Education Physique de Catalogne (INEFC), Marcel·lí Massafret Marimon nous propose de découvrir sa perspective sur quelques aspects fondamentaux de l’entrainement structuré.
Chaque dimanche vous recevrez des idées sur l’analyse du jeu, l’entrainement ou encore l’apprentissage.
En quoi le concept de Sport Interactif en Espace Partagé (Deportes Interactivos en Espacio Compartido – DIEC) est-il si important pour appréhender autrement l’entrainement des sports collectifs, entre autres ?
Chaque mot a un sens et nous conduit à quelque chose. Lorsque nous parlons de football, de basket-ball, de handball, cela nous renvoie au fait qu’il existe une méthodologie d’entrainement pour ces sports interactifs en espace partagé, qui va bien au-delà des sports collectifs.
Certaines de ces activités sont des sports situationnels comme le tennis et il existe aussi des sports de lutte, qui nécessitent une approche méthodologique différente. Fort de ces convictions, le groupe que nous formons à l’INEFC dans le cadre de cette approche des Sports Interactifs en Espace Partagé, pourrait s’apparenter à un courant de la méthode intégrée, qui est aussi celle des systèmes complexes.
Dans cette approche, il faut comprendre le mot interactif dans une acceptation très large, car dans une interaction, vous n’êtes pas seulement réceptif, vous êtes aussi actif. Sur la notion d’espace partagé, au tennis ou encore en volley-ball par exemple, l’espace n’est pas partagé avec l’adversaire.
Au volley, les six partenaires se partagent l’espace (leur propre camp). Selon leur état et leurs réactions, ils auront plus ou moins d’espace pour s’exprimer, mais aussi plus ou moins d’espace pour réagir. Par conséquent, l’interaction dans les espaces partagés couvre un large éventail de sports qui, selon nous, peuvent utiliser ce type de méthodologie.
Envisager ce type d’activité à travers le prisme des Sports Interactifs en Espace Partagé est une déclaration d’intention qui consiste à penser que l’espace et l’interaction entre les partenaires sont essentiels dans l’entrainement de ces sportifs.
Depuis la perspective de l’entrainement structuré, 8 structures différentes composent le sportif. Que représente la structure cognitive et pourquoi cristallise-t-elle de nombreux éléments ?
La structure cognitive est présente dans chacun des gestes sportifs, notamment lorsque l’on apprend quelque chose. Ce que nous faisons, c’est activer la structure cognitive dans des proportions plus ou moins élevées selon le niveau d’apprentissage.
Prenez une personne adulte qui apprend à nager, elle pense constamment au geste technique, que ce soit de la brasse ou du papillon. Lorsqu’un garçon ou une fille apprend, une partie de sa structure cognitive s’active, qu’il s’agisse d’une intention tactique au sein d’une équipe ou d’une action motrice, comme un squat par exemple.
D’une certaine manière, la structure cognitive est toujours activée. Lorsque vous apprenez des habiletés motrices, que ce soit un tir, une passe, un contrôle, vous allez chercher à les automatiser. En automatisant et en optimisant cette motricité que nous appelons dans le sport, la technique individuelle, nous libérons de l’espace dans notre cerveau, pour mieux nous consacrer à d’autres tâches cognitives, comme la pensée tactique, la compréhension de nos interactions avec nos partenaires et nos adversaires.
Or les choses sont beaucoup plus claires si vous ne maîtrisez pas l’habileté motrice, car une partie de votre structure cognitive se trouve focalisée sur la maitrise de cette habileté. Une autre question concerne la prise de décision. Elle est un peu différente parce qu’il y a beaucoup de ce travail cognitif dans le sport aujourd’hui.
La structure cognitive peut être considérée comme le grand parapluie qui abrite tout ce qui peut nous permettre de comprendre ce qui se passe en match et cela englobe l’action motrice jusqu’à la prise de décision en situation de stress maximal.
En utilisant la perspective de l’entrainement structuré et des Sports Interactifs en Espace Partagé, pourrait-on dire que la structure socio-affective n’est pas au-dessus de toutes les autres mais irradient toutes les autres ?
Dans notre groupe de recherche, la structure socio-affective est considérée comme la structure qui peut enrober toutes les autres. Elle a vraiment un poids très important dans l’approche de l’entrainement et de la compétition.
