Le leadership doit être partagé

Professeur associé au département des sciences du mouvement à KU Leuven (Belgique), les recherches de Katrien Fransen portent sur l’impact du leadership sur l’efficacité et le bien-être d’une équipe.

Pour transposer les résultats de ses recherches sur le terrain et aider les équipes à exploiter leur potentiel de leadership, elle a par ailleurs créé le centre d’expertise Leading Insights.

Elle nous propose un éclairage sur ses recherches, ainsi que leur mise en œuvre pratique.

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Au sens large, comment définiriez-vous le leadership ?

Fondamentalement, le leadership ne devrait pas être limité aux personnes occupant des positions formelles d’autorité. Il englobe les actions de toutes les personnes qui inspirent et influencent les membres d’une équipe, en vue d’atteindre un objectif commun.

« Le leadership ne devrait pas être limité aux personnes occupant des positions formelles d’autorité »

Cela inclut non seulement les leaders formellement désignés, mais aussi leurs pairs qui donnent l’exemple dans divers domaines, guidant aussi l’équipe vers la réalisation de leur objectif commun.

Pourquoi avez-vous adopté l’identité sociale comme perspective dans vos recherches sur le leadership ?

Nous avons réalisé une vaste étude afin d’évaluer ce qui caractérise les leaders les plus performants, en prenant en compte un grand nombre de traits différents, notamment les cinq grands traits de personnalité aussi appelés Big Five (extraversion, neuroticisme, ouverture, agréabilité, conscience) et un grand nombre de comportements différents associés au leadership, notamment ceux associés au leadership transformationnel et ceux renvoyant au leadership identitaire.

Notre principale interrogation était la suivante : si nous considérons que les leaders au sein d’une équipe peuvent occuper différentes fonctions de leadership, comme le leadership orienté vers la tâche (donner à ses coéquipiers des conseils tactiques et les ajuster si nécessaire), le leadership de motivation (encourager ses coéquipiers sur le terrain à donner le meilleur d’eux-mêmes), le leadership social (développer une bonne atmosphère d’équipe en dehors du terrain) et le leadership orientés vers l’externe (s’occuper de la communication avec la direction du club, les médias et les sponsors), qu’est-ce qui leur permet d’être perçus comme de bons leaders ?

Nous avons constaté que dans une équipe, les leaders les plus performants parviennent à construire une identité commune. Ils font en sorte que les autres membres de l’équipe s’identifient réellement à leur équipe. Si ces leaders sont capables d’y parvenir et d’aider leurs pairs à s’identifier davantage à l’équipe, celle-ci obtient également d’autres résultats bénéfiques : de meilleures performances, une plus grande cohésion, une plus grande résilience face à l’adversité, davantage de bien-être et moins d’épuisement professionnel (burnout).

« Les leaders les plus performants parviennent à construire une identité commune »

Nous avons observé avec consistance que le leadership identitaire est réellement prédictif en matière de résultats positifs, l’identification des athlètes à leur équipe étant un facteur de médiation. En d’autres termes, lorsque les leaders réussissent à cultiver et à renforcer l’identité de l’équipe, ce sentiment du « nous », ils ne sont pas seulement perçus comme de meilleurs leaders, ils créent également un effet de levier pour obtenir ces résultats positifs.

Cela va d’une meilleure performance, à un meilleur fonctionnement de l’équipe, en passant par un accroissement du bien-être pour les membres de celle-ci. C’est pourquoi, dans nos programmes consacrés au leadership, nous nous concentrons sur le renforcement de l’identité des leaders au sein de l’équipe.

En sport collectif, l’optimisation de la dynamique de groupe est un facteur essentiel de la performance. Néanmoins, il semble que son optimisation soit encore marginale, relativement à d’autres constituants de la performance. Pourquoi ?

Je ne suis pas certaine, mais il me semble que c’est lié au fait que ce sont des aspects qui semblent moins tangibles pour les entraineurs et que ce travail s’inscrit dans une perspective à long terme. Ces derniers ont besoin de performances immédiates, ils pensent peut-être qu’il vaut mieux se focaliser sur les aspects tactiques, techniques ou encore à la préparation physique, parce que ce sont des choses qu’ils peuvent observer directement. Toutefois, nos recherches ont montré que les problèmes associés au leadership ont un impact majeur sur les performances.

