Manager de l’Académie Pôle Espoirs (Lycée Lakanal) de la Fédération Française de Rugby, Sylvain Bouthier dirige parmi ce qui se fait de mieux, « rugbystiquement » parlant, chez les jeunes.
S’inscrivant dans un courant de pensée (l’école deleplacienne) qui a terriblement apporté au rugby français et aux sports collectifs en général, nous avons essayé de comprendre comment le rugby peut nous aider à avoir une meilleure compréhension de son activité soeur: le football.
Chaque dimanche vous recevrez des idées sur l’analyse du jeu, l’entrainement ou encore l’apprentissage.
Pouvez-vous présenter vos fonctions actuelles dans le rugby français, à la fois en club comme au niveau fédéral ?
Actuellement, j’ai deux fonctions, je suis manager de l’Académie pôle espoirs de rugby au lycée Lakanal, qui accueille les jeunes potentiels franciliens pour alimenter les équipes de France jeunes de la Fédération française de rugby. J’encadre 24 joueurs, sur un double projet scolaire et sportif, qui sont au lycée pour étudier afin de les accompagner sur leur programme d’entraînement dans toutes les composantes de la performance. La Fédération a mis en place ces académies Pôle espoir sur l’ensemble du territoire, en lien étroit avec les clubs pour partager le projet de formation et de jeu des équipes de France. Parallèlement je suis manager de l’équipe moins de 18 ans du Racing 92.
Depuis le départ de Jacques Brunel et l’arrivée au poste de sélectionneur du XV de France de Fabien Galthié, un projet de jeu, voire un projet de vie, semble se mettre en place, pouvez-vous en décrire les contours ?
Toutes les fédérations sportives de sport collectif, et la fédération de rugby en particulier,souhaitent rester à la pointe de l’innovation et permettre aux joueurs d’apprendre le plus rapidement possible un projet de jeu commun, des principes de jeu. Dans le cadre de la réforme des académies pôle espoir, la volonté était d’apporter encore plus de cohérence sur la formation des joueurs, sur le plan individuel comme sur le plan collectif. On a commencé par harmoniser les projets des U18 et U20 (doubles champions du monde sur les deux dernières années). Cette harmonisation se poursuit et s’amplifie grâce au travail notamment de la Direction sportive et de Sébastien Piqueronies, désormais Manager des équipes de France Jeunes. Il travaille en étroite relation avec Fabien Galthié et Raphaël Ibanez pour construire une vraie cohérence et que nos jeunes joueurs qui rallient les sélections jouent sur des principes communs.
Évidemment, tout n’est pas figé. Il y a des évolutions à chaque match et le plan de jeu varie en fonction des adversaires, mais jouer avec des principes communs va permettre d’offrir aux joueurs un parcours le plus cohérent possible dans l’intégration au sein des différents collectifs. On s’est aussi aperçu qu’il fallait être plus attentif aux profils des joueurs et parfois avoir aussi la capacité de surclasser plus vite certains joueurs, afin de les baigner dans des bains culturels et des environnements qui soient tout à la fois différents dans les pressions qu’ils vont vivre pour les faire grandir et communs dans les principes de jeu, afin de les intégrer plus vite au projet du Grand Quinze de France.
« Jouer avec des principes communs va permettre d’offrir aux joueurs un parcours le plus cohérent possible, dans l’intégration au sein des différents collectifs »
Les équipes de France Jeunes sont au service du parcours du joueur. La Direction sportive organise donc de la façon la plus cohérente possible, non seulement le lien entre le staff du XV de France et les managers des sélections U20 et U18, mais aussi avec les clubs pour optimiser le suivi des potentiels français en devenir. Sous la houlette du DTN Didier Retière, Sébastien Piqueronies impulse une volonté forte de dialogue et de cohérence pour assurer le plan de renouvellement des équipes de France, avec 6 piliers de formation définissant pour les encadrements bleus: la culture et l’état d’esprit, la stratégie de management, le profil des joueurs, les formes d’entraînements et le projet de jeu.
On constate souvent une rupture dans le style de jeu proposé par les équipes de l’hémisphère nord et celles de l’hémisphère sud, encore que dans l’hémisphère sud, il y a des écoles de rugby différentes notamment l’Afrique du Sud, qui propose un jeu bien différent de celui des « Blacks » par exemple. Comment se positionne l’équipe de France dans les différents courant rugbystiques ?
Il y a eu plusieurs approches, car les projets changeaient en équipe de France, selon les entraîneurs en place, ce qui est assez logique. Néanmoins, ces dernières années, au moins sur la filière de haut niveau des jeunes et les sélections moins de 18 et moins de 20 ans, a été mis en place une certaine cohérence et une continuité facilitant, à mon sens, la formation du joueur et son intégration dans les sélections. En équipe de France, le sélectionneur sera à mon avis toujours décisionnaire du jeu qu’il souhaitera mettre en place. Nous avons la chance, qu’actuellement ce projet soit partagé et en adéquation avec beaucoup de principes de celui des équipes de France jeunes. C’est plutôt un jeu de mouvement, la volonté de posséder la balle et, en fonction des rapports de force, de faire des choix qui nous permettent de mettre en place une intelligence situationnelle collective. On appelle ça le référentiel commun pour que l’on puisse aller jouer dans les espaces libres.
