Dynamiques contradictoires des trames de jeu en football

Proposition théorique de © Jean-Francis Gréhaigne, professeur des Universités honoraire en STAPS de l’Université Bourgogne Franche-Comté de & Éric Duprat, entraineur de football et enseignant-chercheur à l’Université d’Évry Val d’Essonne

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Introduction

Une réflexion comme celle menée ici, ne relève pas d’un acharnement théorique mais de la volonté de comprendre ce qui se passe dans une rencontre de football. La conceptualisation dans l’action cherche à montrer comment l’activité des joueurs est tout à la fois organisée, efficace, reproductible et analysable.

Les systèmes de jeu, dans leur acception courante, rendent compte d’un positionnement approximatif sur le terrain, d’une représentation de l’organisation spatiale initiale de l’équipe. Avec la dynamique du jeu, on a besoin d’outils qui rendent compte du mouvement incessant du ballon et des joueurs, des vitesses et des rapports de vitesse instantanée, toutes choses qui sont le contraire de la notion figée de système de jeu. Dans ce contexte, de nombreuses équipes peuvent décider de jouer avec une stratégie de type G-4-3-3, G-4-4-2, G-4-5-1, etc. Généralement présentés sur trois niveaux ou rideaux, on rencontre parfois des systèmes avec quatre rideaux tel le G-4-2-3-1, avant le début d’un match. Si le cours des évènements qui résultent de l’affrontement n’est pas adapté aux choix préalables, les joueurs changent souvent de tactique afin de faire face aux situations inattendues qu’ils rencontrent.

Dans la littérature, les études examinant les comportements tactiques collectifs des joueurs reposent sur les perspectives théoriques fournies par la complexité du système d’affrontement (Gréhaigne, Bouthier, & David 1997, Gréhaigne, & Godbout, 2014 ; McGarry et al., 2002). Les joueurs, en tant qu’éléments d’un système, sont interdépendants, et leurs interactions avec les autres sont dynamiques et non linéaires, en fonction des contraintes internes du système. En football, ces contraintes sont des caractéristiques limitant les degrés de liberté d’un système. Elles comprennent les contraintes environnementales, externes au système analysé avec par exemple la surface de jeu, la taille du terrain (elles sont premières puisqu’issues des lois du jeu). On y observe aussi les contraintes intrinsèques au système analysé avec les joueurs, l’équipe ou groupe de joueurs, ainsi que les contraintes relatives à la tâche à exécuter : principes et règles des actions, instructions et consignes. C’est le mouvement qu’engendre systématiquement cette opposition, entre les deux « cibles » que constituent les deux buts. Même l’arrêt momentané du mouvement lors de certaines phases statiques contient encore, en potentialité, le mouvement. Pour chaque équipe, tout mouvement défensif reste lié au mouvement de contre-attaque qu’il contient en devenir après la récupération du ballon, et tout mouvement offensif reste lié au repli défensif qui suivra en cas de perte de la balle. Ainsi, lorsque le mouvement se déploie dans sa totalité, il est possible de saisir véritablement et rapidement l’intelligence de chacune des phases du mouvement de jeu et leur dynamisme. Pour le joueur, adopter ce mode de fonctionnement de la pensée, suppose qu’il soit attentif aux processus et aux dynamismes en évolution dans le rapport de forces momentané afin que ses initiatives et ses décisions soient couronnées de succès. Cela nécessite une culture tactique approfondie de l’activité pour pouvoir réagir, quelles que soient les contraintes rencontrées.

La dynamique et l’élasticité du jeu

Dans les sports collectifs, les configurations momentanées du jeu peuvent être analysées d’abord comme une suite d’états statiques qui illustrent bien les positions des joueurs et du ballon à un moment donné, mais cela renvoie à une étude figée de la distribution spatiale des attaquants, des défenseurs et de la balle. Elles s’accompagnent parfois de schémas ou figures en extension qui précisent le champ d’intervention des joueurs en présence, en lien avec leur vitesse de déplacement (Gréhaigne, 2009).

