Ce n'est pas le contrat qui fait le professionnel

Acteur majeur du doublé historique réalisé en 2011 par son club formateur, le LOSC, double champion de France avec le Paris Saint-Germain et international français à 48 reprises, Yohan Cabaye a passé plus de 15 ans comme joueur de football de haut niveau.

Il nous propose un éclairage sur son parcours, notamment les différentes transitions vécues durant sa carrière, ainsi que leur impact sur son rôle de directeur sportif du centre de formation et de préformation d’un club de haut niveau.

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Qu’est-ce que le football représente pour vous ?

Tout. Bien évidemment, il n’y a rien au-dessus de ma famille, mais depuis que je suis petit, je vis, mange et rêve football. J’ai toujours voulu faire une carrière de footballeur professionnel.

Néanmoins, je ne cherchais pas à savoir quelles étaient les étapes pour atteindre cet objectif, je prenais simplement beaucoup de plaisir sur le terrain. Je n’avais qu’une envie, c’était d’être sur le terrain pour participer aux entraînements et aux matchs.

Une carrière de joueur de football est jalonnée de transitions qui nécessitent des adaptations plus ou moins importantes selon l’individu, ainsi que des habiletés psychologiques et psychosociales différentes. Vous avez réalisé votre préformation et votre formation au LOSC, puis vous y êtes devenu professionnel et vous y avez gagné vos premiers titres. Comment avez-vous vécu ces différentes transitions ?

La transition entre la préformation et la formation, c’est-à-dire des U13 au U15 nationaux à l’époque, a été difficile. En U13, nous participions au championnat régional et cela se passait plutôt bien pour moi. Collectivement, nous avions aussi de bons résultats.

Arrivé en U15 nationaux, en étant première année, je me suis retrouvé avec des deuxièmes années qui comprenaient déjà le rythme, la façon de travailler et l’intensité qu’il fallait mettre. L’environnement était complètement différent. Je pensais également avoir cette compréhension, mais je n’étais pas au même niveau qu’eux.

Au départ, par rapport à ce que j’avais fait en U13, le coach de l’époque m’avait fait débuter les premiers matchs amicaux, les premiers tournois et le rythme m’avait surpris. J’avais toujours joué en étant un peu insouciant, sans me poser de questions et je pensais que cela allait être la continuité naturelle de ce que j’avais vécu en U13.

« L’année précédente, je jouais tout le temps, j’étais capitaine et l’année d’après, il y a des matchs où je ne jouais même pas. A cet âge-là, on n’est tout simplement pas prêt à cela, c’est surprenant. »

Le rythme, l’intensité et les duels étaient vraiment différents, j’avais un peu de mal à exister. Cela peut paraître paradoxal, parce que je me suis épanoui dans ce style chez les pros. Je ne jouais donc pas beaucoup, cela m’est arrivé de faire des déplacements et de ne même pas entrer en jeu.

L’année précédente, je jouais tout le temps, j’étais capitaine et l’année d’après, il y a des matchs où je ne jouais même pas. A cet âge-là, on n’est tout simplement pas prêt à cela, c’est surprenant. Tu t’entraînes toute la semaine, tu travailles et le week-end, tu ne joues pas.

C’est un peu délicat parfois, mais ça fait partie du développement, de la formation et je crois que l’on doit passer par ces phases-là. Faire une carrière dans le football, c’est aussi s’exposer à un grand nombre de frustrations qu’il faudra gérer pour avancer.

Mais honnêtement, à cet âge-là, nous ne sommes pas armés pour cela. Parfois, le soir, en rentrant chez moi, ce n’était pas facile, mais je n’ai jamais rien lâché.

Grâce au travail, à ma détermination et une certaine forme de discipline, je suis revenu un peu dans le jeu et j’ai gravi les échelons les uns après les autres pour arriver jusqu’en réserve. J’ai passé quatre mois avec le groupe réserve et ensuite, je suis passé chez les pros.

J’ai joué mon premier match professionnel le 7 novembre 2004, mais avant ce match, je n’avais fait que deux ou trois entraînements avec l’équipe professionnelle. Ensuite, je n’ai plus quitté le groupe d’entraînement, même si je jouais là aussi très peu.

Je faisais beaucoup de bancs avec les pros, mais je ne rentrais pas ou très peu. Cette période m’a permis de comprendre et de connaître l’environnement professionnel. Parfois, j’allais rejouer en CFA avec la réserve, mais j’avais atteint une certaine maturité. Bien sûr, parfois, j’avais un peu de frustration parce que je ne jouais pas ou très peu, mais j’ai toujours essayé d’avoir une vision à long terme.

« Faire une carrière dans le football, c’est aussi s’exposer à un grand nombre de frustrations qu’il faudra gérer pour avancer »

Je me disais que c’était par le travail que j’allais m’en sortir, que j’allais pouvoir montrer qu’on pouvait compter sur moi et que je pourrais faire de bonnes prestations avec l’équipe réserve. Je ne jouais pas avec les pros, mais j’avais envie d’aller jouer avec la réserve. Le week-end, je voulais concrétiser la semaine d’entraînement par un match.