Pour cela, il faut donner à la fois un cadre connu de tous, mais beaucoup de liberté aux joueurs pour favoriser les prises d’initiatives individuelles. Il faut que cette prise d’initiative individuelle rentre dans le cadre collectif et pour cela, les joueurs autour du porteur de ballon, mais aussi loin du ballon répondent à cette initiative. Dans les équipes de France jeune, il y a beaucoup de liberté, mais cela implique sur les méthodologies d’entrainement, qu’on sensibilise les joueurs, qu’on les baigne dans des environnements variés, avec des rapports de force différents. Il faut qu’ils soient sans cesse confrontés à des vitesses différentes, à des adversaires différents, à des modalités défensives multiples, afin qu’ils acquièrent cette intelligence et cette polyvalence tactique recherchée.
On constate que le football et le rugby, ont pendant très longtemps formé une seule et même activité, à tel point que la Fédération internationale de rugby s’est appelée la Fédération internationale de football rugby. Ces passerelles sont assez importantes entre le rugby et le football, à l’image des termes utilisés comme la possession du ballon, l’utilisation des espaces. Cependant, la première impression, notamment sur le thème des espaces, c’est que les rugbymen ne défendent que sur une ligne et un seul type d’espace existe, à savoir devant ou derrière la ligne de pression ?
Il y a effectivement beaucoup de similitudes, liés aux origines communes, à l’histoire partagée de nos sports et même si, comme tu le notes, la règle de l’en-avant amène des particularités, nous avons aussi en rugby plusieurs espaces à attaquer et défendre simultanément. Je m’inscris dans un courant théorique, de l’école « Deleplacienne », porté notamment par l’association CRMT : culture rugby de mouvement.
René Deleplace est un des précurseurs du jeu de mouvement en rugby. Il montre que le rapport de force est central dans l’analyse du jeu entre les matrices offensives et défensives. En attaque, dans le mouvement général (le ballon et les joueurs en mouvement), il explique que l’équipe a trois choix « la triple variante fondamentale ». Ces formes de jeu sont choisis en fonction des placements de la défense et notre rôle d’entraineur est de, sans cesse, éveiller les joueurs à cette lecture des espaces et des configurations offensives et défensives.
« Notre rôle d’entraineur est de, sans cesse, éveiller les joueurs à cette lecture des espaces et des configurations offensives et défensives »
Dans l’utilisation du jeu au pied, il y a aussi deux logiques distinctes, à savoir un jeu au pied de récupération ou de pression, ce que font beaucoup les Irlandais ou les Sud-Africains, par exemple. Ils mettent le ballon très, très haut pour être à la conquête aérienne. C’est une manière de se déposséder du ballon, parce qu’on était sous pression, qu’on n’arrivait plus à l’utiliser à la main, pour remettre la pression sur l’adversaire. Enfin, il y a le jeu au pied d’occupation, dans une logique de gagner du terrain, si importante au rugby et de remettre l’adversaire au fond du terrain. Ce jeu au pied d’occupation est souvent très, très organisé, puisque lorsque les équipes décident de mettre le ballon dans une zone du terrain, elles s’organisent collectivement pour laisser peu d’opportunités pour réduire les crédits de l’attaquant et mener une « chasse collective ».
Au rugby, certaines équipes un peu comme au football finalement, sont-elles organisées pour « perdre le ballon » dans des zones confortables pour l’équipe, afin de mieux le récupérer, à l’image du Borussia Dortmund, sous la houlette de Jürgen Klopp ?
Oui cela existe aussi en rugby, avec des équipes qui ont des styles de jeu différents. Pour nos équipes de France de jeunes, nous faisons le choix d’être plutôt sur une possession active, avec la volonté de mettre du mouvement et de trouver les opportunités d’attaque. Mais il y a des équipes comme les Sud-Africains, qui ont gagné la dernière Coupe du monde, qui parfois ont des options de jeu bien différentes. Elles sont capables de faire du jeu de mouvement, parce qu’il ne faut pas réduire les choses, mais elles ont des plans de jeu dans leur propre moitié de camp, qui priorisent et organisent la « dépossession ». C’est à dire « jouer le ballon en l’air chez l’adversaire », pour le mettre sous pression et récupérer ensuite des ballons dans le désordre. Dans cette zone du terrain, ces équipes préfèrent inverser la pression, plutôt que de posséder le ballon longuement et de s’exposer à des contre-attaques.
« Selon les zones du terrain, le pied est fortement utilisé pour mettre la pression sur l’adversaire et générer des luttes aériennes et du désordre… »
Ce style de jeu existe aussi en équipe de France avec Fabien Galthié où l’on peut constater que selon les zones du terrain, le pied est fortement utilisé pour mettre la pression sur l’adversaire et générer des luttes aériennes et du désordre… Il suffit de regarder les matchs internationaux et vous pourrez constater que dans nos 30 mètres, l’équipe va sortir le ballon par le pied du numéro 9 et mettre sous pression l’adversaire. Il faut savoir que ces ballons sous pression, ces ballons récupérés en l’air, sont des ballons de contre-attaque très précieux, négociés face à un système défensif adverse désorganisé. Il y a donc vraiment les deux styles de jeu, qui sont plus ou moins utilisés par les équipes, en fonction de la zone du terrain où l’équipe se situe, ce qui se rapproche du football, il me semble, avec les principes de possession et de dépossession.