Dans le cadre du football, pour bien analyser le mouvement dans le jeu, une description dynamique d’une séquence grâce à la notion de trame de jeu devrait ainsi être effectuée à l’aide de relevés faisant le bilan des différentes formes de trame de jeu offensive opposée à la trame de jeu défensive, qui s’enchaînent (Gréhaigne, & Marle, 2021).

En reprenant et complétant l’exemple publié dans l’article « Configuration du jeu et cellule de l’action de pointe » (Nosotros, 2021) nous décrivons en figure 1, un exemple d’une suite de transformations dans une séquence de jeu : l’action de jeu est en noir, les trames de jeu des équipes sont en bleu et en rouge.

Relance courte du gardien de but bleu (Fig. 2a) G-3-4-3 vs 2-3-5-G puis un jeu au milieu en *ZPVD et *ZPVO G-5-3-2 vs 2-4-4-G. Passe en profondeur G-3-4-2-1 vs 1-4-5-G. Centre en retrait en ZPVO G-3-3-4 vs 2-8-G arrêt du gardien. Relance longue du gardien rouge G-5-2-2-1 vs 2-4-4-G. Récupération de la balle au milieu (ZPVO et ZPVD) suivi d’un jeu en arrière de l’espace de jeu effectif à l’orée de la zone de pré-vérité offensive G-4-3-3 vs 3-3-4-G. Passe longue dans la profondeur G-4-3-2-1 vs 3-2-5-G. Faute, coup franc en tout début de ZVO(Fig. 2b) G-2-5-3 vs 2-8-G. Tir à côté…

Figure 1. Exemple de description du jeu avec l’évolution des trames de jeu. [*(ZPVO) Zone de Pré-Vérité Offensive et *(ZPVD)  Zone de Pré-Vérité Défensive].

En figure 2, deux illustrations sont également proposées, la configuration initiale du jeu en (2a) et celle de la fin de l’action correspondant à la fin de la possession (ou à la perte du ballon) en (2b).

Figure 2. Illustration des trames de jeu entre la relance du gardien et le coup franc : d’un G-3-4-3 vs 2-3-5-G à un G-2-5-3 vs 2-8-G.

Dans notre analyse du jeu, nous considérons qu’une ligne de forces est une ligne où chacun de ses points est confondu avec la direction de la force qui s’exerce. Cela constitue donc une ligne imaginaire dans un champ de forces qui permet de décrire la forme d’une structure momentanée du jeu d’attaque et la direction de la force exercée par cet ensemble. Pour l’attaque en football, les lignes de forces sont les différentes organisations étagées sur le terrain.

* Une ligne (LF1) au front du ballon, plus rapprochée de la cible à atteindre avec peu de joueurs qui assurent la marque en avant de l’EJE.

* Une ligne (LF2) en position médiane, plus étoffée avec souvent trois à quatre joueurs.

* Une ligne (LF3) plus en retrait avec quatre ou cinq joueurs plus le gardien de but en fonction du jeu.

La ligne (LF1) au front du ballon avec peu de joueurs (1 à 3 éléments) qui a pour tâche dominante de marquer des buts soit suite à une pénétration, soit après un contournement ou encore après un changement transversal du jeu. Elle devient le rideau R1 en cas de perte de balle et dans la réversibilité offensive elle sert d’appui à la contre-attaque.

Une ligne (LF2) en position médiane plus étoffée avec souvent trois à quatre, voire cinq joueurs, qui réalise le jeu de possession et assure la couverture défensive lors d’une perte de balle si R1 est consommé.

Une ligne (LF3) profonde avec trois ou cinq joueurs plus le gardien de but en fonction du jeu qui assure la circulation du ballon à l’arrière de l’EJE lors d’une attaque de position. Elle constitue la réserve axiale défensive en cas de perte de balle.

