L’environnement climatique dans la pratique du football

Proposition théorique de © Jean-Francis Gréhaigne, professeur des Universités honoraire en STAPS de l’Université Bourgogne Franche-Comté et Eric Duprat, entraineur de football (DES), professeur agrégé d’EPS, retraité de l’Université d’Évry Val d’Essonne.

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En préambule de cet article, nous tenons à insister sur le fait que ce texte vise à faire réfléchir sur les conditions environnementales de la pratique du football. Plus précisément, nous envisageons dans cette réflexion de repérer les spécificités de la pratique du football en lien avec les conditions climatiques rencontrées dans la pratique, suivant les différents continents.

Les contraintes, hors contexte habituel de ce jeu d’opposition collective concomitante, sont alors différentes tant au niveau de la température, que de l’humidité de l’air ou de l’influence de d’altitude. On pourrait aussi tenir compte des types d’alimentation des joueurs dans ces divers pays pour évaluer l’influence de ces facteurs sur la dépense énergétique nécessaire pour le pratiquer dans les meilleures conditions. Des évolutions récentes dans le cadre du déroulement des rencontres sont apparues suite à une crise médicale comme la « covid » dont les séquelles ont provoqué des ajustements : possibilité d’utiliser un plus grand nombre de joueurs remplaçants pour le haut niveau, « water break » pause au cours de chaque mi-temps pour s’hydrater conseillée en cas de forte chaleur. Dans le football amateur français la possibilité de remplacer un élément et de le faire revenir sur la pelouse est apparu ces dernières années, tout en conservant uniquement trois remplaçants. Les conditions de la pratique légiférées au niveau international par « l’International Board » peuvent se trouver localement aménagées par l’intermédiaire de circulaires spécifiques à chaque fédération, voire ligue, pour ce qui nous concerne.

Des conditions environnementales

Le football de haut niveau requiert la réalisation d’actions de haute intensité tels que sprints, courses avec changement de direction, sauts et frappes. La répétition de ces actions au cours des 90 minutes du match génère une fatigue multifactorielle et liée à la déshydratation, à une fatigue mentale, aux dommages musculaires et à la déplétion des stocks de glycogène musculaire (une forme de stockage de l’énergie dans les muscles). Le joueur de football puise en permanence dans ces réserves d’énergie afin de répéter des actions intenses 90 minutes durant. Une alimentation adaptée à l’issue du match et les jours suivants permet de refaire au plus vite les stocks en prévision du prochain match.

Dans la littérature consacrée à l’environnement climatique, les trois facteurs environnementaux les plus importants sont la température, l’humidité et l’altitude (Tovar, 2014). La plupart des publications ont montré des effets significatifs de ces facteurs sur les performances physiques, alors que les performances techniques ne changeaient souvent pas de manière significative (Illmer & Daumann, 2022).

L’état de la pelouse constitue aussi un facteur déterminant car le mauvais état d’une pelouse augmente les risques de blessure, les difficultés pour organiser et construire le jeu. La diversité des surfaces de jeu influe aussi sur la proprioception, les réalisations de gestes, et les nécessaires adaptations physiologiques conséquentes. Récupération et sommeil constituent également un pan important en vue d’une bonne performance.

En fonction des différentes conditions, les joueurs de football professionnels peuvent ajuster consciemment certains paramètres de performance pour maintenir les caractéristiques clés du match tout au long de la rencontre ou sur des durées plus courtes. Cette stratégie de rythme leur permet de contrôler autant que possible l’influence des facteurs environnementaux. Même si la plupart des facteurs météorologiques ne peuvent pas être influencés par l’homme, la connaissance de ces effets dans le sport permet de mieux évaluer l’influence de l’environnement sur jeu.

Ces connaissances peuvent être utilisées par les managers pour minimiser les risques associés aux conditions météorologiques et utiliser les opportunités potentielles à leur avantage. À l’heure actuelle, il existe déjà des travaux qui traitent principalement des conditions chaudes et froides ainsi que de l’humidité et de l’altitude dans les sports. La chaleur joue un rôle déterminant, il faut lui accorder de l’importance….

Quand un joueur joue au football par temps chaud, la distance totale et l’activité d’intensité élevée diminuent sensiblement. En effet, dans un environnement où la température est élevée, les exercices à intensité maximale sont entravés par les limitations cardiovasculaires qui visent à faciliter les synergies entre l’apport d’oxygène au muscle squelettique actif tout en maintenant une thermorégulation adéquate.

Les études en football montrent que dans des environnements chauds (au-dessus de 30 ° C) les courses à haute intensité et les distances totales parcourues sont moindres et cela peut influencer le résultat de la rencontre et les caractéristiques du jeu. Il est rationnel de supposer qu’une combinaison de facteurs associés à la fatigue d’exercice à intensité maximale et sous-maximale interagit pour réduire les distances parcourues et augmenter les perturbations métaboliques ; ces effets sont évidents sur l’ensemble du jeu, dans les environnements chauds, de manière plus transitoire dans les pays tempérés.