La notion d’intervalle est importante au football, certains faisant la distinction entre intervalle et interligne. L’intervalle est un terme souvent utilisé dans le rugby et semble prépondérant au point que la Fédération Française de Rugby, travaille sur cette notion, en collaboration avec des techniciens d’autres sports collectifs.
En attaque, on peut dire que le joueur recherche l’espace libre, l’intervalle et à l’opposé en défense, il recherche à être en face de son adversaire. Cette opposition est un rapport de force, un duel collectif et individuel qui lie l’attaque et la défense. Il y a plusieurs manières de voir les choses et tous les entraîneurs ne diront pas la même chose. Je prends volontairement des précautions, mais dans la pré-action, il faut cacher son jeu à l’adversaire. Donc, soit le joueur se place dans un espace libre avant d’avoir le ballon et il faut que l’adversaire ne puisse pas nous rattraper, soit le joueur repère l’espace libre, se place en face de l’adversaire, pour se décaler dans les espaces libres sur le temps de passe.
Au rugby, on est obligé de travailler sur cette notion d’intervalle, d’espace libre. On peut voir l’espace libre de plusieurs façons : soit entre deux joueurs une porte ouverte, soit autour du défenseur en allant au plus proche, en recherchant ce que l’on appelle son épaule faible. Au moment où ce joueur est monté, par exemple s’il a les appuis mal orientés, on peut venir très proche de lui pour le prendre à contre-pied. Parfois, il n’y a pas d’espace en rugby, mais on va se le créer avec des orientations de courses différentes sur un même intervalle. On peut l’attaquer avec une course droite, une course rentrante ou sortante et en jouant sur différentes courses et vitesses. Parfois dans les duels, il y a très peu d’espaces pour assurer les continuités de jeu et le joueur doit faire des choix sous forte pression et avoir un haut niveau de technicité dans les attitudes au contact, pour faire vivre la balle. Car dans le jeu de mouvement, le jeu « Deleplacien », l’objectif est de faire en sorte que le ballon ne s’arrête jamais. Il est donc question de ne pas passer par le sol et de trouver des lignes de passes intéressantes.
Vous évoquez beaucoup la notion d’espace sur le terrain. Au football, le terrain est souvent découpé en zones qui peuvent être au nombre de 4, 6, 8, 12, 14, 16 voire 20, mais tout le monde s’accorde sur le fait que l’on distingue des couloirs sur l’axe longitudinal et des bandes sur l’axe horizontal. Existe-t-il des zones cruciales au rugby comme il peut en exister au football, à l’image de la fameuse zone 14 ?
Oui, on utilise de plus en plus cette notion de zones pour donner des repères collectifs aux joueurs, mais c’est tout de même le rapport de force avec l’adversaire qui doit être le premier principe. Malgré cela, il est aussi important que l’équipe et chaque joueur s’approprie des repères stratégiques, en fonction de son placement sur terrain, pour gérer ses rapports de force. D’abord, sur la longueur du terrain, où il peut y avoir trois ou quatre zones.
La première zone, dans les 30 premiers mètres est souvent dénommée « zone de sortie de camp ».Dans cette partie du terrain et selon les entraîneurs, les approches sont différentes.Certaines équipes cherchent à sortir très vite de cette zone par le jeu au pied et d’autres analysent davantage le rapport de force en jouant à la main, en gardant la possession du ballon et en cherchant à faire venir l’équipe adverse dans le premier rideau, jusqu’à ce que les joueurs du troisième rideau délaissent leur position.
« Il est aussi important que l’équipe et chaque joueur s’approprie des repères stratégiques, en fonction de son placement sur terrain, pour gérer ses rapports de force »
Ces équipes vont jouer sur deux ou trois temps de jeu pour pouvoir créer des déséquilibres, selon différentes modalités et ensuite seulement jouer au pied dans le R3. Il y a la zone du milieu de terrain, ou la zone de construction ou d’initiative, avec comme idée de garder le ballon et multiplier les temps de jeu, pour avoir un franchissement net et fort. Enfin il y a la zone de finition, dans les 22 mètres adverses, avec des défenses très resserrées, organisées sur un seul rideau puisqu’il n’y a plus de fond de terrain. Ici, cela va nécessiter un système de jeu, avec parfois des temps préparatoires avec les avants, sous formes de cellules et de pick and go. Ensuite, seuls les trois quarts utilisent la largeur, à moins que l’on soit passé à l’épreuve de force. Il y a donc cette notion sur toute la longueur du terrain, avec des principes de jeu différents, qui peuvent varier selon les équipes et heureusement d’ailleurs.
Dans la largeur du terrain, comme au football, il y a différents couloirs en rugby. Il y a ce qu’on appelle des circulations de joueurs où les joueurs se répartissent sur la largeur du terrain dans différents systèmes. Selon le système, les couloirs seront plus ou moins exploités. Par exemple, une équipe comme Clermont a joué large- large pendant longtemps, c’est à dire qu’elle balayait le terrain d’un couloir à l’autre en jouant beaucoup en déployé, pour étirer la défense et ensuite pénétrer. D’autres équipes ont des temps préparatoires, relativement proches, plus frontales, avant de chercher les espaces extérieurs. Il existe différents systèmes de jeu, différentes animations offensives qui sont liées aux circulations des joueurs, aux profils de l’effectif à disposition. C’est un sujet dont on pourrait parler des heures: les circulations offensives des joueurs, les animations possibles ou encore les permutations liées à la polyvalence plus grandes des joueurs.
