Proposition théorique de © Jean-Francis Gréhaigne, professeur des Universités honoraire en STAPS de l’Université Bourgogne Franche-Comté et Eric Duprat, entraineur de football (DES), professeur d’EPS agrégé.
Chaque dimanche vous recevrez des idées sur l’analyse du jeu, l’entrainement ou encore l’apprentissage.
« Les organisations vivantes sont fluides et mouvantes. Tout essai de les figer au laboratoire ou dans notre représentation les fait tomber dans l’une ou l’autre de deux formes de mort : la rigidité du minéral ou la décomposition de la fumée ».
— Atlan (Entre le cristal et la fumée – 1979)
“Il n’y a que deux espèces de plans de campagne, les bons et les mauvais. Les bons échouent presque toujours par des circonstances imprévues qui font souvent réussir les mauvais.”
— Napoléon (Correspondance)
En sciences sociales, une organisation est un groupe social formé d’individus en action réciproque ayant un but collectif, mais dont les préférences, les informations, les intérêts et les connaissances peuvent diverger. Dans le cadre des sports collectifs, une organisation du jeu repose sur un ensemble de joueurs, regroupés au sein d’une structure régulée, ayant un système de communication pour faciliter la circulation de l’information dans le but d’atteindre des objectifs déterminés.
Ainsi, l’organisation de quelque chose désigne l’action d’organiser (structurer, délimiter, agencer, répartir ou articuler). En ce sens, il s’agit bien d’un processus social. L’organisation est un moyen de structurer ce que les hommes se sont donné, spontanément ou volontairement, individuellement ou collectivement, pour réguler des éléments de leurs activités. L’organisation s’inscrit dans une réalité qui la dépasse et qui dépasse ses buts et objectifs (adapté de CNRTL, 2023). L’organisation du jeu c’est donc répartir et coordonner les activités productives au sein de l’équipe afin d’assurer l’efficacité́. Cette efficacité est censée, en regard des objectifs fixés, se traduire par la performance. Dans la dynamique du jeu, la résilience est la capacité de l’organisation à continuer de fonctionner à faire face au mieux à des situations d’incertitude voire poursuivre ses opérations pendant et après un incident majeur.
En football, une équipe est donc une organisation fondée par un ensemble d’individus, regroupés au sein d’une structure régulée, ayant un système de communication pour faciliter la circulation de l’information, dans le but de répondre à des besoins et des tâches pour atteindre des objectifs déterminés.
À cela s’ajoutent les aspects paradoxaux de l’organisation qui apparaissent en effet comme un ensemble structuré, sinon figé, contraignant pour les individus qui y participent et en même temps comme une construction collective dynamique qui autorise l’accomplissement de progrès personnels voire de projets communs. Elle peut être considérée tantôt comme lieu d’épanouissement, tantôt comme une source de frustration, comme un espace de coopération mais aussi de tensions et de conflits. C’est aussi la façon dont un ensemble est constitué en vue de son fonctionnement, de sa mise en œuvre d’où l’idée de structure et de mode d’action caractéristiques, si cet exercice est habituel.
L’avantage ou inconvénient du football et des sports collectifs en général est que le fruit de la cohésion ou de la désunion ne sont pas toujours décelables immédiatement. En effet, la piètre production peut être effacée ou bien perdre de son importance dès lors que le résultat est favorable et que la victoire est là. Finalement, on peut très bien accepter d’avoir mal joué, lorsqu’on est capable d’évaluer objectivement une prestation, tant que la victoire est au bout. Que ce soit pour les joueurs, les dirigeants, les spectateurs, la prestation réelle importe peu tant que le score est favorable.
Mais le vrai connaisseur de l’activité ne passe pas à côté des lacunes ou des erreurs constatées lors d’un match et conserve une certaine lucidité à l’annonce du bilan. Pour illustrer la nécessité de bien analyser la complexité d’une bonne organisation, nous allons faire référence à la musique qui représente, semble-t-il, une activité collective proche. Si vous prenez un orchestre composé de onze musiciens spécialistes d’instruments différents et que vous les regroupez pour qu’ils collaborent. Quel que soit leur talent individuel, s’ils doivent jouer ensemble sans un minimum de direction et de directives, le fruit de leur prestation risque d’aboutir à une cacophonie indescriptible. La partition ou l’organisation des enchaînements, des mélodies ou morceaux choisis sont indispensables pour permettre une qualité auditive en rapport avec les objectifs visés. Il est donc nécessaire de passer par un accord préalable sur la partition à suivre. En football, si chacun des joueurs fait sa prestation individuelle lorsqu’il négocie le ballon et que celle-ci ne s’inscrit pas dans un minimum d’organisation préalable et d’ajustements en lien avec le projet de jeu, le référentiel commun et la cohésion de l’équipe, il semble peu probable que la qualité soit au rendez-vous.