On peut ajouter l’altitude et dans ce cas on parlera d’acclimatation. On peut se préparer à ces environnements de manière plus spécifique en organisant, par exemple, de courts stages de préparation dans un pays chaud en jouant des matchs de préparation en Afrique subsaharienne ou pour l’altitude à Font-Romeu. Il est intéressant de noter que la pratique des exercices dans une salle bien chauffée tout en résidant dans un environnement tempéré peut contribuer à réduire la période requise à s’acclimater à un environnement chaud. Qu’on se le dise…

Chaleur et humidité. De quelle température parle-t-on ? C’est la température Wet Bulb Globe (WBGT), indice empirique de stress thermique de l’environnement, qui a été validé et qui représente peut-être la meilleure mesure à disposition. Cette température ressentie est calculée avec le WetBulb Globe Temperature (WBGT) qui est une mesure du stress thermique en plein soleil, en regard de la température, l’humidité, la vitesse du vent, l’angle du soleil et la couverture nuageuse (rayonnement solaire).

Cela diffère de l’indice de chaleur, qui retient seulement la température et de l’humidité dans des zones ombragées. L’idée est de donner au staff une meilleure idée de la chaleur ressentie, et pas seulement de la température de l’air. Comme elle est plus proche de la perception humaine que l’indice de chaleur, de plus en plus de météorologues ont commencé à l’utiliser pour évaluer les conditions météorologiques.

Quelles sont les connaissances disponibles sur la pratique du football dans des environnements chauds ?

Il est définitivement admis que la capacité d’exercer dans des environnements chauds est nettement réduite par rapport à celle de conditions plus fraîches. Les mécanismes responsables de cette réduction comprennent une variété de changements homéostatiques qui se produisent en parallèle avec l’augmentation de la température centrale du corps.

Les joueurs exposés à un stress thermique doivent tenir compte de leur état d’hydratation et de leur équilibre électrolytique, avant, pendant et après l’exercice. La déshydratation d’environ 1,5 à 2 % de la masse corporelle peut réduire les performances, même pendant l’exercice de courte durée ou après trente minutes de sprints répétés.

Malgré tout, aucune recommandation unique n’est la meilleure pour tous les individus, dans chaque situation. Le développement d’une stratégie individualisée d’hydratation est essentiel pour la protection de la santé et la préservation de la performance.

Du point de vue de l’acclimatation, celle-ci se produit, selon les auteurs, dans les 7 à 10 jours d’exposition à des environnements chauds et secs ou chauds et humides, avec environ 66 à 75% des adaptations physiologiques à la performance dans les 4 à 6 jours. Cependant, le plein rendement est rendu quasi impossible, même chez les natifs des îles tropicales.

Du point de vue de la protection de la santé des acteurs du jeu, la chaleur et l’humidité vont augmenter le risque de déshydratation et de « coup de chaleur ». L’apport de fluides doit être suffisant pour limiter une perte de masse corporelle à moins de 2% de la masse habituelle.

Du point de vue scientifique, les recherches futures devraient enquêter sur l’influence de l’acclimatation sur les performances de football et l’impact de la chaleur sur la prise de décision chez les joueurs et les arbitres. Tout un programme qui entraînera forcément des conséquences sur le jeu et l’entraînement.

Ainsi, la performance est toujours limitée dans des conditions chaudes et humides ou en altitude par rapport à celle atteinte dans un environnement tempéré. Un éventuel décalage horaire lors du déplacement vers des zones chaudes et humides complique la situation.

Quelles conséquences pour la conception, l’organisation du jeu ?

Sur un terrain en mauvais état, (style champ de pomme de terre) la tentation est grande de jouer long car un football à base de passes courtes est difficile à mettre en œuvre en fonction des « soubresauts » du ballon.

Des stratégies pour récupérer rapidement

Lorsque les matches s’enchaînent avec un court délai de récupération, des stratégies adaptées sont requises afin de limiter la fatigue post match, retrouver au plus vite le niveau de performance et réduire le risque de blessure.

Une enquête réalisée auprès des équipes professionnelles montre que le bain froid et l’alternance chaud/froid (88 % des équipes), la récupération active (81 %), les massages (78 %), les étirements (50 %), les bas de compression (22 %) et l’électrostimulation (contraction du muscle via un courant électrique délivré par des électrodes ; 13 %) font partie des stratégies utilisées dans les vestiaires, avec des protocoles très hétérogènes d’une équipe à l’autre.