Vous pouvez être très bien préparé, être en grande forme et un évènement inattendu comme une erreur d’arbitrage, une perte de balle ou encore la blessure d’un coéquipier, peut tout chambouler. Le plan de match prévu et partagé par l’ensemble du staff technique et les joueurs se voit réduit à néant. La structure socio-affective doit permettre de surmonter cette épreuve.
La structure socio-affective devrait être entraînée et présente dans chaque situation d’entrainement, de la même manière que vous êtes préparé à réaliser des sprints ou à résister à une charge. Vous devez entrainer la structure socio-affective pour vous préparer à faire face à un événement imprévu du mieux possible.
Nous l’avons vu lors de la période de Covid, des équipes ont été privées d’un ou plusieurs joueurs le matin même du match et ont dû complètement modifier leur équipe. Nous avons pu constater à quel point il était important de travailler sur la structure socio-affective, qui est actuellement le talon d’Achille de l’entrainement. Lorsque nous saurons vraiment comment travailler sur cette structure, je pense que l’entrainement franchira un cap.
C’est un déficit dans l’entraînement des sports interactifs en espace partagé ou dans l’entraînement en général ?
Je pense que c’est un déficit dans l’entrainement en général. Prenez les matchs suivants : Paris Saint Germain vs FC Barcelone, 4-0 au Parc des Princes, puis la « remontada » au Camp Nou. En finale de la Ligue des Champions 1999, le Bayern Munich a été battu 1-2 par Manchester United, en ayant mené 1/0 à la 90′. Plus proche de nous, Real Madrid vs Manchester City. Les anglais mènent de trois buts à la 89′ … Nous parlons d’une équipe qui prend un but à trois minutes de la fin, qui est toujours qualifiée avec une avance suffisamment importante dans un sport où il y a peu de buts.
Des joueurs de très haut niveau, dans une organisation très précise, des entraîneurs dont il est impossible de remettre en cause la compétence, et qui réalisent un travail extraordinaire. Il y a pourtant une question de construction des tâches où nous pouvons aider les grands entraîneurs comme les entraîneurs novices, dans la mise en synergie de toutes les structures, notamment la structure socio-affective dont l’influence est considérable.
Dans quelle mesure la conception des situations d’entrainement et des contenus choisis peuvent-ils être adaptés aux spécificités de tous les joueurs, sachant que nous sommes tous uniques ?
Nous parlons de sports où les effectifs sont importants avec parfois plus de 25 joueurs en séance. L’analyse commence dans le jeu. Vous devez observer comment le joueur joue, pour bien comprendre son fonctionnement et il n’est pas possible de le faire avec un test.
La force des grands entraîneurs est de parfaitement comprendre le jeu et comment le joueur s’exprime, sa coordination, sa relation au ballon, à l’espace, sa préférence pour jouer à droite ou à gauche, pour avancer ou reculer. Est-ce un joueur disponible, plus que de savoir comment il se déplace, observer comment il interagit avec ses coéquipiers selon les espaces, ce qui est pour moi fondamental dans le football. Comment le joueur aime terminer les actions, s’il est capable de vite décider, s’il préfère tirer ou passer. Tout cela en dit long sur les joueurs.
Il s’agit de brosser le portrait de chaque joueur au niveau de sa coordination, de sa technique personnelle, de l’évolution de sa prise de décision, de la relation avec ses coéquipiers et de sa position récurrente au niveau spatio-temporel. Tout cela nous permet d’analyser son rythme de jeu et son influence qui nous permet d’avoir une carte précise de l’activité du joueur qu’il faut mettre en pratique.
Supposons que vous ayez trois joueurs d’une même ligne. Admettons que ce soit des attaquants, que l’un d’entre eux a les deux pieds, qu’il est capable de tirer de loin et de rentrer dans la surface parce qu’il est adroit techniquement. En termes de prise de décision, il est capable d’arriver dans la surface mais il ne finit jamais, préférant donner le ballon. Ainsi, lorsque vous mettez en place un travail orienté vers l’optimisation de la technique, vous devez tenir compte de ces caractéristiques et garder à l’esprit que cette tâche devra respecter une certaine dynamique, un certain nombre de répétitions et une opposition adéquate.
Cependant, nous travaillons sur la motricité, donc, pour ce joueur A qui joue des deux pieds, il aura l’obligation de jouer des deux côtés, alors que le joueur B, moins à l’aise techniquement, aura la possibilité de jouer sur son coté préférentiel. Les adversaires connaissent les préférences des joueurs A et B et vont les orienter dans leur choix.