Ajoutons que les musiciens ne subissent pas les affres de la confrontation, en dehors des évaluations indirectes du public ou des experts. Imaginons naïvement un pianiste qui exécute ses gammes (terme repris au football de manière plutôt inappropriée) avec un énergumène muni d’un marteau qui essaie de lui taper sur les doigts. La tâche s’en trouve nettement complexifiée et les aspects émotionnels risquent de prendre le dessus. En sports collectifs, les rapports à l’opposition dans une lutte également, mais pas exclusivement, physique vont grandement influer sur les capacités motrices des individus perturbés par l’opposition et les contraintes engendrées.
Dans l’organisation du jeu, en tant que joueur je participe au fonctionnement de l’équipe tout en dépendant de ce fonctionnement pour ma prestation. Cette idée de réciprocité médiée (Sartre, 1966) est importante car elle souligne les limites d’un groupe en tant que collectif qui intègre et que cette intégration contribue à la construction de l’équipe.
La réalité de cette organisation est constituée précisément par l’activité commune. Ce qui revient à dire que toute réciprocité entre un joueur et le groupe aussi bien qu’entre un joueur et un autre joueur est « médiée » par un troisième joueur. Cette notion de réciprocité médiée est au cœur de l’interprétation de la dynamique de l’organisation et par conséquent de celle de l’équipe sportive en particulier.
Un collectif de joueurs juxtaposés qui correspond à un moment « d’inertie » et d’individualisme, cède la place à une structure de réciprocité médiée et active. Émerge alors une organisation, qui se décentre radicalement des aspects individuels et promeut la nécessité d’intégrer l’action de chacun avec celle de tous. Cependant, cette réciprocité médiée est fragile. Tendue vers sa propre perpétuation, elle peut rebasculer vers l’inertie soit régresser voire ainsi aller vers des conflits durs qui peuvent mener à l’autodestruction du groupe. Il convient d’envisager l’équipe dans son processus de construction, d’organisation mais aussi dans ses conflits, ses tensions, ses réseaux, pour évier sa tendance à redevenir un rassemblement d’individus.
L’organisation est une totalité en perpétuelle construction avec des réseaux variés et complexes de communications et de pouvoirs. Dans ce cadre, chacun de mes partenaires constitue alors, un « autre moi-même » qui, comme moi, aliène sa liberté pour contribuer à l’organisation. Chaque partenaire reconnaît sa solidarité « égalitaire » et « responsable » pour tous les autres considérant les autres comme continuateurs de sa propre action. Une « certaine complicité » doit s’instaurer pour que chaque action individuelle se prolonge afin de parvenir à l’achèvement de l’enchaînement par un but, récompense suprême vue la rareté de l’événement en football.
Cela implique de s’engager sur la durée, d’être assidu et d’assurer sa fonction. Tel est le processus qui préside à la constitution de toute équipe et d’une équipe sportive en particulier. Mais, dans la mesure où la fonction crée des restrictions par rapport à sa liberté de joueur, cette fonction lui procure dans le même instant un pouvoir. Le pouvoir donné à ce joueur d’exiger qu’on lui facilite l’exercice de sa fonction et, pour cela qu’on l’entraîne. C’est en tant qu’individu, ayant consenti à se soumettre à l’action collective que ses droits lui appartiennent. À ce niveau, il n’y a aucune différence entre droit et devoir : c’est cette structure, réciprocité des droits et des devoirs qui définit l’existence d’une équipe sportive (Gréhaigne, 2011).
Gréhaigne (1989) définit dans sa thèse la notion d’organisation du jeu d’une équipe comme étant le résultat de l’interdépendance et de l’interaction de plusieurs facteurs :
– L’ordre général, c’est-à-dire la forme d’ordre extérieur qui est le résultat des choix stratégiques généraux de l’équipe (composition de l’équipe).
– La formation est un outil que l’on utilise pour identifier les zones du terrain que les joueurs devraient occuper ainsi que leurs rôles et responsabilités dans chacune de ces positions en fonction des principes de jeu adoptés (systèmes de jeu).
– Les positions à occuper en fonction des consignes particulières reçues par chaque joueur à l’entraînement (place assignée).
– Les positions produites par l’influence de l’adversaire (place effective).
– Les possibilités d’adaptation de l’équipe et des joueurs aux conditions de l’affrontement (flexibilité et trame de jeu).
Différents niveaux de régulation de l’organisation du jeu, peuvent être aussi caractérisées et hiérarchisées en analysant les propriétés fonctionnelles des différents types de systèmes (Walliser, 1977).
* Enchaînement d’opérations : niveau d’exécution.
L’exécution sature la tâche à accomplir et on assiste à des conduites séquentielles caractérisées par une juxtaposition des actions qui ne permet pas aux joueurs d’agir efficacement sur le jeu.
*Stabilité : niveau stratégique.
Les décisions stratégiques prises avant le match permettent de faire face aux problèmes posés par les adversaires.
* Adaptation : niveau tactique.
Non seulement les décisions stratégiques prises avant le match permettent aux joueurs de faire face aux problèmes posés par les adversaires mais une adaptation continue à leur jeu et aux phénomènes émergents (Walliser , 2006) permet de les surclasser.
* Évaluation / apprentissage : niveau de développement.