Avec le recul, la transition entre la préformation et la formation n’a vraiment pas été facile. Ensuite, en étant un peu plus âgé, plus mature, j’ai peut-être été un peu plus patient. L’important, c’est de comprendre qu’il faut être prêt au bon moment, mais ce qui est parfois difficile, c’est qu’on ne sait pas quand ce moment arrivera.

En étudiant votre résumé, on peut avoir l’impression que votre développement a été linéaire. Arrivée dans un club professionnel à 12-13 ans, passage par toutes les équipes de France de jeunes et premier match chez les pro à 18 ans seulement. Mais en réalité, cela n’a pas été aussi linéaire…

Non, pas vraiment. Plus jeune, je n’ai jamais été surclassé, excepté sur quelques matchs avec la catégorie supérieure lorsqu’il manquait des joueurs. Je suis toujours resté dans ma catégorie d’âge pour les entraînements. J’ai fait ma scolarité dans un lycée classique, c’est-à-dire que l’on commençait l’école à 8h30 et on finissait à 17h00, pour aller à l’entraînement à 18h00.

J’ai avancé tranquillement et honnêtement, j’ai beaucoup travaillé. Ma seule envie, c’était d’être sur le terrain. J’avais juste envie de jouer, progresser, prendre du plaisir et montrer qu’on pouvait compter sur moi.

A l’époque où je commençais à jouer en pro, on commençait tout juste à entendre parler de discussions sur les transferts à l’étranger, les fin de contrat, etc. Mes premiers salaires pro, je ne les ai même pas négociés. Je voulais juste signer le papier et jouer.

« Ma seule envie, c’était d’être sur le terrain. J’avais juste envie de jouer, progresser, prendre du plaisir et montrer qu’on pouvait compter sur moi »

Claude Puel, mon premier entraîneur chez les pros, m’avait dit: « Félicitations, bravo, tu le mérites. En revanche, tu n’es pas encore un joueur professionnel. À partir de 50 matchs joués, tu pourras te considérer comme un joueur professionnel. Pas avant ». Cette phrase-là, elle m’est restée en tête parce qu’il avait raison.

J’avais juste signé un morceau de papier. A ce moment-là, on a ni l’expérience ni le vécu du monde professionnel. On ne peut donc pas se considérer comme un vrai joueur professionnel.

D’ailleurs, toutes les parties prenantes (internes et externes au club) impliquées dans ce processus doivent garder en tête, que c’est la patience, l’humilité, le respect et le travail, qui permettront au joueur de gravir les échelons.

💡 Carsten Hvid Larsen, pyschologue du sport (Fédération danoise de football) : « Ce n’est pas facile de passer d’un environnement où l’accent est mis sur le développement, où l’on est encore jeune et où l’entraîneur vous aide à développer certaines habiletés, à un environnement où l’on ne se soucie pas vraiment de votre développement, où vous devez juste être performant, ici et maintenant. »

  La transition entre l’académie et l’équipe 1ère est quelque chose d’extrêmement difficile

En fonction de chaque joueur et du contexte, cette phase de 50 matchs peut être plus ou moins longue. En effet, durant cette phase, le joueur est professionnel par contrat, mais sans réellement pouvoir considérer l’être. Il est encore un jeune en formation, mais sans plus réellement l’être non plus. Les allers-retours entre le groupe pro et la réserve, deux groupes aux caractéristiques et aux codes différents, peuvent être difficiles à appréhender et un joueur peut rapidement ne plus trouver ses repères dans un groupe comme dans l’autre. Ce retour avec la réserve peut notamment être perçu comme une régression. Qu’est ce qui vous a aidé à passer ce cap-là et à vous installer définitivement dans le groupe pro ?

La passion pour le jeu. S’entraîner la semaine pour aller s’asseoir sur un banc de Ligue 1, c’est bien, mais ce qui est important, c’est d’aller sur le terrain pour montrer ce que l’on sait faire. Il faut concrétiser par les matchs ce que l’on apprend à l’entraînement.

Moi, j’avais envie d’être sur le terrain. Je me disais que la seule façon de pouvoir espérer glaner beaucoup plus de temps de jeu, c’était par mes performances en match avec la réserve. Mais surtout, ce qui me permettrait d’être bon en réserve, c’est de bien travailler à l’entraînement.

En fait, c’était un cercle vertueux. Si je travaillais dur à l’entraînement, j’avais plus de chances d’être bon le week-end. Jouer avec la CFA me permettait de prendre du rythme et montrer qu’on pouvait compter sur moi. Avoir du rythme, être en jambe et être prêt physiquement me permettait d’être encore meilleur à l’entraînement pour pouvoir espérer jouer un peu plus le week-end avec la Ligue 1. Mais attention, cela n’a pas toujours été simple.

« S’entraîner la semaine pour aller s’asseoir sur un banc de Ligue 1, c’est bien, mais ce qui est important, c’est d’aller sur le terrain pour montrer ce que l’on sait faire »

Peut-être que parfois, j’ai pu manquer d’objectivité parce que j’étais motivé et que j’avais l’ambition de jouer. Je pensais pouvoir jouer et si le coach m’avait expliqué pourquoi je ne jouais pas, je l’aurais compris ou j’aurais pu le comprendre. Malgré tout, je n’ai jamais fait de bruit, je n’ai jamais fait d’histoire.