Au football, il est possible selon les animations par exemple d’avoir une dernière ligne constituée de 3, de 4 ou de 5 joueurs. Les équipes de rugby s’organisent-elle de la même manière où les organisations sont-elles figées comme les croyances répandues l’indiquent ?
Il y a beaucoup de polyvalence dans le rugby. L’arrivée du professionnalisme depuis 1995 a accentué ce phénomène à mon sens. Le professionnalisme a permis aux joueurs d’être mieux équipés techniquement, tactiquement et il y a beaucoup plus de polyvalence. Aujourd’hui tous les joueurs, peuvent faire du jeu groupé et du jeu déployé et parfois, du jeu au pied pour certains. Cette polyvalence réelle permet de jouer davantage, de courir davantage, mais il y a aussi de fait moins d’espace sur le terrain. Ce manque d’espaces, a aussi fait évoluer les règles du jeu. En rugby les règles évoluent souvent. Le rugby a la spécificité de beaucoup faire évoluer ses règles pour rééquilibrer le rapport attaque-défense et rechercher la vie du ballon, le spectacle et la compréhension des règles par le grand public.
Il y a aussi comme dans tous les sports, une évolution des principes d’entraînement, des évolutions des organisations collectives face à cette nouvelle donne. En ce sens, les joueurs se répartissent de manière à pouvoir menacer tout le terrain, à la fois sur la largeur et sur la profondeur, en portant le ballon à la main ou par le jeu au pied. Les huit avants d’abord, peuvent s’organiser en 1-3-3-1, c’est à dire un joueur dans le couloir des 15 mètres, deux cellules de trois au milieu du terrain et un autre joueur, dans le couloir opposé. On peut avoir aussi du 2-4-2 ou du 1-2-2-2-1. En effet, depuis une vue aérienne, on voit les joueurs se déplacer ensemble et plus les cellules sont nombreuses, plus il sera difficile pour la défense adverse de lire les choses, mais il sera aussi, moins facile de conserver la balle. A contrario, plus les cellules sont conséquentes, avec beaucoup de joueurs impliqués et proches les uns des autres, plus il sera aisé pour la défense de lire notre organisation, mais aussi, plus facile de conserver la balle.
Les sud-africains ont par exemple longtemps évolué en 2-4-2 et quand ils ont la main sur le ballon, qu’ils ont décidé de le garder, c’est très difficile de leur reprendre. Les All Blacks font différemment avec des cellules très adaptables, où ils dézonent sans cesse. C’est à dire que la cellule est reconnaissable, mais quand ils vont jouer dans l’intervalle, ils se déconnectent de l’espace suivant pour mieux fournir une autre cellule et faire preuve d’intelligence situationnelle. C’est donc plus difficile pour l’adversaire qui doit faire face à un système moins facilement lisible, des organisations plus mouvantes et donc moins reconnaissables.
Pouvez-vous définir le terme de cellule ?
La cellule de vie du ballon, concerne principalement le joueur porteur de balle, qui est décideur des lignes de passe. Le joueur qui est situé du côté d’où vient le ballon est appelé le soutien intérieur, le joueur situé de l’autres côté est soutien extérieur et éventuellement un joueur dans son axe qui peut permettre de faire rebondir le ballon ou de changer de circuit. Ce joueur dans l’axe est selon moi le plus important car il a la capacité de voir le jeu de façon plus large et d’observer les placements adverses pour poursuivre l’action ou ressortir plus au large si les espaces se referment. Il est aussi intéressant d’avoir un joueur qui se place devant la ligne du ballon, en avance du jeu.
Se placer devant le ballon, alors que le règlement du rugby indique que l’on doit progresser en effectuant des passes vers l’arrière, en tous les cas sur les passes à la main peut paraitre contre intuitif, non ?
Quand un joueur est devant le porteur du ballon, il est hors du jeu dans le mouvement général, mais il n’est pas pénalisable au sens règlementaire tant qu’il n’a pas reçu le ballon et qu’il n’y a pas de points de fixation. En revanche, l’avantage de projeter des joueurs devant la cellule offensive, devant le ballon, en venant très souvent de la « source » du ballon, permet d’anticiper le franchissement et d’avoir un joueur qui est très vite réactif et qui peut assurer la continuité de jeu. Nous avons différents termes, dont certains sont assez drôles, pour identifier ce type de joueur, comme « le joueur en appui » ou le « chien fou », parce qu’il enchaîne les tâches. Ce sont des joueurs qui sont très forts sur l’aspect énergétique et qui ont aussi cette intelligence de déplacement pour identifier où le jeu va se dérouler et dans quels espaces.
Dans le rugby moderne, toutes les nations ont ces joueurs qui se projettent vers l’avant pour anticiper les franchissements. En France, Charles Ollivon ou encore Antoine Dupont sont remarquables par leur présence en avance des franchissements pour assurer les continuités de jeu et la finition des actions collectives.