C’est la capacité au cours de différents matchs d’utiliser volontairement plusieurs plans de jeu en fonction des réactions de l’adversaire, ces plans de jeu se perfectionnant progressivement grâce à l’expérience acquise. Les alternatives décisionnelles s’inscrivent dans la mémoire du joueur et lui permettent de construire un patrimoine tactique qu’il pourra solliciter en fonction des problèmes rencontrés.
Dans un match de football, la mise à disposition d’un projectile unique organise une véritable contradiction dans la mesure où si une équipe est en possession du ballon, l’autre en est privé. Dans ce contexte, la notion de réversibilité du jeu souligne l’immédiateté du passage du statut d’attaquant à celui de défenseur. Cette précarité des situations représente un aspect fondamental des sports collectifs d’invasion en rapport avec le fait que les équipes attaquent ou défendent à tour de rôle et ce fait est à considérer dans un rapport dialectique continuité et rupture. Dans ce contexte, l’enjeu fondamental des sports collectifs peut être ainsi énoncé́ : dans un rapport d’opposition, il s’agit de coordonner les actions collectives et individuelles afin de récupérer, conserver, faire progresser le ballon pour atteindre la zone de marque et de marquer.
Dans ce cas, l’offensive est en premier lieu une organisation collective et le choix affirmé d’une manière de pénétrer dans le système défensif adverse en fonction de la configuration momentanée de celui-ci. Cela fait référence à la matrice offensive déterminée préalablement. En football, celle-ci fonctionne à partir de différentes alternatives : conduire la balle, s’échanger la balle ou poursuivre un ballon libre. La défensive est l’organisation collective de la défense sous-tendue par la matrice défensive qui est la manière de s’organiser la plus simple et la plus générale en vue d’enrayer le mouvement offensif tenté par l’adversaire momentanément en possession de la balle (Gréhaigne, 1989) tout en tentant de récupérer le ballon dans les conditions les plus favorables possibles pour lancer un mouvement d’attaque. Les joueurs sont donc tour à tour attaquants et défenseurs en fonction de la possession ou non de la balle.
Comment le joueur contribue-t-il à l’organisation de l’équipe ? Le joueur en tire-t-il toujours bénéfice ?
Parfois, le heurt des représentations, des stratégies collectives, orientées par des intérêts différents et mues par une rationalité́ différente provoque des troubles. Cela peut être : solidarité́ vs compétition, ou bienveillance vs discipline, ou encore, confiance vs suspicion. Plus largement : autonomie vs contrôle.
En ce sens, l’organisation d’une équipe représente un ensemble complexe de liens et de règles, qui ont évolué avec le temps. Cet ensemble peut également être complété par une collection de routines qui, lorsqu’elles sont stabilisées, assurent le bon fonctionnement de l’organisation en « tâche de fond ». Elles sont le résultat d’un apprentissage au cours duquel des modes spécifiques d’agencement de ressources ont été sélectionnés progressivement, comme autant de réponses à des défis successifs et ensuite automatisés (Gréhaigne, 1997).
Cependant, on peut aussi penser qu’une des raisons du délaissement de la notion « d’organisation du jeu » est épistémologique : face au système de jeu, elle est plus difficile à cerner ; elle apparaît, tant aux yeux des analystes que des joueurs, comme une notion « floue », accueillant dans sa généralité des items pourtant précis. Cependant, elle apparaît comme une construction abstraite.
Nous aurons l’occasion d’y revenir, car certains journalistes ou commentateurs utilisent le terme d’animation pour nommer la manière dont les joueurs agissant en match, se placent et se déplacent les uns par rapport aux autres, afin de mettre en mouvement le système de jeu choisit ou imposé.
Il semble donc nécessaire d’user sans vergogne cette notion « d’organisation du jeu » et de la promouvoir face à l’animation du jeu comme un objet légitime de négociation et d’apprentissage dans l’équipe en tant que telle. Pourquoi ? Parce qu’elle recouvre une réalité sociale qu’on ne peut dissoudre, a fortiori en nos temps modernes de mutations du jeu. En effet, « l’organisation du jeu » est un espace socio-technique où se croisent :
L’« organisation » de ce triple jeu de mise en qualité est surtout un principe avant d’être un thème (de négociation) ou un champ (d’activité) ; elle est ce dont tout le reste dépend, sa cause active ; elle constitue le réel productif, elle en est l’architecture.
Néanmoins, pour des joueurs, une même adaptation à un affrontement donné dépendra de la combinatoire de différents facteurs donc de niveaux d’organisation où la hiérarchie entre les habitudes perceptives, les compétences motrices, les règles de l’organisation du jeu et les règles d’action sera fort différente pour un résultat apparemment semblable. Pour pouvoir jouer ensemble, un sens partagé, une enveloppe commune dirait Deleplace (1979) est à construire par les partenaires pour pouvoir lire le jeu de façon collective.
Tout d’abord, en ne fragmentant plus leur approche, les partenaires pourraient agir de façon plus systémique, en travaillant sur les interactions et rétroactions entre les différents items alimentant le processus de co-construction des règles organisationnelles, pour être reconnus afin que tous en usent.