Une organisation ou une réorganisation ponctuelle de ces lignes de forces visent à la déstabilisation du bloc défensif pour espérer marquer un but tout en étant prêt à faire face à une perte du ballon. Sous de multiples formes, la « rupture » est devenue la matrice analytique des rapports d’opposition. Elle correspond au moment de changement de statut lié à la perte du ballon par les attaquants. Cette matrice rend compte de comment un équilibre se développe et est basé sur l’analyse de l’interaction entre les joueurs. La notion de « rupture » joue un rôle central dans le jeu d’attaque car elle est à la fois un processus de sélection des possibles et un instrument d’articulation entre continu et discontinu. Attaquer la ligne d’avantage, quel que soit le rideau concerné est une des tâches primordiales de toutes les lignes de forces. La ligne d’avantage est une ligne fictive parallèle à la ligne de but épousant la forme du rideau défensif. L’objectif va être de déplacer le ballon au-delà de la ligne d’avantage afin d’exploiter l’espace libre ou ouvert dans le dos du rideau défensif. Il s’agit de franchir le dernier obstacle pour ouvrir l’accès à la marque.

D’une manière générale et comme au rugby, la défense en football, dans la zone de pré-vérité défensive, est organisée sur trois rideaux qui se rapprochent et se réunissent en fonction de l’avancée adverse.  

* Un rideau (R1) proche au front du ballon, avec une dyade ou peu de joueurs qui flottent.

* Un rideau (R2) moyen plus étoffé avec souvent quatre joueurs.

* Un rideau (R3) transversal profond avec quatre ou cinq joueurs plus le gardien de but en fonction de l’emplacement de la défense. Suivant les configurations du jeu, le gardien de but est le dernier rempart à lui tout seul … intégré au dernier rideau.

Dans la zone de vérité défensive, il n’existe souvent plus qu’un seul rideau un peu étagé, constituant un bloc compact laissant peu d’espaces libres. Une organisation ou une réorganisation ponctuelle des rideaux, en relation avec différentes configurations du jeu particulières, obéissent à des lois de composition internes. En effet, du fait de la nécessaire recomposition des rideaux, les rôles de premier, deuxième et troisième rideau sont liés aux principes respectifs qui suivent. Danse 1 x 1 (infrasystème), il est primordial de ne pas être éliminé, d’empêcher la pénétration du ballon ou du joueur dans son espace arrière (centre, tir et on doit boucher le couloir de jeu direct). Il est donc impératif de gagner du temps pour permettre le replacement des partenaires et réduire les possibilités d’action du porteur de balle (recul-frein). Ensuite et/ou simultanément, il faut empêcher l’attaquant de jouer dans la profondeur, avec un premier rideau en couverture (en relation avec la configuration de la cellule de l’action de pointe), en orientant le jeu vers les couloirs d’aile, en utilisant éventuellement la loi du hors-jeu, puis en assurant une densification à l’approche du but défendu avec l’ensemble de l’équipe. Tout en sachant que le gardien de but couvre l’ensemble du dispositif et constitue le dernier rempart. On parle bien de la dynamique des rideaux défensifs.

La circulation des défenseurs entre les rideaux du système défensif se fait nécessairement avec une « consommation » des défenseurs, qui s’opposent effectivement au mouvement offensif adverse. La conséquence de cette mouvance défensive entraîne l’indispensable suppléance, des éléments défensifs momentanément hors d’action (Gréhaigne, & Godbout, 2021).

Enfin concernant les moyens mis en œuvre pour récupérer le ballon nous pouvons nous appuyer sur les recherches menées par Duprat (2005) dans son travail de thèse. En effet, certaines zones du terrain privilégient la récupération du ballon soit par la densité des défenseurs qui s’y situent logiquement (couloir de jeu direct), soit parce que les défenseurs agissent pour orienter l’attaque dans des zones excentrées. Celles-ci réduisent le pouvoir d’action des attaquants au regard des limites du terrain de jeu virtuellement considérées comme des partenaires. La loi du hors-jeu (loi 11) peut aussi être considérée comme atout majeur surtout dans les situations où R1 et R2 sont franchis et que R3 est en difficulté parce ce qu’elle permet de réduire de moitié la profondeur du terrain, contrairement à la largeur qui elle reste intacte.