Un détour par la littérature scientifique permet de constater que le sommeil et les stratégies nutritionnelles sont efficaces. Ainsi, proposer un verre de lait chocolaté et un repas ayant un index glycémique élevé à l’issue du match sont efficaces afin de faciliter le stockage de substrats énergétiques et cicatriser les dommages musculaires.

La réalisation d’un bain froid de 10 minutes dans une eau à 10°C au cours des heures qui suivent la fin d’un match est efficace afin de retrouver au plus vite le niveau de performance et limiter la réponse inflammatoire liée aux dommages musculaires.

Le sommeil, élément indispensable

Aujourd’hui, la gestion du sommeil des joueurs de football de haut niveau revêt un enjeu crucial. Les perturbations du sommeil avant ou à l’issue d’un match sont fréquentes et liées aux conditions environnementales (lumière intense dans le stade, de l’ordre de 2 000 lux), aux comportements des joueurs (consommation de caféine, utilisation importante des écrans) et surtout au stress et à l’excitation générée par la participation à des matches avec un tel enjeu.

Un sommeil de quantité et de qualité insuffisantes ralentit la resynthèse du glycogène musculaire, la cicatrisation des dommages musculaires et la récupération cognitive. Un sommeil perturbé de manière chronique pourrait également être associé à un risque accru de blessures.

Des stratégies simples et pratiques existent, dans le contexte particulier du football de haut niveau, afin de favoriser le sommeil. Contrairement aux idées reçues, il est possible de stocker du sommeil en passant 10 heures au lit au cours des nuits qui précèdent une grande compétition, et en prévision d’un sommeil perturbé par les voyages et le stress de la compétition. Il est également important de respecter ses préférences quant aux horaires de coucher et de lever.

Encore une fois, contrairement aux idées reçues, les heures de sommeil avant minuit ne comptent pas double ; ce sont les premières heures de la nuit de sommeil, avant ou après minuit, qui sont particulièrement importantes, elles sont principalement constituées de sommeil lent profond et elles assurent une récupération physique.

La lumière est un puissant synchroniseur de l’horloge interne. Ainsi, toutes les stratégies de luminothérapie qui renforcent l’alternance naturelle du jour et de la nuit (simulateur d’aube avant le réveil par exemple) et préviennent la rupture du cycle (comme porter des lunettes qui filtrent les longueurs d’onde courtes avant le coucher) se justifient. Des aliments particuliers tels que le jus de cerise ou les graines de courge présentent l’intérêt de favoriser le sommeil. Les thérapies cognitive-comportementales comme la méditation ou l’hypnose sont également prometteuses.

Conclusion

La chaleur a principalement des effets néfastes sur les performances, même si les études scientifiques portent presque uniquement sur des athlètes masculins. Aussi compte tenu de l’hétérogénéité des études, davantage de recherches devraient être menées sur la performance physique dans ces conditions environnementales particulières, en accordant une attention spéciale à la normalisation des résultats et à l’élargissement des approches afin de mieux guider les prises de décision dans les milieux sportifs professionnels.

Même si la plupart des facteurs météorologiques ne peuvent pas être influencés par l’homme, la connaissance de ces effets dans le sport aide à mieux évaluer l’influence de l’environnement sur les compétitions. Ces connaissances peuvent être utilisées par les entraîneurs pour minimiser les risques associés aux conditions météorologiques et utiliser les opportunités potentielles à leur avantage.

À l’heure actuelle, il existe déjà des travaux qui traitent principalement des conditions chaudes et froides ainsi que de l’humidité et de l’altitude dans les sports. Cependant, d’autres éléments météorologiques tels que les précipitations ou le vent n’ont pas encore fait l’objet d’une grande attention et offrent donc un potentiel pour de nouvelles recherches. Les interactions entre les facteurs environnementaux individuels ainsi que l’influence d’autres facteurs externes sur la performance au football ont été sans doute insuffisamment étudiées.

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Références

Gréhaigne, J.-F., & Marle P. (2021). L’observation, l’analyse et l’évaluation du jeu et des joueurs en football. Angers (France) : Auteurs

Illmer, S., & Daumann, F. (2022). The effects of weather factors and altitude on physical and technical performance in professional soccer: A systematic review. Journal of Science and Medicine in Sport Plus, 1, p. 100002.

Mohr, M., Nybo, L., Grantham, J., & Racinais, S. (2012). Physiological responses and physical performance during football in the heat. PLoS One 7(6),1–10.

Mohr, M., Krustrup, P., & Bangsbo, J. (2003).Match performance of high-standard soccer players with special reference to development of fatigue. J Sport Sci. ;21, 439–449.

Taylor L, & Rollo I. (2014).Impact of altitude and heat on football performance. Gatorade Sport Science Institute (GSSI) Sport Science Exchange,131 ;1-9.

Tovar J. (2014). Gasping for air: soccer players’ passing behavior at high-altitude. Journal of Quantitative Analysis in Sports, 10(4), 411–20.

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