Ce que je voulais, c’était vraiment montrer que j’étais quelqu’un d’honnête, humble et respectueux et que c’est par le travail que j’allais gagner ma place et gagner l’opportunité d’avoir beaucoup plus de minutes de jeu.

La fiabilité semble primordiale pour un entraîneur, au moment de faire débuter ou faire jouer un jeune joueur. Durant les minutes qui lui sont proposées, ce dernier doit pouvoir montrer au coach que celui-ci à eu raison de lui faire confiance. Pour vous, qu’est-ce que veut dire être fiable pour un jeune joueur ?

Quelqu’un de fiable, c’est quelqu’un sur qui on peut compter pour remplir les fonctions qui lui ont été confiées. Qu’un joueur ait 18 ou 39 ans, le coach a besoin de savoir s’il peut compter sur lui.

Lorsqu’il imagine des schémas de jeu et qu’il se dit qu’il va lancer un jeune joueur, il sait que ce dernier manquera parfois d’expérience, de malice dans les duels ou de résistance, mais qu’avec ballon et sans ballon, il apportera un certain nombre de garanties.

Vous avez réalisé le doublé avec le LOSC en remportant le championnat et la Coupe de France. Cela peut également constituer une forme de transition, car vous êtes passé du statut de joueur confirmé de Ligue 1 à « champion ». Est-ce que cela vous a transformé ?

C’est venu valider tout le travail que j’avais effectué avec le club depuis les U13 (1998 à 2011). Tout le travail accompli a, en quelque sorte, été validé par le doublé que nous avons réalisé à une semaine d’intervalle.

C’est également à ce moment-là que j’ai annoncé au club que je partirai. Je ne pouvais pas mieux finir mon aventure avec le LOSC. Nous avions réalisé une saison incroyable avec une très bonne équipe. Nous possédions une espèce de force collective qui nous amenait à penser que c’était la bonne année.

Est-ce que ces titres m’ont changé ? Non, ils ne m’ont pas changé, mais ils m’ont donné beaucoup plus confiance. Que ça soit ensuite en Angleterre ou en sélection nationale. Cela m’a permis de me dire que je ne finirai pas ma carrière sans trophée.

C’était un point important pour moi, parce que forcément, il faut essayer de se mettre des objectifs pour toujours avancer. Pouvoir gagner un trophée avec mon club formateur en était un et cela à été l’un des plus beaux moments de ma carrière.

« C’est venu valider tout le travail que j’avais effectué avec le club depuis les U13 »

J’ai ensuite eu la chance d’en gagner d’autres avec le Paris Saint-Germain. C’est toujours un moment particulier. Encore davantage lorsqu’on repense à tous ces titres, une fois que notre carrière est finie.

Lorsqu’on est dans la « machine à laver », cela va trop vite. Une fois que l’on a gagné un trophée, on doit penser au trophée suivant, on doit penser au match suivant, à l’entraînement suivant.

Une fois que c’est fini, que l’on fait un flashback sur sa carrière, c’est là que l’on saisit vraiment l’intensité des moments que l’on a vécu. Lorsqu’on a gagné le titre avec Lille, il y a eu des moments incroyables. Encore une fois, ils ne m’ont pas changé, mais cela m’a donné beaucoup plus confiance en moi.

A la suite de cette saison exceptionnelle, vous avez opéré une nouvelle transition, en rejoignant Newcastle United et la Premier League. A l’image de la transition entre la formation et le groupe pro, partir à l’étranger n’est pas forcément quelque chose auquel on est préparé. Vous avez découvert une nouvelle culture, une nouvelle langue, un football différent. Comment se prépare-t-on à ce type de transition vers l’étranger et comment l’avez-vous vécue ?

Dès que je me suis engagé oralement avec Newcastle, j’étais le plus heureux. Découvrir la Premier League, c’était un objectif de carrière. Je sortais de ma zone de confort et honnêtement j’ai pris un coup. Je me demandais comment cela allait se passer, je me posais 10 000 questions.

À l’époque, je ne parlais pas un mot d’anglais et je me demandais comment j’allais m’en sortir. Ce n’était pas une crise de panique, mais je dirais que je n’étais pas non plus insouciant comme je l’ai très souvent été.

Une fois arrivé sur place pour rencontrer les dirigeants, qui m’avaient présenté le projet auparavant, que j’ai vu la ville, là où j’allais habiter, le centre d’entraînement, le stade, cela m’a rassuré. Je me suis dit que c’était le bon endroit pour moi.

Ensuite, je suis parti en tournée d’été avec l’équipe de France, c’était un an avant l’Euro, et au retour j’ai signé officiellement à Newcastle. L’aventure commence à ce moment-là.

« Je sortais de ma zone de confort et honnêtement j’ai pris un coup »

Je signe, je récupère mon maillot, je pars en vacances et j’ai l’intime conviction que cela va bien se passer. Je n’arrive pas dans un endroit que je n’ai jamais vu et où je ne connais personne.

Tout l’été, cela m’a permis de pouvoir me projeter et de pouvoir, en quelque sorte, être rassuré. C’était la première fois que je partais de Lille et je ne partais pas en France, mais à l’étranger.

J’y suis allé avec courage et je me suis dit que de toute façon, c’était mon rêve de jouer en Premier League et que l’opportunité était là. Il fallait que je la saisisse. La confiance des dirigeants et du coach à l’époque m’a permis de vivre des moments fabuleux.