Ainsi, le comportement intelligent d’une équipe sera le résultat de l’activité cognitive et motrice des joueurs. Celle-ci vise à la résolution des problèmes posés par la mise en relation des perturbations issues du fonctionnement des différents sous-systèmes et des choix effectués pour compenser et/ou accentuer ces déséquilibres. Dans cette perspective, l’erreur tactique n’est pas seulement le résultat d’une perturbation non compensée mais la conséquence de conduites probabilistes qui n’ont pas fonctionné dans cette réalité toujours mouvante que constitue le jeu. Ces aspects nous semblent bien souligner les limites d’une description analytique.
Avec la mise en place du débat stratégique, la construction de l’organisation du jeu devient, plus que jamais, un travail collectif. Cela suppose de choisir et de mettre en place un référentiel commun partagé par tous. D’où des choix de jeu à effectuer en relation avec une adhésion aux principes retenus.
Les équipes et les clubs de football s’inscrivent historiquement dans un modèle organisationnel rigide, très structuré, pyramidal, voire bureaucratique, où la hiérarchie tient un rôle central. Or l’environnement du jeu d’aujourd’hui requiert une adaptation permanente face à des fluctuations et événements difficilement prévisibles. Aujourd’hui, une équipe peut difficilement fonctionner à partir de ces modèles en regard des oppositions qui nécessitent innovation, agilité, réactivité.
Une équipe « libérée » met en avant la collaboration et le partage pour plus d’efficacité et d’agilité.
Ce concept repose sur la suppression de la pyramide hiérarchique en transmettant, en partie, le pouvoir de décision aux joueurs.
Dans ce contexte, une « équipe agile » possède une organisation qui sait s’adapter aux changements de son environnement et qui est capable de réagir rapidement. En outre, ce type d’organisation possède la capacité d’apprendre de ses erreurs afin qu’elles ne se reproduisent pas.
La pratique de l’intelligence collective. Il s’agit d’un processus de résolution collective des problèmes fondé sur les connaissances et les compétences des membres de l’équipe (débat).
La recherche de l’amélioration continue. L’objectif est de travailler quotidiennement à l’amélioration des processus en particulier de la circulation de l‘information. Cela nécessite un apprentissage et un développement permanents.
Un fonctionnement en mode projet pour gagner en agilité, car l’organisation flexible doit sans cesse se réinventer. Pour s’adapter aux changements de son environnement, l’équipe doit se doter d’un mode de fonctionnement suffisamment flexible pour être capable de saisir les opportunités lorsqu’elles se présentent et revoir son organisation lorsque les difficultés apparaissent.
Construire un référentiel commun, une organisation du jeu, ce n’est pas seulement un ensemble réglé ; c’est aussi un agencement négocié. Ces choix et ces règles d’organisation font l’objet d’un incessant travail d’ajustement – que ce dernier prenne la forme d’une création, d’une contestation ou d’une modification de ces choix et règles.
Répondre à l’affirmation liminaire présume de bien comprendre la signification et la portée de l’expression « négocier l’organisation du jeu ». Cela suppose deux clarifications : tout d’abord qu’est-ce que négocier et de quoi parle-t-on quand on utilise le mot organisation du jeu ? Commençons par la première.
La clarification est d’abord langagière ; elle n’est pas la moins importante. Car user, voire abuser, de l’expression « dialogue », en lieu et place de l’expression « négociation collective », introduit une confusion sémantique ; cela brouille ce qu’il convient de distinguer. Si toute négociation, par définition, suppose un dialogue – une communication verbale, donc –, tout dialogue n’est pas une négociation. Réduire celle-ci à l’une de ses composantes – le fait que des individus mettent en mots leurs querelles et en scène leurs paroles – laisse échapper l’originalité d’un processus de négociation : c’est un mode décisionnel où des parties en conflit, dans un effort volontaire et intéressé, tentent de parvenir à un accord, pour que les actions en cours se poursuivent, dès lors qu’une activité commune est garantie. Cet accord devient un arrêt de décision ; celle-ci porte sur des règles ; et ces règles négociées sont autant de principes (Zerhouni, 1980) qui orientent cette action commune que de contraintes qui la canalisent.
Ici, l’action est considérée comme une intervention dans le but de modifier un état de choses ; cette intervention consiste, soit à initier une transformation, soit à arrêter une transformation en cours, soit à empêcher une transformation qui risquerait de se produire si on n’intervenait pas (Montmollin, 1995).
On introduit alors diverses notions – conflit, décision, règles, accord, effort intéressé, action commune, etc. – qui, cela est manifeste, dépassent le simple jeu du dialogue, entre plusieurs individus. Dialoguer, c’est échanger des informations ; négocier et contracter, c’est échanger des allégations, puis des préférences, enfin des promesses et des engagements. Ainsi, nous allons présenter avec divers arguments en relation avec les principaux obstacles que l’on peut rencontrer.
Ces principes visent à encourager une bonne pratique de l’activité physique chez les joueurs, en créant un environnement favorable, inclusif et stimulant, et en favorisant l’autonomie et la responsabilité personnelle de chacun. Néanmoins, la construction d’un groupe soudé implique un investissement de tous les acteurs et s’avère très compliquée à mettre en place au regard de la complexité de l’amalgame constitué.