Certaines équipes ont fait de cette tactique un élément majeur de leur système défensif en déclenchant un pressing à partir du milieu de terrain (à l’entrée des adversaires avec le ballon) dans la moitié défensive, ou dès la perte du ballon soit parfois très haut chez l’adversaire.

À ce stade, il paraît essentiel de préciser la différence qui existe entre la notion de harcèlement et celle de pressing. En effet, le harcèlement (faire jouer) correspond à une action produite par un défenseur confronté au porteur de balle à un moment donné du duel. Il implique un engagement dans le mouvement de reconquête du ballon et se fait lorsque la couverture est assurée, ou lorsque l’adversaire se rapproche trop de la cible et peut se retrouver en position favorable de tir. Le verbe presser, souvent utilisé par les entraîneurs ou éducateurs est parfois inadapté car il implique un engagement de tous les joueurs de l’équipe. Le pressing correspond à une volonté collective de récupérer le ballon dans certaines conditions liées au référentiel commun défensif en rapport avec la matrice défensive (Deleplace, 1984) mise en place à l’entraînement. Il n’est pas approprié lorsqu’on s’adresse à un joueur esseulé en duel. L’évolution des technologies et les moyens de saisir des données permettent aujourd’hui d’obtenir des informations beaucoup plus précises et complètes sur ces phénomènes.

La zone d’action d’une équipe ou le spectre d’une équipe consiste à relever périodiquement l’emplacement de la totalité des joueurs : on obtient ainsi un nuage de point. Le résultat illustre l’utilisation de l’espace par une équipe car si certains emplacements sont occupés très souvent d’autres le sont plus rarement mettant en évidence des sites où l’affrontement est ou n’est pas préférentiel.

Figures 3. Exemple de relevés d’une suite de positions de joueurs d’une équipe formant la zone d’action de l’équipe ou le spectre d’une équipe (Gréhaigne, 1989) en vue de récupérer la possession du ballon avec un pressing haut. On peut constater que la dispersion est importante sauf en Zone de Pré-Vérité Défensive (ZPVD).

Afin de pouvoir voler et utiliser le ballon aux adversaires avec succès, une équipe doit pouvoir utiliser différents types de pressing (Figures 3 et 4). Le pressing dès la perte du ballon, à l’exemple du FC Barcelone qui a inspiré de nombreuses formations, se situe dans la partie haute du terrain car les équipes qui font ce type de jeu veulent empêcher l’adversaire de contre-attaquer ou de se repositionner pour une attaque rapide. Il nécessite une réaction immédiate de l’ensemble des joueurs sur le porteur pour lui prendre le ballon ou le pousser à la faute tout en assurant une couverture défensive. Le pressing effectué à mi-terrain offre un meilleur équilibre entre risque et sécurité lors du jeu de transition car s’appuyer sur une défense loin en arrière, propose aux attaquants une grande distance à parcourir jusqu’au but adverse. Dans ce cas, la couverture dans la profondeur est plus facilement mise en œuvre par le gardien de but. À la récupération, les attaques rapides (contre) permettent de conclure le mouvement offensif en trois ou quatre passes, parfois moins, grâce à un jeu immédiat dans le dos du troisième rideau (R3).

Figure 4. Exemple de relevés des positions des joueurs des équipes en défense lors de l’adoption de stratégies de défense à mi-terrain. Le noir, le gris moyen et le gris clair représentent respectivement les défenseurs, les milieux de terrain et les attaquants.