Intuitivement, nous savons tous que lorsque les gens se sentent bien, qu’ils se sentent assez en sécurité au sein de leur équipe pour prendre des risques, que le fonctionnement de l’équipe est bon et que le travail d’équipe est présent, alors ils sont également plus performants.

À l’heure actuelle, les entraineurs en savent peut-être trop peu sur les recherches sous-jacentes pour franchir le cap et investir du temps. Le temps dont ils disposent est limité et ils veulent certainement le consacrer aux choses qui leur paraissent les plus objectives. Cependant, omettre de cultiver la dynamique de l’équipe et ne pas se préparer à l’émergence d’éventuelles problématiques en son sein, représente une négligence importante.

« Omettre de cultiver la dynamique de l’équipe et ne pas se préparer à l’émergence d’éventuelles problématiques en son sein, représente une négligence importante »

Une autre explication possible est le manque de connaissances en matière de mise en œuvre. En ce sens, l’évolution du rôle joué par les psychologues du sport dans les équipes sportives est un exemple intéressant. Leur inclusion progressive dans les staffs est un progrès significatif, étant donné qu’historiquement, les équipes ne les employaient pas. Puis, ils ont dans un premier temps été recrutés pour traiter uniquement les problèmes relatifs à la santé mentale.

Aujourd’hui, un nombre croissant d’équipes intègrent des psychologues du sport afin d’optimiser la dimension mentale de la performance sportive. Cette évolution permet un soutien continu, non seulement dans les périodes difficiles, mais aussi dans les périodes fastes, ce qui renforce le leadership de l’équipe et la prépare à faire face à d’éventuels obstacles à l’avenir.

Il est généralement accepté que les entraîneurs peuvent exercer une influence considérable sur le comportement de leur équipe et pour certains, sont capables de « faire des miracles » avec le groupe qu’ils ont à disposition. Néanmoins, l’influence que peuvent avoir les joueurs-leaders, notamment informels, sur la dynamique et la performance de leur équipe semble sous-évaluée, pourquoi ?

Lorsque nous discutons de nos résultats avec des entraîneurs, leur réponse typique est la suivante : « Tout s’explique, mais cela ne m’avait pas traversé l’esprit auparavant ».

Historiquement, les modèles de leadership étaient rigidement hiérarchiques, se concentrant sur les leaders traditionnels tels que l’entraîneur ou le capitaine, sans grande considération pour la dynamique interne de l’équipe. L’importance des personnes qui assument des rôles de leadership de manière informelle et qui influencent l’équipe de manière significative a effectivement été largement négligée et sous-évaluée.

« L’importance des personnes qui assument des rôles de leadership de manière informelle et qui influencent l’équipe de manière significative a effectivement été largement négligée et sous-évaluée »

L’importance des entraîneurs dans l’obtention de résultats positifs est incontestable, et nous reconnaissons pleinement leur rôle de leader auprès des athlètes. Cependant, nos recherches révèlent souvent que l’influence des leaders-joueurs peut égaler, voire dépasser, celle de l’entraîneur. Cela peut surprendre les entraîneurs, les joueurs et les supporters, qui attribuent parfois le succès de l’équipe aux seuls efforts de l’entraîneur, comme le montre parfois les médias.

Ce qu’ils réalisent peut-être un peu moins, c’est que le domaine dans lequel l’entraîneur a surtout excellé, c’est dans la responsabilisation des joueurs et des leaders qui l’entouraient, pour créer ces miracles. Cela peut passer inaperçu, lorsque l’attention est focalisée sur l’entraîneur.

A travers vos recherches, vous avez par ailleurs démythifié cette idée du capitaine, leader unique et multidimensionnel de l’équipe…

Dans la mesure où que le capitaine d’équipe fait l’objet d’une grande attention, nous nous sommes d’abord demandé dans quelle mesure ce dernier remplissait réellement les différentes fonctions du leadership.

Tout le monde s’attend à ce que le capitaine remplisse ces quatre fonctions. Cette idée du grand leader, multidimensionnel, est encore vraiment présente chez les joueurs et les fans.

Mais à travers nos recherches, nous avons constaté que ce n’était pas du tout le cas. En étendant nos travaux à plusieurs sports et différents niveaux, nous n’avons pas trouvé de différence majeure. Par exemple, si nous examinons le football et uniquement les joueurs de football de très haut niveau, c’est-à-dire le niveau le plus élevé en Belgique, nous avons constaté que dans 46 % des équipes, le capitaine n’était perçu comme le meilleur leader sur aucune des quatre fonctions du leadership. Ni en tant que leader orienté vers la tâche, ni en tant que leader motivant, ni en tant que leader social ou en tant que leader à l’externe. Ce qui nous amène à la question suivante : comment les entraîneurs choisissent-ils le capitaine de l’équipe ?