L’organisation du jeu établit, bien sûr, une des conditions nécessaires à l’adaptation tactique des joueurs qui peuvent ainsi créer le jeu dans le temps de leur propre histoire, de leur (inter) subjectivité, à l’occasion d’une rencontre qui est par son irréversibilité toujours singulière et unique. Paul Frantz professeur d’éducation physique et sportive au CREPS et entraîneur du Racing de Strasbourg de l’époque avait coutume de dire « dans une équipe de football : en défense, on organise alors qu’en attaque, on improvise ». Cette idée reste encore inscrite dans le processus de pensée d’une majorité d’entraîneurs et s’applique souvent à l’organisation d’une équipe. Elle nous semble aujourd’hui obsolète quand on constate la difficulté des équipes qui improvisent à marquer des buts. Pourtant, dans une équipe, de la réunion d’individualités à un groupe organisé, l’histoire et le chemin sont longs pour bien utiliser l’improvisation. Celle-ci est grandement basée, principalement sur une bonne culture tactique commune et un fond de jeu cohérent. . L’élaboration d’un « référentiel commun » (Deleplace, 1979) implique non seulement la mise en place d’une « matrice défensive » permettant de protéger son propre but et de récupérer le ballon dans des conditions favorables à la relance. Mais elle nécessite aussi d’établir une « matrice offensive » facilitant la construction de mouvements d’attaque déséquilibrant et perforant pour parvenir à la marque.
En football, la référence à l’organisation du jeu est un concept qui a été un peu délaissé au profit d’une curiosité théorique : l’animation du jeu. Pourtant, dans les jeux sportifs collectifs, les joueurs sont fréquemment confrontés à des situations connues mais aussi à des situations aléatoires et inattendues. L’animation dans son acception habituelle consiste à donner à quelque chose la vie ou l’apparence de la vie comme animer une marionnette voire donner du mouvement, de l’activité à un lieu, à une entreprise. Cela laisse entendre qu’une équipe de sport collectif serait un système inerte à qui l’on insuffle la vie comme pour les personnages du théâtre de Guignol. L’idée d’animation laisse encore supposer que des ressources sont disponibles, en attente d’être utiles. Il s’agirait donc, tout simplement, de les combiner et de les mettre en rapport avec une situation de jeu pour que cela fonctionne. Dans ce cas de figure, les connaissances resteraient, en grande partie, invariantes avec comme application pratique une simple « mise en situation ». Cependant, le jeu n’est pas une chose amorphe que l’on devrait animer, le jeu est création permanente du fait des rapports d’opposition qui apportent sans cesse fluctuation et évolution. Une de ses particularités réside dans sa capacité d’auto-organisation. La dimension collective des situations courantes des activités professionnelles, comme animer un groupe de vendeurs, se complexifie grandement lorsqu’il faut prendre en compte les rapports d’opposition et il devient nécessaire de disposer de connaissances, de compétences et de représentations grâce auxquelles des informations peuvent être partagées relativement aux actions à entreprendre. Collaborer dans un collectif pour parvenir à marquer un but est une chose complexe. Alors, intégrer dans cette collaboration les effets des rapports d’opposition face à un autre collectif lui-même organisé rend la mission d’autant plus périlleuse. Les réactions des adversaires sont le fruit d’une organisation contradictoire mais aussi peu prévisible car elle s’actualise en fonction du rapport de forces.
L’organisation du jeu est faite d’ordre et désordre, elle est dynamique, souple, en un mot, elle a une certaine « plasticité ». C’est un processus jamais achevé, toujours ajusté, modifié, de (re)mise en ordre d’un désordre incontournable, constitutif du jeu.
En effet, la dynamique du jeu est le résultat de l’affrontement avec ses aspects d’organisation et d’auto-organisation (Gréhaigne, Duprat, & Marle, 2009) en relation avec l’inattendu, le prévu, le hasard et les bons coups à jouer qui ne relèvent pas d’une structure préétablie qu’il suffirait de bien animer pour réussir. Donc, ni animation car les joueurs ne sont pas des pantins, ni pur système dynamique puisque les joueurs ne sont pas des particules. L’organisation du jeu dans sa dynamique constitue la base d’évolution des joueurs car une équipe structurée ne peut pas jouer sans cette organisation collective. Chaque joueur y apporte sa contribution et effectue les tâches dont il est chargé en fonction de celles des autres et du référentiel commun (Deleplace, 1966). Le sens tactique permet à l’ensemble de s’adapter pour résoudre les situations de jeu dans l’intérêt de l’équipe. Les éléments varient et l’élévation du niveau gestuel, physique et tactique des joueurs entraîne la modification des dispositifs.
Dans la défensive, l’aspect statique est constitué par la distribution des joueurs entre les rideaux défensifs. L’aspect dynamique est plus compliqué car il relève d’états dynamiques qu’il faut apprendre à décoder. L’équipe peut choisir de défendre au front du ballon en privilégiant sa récupération ou bien de s’adosser à son but en privilégiant sa défense. La réactivité de chacun est essentielle pour éviter de prendre du retard.