Les tactiques défensives plus passives, organisées à partir d’un retour sur ses bases, sont souvent le fait d’équipes considérées comme plus faibles dans le rapport de forces. Il s’agit de ralentir la progression du ballon dès la perte pour permettre le retour défensif de l’équipe et la densification en protection du but.  Elles s’accompagnent généralement d’un jeu offensif basé sur la contre-attaque avec peu de joueurs mais très rapide et capable d’éliminer un ou deux adversaires directs. Duprat (2005) signalait un petit avantage en termes de performance pour ce genre d’équipe lors de la Coupe du Monde 1998. Les équipes qui réservent des surprises au regard de leur palmarès sont souvent des adeptes de ce style de jeu.

Principe de transformation de la matrice offensive

Dans une conception systémique du football, l’offensive constitue la dimension la plus importante, nous allons donc en venir maintenant à la complexification de la matrice offensive. Dans le jeu, c’est de sa propre initiative que le porteur de balle voit comment se transforme la configuration du jeu en cours et voit simultanément comment il se trouve momentanément situé dans le mouvement offensif, en cours de développement, de son équipe. En conséquence et par référence à la dynamique de la matrice offensive, le joueur décide s’il devient nécessaire de transformer le mouvement offensif collectif ou pas. Alors, il prend effectivement cette initiative ou bien décide qu’il reviendra à un partenaire de réaliser cette transformation.

Tout d’abord, il est à noter que la dynamique ne renvoie pas uniquement à la circulation des joueurs ou du ballon, mais aussi à la transformation de la forme du mouvement offensif collectif en cours. Ainsi à chaque instant, des joueurs se retrouvent momentanément loin de la cellule de l’action de pointe et doivent se replacer (en appui ou en soutien) et ainsi se réincorporer dans le mouvement qui se poursuit. Il y a, donc, une nécessaire réalimentation continuelle du mouvement mais en disant quand même que sur les onze acteurs que compte l’équipe seule une partie est directement impliquée pour faire vivre la cellule de l’action de pointe dans sa continuité immédiate. Le bloc équipe doit, néanmoins, rapidement se reconstituer avec une occupation du terrain espacée, aérée, afin de pouvoir utiliser au maximum toutes les dimensions de jeu dans les zones libérées par l’adversaire.

On peut donc établir aussitôt, pour l’attaque, le tableau des éventualités d’évolution de la situation. Le porteur du ballon se retrouve face au choix binaire : je garde le ballon – je donne le ballon. Soit, il le conserve et se déplace en diagonale pour s’ouvrir des possibles, soit il revient sur ses bases pour trouver un soutien, soit il prend l’initiative d’avancer pour pénétrer dans le dispositif adverse. Si le porteur du ballon choisit de déléguer la poursuite du jeu à un partenaire, il devrait pouvoir le faire dans toutes les directions qui s’offrent à lui en fonction de sa posture, de son placement, mais aussi du placement et des déplacements de ses partenaires. Il devrait aussi pouvoir exploiter le réseau de communication dont il dispose par l’intermédiaire d’un jeu court, mi-long ou long, vers l’avant, vers l’arrière ou en diagonale. Précisons que le « jeu à plat » est à déconseiller au regard des risques encourus en cas d’interception car dans ce cas tous les partenaires situés devant la ligne imaginaire du ballon serait consommés presque de façon définitive. Cela étant, on peut constater que le premier élément de choix se fait à partir des deux composantes en lien avec les rapports d’opposition et le positionnement global de l’équipe. Chaque composante se divise en trois possibilités d’enchaînement qui sont les suivantes :

 

Mouvement en contraction      —> Mouvement pénétrant en accélérant le jeu

Mouvement en contraction             —> Mouvement en expansion passant par la périphérie

Mouvement en contraction      —> Mouvement pénétrant par jeu aérien

Mouvement en expansion         —> Mouvement pénétrant dans la dimension profonde

Mouvement en expansion         —> Mouvement d’expansion dans les zones périphériques éloignées

Mouvement en expansion         —> Mouvement pénétrant aérien profond ou transversal

 

Jeu long, jeu court, jeu au sol ou jeu aérien soit au pied soit de la tête sont à l’origine de cet ensemble de formes et donne au jeu sa dynamique et son élasticité. Utiliser le jeu long peut être une stratégie, notamment lorsqu’elle est couplée avec un bloc bas car une passe longue et précise peut à terme être coordonnée à un enchaînement performant.