Peut-on déduire que de jouer à la limite de l’interprétation du règlement permet de gagner du temps et/ou de l’espace ?
Oui, c’est à dire qu’il faut être en capacité s’il y a franchissement, d’exploiter très vite l’espace. On joue sur la règle, mais tant qu’il n’y a pas passe vers ce joueur, il n’est pas pénalisable. Au rugby, le joueur est hors-jeu dans le mouvement général, si on lui fait une passe vers l’avant, il peut donc prendre un temps d’avance sur le lancement de jeu. Les lignes de hors-jeu apparaissent lors des phases de fixation ou des phases statiques.
La notion d’espace et de mouvement semblent essentielles dans votre discours, et rappelle comment le Japon lors de la coupe du monde 2015 avait brillé, avec à sa tête Eddy Jones. Il avait développé un projet de jeu « à contre-courant », qu’il avait mis au point en s’appuyant sur des principes empruntés au football et notamment à Pep Guardiola et son passage au Bayern de Munich. Ce type de collaboration est-il un épiphénomène japonais ou peut-il se développer ?
Eddie Jones est curieux, comme beaucoup d’entraîneurs, il est donc parti voir ce qui se passe dans le football notamment. Quand il est arrivé au Japon, il a vu les grandes qualités de cette sélection japonaise et notamment sa capacité à s’entraîner très, très dur, d’être très respectueuse du projet de jeu. Il a aussi perçu rapidement les limites de son équipe sur la dimension tactique, prises d’initiatives et sur la dimension athlétique. Il explique que les japonais voulaient tellement respecter le projet de jeu qu’il a dû mener un travail de fond pour amener les joueurs à la prise d’initiative. En outre, il s’est aperçu que son équipe au niveau du potentiel athlétique, était moins armée que bien d’autres sélections en termes de morphologie notamment. Aussi, l’idée essentielle était de mettre de la vitesse au jeu et de trouver sans cesse l’homme libre.
Il a donc repris ici, un peu des concepts de Pep Guardiola, c’est à dire quel est l’homme libre qui permet de faire avancer le ballon ? Quel est le joueur qui est démarqué pour assurer une continuité de jeu ? Il cherche donc à éviter un jeu frontal qui desservirait la sélection japonaise pour aller vers un jeu dynamique, dans les espaces, qui leur permettent finalement de mettre en valeur leur technicité, leur lecture du jeu et gommer certains déficits athlétiques.
Ils sont extrêmement bien organisés avec des cellules et des circuits courts, c’est à dire qu’il y a sans cesse trois ou quatre choix autour du porteur de balle japonais qui doit reconnaître, en fonction de la défense en place, quel est le joueur qui va être disponible et qui va permettre d’avancer. Parfois, ils échouent et passent au sol mais ils ont mis en place des organisations de conservation de la balle avec une technicité de jeu au sol innovante. Eddy Jones s’est appuyé sur l’héritage, la culture japonaise du combat et ’une technicité fine des rapports de force, de lutte en corps à corps (judo, sumo…). Ces joueurs japonais très bas sur les appuis, très vifs, sont parvenus, finalement, à compenser certains déficits physiques et morphologiques grâce à leur très haute technicité.
« Avec le Japon, Eddie Jones a mis en place un jeu dynamique, dans les espaces, qui leur a permis de mettre en valeur leur technicité, leur lecture du jeu et gommer certains déficits athlétiques »
Pour nous, à la FFR, l’analyse des jeux adverses est essentielle et une cellule est dédiée à cette activité. On regarde donc les autres nations de près et notamment les japonais. C’est très intéressant de voir à quel point ils ont su faire de certaines faiblesses, des forces pour leur jeu, grâce à des choix cohérents. Cela leur a permis d’avoir une belle progression sur les deux dernières coupes du monde avec un style de jeu efficace et attrayant. Eddy Jones est quelqu’un de très étonnant, très inventif, très exigeant et il a été observer d’autres activités comme le football, pour améliorer son modèle d’entrainement.
La notion de cellule de vie du ballon a été abordée, existe-t-il d’autres types de cellules en fonction de l’éloignement du ballon ?
Oui, il existe d’autres types de cellule ou d’organisations de joueurs, plus loin du ballon pour permettre d’être efficace dans l’utilisation de la balle et menacer partout l’adversaire. Elles sont nécessaires pour éviter un jeu trop frontal. L’objectif est d’avoir des joueurs très vite disponibles pour déplacer le ballon et pour cela il faut que ces joueurs s’assurent que le ballon ne passe pas par le sol et créent des phases de fixation, des rucks qui facilitent le replacement du dispositif défensif s’ils sont trop lents. Parfois, ils passent par le sol et c’est que l’on appelle des « accidents de jeu » ou « temps préparatoires » selon les entraineurs, pendant lesquels les autres joueurs offensifs sont aussi organisés en cellule avec un ou des joueurs jokers qui vont jouer entre les cellules.