En football, l’étude du jeu actuel montre un rideau défensif (R1) au front du ballon protégé par un dispositif étagé sur le terrain, soit en fonction du plan de jeu choisi, soit en conséquence d’un rapport de forces subi. La couverture défensive axiale et la réalimentation des rideaux constituent également des éléments importants de ce dispositif.
Comme définie plus avant, l’offensive est d’abord une organisation, le choix affirmé d’une manière de pénétrer dans le système défensif adverse en fonction de la configuration momentanée de celui-ci. Selon les configurations défensives, le premier choix repose souvent sur l’alternative « pénétrer ou contourner » le système défensif. Une troisième réponse consiste à attirer les adversaires sur un côté du terrain pour déplacer rapidement l’offensive grâce à un jeu transversal orienté à l’opposé vers un partenaire en mouvement qui peut profiter d’un espace plus vaste pour gérer son rapport d’opposition direct. Reprendre la possession du ballon constitue le pôle offensif de la défense. La mise en œuvre de ce choix tactique suppose du dynamisme, de l’agressivité et de la résolution. Si la tactique défensive réussit, l’attaque perd la balle. Souvent, on privilégie la récupération haute (autant que possible dans le demi-terrain adverse) ce qui permet d’enchaîner rapidement en peu d’échanges vers une action de marque en portant rapidement le danger près de la cible adverse. Cela implique une bonne organisation du placement des joueurs pour jouer vite, avec les risques inhérents à une mauvaise exécution. Une circulation de la balle à l’arrière de l’espace de jeu effectif de l’attaque représente toujours un signal fort pour la défense car il permet d’envisager une récupération de la balle dans de bonnes conditions pour contre-attaquer immédiatement. Ce gain du ballon peut être individuel ou collectif mais c’est souvent une vraie prise de risque car le ou les joueurs courent le danger, en cas d’échec, d’être consommés mettant ainsi la défense en retard ou en déséquilibre.
Dans l’offensive, tout joueur momentanément en réserve de l’attaque doit être prêt à s’incorporer à nouveau aux configurations au front du ballon. Néanmoins, il peut rester en couverture afin de constituer le premier rempart du rideau défensif à mettre en place très tôt pour contrer l’éventuelle contre-attaque adverse ou tenter de reprendre la possession du ballon.
À l’interface de la défensive et de l’offensive se trouve la « situation à double effet ». Le gain ou la perte de balle pouvant se produire sans délai, il y a nécessité de prévoir de gérer collectivement cette réversibilité avec le passage du statut de défenseur à celui d’attaquant. À propos de ce changement de statut, Deleplace (1979) parle de « l’organisation correspondante et à double effet des lignes d’appui de l’attaque et des lignes de retranchement de la défense ». Être capable de passer de la phase offensive à la phase défensive (ou vice versa) dans un temps très court et à n’importe quel poste en faisant les choix adéquats est un travail important à mener au niveau des apprentissages et de l’entraînement. Quand on est en défense, il faut déjà prévoir un ou des plans de jeu qui permettent de lancer la contre-attaque dès la récupération du ballon à l’aide de joueurs placés en avant. Si l’on est en attaque, les joueurs placés en soutien, c’est-à-dire en arrière du porteur de balle, doivent aussi considérer dans leurs actions à venir qu’ils constituent également la première ligne défensive en cas de perte de la balle. Ainsi, dans le jeu en mouvement, l’immédiateté est première lors du passage du rôle d’attaquant à celui de défenseur et il y a toujours une part de défense dans l’attaque et une part d’attaque dans la défense. On peut ainsi parler d’une véritable « co-construction » du système attaque / défense, ce système se faisant et se défaisant au gré de l’action.
La réversibilité dans la situation à double effet est un moment clé, en particulier lors de la perte du ballon. Dans cette phase, l’ancienne attaque devenue défense doit se réorganiser pour engager un contre pressing (Duprat & Gréhaigne, 2023) au front du ballon en vue de vite regagner la possession de la balle. En cas d’échec de la récupération rapide, il s’agira soit de mettre en place un recul fuite pour reconstituer très rapidement les rideaux défensifs (R2, R3), soit de s’opposer aux pénétrations de l’adversaire par l’intermédiaire d’un recul-frein qui permet de gagner du temps permettant aux partenaires de se repositionner en protection du but. Pour la défense devenue attaque, on s’appliquera d’abord à une circulation du ballon et des joueurs pour lancer une contre-attaque. Ensuite, en fonction de l’état du système attaque / défense, on visera une rupture momentanée de l’équilibre défensif pour être en position de tir et si possible marquer. Enfin, si l’action vers la cible ne réussit pas, on recherchera un enchaînement vers d’autres configurations tout en préservant la possession du ballon pour attendre une autre opportunité. Dans la continuité du jeu, il faut donc se préparer à enchaîner les temps de jeu en défense et en attaque afin d’utiliser de façon habile toute nouvelle situation. Cette organisation à double effet nécessite à tout moment une vigilance optimale de tous les joueurs pour gérer le temps nécessaire à la mise en place d’une nouvelle organisation. Cette dimension temporelle apparaît dans toute organisation collective, quel que soit le niveau de performance des joueurs.