Ces détails rendent l’entraînement écologique, tire le meilleur parti de votre temps, tout en permettant au joueur A de faire face à une contrainte plus importante que le joueur B dans une même situation. Cette conception de l’entrainement réclame du temps et des moyens humains parce qu’un seul entraineur ne peut pas contrôler seul tous ces paramètres. Dans le football il y a beaucoup d’argent, mais encore faut-il savoir comment l’investir.
Cette approche serait la base de l’observation d’un joueur et l’analyse approfondie de son profil afin d’optimiser certains aspects pour élargir sa palette.
Pourquoi le mouvement constitue-t-il la porte d’entrée des sports interactifs en espace partagé, bien qu’il semble y avoir une confusion entre le mouvement spécifique et la technique individuelle ?
A l’INEFC, nous travaillons sur le mouvement humain afin que nos étudiants en éducation physique reçoivent une formation a plus complète possible. Je ne dirais pas que nous sommes les seuls, mais nous sommes les rares à délivrer un diplôme qui soit centré sur l’étude du mouvement humain.
Cette approche autour du mouvement est fondamentale. Par exemple, si vous avez une petite blessure, comme un orteil cassé, vous marcherez moins bien. Il vous faudra donc plus de temps pour vous déplacer et ce sera un handicap pour le mouvement, mais plus globalement pour vous en qu’être humain.
La première chose que l’on enseigne dans les écoles, en éducation physique, c’est le mouvement. Lorsqu’on arrive en club, ce mouvement peut devenir un mouvement spécifique au sport. C’est très intéressant d’apprendre ce mouvement spécifique, mais il repose sur une base qui est le mouvement humain. Le problème c’est que l’éducation à la motricité « humaine » est assez pauvre parce qu’au niveau de l’école, on n’accorde pas assez d’importance au mouvement.
Les gens savent déjà courir, sauter, mais il est toujours possible de progresser. Le club devrait chercher à travers l’apprentissage du mouvement spécifique à améliorer votre motricité de base, car ce sont des vases communicants. Ce mouvement spécifique, très souvent appelé technique individuelle dans chaque sport, n’est pas seulement la technique de chaque sport. Pour ma part je l’appelle la technique individuelle personnelle, parce que chaque être humain en tant qu’être unique va adapter cette technique aux lois biomécaniques, à son anatomie, voire à son idiosyncrasie.
Ce que nous disions sur le travail cognitif ou socio-affectif est aussi valable. Je peux avoir une très bonne maîtrise technique, mais si je suis plutôt une personne calme, mon expression motrice sera en accord avec ma personnalité. Si au contraire, je suis très expressif, peut-être que l’expression de ma technique individuelle personnelle donnera l’impression que je suis bien meilleur que d’autres.
De grands joueurs de Basket comme Nikola Mirotic, font les choses de manière tellement fluide, qu’il donne l’impression que tous les joueurs peuvent faire la même chose. Néanmoins, à la fin du match, vous verrez très vite que l’impression est trompeuse.
Demandez à n’importe quel entraîneur s’il n’apprécierait pas que ses joueurs sachent jouer des deux pieds. Evidemment c’est difficile, mais l’entraineur doit les accompagner et doit maitriser les apprentissages moteurs et techniques. C’est très complexe parce que de nombreux joueurs au plus haut niveau travaillent leur préparation physique, mais sont limités dans le choix de certains exercices parce qu’ils ont une palette motrice trop restreinte. Pourquoi un joueur de football n’est pas aussi à l’aise avec l’intérieur du pied que l’extérieur ? Avec le pied droit que le pied gauche ?
Tout le monde adore quand Ousmane Dembélé a le ballon, parce qu’il est difficile de savoir quel côté il va choisir et c’est un vrai problème pour le défenseur et parfois même pour sa propre équipe. C’est pourquoi il est important d’éduquer le mouvement et qu’au moment d’apprendre un mouvement sportif spécifique, il offre la possibilité de prendre des décisions, parce que si vous ne savez faire que trois choses, les décisions possibles sont très réduites. Si vous ne pouvez déborder que sur votre côté fort, les décisions que vous pouvez prendre sont restreintes, mais si vous pouvez déborder des deux côtés, alors vous multipliez les possibilités. C’est pourquoi l’apprentissage technique est si important.