Comment, durant votre carrière, vous êtes-vous préparé à une autre transition difficile, l’après-carrière ?

Très jeune, j’avais découvert le jeu de l’Entraîneur (Championship Manager) qui est par la suite devenu Football Manager. J’ai joué à toutes les versions du jeu, sans exception.

Je prenais beaucoup de plaisir à faire les équipes, à recruter, à vendre, à choisir les staffs, etc. Même lorsqu’il y a eu des versions où on pouvait s’occuper un peu plus du stade, du merchandising, c’est un environnement qui m’a toujours attiré.

Je me suis toujours dit: « Quand ça va se finir, qu’est-ce que je vais faire ? » Parce que quand ça s’arrête, parfois, ça ne prévient pas. Par ailleurs, je ne voulais pas me réveiller un jour et me dire: « Mince, je ne sais pas par où commencer, je ne sais pas où aller,… ».

J’ai donc commencé à poser des questions à d’anciens coéquipiers, des amis qui avaient arrêté avant moi et ils m’ont un peu guidé. Ayant l’ambition d’être un jour directeur sportif, forcément, mon intérêt s’est porté sur certains aspects plus que d’autres.

En ce sens, j’ai rencontré un certain nombre de personnes, j’ai passé des diplômes à la fin de ma carrière (CDES Limoges) avec cette ambition de rester impliqué dans le jeu et dans le football.

Certainement qu’inconsciemment, durant ma carrière, j’ai également pris beaucoup d’informations sur différents rôles, différents postes et sur comment travaillaient certaines personnes. C’est donc assez naturellement que j’ai suivi cette direction et que je me retrouve là où je suis aujourd’hui.

Comment définiriez-vous votre rôle au Paris Saint-Germain et la vision dans laquelle le club s’inscrit vis-à-vis du développement des jeunes joueurs ?

La vision et l’ambition, c’est d’accompagner le développement de futurs talents du football au niveau national et international. Ça, c’est sur l’aspect sportif. Sur l’aspect extra-sportif, c’est aussi former des êtres humains à forte valeur.

Cela passe par la scolarité et la dimension socio-éducative. Nous avons un triple projet qui est hyper important et nous mettons beaucoup d’intensité, beaucoup de détermination, pour le suivre au quotidien.

Ce serait facile de se contenter de la partie sportive et football, mais la scolarité et la partie socio-éducative sont extrêmement importantes, parce que les garçons doivent se développer autour de ces trois piliers-là. Notre vision, c’est être l’un des meilleurs centres de formation au monde, parce que nous sommes en mesure de le faire.

Il y a beaucoup d’ambition, mais il y a aussi beaucoup d’humilité. Beaucoup d’ambition, parce que la région parisienne possède un vivier exceptionnel. Beaucoup d’humilité, parce qu’un vivier n’est pas suffisant, il est nécessaire de mettre en place un modèle de développement permettant d’accompagner les joueurs qui vont intégrer notre structure, dans les meilleures conditions.

Peut-être que nous accueillerons les meilleurs profils à 12-13 ans, mais qui ne seront peut-être pas les meilleurs à 17-18 ans. C’est pour cela qu’il faut travailler avec humilité et investir notre énergie, nos ressources humaines et financières de manière adaptée, afin d’optimiser notre accompagnement.

Nous devons avoir l’ambition de devenir le meilleur centre de formation au monde parce que nous avons les capacités et la possibilité d’accompagner les garçons dans les conditions d’excellence. Toutefois, il faut savoir que si nous ne travaillons pas bien, que nous ne sommes pas exigeants et à la recherche de l’excellence, nous n’atteindrons pas nos objectifs.

Un certain nombre de clubs ont cette même ambition, devenir le “meilleur centre de formation du monde”. Néanmoins, pour chacun de ces clubs, cet objectif se traduira par une mise en œuvre et des indicateurs de performance différents. À Paris, quels sont les principaux critères vous permettant d’évaluer que vous allez bien dans cette direction ?

Chaque club possède effectivement ses propres indicateurs de performance. Pour moi, la santé de notre centre de formation s’évalue à partir d’indicateurs comme le nombre de joueurs évoluant au plus haut niveau, c’est-à-dire en équipe nationale ou alors qui jouent la Ligue des champions toutes les semaines. Nous avons réellement l’opportunité d’atteindre cet objectif, mais encore faut-il en être conscients.

Le nombre de joueurs pouvant intégrer le groupe professionnel est contraint, le nombre de joueurs inscrit sur une feuille de match est contraint, le nombre de joueurs pouvant évoluer en même temps sur un terrain de football est également contraint. Sans plan de succession clair, cela peut être extrêmement difficile d’intégrer de manière régulière et cohérente de jeunes joueurs à l’équipe première. Compte tenu de votre rôle, comment déterminez-vous chaque week-end le challenge qui sera le plus adapté pour le développement des joueurs, sachant que chaque joueur est différent et possède un plan de développement qui lui est propre ?

Il y a plusieurs points à prendre en considération, notamment la vision que le coach a du week-end. C’est là où l’aspect humain est prépondérant, car il faut des formateurs qui comprennent le projet.