Ainsi, l’occupation de l’espace s’en trouve transformée avec la largeur et la profondeur comme repère d’analyse. Dans le jeu court, l’objectif est d’améliorer sa propre position en accumulant de petits gains de terrain ou de temps qui, isolés paraissent insignifiants pour l’adversaire, mais qui à terme constituent une prise d’avance conséquente. Enfin, l’alternance jeu court / jeu long permet de fixer des adversaires dans une zone du terrain pour jouer dans une autre par une transversale. Enfin, le jeu au sol proche est plus sécuritaire car il propose des échanges de balle dans de bonnes conditions mais il nécessite l’emploi des techniques de vitesse qui impliquent un toucher de balle affiné. Le jeu long nécessite, quant à lui, une capacité à prendre en compte le dosage de la frappe en liaison avec la vitesse de course du partenaire et les possibilités d’intervention des adversaires.

Dans le jeu, on doit aussi envisager que les grandes catégories des liens d’opposition et les différents niveaux d’organisation s’interpénètrent. Avec la complexification de la matrice de jeu, la circulation des joueurs et du ballon peut se retrouver, pour l’offensive, au niveau d’un affrontement partiel laissant le reste du jeu relativement stable. Il est ainsi possible de voir, une concentration partielle dans la cellule d’action de pointe en regard d’un jeu en expansion, une dispersion locale dans un jeu en contraction, tout cela se situant plutôt à la périphérie avant, arrière ou latérale de l’espace de jeu effectif total. La temporalité des évènements devient ici fondamentale au-delà des aspects spatiaux.

Le fait de percevoir un espace dans une ligne défensive adverse, constitue une opportunité de passe. Il faut choisir entre une passe en profondeur au sol ou un ballon aérien. Avec quelle force dois-je passer le ballon ? Jusqu’où doit-il aller dans l’espace ? Cela va donc au-delà d’être capable de réaliser un geste car il faut prendre des informations pertinentes et précieuses dans un contexte donné, puis de les associer à une action efficace et fonctionnelle pour atteindre l’objectif souhaité. Tout cela sans oublier qu’un ballon aérien n’appartient à personne et qu’il va falloir en regagner la possession à son point de chute.

Certes, ces enchaînements de mouvement se succèdent dans le temps avec un jeu d’attaque qui peut varier à l’infini avec des modifications de vitesse. En définitive, à partir d’estimations instantanées dans la perception de la situation mouvante et le placement de l’adversaire, deux éléments, toujours les mêmes, sont révélateurs du rapport d’opposition. En effet, la trajectoire du ballon et les déplacements des partenaires et des adversaires en cours vont proposer une nouvelle distribution en profondeur et/ou en largeur et constituer des indices incontournables dans toute décision.

La construction de cette manière de percevoir et d’analyser l’affrontement procure aux joueurs un outil de simplification qui facilite la lecture du jeu et les initiatives à prendre. On aura compris que l’étude de la tactique est née du souci de mettre l’accent sur l’analyse de l’activité́ constructive du joueur telle qu’elle se déploie dans son activité. Autrement dit, il est indispensable de l’analyser en plein-jeu en fonction des rapports de forces momentanés. Dans ce contexte, les invariants sont bien souvent, des propriétés ou des relations essentielles que les joueurs prélèvent dans une situation, car ils les jugent pertinents pour transformer celle-ci dans le sens souhaité. C’est cette forme opératoire de la connaissance qui est à l’œuvre quand il s’agit de faire un diagnostic de situation pour savoir comment agir. Dans ce contexte, il y a bien de la conceptualisation dans le registre pratique, ce qui est parfois moins évident dans d’autres cas. En effet, pour être efficace, il faut retenir d’une situation que quelques objets, propriétés ou relations, qui vont servir à guider l’action (Ochanine, 1969). La pertinence du choix réalisé doit être accompagnée de la sélection d’une habileté motrice pertinente et maîtrisée pour aboutir à une action performante.