Ces joueurs jokers ont pour mission de se démarquer, de menacer l’espace profond avec les ailiers dans les couloirs qui essayent de voir si le troisième rideau est présent au fond du terrain et appellent le demi d’ouverture pour des longues passes au pied ou des diagonales. Ces cellules, préparent ce que l’on appelle le temps de jeu suivant et sont chargées d’aller plus vite que l’adversaire dans les espaces libres. Donc, il y a vraiment une cellule qui exploite le ballon et trois ou quatre autres qui sont dans l’anticipation afin de chercher des espaces pour les temps de jeu suivants.
« Nous avons peut-être eu tendance à stopper trop souvent les situations de jeu après des franchissements sans marquer, alors que l’élément essentiel c’est la finalisation de l’action »
En revanche, s’il y a franchissement de la première cellule du ballon, le but des autres cellules, c’est de se reconnecter très, très vite pour enclencher dans le même intervalle la continuité du jeu et le mouvement général. Mais c’est plus difficile à entraîner et cela nécessite d’être attentif sur sa méthodologie d’entrainement. Ainsi, certaines équipes privilégient toujours les premiers temps de jeu, sont très bien organisées avec des cellules qui fonctionnent bien, mais exploitent difficilement le franchissement
Pendant longtemps dans le rugby français, nos équipes franchissaient énormément, mais elles ne finissaient pas assez bien les actions. Notamment parce que dans les méthodes d’entraînement, dans nos écoles de rugby et aussi dans nos formations, nous n’étions pas assez attentifs à ce détail. Nous faisions jouer les jeunes joueurs sur des terrains peu profonds, se contentant de féliciter sans encourager la finalisation de l’action. Cet aspect est très spécifique au rugby, parce qu’au football, il y a le but qui finalise l’action. Nous avons peut-être eu tendance à stopper trop souvent les situations de jeu après des franchissements sans marquer, alors que l’élément essentiel c’est la finalisation de l’action. Pour nous, la finalisation c’est la reconnexion des cellules pour aller marquer et battre le deuxième et le troisième rideau, qui sont les ultimes défenseurs qui reviennent en poursuite.
Existe-t-il dans le rugby, différents courants méthodologiques de l’entraînement, comme on peut le trouver dans le football ?
Avec le professionnalisme et l’utilisation importante de la vidéo, on constate une uniformisation dans les systèmes de jeu. Par contre, je trouve que dans les méthodes d’entrainement, il y a encore des différences notables. Je peux vous en citer une en exemple et je grossirai le trait de façon caricaturale pour illustrer mon propos, car les deux modèles ont une cohérence et sont complémentaires dans l’approche du haut niveau. Certains entraineurs vont avoir tendance à entraîner beaucoup à partir des phases de conquête et de lancements de jeu très structurés, stratégiques, définis avant l’action, parfois sur de nombreux temps de jeu pour mettre de la vitesse et jouer sur des points faibles repérés au préalable à la vidéo. Il s’agit de répéter un schéma préétabli… A contrario, d’autres préfèrent une approche moins stratégique et plus adaptative mettant en valeur l’intelligence situationnelle dans les temps de jeu suivant le lancement. Ainsi, même lorsque les lancements de jeu sont stratégiques, le message adressé au porteur de balle est qu’autour de lui, il y a trois ou quatre options possibles, qui sont autant de menaces auxquelles il peut donner le ballon, en fonction du placement adverse (« trames de variance »)
Aussi, dans cette approche de l’entrainement, tout sera fait avec des adversaires et nous manipulerons les contraintes et les systèmes défensifs pour faire émerger les solutions aux attaquants. Cette approche, même si je sais que les mêmes débats existent au football, est un peu plus coûteuse en termes de temps, mais est à mon sens, indispensable dans la formation des jeunes vers le haut niveau. Il faut se dire que l’intelligence du joueur, les solutions, les outils techniques qu’il va développer, sont sans cesse adaptables et qu’au cours de sa carrière, ils vont sans cesse s’adapter. Nous ne connaissons pas le rugby de demain, mais nous savons par expérience que si la formation des joueurs est trop restrictive, nos joueurs ne trouveront pas les solutions dans le rugby de demain.
Finalement, le rugby est traversé par le même débat rencontré dans le football, à savoir analytique versus global ou exercice versus jeu, pour caricaturer. Cependant, il n’est pas certain que ce débat ait du sens dans la mesure où c’est davantage le contexte qui importe et il est tout à fait possible de faire un exercice analytique dans un contexte intéressant ou proposer un jeu qui n’a aucun sens, non ?
Oui, c’est vrai, je te rejoins sur ce positionnement. Je précise que les deux formes de travail ont leur intérêt et sont nécessaires dans la formation et l’entraînement. La question du sens est pour moi première, le joueur doit comprendre les principes de jeu et ensuite polir sa technique au service du jeu. Selon moi, les gammes doivent être sans cesse variables et variées afin que le joueur maîtrise différents environnements et qu’il puisse trouver la solution, sa solution tactico-technique en cours de jeu. La compréhension du jeu, le sens est premier et la technique seconde, mais pas secondaire. C’est une dynamique d’apprentissage, d’entrainement mais qui ne minore pas la place de la technique, car selon les moments et les besoins, le volume de travail accordé, la place de la technique est sera plus conséquente, notamment dans nos académies. Mais le sens est toujours présent et les apprentissages techniques liés à des rapports de force ou de pression qui font sens. C’est un débat riche et cette conviction personnelle, partagée avec d’autres, guide ma pratique, me fixe une exigence de formation et interroge sans cesse mes formes d’entrainements.