La mission d’un centre de formation, c’est former et développer des joueurs de talent pour l’avenir. Pas pour le week-end à venir, ni même le suivant ou celui d’après. Le plus important, c’est de savoir quelle vision nous avons pour le futur.

Définir un plan de succession est un sujet hyper important dans un club et surtout à la formation. Tous les joueurs ne vont pas avancer à la même vitesse, mais cela ne veut pas dire que ceux qui avancent le plus vite, seront forcément ceux que l’on retrouvera à la fin, relativement à ceux qui avancent le moins vite. Chacun a son timing de progression et le plus important, c’est d’atteindre la fin.

« La mission d’un centre de formation, c’est former et développer des joueurs de talent pour l’avenir. Pas pour le week-end à venir, ni même le suivant ou celui d’après »

Ensuite, il y a le rapport au temps de jeu. C’est un élément qui va venir influencer un certain nombre de décisions. Lorsqu’un joueur a eu beaucoup de minutes dans une catégorie, qu’il semble avoir coché toutes les cases, que nous sentons qu’il maîtrise son sujet, il peut y avoir des choses mises en place.

Par exemple, il peut rester dans la même catégorie, mais réaliser une séance d’entraînement le matin du match afin qu’il joue l’après-midi en état de pré fatigue. Cela peut être contre un adversaire difficile à domicile ou un plus faible si nous voulons évaluer d’autres caractéristiques.

Tout cela en accord avec les préparateurs physiques et le médical, afin de minimiser les risques de blessure. C’est une configuration qui peut nous donner des indications sur le développement du joueur.

« L’aspect humain est fondamental, parce qu’il faut communiquer, il faut partager les informations. Cela peut être difficile pour le formateur, parce qu’il est souvent centré sur l’équipe dont il a la charge »

S’il se comporte correctement avec ses coéquipiers, qu’il n’est pas nerveux avec l’arbitre, qu’il garde sa sérénité balle au pied, qu’il n’est pas en retard sur ses interventions défensives, qu’il est toujours bien placé, c’est qu’il peut peut peut-être passer au-dessus. Dans d’autres cas, il est préférable que le joueur puisse enchaîner 80-90 minutes dans sa catégorie, plutôt que de passer avec la catégorie du dessus.

Il y a une sensibilité à avoir, des ajustements à faire à des moments précis. L’aspect humain est fondamental, parce qu’il faut communiquer, il faut partager les informations. Cela peut être difficile pour le formateur, parce qu’il est souvent centré sur l’équipe dont il a la charge, néanmoins c’est le développement du joueur qui prime.

Vous êtes l’un des garants de la cohérence et de la mise en œuvre de la stratégie sportive durant la préformation et la formation des joueurs. Compte tenu de l’extrême difficulté de se projeter avec précision sur ce que sera un enfant de 12 ans, lorsqu’il aura 18-20 ans, comment avez-vous construit votre processus de décision afin de vous offrir le temps nécessaire pour décider sereinement, sachant que le temps est une ressource limitée ?

Nous devons proposer le même niveau d’accompagnement à chaque joueur. Les centres de formation peuvent avoir tendance à favoriser la création de statuts, mais à la formation, il n’y a pas de statut à avoir. C’est comme pour le premier contrat professionnel. Encore une fois, ce n’est pas le contrat qui fait le professionnel.

Il n’y a pas de statut parce que le garçon de 13 ou 14 ans qui est au-dessus, qui est en avance sur tout le monde, les trois quarts du temps, ce n’est pas lui que l’on retrouve à  la fin. Pourquoi ? Parce qu’il s’arrête de travailler.

On lui a tellement dit que ce qu’il fait est incroyable, qu’il est en avance, parce qu’il est surclassé, etc. Donc lui, inconsciemment, il se dit que finalement c’est facile le football.

« Ce n’est pas le contrat qui fait le professionnel »

Dès qu’un joueur se dit que c’est facile, c’est terminé. Il a déjà commencé la descente de l’escalier. Il a mis le pied sur la première marche, et ensuite, c’est très difficile de repartir.

Être en avance à 12, 13 ou 14 ans et réussir, c’est possible. En revanche, il faut un entourage sain, de la tranquillité d’esprit et des valeurs de travail qui poussent le joueur à être à 100%.

Si le joueur pense qu’être à 90% suffira, avec ce type de pensée, je peux garantir que les 10% manquants au départ prendront une proportion beaucoup plus importante au fil du temps.

« Être en avance à 12, 13 ou 14 ans et réussir, c’est possible. En revanche, il faut un entourage sain, de la tranquillité d’esprit et des valeurs de travail qui poussent le joueur à être à 100% »

Le taux d’échec sur ce type de joueur est beaucoup plus élevé qu’on ne le pense, parce qu’on leur a tellement répété qu’ils sont les meilleurs, qu’ils sont en avance, qu’ils finissent par croire que le développement est linéaire. Ils ne font alors pas ou de moins en moins, le travail qui est censé leur permettre d’être performants, dans le temps, à haut-niveau.

Ils se disent qu’ils sont en avance, donc qu’ils peuvent en faire moins, alors qu’ils devraient avoir une approche du haut-niveau leur permettant de garder ce temps d’avance. Ce qui permet d’aller ou de continuer dans cette direction-là, c’est l’entourage.