C’est le même constat au niveau des équipes nationales. Le capitaine est désigné en fonction du nombre de sélections ou de son âge, par exemple. Il n’est donc pas désigné en fonction de ses véritables qualités de leader, mais il sera tout de même attendu sur ces aspect-là, ce qui crée une sorte de déséquilibre pour celui-ci. Par ailleurs, les autres joueurs peuvent ne pas oser prendre leurs responsabilités, craignant de ne pas y être autorisés par l’entraîneur ou par le capitaine. Cela crée un manque à gagner important en matière de leadership.

« Nous devons nous départir de l’idée qu’un seul leader doit tout faire ou peut tout faire. Nos résultats ont montré que même lorsqu’il le peut, ce n’est pas une bonne idée. »

De plus, il n’est pas non plus réaliste d’attendre qu’une seule et même personne concentre toutes les caractéristiques ou les qualités nécessaires pour assumer ce rôle de leader seul. Par exemple, pour être un bon leader orienté vers la tâche, il est évident qu’il faut avoir une connaissance tactique approfondie et avoir la capacité d’orienter ses coéquipiers. Mais pour être un leader social, il faut faire preuve d’empathie et posséder des compétences sociales. Ce sont déjà deux choses très différentes. Il semble donc logique que cela ne puisse être lié à une seule et même personne.

Néanmoins, supposons qu’une équipe possède ce leader fantastique, perçu comme performant dans ces quatre fonctions de leadership. Même dans ce cas de figure, nous avons constaté que les équipes dans lesquelles le leadership est partagé et réparti entre plusieurs personnes sont celles qui obtiennent les meilleurs résultats et sont les mieux classées. Cela confirme bien que nous devons nous départir de l’idée qu’un seul leader doit tout faire ou peut tout faire. Nos résultats ont montré que même lorsqu’il le peut, ce n’est pas une bonne idée.

En ce sens, passer d’un capitaine formel, identifié en interne et en externe par le port du brassard et dont on attend toute sorte de comportements associés au leadership, à un groupe de joueurs possédant diverses compétences leur permettant de partager le leadership au sein de l’équipe, serait peut-être une approche plus adaptée ?

Absolument. Lorsque l’on parle de leadership partagé, il s’agit évidemment d’un continuum. A une extrémité, il y a l’entraîneur et le capitaine de l’équipe. Nous pourrions dire qu’il s’agit d’une forme de leadership partagé, mais nous savons que ce n’est pas l’idéal, car dans cette configuration nous passons à côté de sources potentielles de leadership au sein de l’équipe.

À l’autre extrémité du continuum, nous avons une équipe dont chaque joueur est un leader, ce qui n’est pas forcément nécessaire. Tous les joueurs ne souhaitent pas devenir des leaders et ils n’ont pas tous les aptitudes ou les compétences nécessaires pour prendre cette responsabilité.

Nous avons donc besoin d’une forme hybride réunissant un très bon entraîneur, évidemment, parce que c’est très important et un très bon groupe de leaders. Il faut les identifier, puis les nommer en fonction des compétences recherchées et du soutien des membres de l’équipe, afin qu’ils assument différentes fonctions de leadership.

Lorsqu’un entraîneur arrive dans un club ou à la tête d’une sélection nationale, l’une des premières choses à faire serait donc d’identifier des leaders qui pourraient être performants sur les quatre fonctions ?

S’il s’agit d’une équipe existante, dont les membres se connaissent déjà, il faudrait d’abord procéder à l’élaboration de la cartographie du leadership partagé (shared leadership mapping), que nous avons élaborée. Cette analyse permet de visualiser la structure du leadership au sein de l’équipe en fonction des quatre différentes fonctions de leadership. Cela permettrait aux entraîneurs d’avoir une idée parfaite de la structure de leadership au sein de l’équipe.

Ils obtiendraient également des réponses aux questions suivantes : qui sont les leaders les plus adaptés pour chacune de ces fonctions ? Bénéficient-ils du soutien de l’ensemble de l’équipe ou seulement d’un sous-groupe ? Si c’est le cas, nous pourrions nommer deux responsables orientés vers la tâche au lieu d’un seul, par exemple.