En conclusion, il faut donc concevoir l’organisation du jeu comme une totalité qui revient à penser l’attaque / défense et la défense / attaque comme un ensemble où à chaque instant tout peut basculer. Bien sûr, cette abstraction et ce sens donnés à l’affrontement insistent sur les précautions défensives à envisager dans le présent mouvement d’attaque et comme germination offensive dans la défense en cours. C’est donc véritablement considérer les phases de jeu comme profondément imbriquées, voire intriquées, dans lesquelles des états d’équilibre et de déséquilibre se succèdent. Une des ambiguïtés avec les jeux sportifs collectifs, c’est que l’on peut très bien être à l’offensive quand l’équipe adverse possède le ballon mais recule sous la pression. L’importance du temps pendant lequel on est en possession du ballon ne signifie rien si on n’avance pas. Un jeu uniquement centré sur la possession du ballon présente rapidement ses limites dans les possibilités offertes pour atteindre la marque. Le temps donné à l’équipe adverse pour se replacer en vue de reconstituer les rideaux défensifs lui permet de construire un réseau densifié de joueurs dans la zone de circulation du ballon. Il devient alors très complexe de faire circuler celui-ci dans des espaces restreints avec des adversaires dont les capacités d‘intervenir de façon soutenue se sont améliorées avec les progrès de la préparation physique.
L’organisation du jeu ne s’articule convenablement que logiquement agencée. S’attacher à comprendre ce qu’il y a de mouvant, de fluctuant, de réversible dans la stratégie adverse, dans la sienne, déchiffrer les potentialités ajoute au sens de l’aventure sportive moderne.
Dans ce contexte, nous faisons l’hypothèse qu’une rencontre de football est un système car un ensemble d’éléments se trouvent en interaction dynamique et finalisée. La finalité (organisation en fonction d’un but) est le gain du match. L’étude de l’interaction entre les joueurs, partenaire ou adversaire, constitue l’élément décisif pour la pertinence de toute analyse. Comprendre l’organisation du jeu et sa logique situe bien notre objectif premier. Cette notion d’organisation impose, en particulier, dans l’étude du jeu, la description de niveaux d’organisation avec l’idée sous-jacente de complexité à étudier. Ainsi, en généralisant les différents plans de l’action collective mis en évidence par Deleplace (ibid), nous devrions pouvoir identifier dans une rencontre de football plusieurs systèmes emboîtés constituant autant de niveaux d’organisation en interaction au sens de Simon (1974) :
– le niveau d’organisation « match » : l’affrontement global des deux équipes avec son fonctionnement et le résultat qui en découle. En termes de systémique, nous le définirons comme le « macrosystème » ;
– le niveau d’organisation « équipe »: premier sous-système fondamental du macrosystème « match », avec les dispositifs, les choix de fonctionnement, etc. ;
– le niveau d’organisation « affrontement partiel » : une partie des deux équipes s’oppose dans une zone de terrain donnée. Nous définirons ces types d’affrontements partiels comme des « mésosystèmes » contribuant à la transformation du jeu.
– le niveau d’organisation correspondant à « des 1 contre 1 dans la cellule de l’action de pointe» (Gréhaigne, 2021). Nous définirons ces types d’affrontements partiels particuliers comme des « microsystèmes ».
Arrières et avants sont des postes, des positions structurelles ; défenseurs et attaquants sont des rôles, des fonctions structurelles. S’il est vrai que le jargon du football tend à en faire des synonymes, ces deux binômes ont une pertinence épistémologique que les spécialistes du football ne peuvent ignorer. Cette distinction tient avant tout à leur sens : « arrière » et « avant » sont des noms de relation spatiale, alors que « défenseur » et « attaquant » sont des noms dérivés des verbes « défendre » et « attaquer ». Autrement dit, sémantiquement, l’arrière est celui qui est spatialement à l’arrière de l’équipe ; l’avant est celui qui est spatialement à l’avant de l’équipe ; le défenseur est celui qui défend ; l’attaquant est celui qui attaque. Et de fait, ils ne signifient pas la même chose, puisqu’un arrière ou un avant peut attaquer comme défendre, et un défenseur ou un attaquant peut être postérieur comme antérieur. De plus, le poste est exclusif, un joueur ne peut pas être à la fois arrière et avant, un arrière n’est pas un avant ; alors que le rôle ne l’est pas, un joueur peut à la fois être défenseur et attaquant. I n’y a aucune implication entre le poste et le rôle. Ainsi, un arrière peut ne pas attaquer, et même ne pas défendre ; un avant peut ne pas défendre, et même ne pas attaquer. En conséquence, le joueur n’est plus dans un rôle mais dans une zone ; c’est-à-dire ni attaquant ni défenseur.