A cet âge là, un joueur n’a pas d’expérience. Sa connaissance du monde est très limitée. Il va donc se fier à ce qu’il entend autour de lui, c’est-à-dire les compliments quotidiens. Cependant les louanges peuvent rapidement affaiblir les hommes. Il faut donc agir avec discernement, parce que ce sont avant tout des êtres humains et surtout, des enfants.

Le football est un environnement où les jeunes joueurs peuvent effectivement rapidement être portés aux nues, notamment par leur entourage, les médias, etc. Comment, en tant qu’organisation et en tant que personne, les aidez-vous à rester au contact de ce qu’ils produisent réellement, notamment en leur disant “non”?

Former, c’est développer et c’est éduquer les garçons. Le piège pour toutes les parties prenantes du développement d’un joueur, c’est d’être amenées à dire oui pour de mauvaises raisons : pour éviter de blesser, par politesse ou parce que l’on ne discerne pas bien où se situe son intérêt à moyen et long terme.

Dire non peut faire mal au cœur, mais c’est un outil qui permet de rester focaliser sur ce qui est réellement important, c’est à dire le développement de l’individu et du joueur.

Parfois, ils ne comprennent pas pourquoi on leur dit non et une certaine frustration peut s’installer. Je leur dit souvent que je ne suis pas là pour me faire des amis, mais pour être juste et honnête envers tout le monde. Je veux qu’ils comprennent que je ne leur dit pas non pour les embêter, mais parce que travailler dans leur intérêt est ma priorité absolue.

« Le piège pour toutes les parties prenantes du développement d’un joueur, c’est d’être amenées à dire oui pour de mauvaises raisons : pour éviter de blesser, par politesse ou parce que l’on ne discerne pas bien où se situe son intérêt à moyen et long terme »

Si je les recroise dans 10, 15 ou 20 ans, je veux juste qu’ils puissent me dire que j’ai été juste, droit et honnête avec eux. Aujourd’hui, peut-être que mon comportement amènera de la frustration chez eux, voire de la colère et qu’ils se diront que je ne les comprends pas.

Néanmoins, mon objectif est que ce qu’ils traversent leur serve pour plus tard. Ce qu’ils vivent aujourd’hui ou pourront vivre à la formation, je l’ai aussi vécu. Tout ce que je leur souhaite c’est de faire bien plus que moi et plus longtemps.

Mon vécu et mon expérience de ce passage difficile peuvent leur servir. Mais je comprends aussi qu’ils ont parfois besoin de tomber ou de se brûler, pour le comprendre.

Le mot frustration est très présent dans vos propos. Comment avez-vous appréhendé cet aspect durant votre carrière et comment accompagnez-vous les joueurs en préformation, formation et post formation ?

A mon époque, la partie mentale était très peu développée. A Lille, notamment, il n’y a jamais eu de préparateur mental ou quelqu’un pour nous accompagner individuellement ou collectivement. En Angleterre, c’était beaucoup plus répandu, mais personnellement, je n’ai jamais travaillé avec quelqu’un.

J’ai tendance à aller chercher moi-même les informations dont j’ai besoin, dès que j’ai une question ou une problématique. Lorsque j’étais joueur, je me suis développé tout seul sur la partie mentale.

Je lisais beaucoup de livres et j’essayais d’adopter une attitude de champion. D’ailleurs, Champion dans la tête : Comprendre et s’inspirer de la psychologie des champions, de François Ducasse, est un livre que j’ai lu à de nombreuses reprises.

Je me suis aussi inspiré de différents sports. Le tennis est un sport remarquable en termes d’inspiration. Le basket aussi, à travers la NBA. Ce sont deux sports qui m’ont donné beaucoup de connaissances, beaucoup d’éléments à essayer de mettre en application dans mon quotidien. C’est ce qui m’a permis de toujours avancer.

Un exemple concret, c’est la mise en place d’objectifs personnels de séance. Etant milieu de terrain, parfois, mon objectif de séance était de créer les conditions me permettant de jouer vers l’avant, dès que j’avais le ballon.

Combien de réussites, combien d’échecs, etc. Lorsqu’on faisait du travail devant le but, je devais cadrer toutes mes frappes afin d’avoir beaucoup plus de chances de marquer le week-end.

C’est cet ensemble de petites routines que je me suis imposé, qui m’a permis d’avancer et de progresser. Mais je n’avais pas recours à un préparateur mental comme ça peut l’être aujourd’hui. Pour faire la transition à aujourd’hui, on a la chance d’avoir la ressource humaine nécessaire au club.

C’est une dimension hyper intéressante et bien évidemment, c’est une partie du développement qu’il ne faut pas laisser de côté. Les jeunes partent très tôt de chez eux. Ils sont plongés dans un environnement qui est difficile, il y a beaucoup d’exigences, il y a de la concurrence et il y a de la pression. Jouer au Paris Saint-Germain, aujourd’hui, c’est quand même quelque chose d’à part en France et même en Europe.

Avec l’avènement des réseaux sociaux, c’est un environnement encore plus difficile. À mon époque, il n’y avait pas de réseaux sociaux. Je jouais, je faisais un mauvais match, je le savais et la semaine suivante je retournais travailler avec détermination. Aujourd’hui, les jeunes passent une grande partie de leur journée sur leur téléphone. C’est un réel fléau.