Autre exemple. Nous pouvons échanger ensemble parce que vous parlez plusieurs langues, même s’il est évident que parlerez toujours le français de façon plus fluide. Cependant, le fait que vous parliez l’espagnol nous permet de nous comprendre et de prendre des décisions. Moi, je peux penser en catalan et parler en espagnol ou penser en espagnol et parler en catalan. Si je pouvais faire en sorte que mes joueurs soient capables de faire cela, ce serait fantastique.
Comment l’éducateur peut-il aider techniquement les joueurs à s’exprimer des deux pieds sans tomber dans le piège de la méthode d’entraînement techniciste ou traditionnel ?
Aider un joueur à utiliser ses deux pieds au football ou ses deux mains au basket, est possible. Tous les sports ne le permettent pas. Au handball ou au water-polo, il est très difficile de jouer avec les deux mains, même si on devrait insister davantage sur cet aspect.
Pour reprendre mes propos précédents, si je ne peux déborder que d’un côté, je donne beaucoup d’informations à mon adversaire, je deviens prévisible et mon déficit moteur ne doit pas devenir une excuse. Mon déficit moteur ne me permet pas de choisir dans un large éventail de décision, car je suis limité par ce que je suis en mesure de réaliser.
Dans une contre-attaque, il est important d’aller rapidement au but, si possible avec une supériorité numérique. Si je ne suis pas capable de faire une passe longue dans la profondeur, je vais probablement porter le ballon ou faire une passe courte vers l’avant. Néanmoins, je n’ai pas la possibilité de choisir entre passer, conduire ou jouer long, alors que si j’avais ces différentes options …
Autre point, j’aime les choses traditionnelles quand elles sont bien faites, mais encore faut-il définir ce que l’on entend par traditionnel. Pour certains entraineurs ce sera peut-être le mélange entre le travail à 1 contre 0 avec de la technique pour la technique et des oppositions.
Il y a toute une gamme de nuances de couleurs que je mélange dans ce qu’on pourrait appeler l’entraînement traditionnel, basé sur le geste et puis je vais jouer sur le fait qu’il y ait plus ou moins de prise de décision, plus ou moins de vitesse, plus ou moins de changements de rythme, etc. Tout vise à enrichir la motricité, tout est mis en place au service du geste technique, de la technique individuelle personnelle, pour qu’il soit meilleur.
Par conséquent, dans tout ce que je fais, j’essaie de ne pas déformer la nature du geste, même si je joue sur des paramètres d’exécution, comme la vitesse, la fatigue, la nature de l’opposition. Mon seul objectif est d’observer la réalisation technique prévue dans la séance. Nous n’allons pas jouer des 2 contre 2, pour faire des 2 contre 2. Je dois définir ce que je veux voir techniquement dans cette situation de 2 contre 2 et en fonction de cela, je vais décider si j’ajoute des contraintes de touches de balle, de marquer dans la surface ou en dehors, pour inviter le joueur à réaliser une intention motrice.
Si vous jouez avec une seule touche à la finition en dehors de la surface, l’équipe qui défend le sait, je vais donc mettre une contrainte à l’équipe qui défend. Je fixe ces paramètres du jeu, pour entrainer le mieux possible la structure sans qu’elle ne se détériore et j’ajoute tous les éléments pour que l’entrainement traditionnel, devienne dirons-nous moins traditionnel.
Que signifie le concept de situation de simulation préférentielle (SSP) comme vecteur principal d’entrainement ?
Pour « atteindre » vos joueurs ou vos joueuses en tant qu’entraîneur, vous avez besoin d’un outil, pour que vous puissiez vous comprendre, que vous parliez la même langue avec le son et l’image dans l’espace de communication fantastique que représente la séance.
Imaginez un instant que pendant la séance je n’ai pas le son de votre voix et que vous ayez seulement les gestes pour passer vos consignes. C’est généralement ce qui arrive quand on donne aux joueurs une tâche mal pensée. Quand je mets en place une situation, immédiatement après l’avoir mise en route, je m’assure qu’elle fonctionne bien dans son organisation, les rotations, le geste technique attendu, la prise de décision.