Compte tenu de vos fonctions à la fois à la fédération et au Racing 92, un projet de jeu formalisé et appliqué, dans la mesure du possible existe-t-il et peut-il être en cohérence, voire en adéquation avec le projet mis en œuvre dans les clubs et dans une certaine mesure de mettre la France du rugby sur la formation du joueur ?
Chaque club conserve sa spécificité, son libre arbitre et sa richesse. Échanger et partager, c’est aussi respecter la liberté et les différences de chacun. Les influences sont donc réciproques et progressives. Des avancées intéressantes nous permettent de penser que le projet « Bleu », avance progressivement et que la dynamique se poursuit. D’abord, on constate l’augmentation de la proportion de joueurs issus des académies qui accèdent aux effectifs professionnels en ce moment. C’est un signe de réussite et aussi cela impacte peu à peu le jeu des équipes qu’ils intègrent.
Autre exemple, le projet de jeu des équipes de France jeunes U18 est partagé par la Fédération française à l’ensemble des entraîneurs de clubs. Les principes de jeu « Esprit Bleu », sont connus par les entraîneurs des catégories U18, U20 Il existe aussi, un moment de rencontre entre les clubs et la fédération qui s’appelle, « l’inter-poule » où se rencontrent les 100 meilleurs joueurs regroupés dans 4 sélections de provinces. Les quatre provinces sont encadrées par des entraîneurs de pôle espoir comme moi, mais aussi, par des entraîneurs de clubs. En d’autres termes, nous partageons le projet de l’équipe de France des moins de 18 ans, avec les entraineurs en charge des provinces et durant 12 jours, nous travaillons main dans la main sur les principes et les méthodes d’entrainement. Nous préparons, ensemble trois matchs entre les provinces. Les quatre provinces vont jouer le même rugby et s’entrainer selon une méthodologie commune au service du projet « Bleu »
Quand je bascule au Racing 92, j’ai la chance d’avoir un directeur du haut niveau jeunes, Christophe Mombet qui connaît très bien le rugby et qui facilite mon travail et les cohérences entre les équipes jeunes. Il organise notamment des moments de rencontre, des « Master Class » entre les entraîneurs du club, pour faciliter les échanges et partager sur les méthodes d’entrainement. Mais comme de nombreux clubs, ce n’est jamais facile selon le vécu des entraîneurs, leurs disponibilités. Les obstacles sont donc nombreux, mais dans l’ensemble, ça va dans la bonne direction.
Avez-vous un rôle de coordinateur au Racing 92 ou quelqu’un est-il dédié à cette mission ? Si oui quel est le fonctionnement ?
Mon rôle au Racing 92 n’est pas de coordonner, mais d’être manager U18, je m’occupe donc des joueurs de ma catégorie avec mon staff. Le club est très bien structuré, il y a aux côtés du président, un directeur haut niveau jeunes, en charge de toute la gestion de l’association, des équipes jeunes et du centre de formation. Il décide et impulse les grandes orientations sportives, l’organigramme, la gestion des contrats, nommer les encadrements et surtout la relation avec l’équipe première. Ensuite, nous avons un responsable sportif et des intervenants dédiés au centre de formation qui regroupe les joueurs de 17 à 21 ans.
Nous avons aussi un directeur sportif de l’association qui est en charge plus particulièrement de la formation des entraîneurs et de la transmission du projet de jeu de l’équipe première afin d’étudier ce qu’il est possible et intéressant de reprendre dans chaque catégorie. De ce point de vue, nous avons un peu carte blanche du manager de l’équipe première, Laurent Travers, pour proposer un jeu ouvert et respectueux des impératifs de formation Il souhaite avoir des joueurs avec une palette la plus large possible et une réelle polyvalence, pour les utiliser dans différents systèmes. Parfois, le jeu de l’équipe première est un peu plus pragmatique, l’exigence de résultats est plus forte que dans les équipes jeunes au service de la formation du joueur.
Très concrètement existe-t-il un « cahier des charges » de l’entrainement tel qu’il devrait être mené au Racing 92 ?
Il n’y a pas un fascicule, nous n’avons pas encore poussé le travail jusque-là, bien que j’apprécierais de le faire, car on ne peut pas parler de projet de jeu sans le lier à la méthodologie d’entrainement.
Vous avez évoqué la spécificité du rugby à faire évoluer les règles du jeu. Au football, il y a un débat en ce moment sur cette thématique et notamment sur la touche, où il est peut-être envisagé de la simplifier. Cela peut paraitre surprenant de vouloir modifier le seul moment où l’on peut jouer à la main, dans un sport qui se joue avec les pieds et où les modalités de remise en jeu, sont bien moins complexe qu’au rugby par exemple, où le « protocole » garantit une certaine équité contrairement au football.
La touche, a énormément, énormément évolué en rugby parce qu’au départ, comme au football c’est une phase de remise en jeu. Cependant au rugby, les phases de remise en jeu doivent permettre une certaine équité, le ballon doit être lancé entre les deux alignements. Auparavant la touche, c’était un grand bazar, un beau bazar. On lançait le ballon au milieu, sans savoir qui allait le récupérer, donc petit à petit, la touche a été structurée pour qu’elle soit plus visuelle, moins aléatoire et qu’elle permette d’avoir un bon ballon d’attaque et plus de spectacle.