Je n’ai pas d’idée pour le contrer, mais la réalité est celle-là. Ce qui peut être dit ou écrit sur les réseaux sociaux peut faire mal, mettre en colère et on peut trouver cela injuste, parce que les gens ne comprennent pas tous les efforts qui sont faits au quotidien pour essayer d’être performant.

« À mon époque, il n’y avait pas de réseaux sociaux. Je jouais, je faisais un mauvais match, je le savais et la semaine suivante je retournais travailler avec détermination. Aujourd’hui, les jeunes passent une grande partie de leur journée sur leur téléphone. C’est un réel fléau »

Sous prétexte que nous sommes des privilégiés, en tout point de vue, nous devrions être immunisés contre toute contre performance ? Cela n’existe pas. Nous ne sommes que des êtres humains qui pratiquent un sport.

Parfois, la tête veut mais les muscles ne répondent pas comme on le souhaite. Certains jours, il y a de l’inspiration et d’autres jours, elle n’est pas présente. C’est aussi ce qui fait la beauté du football et du sport en général. Mais lorsqu’on est jeune, on n’est pas préparé à cela. Donc ça peut faire mal.

C’est pour cela que nous essayons de mettre en place un accompagnement à la haute performance afin que les garçons puissent être mieux armés pour affronter toute cette méchanceté et cette haine parfois, qui peuvent être destructrices. En revanche, les louanges doivent donner confiance aux joueurs, mais il ne faut pas que cela se transforme en arrogance.

Malgré les infrastructures ou encore l’accompagnement proposé par le club, le seul aspect sur lequel un joueur a le contrôle, c’est sur ce qu’il fait par et pour lui-même, ainsi que sa manière d’interagir avec ses coéquipiers, le staff, etc. Le premier évaluateur de sa performance, c’est finalement lui-même.

Exactement. Nous pouvons proposer au joueur les meilleures séances d’entraînement, le mettre sur la meilleure pelouse dont on puisse rêver, le mettre dans le meilleur environnement, s’il n’a pas la volonté d’apprendre, qu’il n’a pas la volonté d’écouter et de progresser, cela ne fonctionnera pas.

Il avancera un petit peu parce qu’indirectement, il s’entraîne très régulièrement et il apprend un certain nombre de choses. Mais s’il n’a pas une extra motivation à vouloir apprendre, se développer, se former, progresser, écouter et mettre en application ce qu’on souhaite lui transmettre, c’est peine perdue.

Un jour, ce garçon se réveillera en disant: « punaise, j’avais du talent, si j’avais su ». Le problème, c’est que des garçons qui se disent ensuite « si j’avais su », il y en a énormément.

Ce type de joueur peut amener de la frustration chez un formateur, parce qu’on se dit qu’ils ont tout. Les infrastructures, les ressources humaines à disposition, un accompagnement de haut-niveau, etc.

« Nous pouvons proposer au joueur les meilleures séances d’entraînement, le mettre sur la meilleure pelouse dont on puisse rêver, le mettre dans le meilleur environnement, s’il n’a pas la volonté d’apprendre, qu’il n’a pas la volonté d’écouter et de progresser, cela ne fonctionnera pas »

Il y a 20 ans, nous n’avions pas tout ce à quoi ils ont accès aujourd’hui. J’avais des compétences et de la qualité comme certains d’entre eux, mais la compétence qui m’a permis de réaliser une carrière, c’est le mental. C’est dans la tête qu’il ne fallait pas lâcher, qu’il fallait se créer des routines et qu’il fallait avoir la volonté de travailler, de progresser, etc.

Alors bien sûr que c’était plus facile à faire lorsqu’on gagnait et quand j’arrivais à marquer un but, que lorsqu’on perdait et que je passais au travers, mais dans les deux cas, je retournais travailler. Dans les deux cas, il faut mettre ce qu’on a fait le week-end précédent de côté parce que c’est fini, ça ne changera plus rien et qu’on ne peut plus revenir dessus. Il faut repartir au travail. C’est pour cela qu’il faut se créer des routines.

« À la formation, ce qui est difficile, c’est que c’est un projet personnel, qui doit s’inscrire dans un collectif. Mais c’est tout d’abord un projet individuel »

Il faut se dire qu’aujourd’hui, on est peut-être en avance sur certains joueurs, mais que demain, si on s’endort, les autres joueurs vont nous dépasser et de très loin. Donc moi, je ne pouvais pas m’arrêter de travailler et de voir le football comme une passion avant toute chose. C’est le bonheur de pouvoir se lever le matin, d’aller s’entraîner, de rentrer, de se reposer, de profiter en famille.

Le soir, il n’y a rien de mieux que de s’installer sur son canapé et de regarder un bon match de foot. Mais pour moi, regarder un bon match de foot, et j’étais comme ça à l’époque, ce n’est pas du coup d’envoi ou coup de sifflet final.

Avant, si on en a l’opportunité, c’est d’entendre les commentaires, d’entendre les analyses, d’entendre les gens parler à propos du match et après, d’écouter l’analyse des acteurs, des coachs, etc. C’est comme cela que je vis véritablement un match. Pour moi, c’est ça qui est important.