Il arrive que je puisse me taire, parce que si la tâche est bien conçue, elle doit fonctionner « toute seule » et aider à l’apprentissage non pas de la tâche en elle-même mais à l’apprentissage du jeu. Si je fais un exercice de passe et de tir et qu’il y a peu de passes et de tirs et qu’en plus la tâche est si complexe, que les joueurs ne la comprennent pas ou que c’est trop facile pour eux, je dois résoudre ce problème.
Les tâches doivent avoir un objectif clair. Une fois que nous sommes dans cet objectif, nous allons modifier les différentes parties des tâches pour éviter la monotonie, pour offrir une variabilité continue, sans avoir à inventer toujours plus de tâches.
Nous avons une feuille de route de départ avec notre situation de simulation préférentielle. Commençons par la préférence, vous devez être très clair sur ce que vous allez travailler aux niveaux athlétique, cognitif, coordination, etc. Si je veux travailler sur la structure coordinatrice, qui représentera la base de ma situation, tout ce que j’y ’intègre devra respecter ces aspects de coordination. Par exemple, si je travaille avec Tony Parker, en tant que meneur de jeu, je vais beaucoup lui compliquer la tâche, car Tony Parker peut faire ce qu’il veut avec le ballon. Si je travaille avec les filles et les garçons de son académie en France, je ne peux leur donner la même difficulté de coordination, néanmoins la préférence reste très clairement la coordination.
Concernant l’aspect simulation, nous savons que nous allons travailler sur le geste technique et nous voulons simuler, non pas la technique pour la technique, mais nous voulons simuler une situation où il y a beaucoup de densité autour du porteur de balle. Par exemple, deux coéquipiers se passent le ballon, mais si un adversaire se place entre les deux, ils n’ont plus le droit de se passer le ballon. Cette contrainte va permettre de travailler sur la simulation d’une interférence entre les deux partenaires, face à laquelle ils devront trouver une solution.
Cette préférence pour la technique et la simulation qui apporte ici de l’instabilité, voire un peu de chaos, reste à passer à la situation. Ce que nous voulons observer doit se réaliser dans un espace réduit, vers la largeur, vers la profondeur, proche de nos buts ou proche du but adverse. La préférence vise la technique de passe et le tir, la simulation apporte la variabilité et enrichit vraiment la tâche selon la nature de l’opposition et la situation apportera le rythme selon les espaces et les zones choisies.
Souvent j’entends des entraineurs de basket qui veulent travailler la force, notamment celle sur les sauts et ils mettent en place des situations de tir au panier. Désolé, non ce n’est pas ça, ce n’est pas un travail où la préférence visée est la force, donc, parlez-moi de squat, de fentes et aménager la structure, selon que le travail de la force soit plus général, dirigé, spécifique ou compétitif. Nous ne pouvons pas perdre de vue, le cœur de la séance, c’est-à-dire la préférence.
Nous avons l’impression que dans chaque situation et chaque préférence, il y a un peu de chaque structure, pourtant il faut parvenir à nous concentrer sur l’essentiel et finalement sur un aspect très précis.
En fonction du niveau du joueur et de la joueuse, il vous appartient de le rendre concret. Imaginez le mot « finition » pour un joueur de basket-ball. Vous pouvez faire des tirs à deux points, à trois points, de face, sur un côté, à l’arrêt, en mouvement, sur un pied, sur deux pieds, etc.
La modalité de finition peut rester ouverte, mais si l’on s’adresse à des jeunes en phase d’apprentissage, il faut chercher à la rendre un peu plus concrète, en se concentrant sur un geste proche de l’arceau, pour des questions de force et de technique, par exemple.
Dans quelle mesure le style de de l’équipe influence la conception des situations de simulations préférentielles (SSP). Nous imaginons que Pep Guardiola à Manchester City n’envisage pas la conception des situations de la même manière que Diego Simeone à l’Atletico Madrid, au regard à leur style de jeu respectif ?
Notre façon de jouer nous donne des informations. L’idéal serait que les clubs aient une idée de jeu, qu’ils aient un moyen de faire grandir et peaufiner cette idée. Par exemple, Il fut un temps où l’équipe nationale espagnole, et c’est encore le cas, savait comment elle jouait ce qui lui a permis de devenir championne d’Europe et championne du monde.