« Une grande partie du leadership s’exerce de manière informelle, en dehors du terrain, dans le vestiaire »

Cette analyse leur donnerait une idée assez précise de ce qu’ils ont dans leur équipe, qui sont les joueurs clés, pas seulement en raison de leurs habilités dans le jeu, mais plutôt en matière d’influence dans l’équipe.

C’est une approche qui offre beaucoup d’indicateurs pour travailler et il est souvent très difficile pour l’entraineur d’obtenir ces éléments de compréhension simplement à travers l’observation. En effet, une grande partie du leadership s’exerce de manière informelle, en dehors du terrain, dans le vestiaire, etc. Il serait effectivement très utile de commencer par effectuer une cartographie du leadership partagé.

Le leadership étant un processus dynamique, comment l’évaluer tout au long d’une ou sur plusieurs saisons ?

En effet, le leadership est dynamique et contextuel. Cela signifie que si vous êtes un leader orienté vers la tache dans une équipe, vous ne le serez pas forcément dans une autre.

De même, au sein d’une équipe, les choses évoluent. Des joueurs peuvent être transférés, d’autres peuvent être blessés pendant une longue période, la composition de l’équipe peut changer, etc. Cela signifie également que le leadership au sein de l’équipe peut changer, même si ses membres sont exactement les mêmes.

Il peut changer en raison des expériences vécues. De nouveaux joueurs peuvent prendre le relais et assumer davantage de responsabilités. C’est pourquoi, lorsque nous travaillons avec des équipes, nous procédons toujours à une cartographie du leadership partagé en début de saison, puis tous les trois à six mois, en fonction des souhaits de l’équipe.

« Le leadership est dynamique et contextuel »

C’est aussi une très bonne chose que ce soit un processus dynamique. Cela signifie que si vous assignez un joueur à un certaine fonction de leadership, il est important qu’il sache dès le départ qu’être un leader social à une période, ne signifie pas qu’il le sera pour la vie. Il s’agit d’un rôle dynamique.

Cela motive également les joueurs qui ne sont pas assignés à un rôle, parce qu’ils savent qu’ils peuvent encore évoluer, prendre des initiatives, même s’ils ne sont pas officiellement désignées comme leaders, par exemple. Ils peuvent y travailler davantage, développer leurs compétences en matière de leadership et peut-être que dans trois ou six mois, ils pourront accéder à une fonction de leadership. L’aspect dynamique est donc une bonne chose, mais cela signifie également qu’il convient d’effectuer la cartographie du leadership partagé à intervalles réguliers, le plus souvent entre trois et six mois.

La nomination formelle des leaders semble être un aspect important. Pourquoi ?

On peut évidemment affirmer qu’il existe déjà une base informelle de leadership dans une équipe, car c’est ce que l’on cartographie. En faisant cela, nous créons une structure visuelle de ce qui existe déjà de manière informelle.

Il est important de rendre les choses formelles parce que nous avons constater que lorsque les choses vont bien, les joueurs assument normalement leur leadership, de manière informelle. Mais si les choses vont mal, si l’équipe est en retard au tableau d’affichage, s’il y a des luttes ou des conflits au sein de l’équipe, alors les joueurs n’assumeront pas toujours leur responsabilité et seront plus enclins à se tourner vers le coach.

Par exemple, nous avons travaillé avec une équipe de rugby de haut niveau en Australie. Nous avons réalisé l’ensemble du programme de leadership et désigné les leaders. Depuis la pris en charge de cette équipe par l’entraîneur principal, les joueurs étaient quasiment toujours venu le voir lorsqu’il y avait des problèmes liés au groupe.

A la suite de notre travail avec eux, certains joueurs n’ont pas respecté les normes de l’équipe que nous avions établies ensemble et, pour la première fois, les leaders que nous avions nommés ont pris leurs responsabilités et ont résolu le problème eux-mêmes. C’est la première fois que cela se produisait depuis que l’entraîneur était à la tête de cette équipe. Il est évident que c’est beaucoup plus puissant que de toujours s’en remettre à l’entraîneur.

Par ailleurs, si la nomination des leaders n’est pas formelle, les gens risquent de continuer à se reposer sur le capitaine de l’équipe pour tout régler, alors que nous savons qu’il n’est pas en mesure de répondre à toutes les attentes. Et même s’il y parvient, ce n’est pas la situation idéale.