Conclusion

En définitive, apprendre à lire et interpréter le jeu, c’est souvent apprendre par et dans l’activité au plus proche de la réalité. C’est probablement la forme première et la plus fondamentale d’apprentissage chez les joueurs, d’où la nécessité d’objectiver précisément les situations mises en place. L’aménagement spatial et les consignes de déroulement qui l’accompagnent doivent contenir implicitement les opportunités dont peut disposer le joueur au centre du processus (Duprat, 2007, 2014). Même s’il est probable que l’analyse trouve à un moment sa limite, entre le postulat d’un apprentissage progressif et celui de qualités que l’on considère, à tort ou à raison, comme innées, il y a de la place pour une analyse féconde d’une étude de la pensée tactique. Celle-ci cherche à comprendre comment se développe la capacité d’un joueur à pouvoir imaginer des réponses par rapport aux éléments dont il dispose dans la configuration du jeu présente. Grâce à ses différentes expériences complétées par la réflexion sur son activité et les circonstances qui l’ont conduit à faire un certain nombre de choix en situation de plein mouvement, les décisions prises deviennent un peu plus évidentes. Le jugement global inhérent à une situation donnée étant mieux maîtrisé, cela permet de se focaliser sur la résolution de la tâche elle-même.

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Références

Deleplace, R. (1994). La notion de matrice d’action pour les actions motrices complexes. In D. Bouthier – J. Griffet (Eds.) Représentation et action en activité physique et sportive, Université de Paris-Sud Orsay, 25-42.

Duprat, E (2005). Approche technologique de la récupération du ballon lors de la phase défensive en football, contribution à l’élaboration de contenus de formation innovants. Thèse de Doctorat (non publiée), École Normale Supérieure de Cachan.

Duprat, E (2007). Enseigner le football en milieu scolaire (collèges, lycées) et au club. Les cahiers Actio.

Duprat, E (2014). Construire la tactique et l’intelligence de jeu en football, in L’intelligence tactique. Des perceptions aux décisions tactiques en sports collectifs. Besançon. Presses de l’Université de Franche-Comté.

Gréhaigne, J.-F. (1989). Football de mouvement. Vers une approche systémique du jeu. Thèse (non publiée). Université de Bourgogne.

Gréhaigne, J.-F. (Ed.). (2009). Autour du temps. Espaces, apprentissages, projets dans les sports collectifs. Besançon. Presses de l’Université de Franche-Comté.

Gréhaigne, J.-F., & Godbout, P. (2014). Dynamic systems theory and team sport coaching. Quest, 66(1), 96-116.

Gréhaigne, J.-F., & Godbout, P. (2021). Opposition and dynamics at the core of game-play analysis in soccer. International Journal of Physical Education, 58(3), 10-20.

Gréhaigne, J.-F., & Marle P. (2021). L’observation, l’analyse et l’évaluation du jeu et des joueurs en football. Angers (France) : Auteurs

Gréhaigne, J.-F., & Bouthier, D., & David, B. (1997). Dynamic systems analysis of the opponent relationships in the collective actions in soccer. Journal of Sports Sciences, 15, 137-149.

McGarry, T., Anderson, D. I., Wallace, S. A., Hughes, M. D., & Franks, I. M. (2002). Sport competition as a dynamical self-organizing system. Journal of Sports Sciences, 20, 771-781.

Ochanine, D. (1969). Rôle de l’image opérative dans la saisie du contenu informationnel des signaux. Questions de Psychologie, 4, 209-224.

Apprenez à utiliser les principes clés du Jeu de Position