La France c’est un peu la même chose, il y a une ligne directrice notamment dans les caractéristiques des joueurs retenus. Ce qui serait presque écologique selon moi, notamment dans l’optimisation des ressources, ce serait que les clubs aient cette ligne de travail, pour que les clubs les plus riches n’aient pas à venir signer des joueurs de ci de là juste pour générer un produit.
C’est pourquoi les clubs devraient « produire » des joueurs qui soient en accord avec la façon dont le club veut jouer. Ces joueurs apprennent, grandissent et s’entrainent non pas comme les adultes, mais empruntent le chemin qui leur permettra de jouer en respectant l’idée de jeu choisie par le club, qui représente l’objectif final.
Imaginez que nous partions avec un groupe escalader le Mont Blanc. Tout d’abord nous allons faire des sommets intermédiaires, puis de longues marches dans le froid, puis de longues marches dans la neige, tout gagnant de l’altitude progressivement. D’abord 3000 mètres, 3300, 3500, 3800 puis 4000 etc.
C’est tout un processus qui nous permettra un jour de voir qui sera capable de gravir le Mont Blanc et offrir l’opportunité à ceux qui le peuvent de le faire. Il existe une autre possibilité. Je m’offre les meilleurs sherpas du monde, ils portent le groupe, leur matériel et les emmènent le plus vite possible au sommet du Mont Blanc.
Moi ce que je propose, c’est que ceux que j’ai préparé puissent escalader le Mont Blanc. Tous les clubs connaissent leur championnat qu’ils soient en Espagne, en France, en Allemagne ou en Angleterre, mais certains évoluent aussi dans les compétitions européennes, cela fait de grosses différences c’est pourquoi il faut préparer les joueurs à cette double compétition.
Imaginez, vous commencez à travailler d’abord avec les plus jeunes jusqu’à leur majorité, c’est-à-dire que vous avez presque dix ans d’entrainement, dix précieuses années à raison de 3 séances par semaine d’entraînement avec un match le week-end au départ. Si vous additionnez tout cela, ce que j’ai déjà fait, le nombre d’heures d’entrainement avec les jeunes est énorme. Si en plus vous avez une ligne très claire dans le travail, vous formerez certainement de très bons sportifs.
C’est pourquoi les informations que le jeu vous donne sont essentielles, mais vous devez savoir clairement où vous allez, sinon vous ne pourrez pas utiliser ces informations. Pour arriver au sommet du Mont Blanc, vous devez comprendre un minimum la météorologie pour prévoir les fenêtres favorables, estimer aussi le temps qu’il faudra pour y aller, connaitre les marques sur la marche d’approche qui balise le chemin, les différentes couleurs, les pierres, etc. Si vous ne savez pas lire une carte en montagne, vous allez vous perdre, mais si vous n’avez pas un plan pour l’ascension, pas de guide, pas de méthode, il ne faut pas vous engager parce que vous allez perdre du temps et en faire perdre aux autres.
Si en observant le jeu, vous constatez qu’une joueuse ou un joueur doit progresser dans la finition, ou qu’elle manque de force, que l’équipe peine à gagner de l’espace à la récupération du ballon, ou qu’il y a des lacunes dans le jeu aérien, votre constat est clair parce que vous avez une idée claire de ce qui est attendu au regard de l’idée de départ et que le processus de formation mis en place depuis plusieurs années permet à chaque étape de voir si les objectifs sont atteints et d’identifier les qualités et les défauts des joueurs tout en faisant grandir l’ensemble du processus.
N’oublions jamais que ce sont les joueurs qui font grandir le football, c’est eux qui bonifient vos propositions, parce que l’’entraineur est un compagnon de luxe sur le chemin de la performance. Par exemple, Jonathan Giráldez est l’entraîneur du Barça chez les filles et c’est l’un de nos anciens élèves. Il accompagne les filles vers la performance, mais ce sont elles avec leurs qualités dans le jeu qui bonifient ses propositions.
Si Jonathan, avec son staff, n’était pas très clair sur la façon de jouer au Barça, comment l’équipe féminine ferait ? Que se passera-t-il dans quelques années lorsque les équipes rencontreront les équipes de jeunes du Barça, si le club s’est endormi sur le jeu du passé et les titres gagnés ? Il y aura un moment où ils seront mangés par la concurrence. C’est quand le vent est favorable qu’il faut faire évoluer les choses, pas dans l’urgence et que vous êtes dos au mur. Le jeu vous livre toutes les informations, tant que vous savez où aller.
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