Il y a également des avantages supplémentaires lorsque la cartographie du leadership partagé est utilisée pour nommer les joueurs-leaders. Dans ce cas, les leaders ne sont pas nommés de manière descendante (par l’entraîneur), mais plutôt de manière ascendante, en fonction du soutien qu’ils reçoivent des membres de leur équipe et de l’entraîneur. Cela signifie que lorsque les leaders sont nommés, ils savent qu’ils ont réellement le soutien de tous les membres de leur équipe et que leur leadership sera accepté.

« Si la nomination des leaders n’est pas formelle, les gens risquent de continuer à se reposer sur le capitaine de l’équipe pour tout régler, alors que nous savons qu’il n’est pas en mesure de répondre à toutes les attentes »

C’est très important, car si le même joueur avait été nommé par l’entraîneur, il n’oserait peut-être pas vraiment prendre ses responsabilités au sein de l’équipe. Le fait de savoir que l’équipe le soutient renforcera sa motivation à assumer son rôle de leader.

En outre, une nomination formelle garantit également que les leaders désignés savent que leur leadership est attendu et que, dans les situations difficiles, les autres joueurs se tourneront vers eux pour qu’ils prennent la direction des opérations. Par exemple, en tant que leader motivant, si celui-ci ou l’équipe ne joue pas bien, est en train de perdre, il pourrait avoir tendance à se démotiver et à ne plus communiquer efficacement avec les autres joueurs.

En étant officiellement désigné comme leader sur l’aspect de la motivation, il réalisera probablement que les autres membres de l’équipe dépendent de lui sur cette dimension et attendent qu’il leur montre l’exemple. Même si sa contribution est moins importante dans le jeu, il jouera un rôle très important pour motiver ses coéquipiers. Ce changement d’attitude a beaucoup plus de chances de se produire si les leaders sont officiellement nommés.

L’aspect formel peut aussi participer à une certaine construction identitaire du joueur au sein du groupe et donc l’inciter à protéger cette identité si elle est mise en péril ?

Je pense que oui. C’est aussi un engagement qu’ils prennent envers leur équipe. Ils ont été nommés, ils ont le soutien de leurs pairs, alors quand les coéquipiers l’attendent, il est de leur responsabilité de répondre présent.

Surtout, s’ils sont nommés de cette manière, ils considèreront que c’est un grand honneur que l’équipe leur fait. Ils auront donc à cœur de montrer à leurs coéquipiers qu’ils ont pris la bonne décision.

Comment appréhendez-vous l’implémentation du leadership partagé dans une équipe et le développement du potentiel des joueurs-leaders à travers le programme 5R Shared Leadership ?

Lorsque nous avons élaboré le programme, nous voulions comprendre comment les leaders les plus performants obtenaient de si bons résultats. Nous avons alors découvert, comme expliqué précédemment, qu’ils avaient la capacité de construire, renforcer et entretenir l’identité de l’équipe, le sentiment d’appartenance à l’équipe. Par conséquent, l’idée principale du programme que nous avons développé était la suivante : si nous pouvons enseigner à ces leaders comment créer, cultiver et renforcer ce sentiment, alors non seulement ils seront perçus comme de meilleurs leaders, mais cela créera également un effet de levier sur les performances, le bien-être, le fonctionnement de l’équipe, etc.

Comment se déroule le programme ? Tout d’abord, nous établissons une cartographie du leadership partagé et nous créons une carte visuelle de la structure du leadership au sein de l’équipe en ce qui concerne les tâches, la motivation, le leadership social et le leadership externe. Toutes ces informations ne sont transmises qu’à l’entraîneur ou au psychologue du sport et ne sont jamais partagées avec l’ensemble de l’équipe parce qu’elles contiennent des informations sensibles. Sur la base de toutes ces informations, l’entraîneur ou le psychologue du sport décide qui sera nommé leader sur les différentes fonctions.

Ensuite, nous les guidons ainsi que l’ensemble de l’équipe à travers cinq phases différentes. Nous avons délibérément choisi de ne pas isoler les leaders dans des ateliers distincts, car nous ne voulons pas créer de niveaux hiérarchiques supplémentaires. Nous expliquons aussi clairement aux joueurs que le but des leaders n’est pas de prendre toutes les décisions eux-mêmes. Par exemple, ce n’est pas le rôle du leader orienté vers la tâche de décider seul des aspects tactiques. La contribution aux objectifs doit toujours provenir de l’ensemble de l’équipe. Cependant ce sont les leaders qui coordonneront le tout, suivront le processus et veilleront à ce qu’il se déroule de manière effective.