C’est pourquoi, les ascenseurs ont été mis en place, c’est-à-dire des joueurs qui portent d’autres joueurs et qui montent très haut pour capter la balle plus proprement qu’auparavant. Il y a quand même un avantage à celui qui lance parce qu’il y a des organisations de touches et des annonces qui permettent de monter plus vite et plus haut que l’adversaire là où il n’est pas, et ça va permettre ensuite un bon lancement de jeu. On voit ici, comment les règles changent que ce soit sur la touche, sur les mêlées où les commandements, les distances ont évolué pour essayer d’aménager encore des espaces dans le rugby et que les lancements de jeu soient relativement lisibles pour le grand public. Je crois savoir que dans le football, il y a le débat avec Arsène Wenger, qui aurait proposé de jouer éventuellement les touches au pied dans certaines parties du terrain pour sortir de la pression adverse.
Pour réfléchir à l’évolution du jeu, il faut d’abord avoir conscience des lignes de force qui perdurent, il faut revenir à « l’esprit du jeu » :
Cet état d’esprit se structure autour de 4 règles essentielles, le noyau central du règlement « NCR » (Deleplace,1979), le centre de gravité de l’activité : la marque, les droits du joueur, le tenu et le hors-jeu. Le législateur en rugby fait donc constamment évoluer les règles pour rendre le jeu plus lisible, plus attrayant, tout en limitant les blessures, les risques encourus par les joueurs.
La préparation athlétique du rugbyman semble elle aussi, à l’image du règlement être très régulièrement en mutation ou en évolution ?
Elle a beaucoup évolué ces derniers temps, notamment avec l’arrivée de nouvelles technologies et l’utilisation entre autres des GPS. Toutes les dominantes de la performance ont adopté des méthodes différentes d’entraînement, et notamment la préparation physique. Au départ, la préparation physique, était faite beaucoup de manière dissociée. Aujourd’hui, de manière très progressive, nous nous sommes rendu compte, que la préparation physique, la préparation mentale ou les aspects stratégiques devaient être intégrés au maximum au jeu. L’outil GPS nous permet de quantifier de nombreuses données en match et aux entrainements (les distances de course, les accélérations, les décélérations, les filières énergétiques) et ainsi de travailler cette composante de façon de plus en plus intégrée même si dans le rugby, nous consacrons évidemment aussi un temps conséquent en salle de musculation.
Vous précisez « les aspects » courus, faut-il en déduire qu’il existe d’autres formes de travail, sur la prévention ou l’optimisation du joueur de rugby qui est loin d’être négligeable ?
Dans le parcours de formation des jeunes, nous consacrons beaucoup de temps à l’optimisation physique du joueur en essayant d’intégrer le développement des qualités énergétiques, de vitesse, de musculation aux séquences de jeu, même si le travail dissocié est aussi nécessaire dans certains domaines. Nous sommes aussi très vigilants sur la prophylaxie, pour diminuer les risques de blessure et sur « l’entraînement caché » : le sommeil, l’alimentation l’hydratation, la récupération et, même l’équilibre de la vie en général.
La fédération insiste pour que les académies restent implantées dans des lycées afin que les jeunes rugbymen soient en classe et vivent une scolarité classique avec les jeunes filles et garçons de leur âge. Garder les pieds sur terre, être au contact des copains et copines, être curieux, cultivé en dehors du rugby, c’est très important dans notre projet pour former des meilleurs hommes, qui seront, grâce à cet équilibre, de meilleurs joueurs
La Fédération française de rugby encourage les joueurs, les jeunes de haut niveau, les futurs professionnels du rugby à mener un double ou un triple projet ?
Oui, un triple ou quadruple projet, on s’intéresse au joueur dans son ensemble sur le scolaire, le sportif, l’éducatif et le social et essayons d’être attentifs à son équilibre dans sa vie avec sa famille, ses amis, son club, en sélection.Un exemple, nous débutons nos entretiens par des questions simples mais générales sur son environnement, son état d’esprit, ses émotions et motivations avant de cibler les aspects sportifs. Les entretiens individuels sont fréquents, souvent informels mais très importants.
Deux par saison sont plus protocolaires et permettent de faire le point en présence de son entraîneur de club, du manager de l’académie pole espoir et du représentant du sélectionneur de l’équipe de France Jeunes. Les premières questions sont donc déterminantes pour le climat de l’entretien « Comment ça se passe dans ta vie, comment va ta famille ?
Cette approche globale, holistique de l’homme, apparait dans « l’esprit bleu » et nous nous devons de faire vraiment attention à cet aspect, être attentif à nos hommes qui partagent le projet « Bleu » parce qu’un joueur avec lequel nous avons construit une affinité, il est capable d’aller au bout du monde et nous les entraineurs, nous devons être capable d’activer ce levier. Il faut être très attentif aux hommes car la recherche de performance parcellise parfois trop les choses au point de « déshumaniser »la relation entraîneur-joueur. A la fédération de rugby, nous pensons qu’il faut individualiser, optimiser dans tous les domaines mais toujours avoir une vision globale du jeune parce que c’est un homme en devenir avant tout.
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