Comme chacun sait qu’une équipe est composée d’un gardien de but et de dix joueurs de champ, qui se répartissent les postes en fonction du dispositif stratégique choisi. Les postes sont répartis en trois grandes catégories (défenseurs, milieux de terrain et attaquants), ils sont attachés à des rôles et des aires de jeu sur le terrain. L’expression « milieu de terrain » remplace « demi » dans les années 1970, et se trouve depuis accompagnée d’un qualificatif : récupérateur, relayeur, offensif ; latéral ou axial. La structure formelle d’une équipe est généralement constituée d’un gardien de but, de trois à cinq défenseurs, de deux à cinq milieux de terrain et d’un à quatre attaquants.
Comme l’a montré Morin (1977), l’organisation est faite d’ordre et désordre, elle est dynamique, souple. En un mot, elle a du « jeu ». C’est un processus jamais achevé, toujours ajusté, modifié, de (re)mise en ordre d’un désordre incontournable, constitutif du jeu. Crozier et Friedberg (1977) considèrent que l’organisation, véritable « système d’action concret », est un ensemble humain structuré. Ces deux auteurs défendent l’idée d’une sociologie de l’action organisée. Cette méthode, basée sur l’analyse stratégique, se positionne sur le plan des relations de pouvoir entre les acteurs et des règles implicites qui gouvernent leurs interactions. Chaque organisation est avant tout un système relationnel. L’observation permet de révéler de nombreux problèmes que l’on peut regrouper en deux grandes catégories : les stratégies des personnes et les relations de pouvoir entre elles. L’un des apports fondamentaux de Crozier (2000) a été de rejeter l’idée selon laquelle le pouvoir est détenu uniquement par les décideurs (meneurs du jeu ou entraîneur dans notre cas). Sur cette base, on peut considérer que tout le monde, quelle que soit sa position dans l’équipe, dispose de pouvoir, ne serait-ce qu’en enrayant ou facilitant la collaboration. Chacun ayant un fonctionnement psychologique qui lui est propre, plusieurs options sont possibles dans une même situation, comme la conduite de retrait : moins vous vous engagez, moins vous gagnez, mais également moins vous perdez. Ici, l’analyse d’ensemble d’un système permet de faire des hypothèses successives sur le jeu des acteurs afin d’identifier les dysfonctionnements de l’organisation et les éléments favorables ou défavorables à l’évolution.
Sur le plan formel, l’organisation, permet de définir les tâches à accomplir ainsi que d’établir les liens de coopération et d’information qui unissent les joueurs entre eux, de créer les unités de soutien d’où la nécessité de posséder dans son équipe des cadres qui servent de joueurs relais sur le terrain et apportent une stabilité dans les moments critiques. Par leur exemple, ces joueurs expérimentés donnent confiance aux autres et offrent, paradoxalement, une certaine sérénité à l’entraîneur en disposant d’expertises complémentaires. Dans un match, l’organisation du jeu choisie est confrontée à une pluralité d’acteurs internes et externes, à un environnement changeant et complexe qui l’oblige à évoluer et s’adapter. L’organisation est donc un système ouvert à l’environnement qui va à la fois le modifier mais aussi être modifié par lui.
La fonction organisation consiste à ordonner les ressources de l’équipe et à répartir les tâches, les fonctions et les responsabilités de manière à réaliser au mieux les objectifs visés. Quel que soit le contexte, pour le bon fonctionnement de l’organisation du jeu la lecture des rapports d’opposition est sans doute la qualité la plus importante dans le football. Certains prétendent même qu’il s’agit d’une qualité innée qui ne peut pas être enseignée bien qu’on ne sache pas dans quel chromosome se cache cette qualité. Une bonne lecture du jeu permet aux joueurs et aux entraîneurs de ne pas se perdre dans la dynamique du jeu. Avec une vision claire de celle-ci, les joueurs sont capables de trouver le bon positionnement sur le terrain et de mettre en œuvre la bonne réponse tactique. La capacité de lire le jeu peut compenser le manque d’autres qualités du football telles que la morphologie et l’endurance. Être au bon endroit au bon moment, voire en avance, tout en faisant le bon choix peut battre le désordre.
En définitive, une « organisation du jeu» est donc la somme de décisions sans cesse actualisées, la gestion du temps lui posant plusieurs défis majeurs. Elle reflète, à un moment donné, l’état des rapports de compétences et de pouvoir dans une équipe et l’état des perceptions et des représentations de ce que doit être, pour les joueurs en concurrence, une organisation efficace et « respectueuse des personnes », etc. Il leur faut donc s’accorder sur la visée « quels sont nos objectifs et quelle organisation du jeu mettre en place pour les atteindre ? » ainsi que sur les moyens à mettre en œuvre pour y parvenir et réussir. Avec cette notion de temps au cœur de l’analyse, l’organisation formelle du jeu est certes dépendante des rapports d’opposition mais est aussi caractérisée par un paradoxe fondamental : elle possède un passé, un présent, et peut être un futur. Si l’on examine attentivement la totalité des dimensions du temps, on se rend compte que le passé n’est plus, le futur n’est pas encore et que le présent est à construire.
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Crozier, M. (2000). A quoi sert la sociologie des organisations ? Paris : Seli Arslan.
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