Dans la phase de préparation, les membres de l’équipe reçoivent une brève introduction aux raisons pour lesquelles le « nous », notre identité, est important. Nous leur expliquons un peu plus l’importance d’une identité d’équipe partagée. Dans la phase suivante de réflexion, ils réfléchissent vraiment à l’identité de leur équipe en tant que groupe, à ce qui les rend uniques.

Ils réfléchissent à leurs valeurs fondamentales, mais les regroupent également en une marque de fabrique. Une marque qui symbolise réellement leur identité en tant que groupe. Dans cette deuxième phase du programme, nous allons également plus loin que la réflexion sur le « qui sommes-nous », afin de déterminer comment mettre cela en pratique.

Dans les phases suivantes, nous réfléchissons à ce que nous voulons être. Ce sont les phases de représentation et de réalisation. S’ils ont établi ces objectifs sur ce qu’ils veulent être, comment allons-nous nous assurer que nous devenons ce que nous voulons être ? Comment élaborer des stratégies pour atteindre ces objectifs ?

Normalement, si vous effectuez des exercices de fixation d’objectifs en équipe, les gens pensent immédiatement à des objectifs de tâches, comme ce qui doit se passer ou changer sur le terrain. Mais ici, nous avons délibérément choisi de réfléchir aux objectifs en fonction des quatre dimensions du leadership, afin de nous assurer qu’un travail est également effectué, par exemple, pour améliorer l’atmosphère du groupe. En ce qui concerne ces objectifs, les leaders respectifs (par exemple, pour l’amélioration de l’atmosphère du groupe, c’est le responsable social) recueillent toutes les contributions du groupe et veille à ce que ces objectifs se concrétisent.

Une fois le travail accompli, les participants reviennent ensemble pour une phase d’évaluation au cours de laquelle ils réfléchissent à la question suivante : sommes-nous ce que nous voulions être ? Avons-nous réussi à mettre cette identité en pratique ? L’avons-nous traduite en objectifs ? Si ce n’est pas le cas, où nous sommes-nous trompé ? Comment pouvons-nous y remédier ? Comment faire mieux ? Etc. De cette manière, nous renforçons vraiment l’identification de l’équipe du groupe entier, mais nous donnons aux leaders désignés des responsabilités supplémentaires afin qu’ils apprennent sur le terrain à être de meilleurs leaders et certainement aussi à être de meilleurs leaders identitaires, parce que c’est ce que nous voulons renforcer.

Jusqu’ici, que considérez-vous comme votre plus grande découverte concernant le leadership et la dynamique de groupe ?

Il y en a eu un certain nombre. Lorsque nous pensons au leadership, nous pensons que les leaders officiels sont l’entraîneur ou le capitaine de l’équipe. Le plus important, c’est de réaliser qu’il faut voir beaucoup plus loin, car il y a d’autres leaders au sein de l’équipe qui peuvent avoir beaucoup plus d’impact que le capitaine et même que l’entraîneur.

C’est une telle perte de temps lorsque les entraîneurs n’utilisent pas ce potentiel de leadership, cette qualité de leadership dans leur groupe. C’est quelque chose que l’on voit encore se produire, y compris au plus haut niveau. Mais je constate également que la culture évolue, car de plus en plus d’équipes nationales ou de haut niveau, par exemple, nous demandent de les aider à dresser la carte du leadership partagé. Elles se rendent compte que pour obtenir les meilleures performances possibles, elles doivent mettre en œuvre le leadership partagé et je pense que c’est une évolution fantastique.

J’espère vraiment qu’à l’avenir, les entraîneurs sauront capter tout le potentiel de leadership au sein de leur équipe, qu’ils l’utiliseront non seulement pour travailler sur l’aspect du leadership orienté vers la tâche, mais aussi sur d’autres aspects, comme le leadership social, car nous savons que lorsque les gens se sentent mieux dans leur environnement, cela affecte aussi positivement leurs performances et garantit qu’ils sont plus performants.

Pour les entraîneurs, il ne s’agit pas de travailler soit sur la performance, soit sur le bien-être, mais plutôt sur la combinaison des deux. Si vous pouvez travailler sur les deux simultanément et si les gens se sentent mieux, ils seront également plus performants. Ils n’obtiendront de meilleures performances, ce qu’ils visent en fin de compte, que s’ils travaillent sur la santé mentale, le bien-être et l’atmosphère sociale dans le groupe.

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