C’est comme cela que j’ai avancé depuis petit. À l’époque, lorsqu’on avait de la chance, il y avait certains matchs qui passaient à la télé, donc je les regardais de A à Z. Aujourd’hui, c’est plus facile parce que tous les matchs sont diffusés. Il y en même tellement, que parfois, on est perdu. C’est tout cet ensemble qui permet de vivre son projet.

Ce projet, il est personnel. À la formation, ce qui est difficile, c’est que c’est un projet personnel, qui doit s’inscrire dans un collectif. Mais c’est tout d’abord un projet individuel.

A ma connaissance, aucun club n’a réussi à intégrer 11 joueurs, du gardien jusqu’à l’attaquant, de la même année d’âge, dans son équipe première. Donc forcément, si le joueur n’est pas conscient de cela, qu’il n’a pas envie, nous pouvons lui proposer les meilleurs programmes, il ne se passera rien.

« Arriver au niveau professionnel, c’est possible. Rester à ce niveau dans la durée, c’est autre chose et cela nécessite un autre type de compétences »

En revanche, le joueur qui était peut-être un peu moins perçu comme un talent au départ, qui a eu accès aux mêmes programmes, aux mêmes investissements, à la même attention, mais qui a l’envie de travailler, de progresser, d’écouter, de mettre en application, je peux garantir qu’au final, il finira plus haut que celui qui n’a pas envie, alors qu’il avait moins de « talent » au départ.

Arriver au niveau professionnel, c’est possible. Rester à ce niveau dans la durée, c’est autre chose et cela nécessite un autre type de compétences. C’est pour cela que le garçon doit être prêt, il doit avoir développé les habiletés mentales nécessaires pour pouvoir le faire. Arsène Wenger parlait d’endurance de motivation. Cela passe par l’enthousiasme que l’on va mettre au quotidien.

Au départ, lorsqu’on commence à jouer, on voit notre nom derrière le maillot, on reçoit des cartons de chaussures, on est émerveillé comme des gamins. Plus on avance, plus on le perd.

C’est quelque chose que nous devrions garder. Conserver cette joie de recevoir un carton de chaussures pour pouvoir jouer au football, de voir son nom sur le maillot.

Ce sont des rituels à créer et qui nous permettent d’avancer sans nous poser de questions. Lorsqu’on est adulte, on se pose 10 000 questions qui nous ralentissent, qui nous freinent et qui nous mettent des limites. A partir du moment où on a des croyances limitantes, cela devient plus compliqué pour avancer.

Compte tenu de toute votre expérience dans le monde du football, des entraîneurs et des joueurs côtoyés, qu’avez vous appris sur la nature humaine ?

Ce n’est pas nouveau, mais chaque être humain est unique. Ma manière de percevoir une situation sera certainement différente de la personne qui est à côté de moi. S’il n’y a pas de communication, il peut vite y avoir des frictions, des sous-entendus, des projections ou encore des interprétations qui peuvent créer des tensions.

Parfois c’est difficile, mais c’est hyper important de pouvoir parler, communiquer, expliquer sa perspective. Sur certaines situations, nous partagerons la même vision et sur d’autres non. C’est impossible de partager la même vision avec tout le monde. Dans le football c’est la même chose. Je peux trouver un joueur intéressant et un autre observateur dira qu’il n’est pas sûr et inversement.

C’est ça qui fait la beauté des choses aussi. Cette observation qui diffère de la mienne va me pousser à me demander pourquoi l’autre à cette perspective. Je vais alors creuser pour comprendre, parce que j’aime bien ce challenge-là.  C’est comme cela que l’on fait avancer les choses.

Par ailleurs, je n’aimerais pas que les personnes avec qui je travaille me disent tout le temps que j’ai raison. Comme les louanges faites aux joueurs, c’est le meilleur moyen de perdre de vue l’objectif que nous partageons. Nous avons tous besoin de challenge, de définir quelle est l’étape suivante lorsqu’on a réussi quelque chose.

« Parfois c’est difficile, mais c’est hyper important de pouvoir parler, communiquer, expliquer sa perspective. Sur certaines situations, nous partagerons la même vision et sur d’autres non »

Il faut avoir la volonté de toujours avancer, de toujours proposer quelque chose qui peut peut-être toucher ne serait-ce qu’une personne. Si on arrive à toucher une personne avec ce que l’on fait, ce que l’on dit, ce que l’on met en place et notre vision, c’est déjà une réussite. Je ne pense pas détenir la vérité parce que dans le football, il n’y a pas de vérité, mais j’ai une passion et j’ai surtout un vécu que j’ai envie de transmettre.

L’autre aspect important, c’est comment la personne en face de moi va accueillir ce que je veux transmettre. Est-ce qu’elle a envie de l’écouter ? Est-ce qu’elle a envie de le prendre pour elle ? Est-ce qu’elle a envie de prendre ne serait-ce que deux, trois phrases que j’ai pu dire ? Ca, je ne le maîtrise pas.

Néanmoins, c’est un plaisir de partager mon vécu, ma vision, ma passion. C’est quelque chose que je ferai toujours parce que j’ai eu la chance de vivre ces moments fabuleux, fantastiques. C’est difficile de retrouver les mêmes sensations, les mêmes émotions. C’est très difficile. Le football procure quelque chose qui est parfois difficilement descriptible, pour ne pas dire indescriptible. La naissance d’un enfant est de cet ordre là.

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