La science ou l’art de la passe courte et du jeu long

Proposition théorique de © Jean-Francis Gréhaigne, professeur des Universités honoraire en STAPS de l’Université Bourgogne Franche-Comté.

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La nécessité d’envisager des trames de jeu variées en rapport avec la flexibilité tactique renvoie à une indispensable alternance entre le jeu court et le jeu long avec leurs avantages et leurs inconvénients que nous nous proposons d’étudier dans cet article.

La passe courte

Le jeu court, érigé en philosophie de jeu reste une approche où l’intelligence tactique, la vision du jeu, la simplicité des gestes ou la généralisation du mouvement, des courses et des déplacements fondent un arrière-plan solide pour l’équipe. Tout simplement, un football qui met le jeu court en avant s’appuie sur un état d’esprit collectif et offensif particulièrement bien incorporé. Enfin, s’appuyer sur la disponibilité de chacun permet de fluidifier le jeu par de la simplicité dans les transmissions.

Les meilleures équipes de football aujourd’hui, recourent à des passes courtes et rapides pour garder la possession du ballon, puis mettre en difficulté la défense avec une passe dans la profondeur ou échapper au pressing en adressant le ballon à un coéquipier afin qu’il puisse continuer l’offensive. Au football, on parle de passe courte pour une passe transmise au ras du sol afin de faciliter le contrôle de balle par un partenaire. Cela permet de garder le ballon pendant de longues périodes, préserve la possibilité de marquer,  tout en privant l’autre équipe de cette opportunité.

Après quelques passes courtes, avec un ballon toujours en mouvement, survient souvent un déplacement du bloc défensif qui autorise soit une prise d’avance soit une passe longue « meurtrière ». Avec un jeu court, les grandes équipes jouent à une ou deux touches afin de poursuivre le mouvement en cours s’il existe un avantage numérique ou de dépasser le premier rideau des défenseurs (R1), lorsqu’il y a de l’espace derrière, en adressant un ballon à un joueur libre. En cas d’échange de la balle, le nouveau rôle du passeur va consister à se déplacer vers une autre position pour continuer à participer à l’attaque. Les principes de base restent les mêmes : mobilité, anticipation et replacement.

« En cas d’échange de la balle, le nouveau rôle du passeur va consister à se déplacer vers une autre position pour continuer à participer à l’attaque. Les principes de base restent les mêmes : mobilité, anticipation et replacement. »

Il existe une grande variété de passes courtes et partant du principe que cette gestuelle est la réalisation motrice d’une décision tactique, il devient difficile de dissocier l’un et l’autre. Si l’objectif est de travailler le déséquilibre du bloc défensif en jouant dans son dos, on doit travailler à l’entraînement, en situation d’affrontement, les gestes qui permettent de déséquilibrer l’adversaire comme la passe, la déviation ou le centre si on veut passer par la périphérie.

Ainsi, passe courte de l’extérieur du pied pour contourner un adversaire, passe courte avec le plat du pied pour privilégier la sécurité, sont alors au programme. Pour faire des passes courtes de qualité qui n’offrent pas aux adversaires des balles d’interception et de contre-attaque, on doit prendre en compte la configuration du jeu et les rideaux défensifs.

Toutefois, au tout début du « football association », la passe était impossible. Dans le tout premier livre des lois du jeu du football, « passer le ballon en avant » était illégal. À l’origine, tous les joueurs attaquants qui étaient positionnés plus près du but de l’adversaire que le ballon, étaient considérés comme hors-jeu, ce qui signifiait que toute avancée potentielle du ballon devait provenir d’une conduite de balle.

Ainsi, « chaque avant faisait sa partie sans se préoccuper de ses coéquipiers, cherchant à conquérir quelques lauriers par son adresse comme dribleur, chassant le ballon devant lui pour le piloter par d’habiles manœuvres à travers les vides dans les rangs ennemis, lui faisant faire maints détours pour éviter la défense du camp opposé et arriver jusqu’au but » (Tumner & Fraysse, 1904, p.23).

« Il existe une grande variété de passes courtes et partant du principe que cette gestuelle est la réalisation motrice d’une décision tactique, il devient difficile de dissocier l’un et l’autre. »

Cependant, au lieu de mener ces raids solitaires, les Écossais avaient adopté une approche légèrement différente des choses. Dans les années 1870, ceux-ci fonctionnaient avec un style distinct, fondé sur des passes courtes. Les tacticiens britanniques étaient pour l’individualité et contre le jeu en passe, mais à force de perdre les matches contre l’Écosse par deux, trois ou quatre buts d’écart il fut décidé de changer le règlement. Après une certaine résistance de la part des joueurs anglais, quelques années plus tard, un amendement aux règles du football légalisa les passes vers l’avant.

Pourtant, même avec le changement de règle, la passe en avant était mal vue en Angleterre. Après tout, pourquoi passer et permettre à quelqu’un d’autre de faire avancer le ballon alors que vous pourriez porter le ballon vous-même ? Ainsi, les premiers sceptiques de la passe eurent tort car pour diminuer l’individualisme, l’échange de balle offre une palette accrue de possibilités pour l’originalité et la créativité dans le jeu.

D’un autre point de vue, il est à noter que la balle se déplacera toujours plus vite que n’importe quel dribleur. Aucun joueur passé, présent ou futur ne pourra couvrir le terrain plus rapidement ou plus haut que le ballon. Au cours de son parcours d’un joueur à l’autre, celui-ci a la capacité de se faufiler entre les adversaires, de contourner les défenseurs et même de flotter au-dessus des joueurs. Ces qualités font partie de ce qui rend l’échange de la balle si spécial, parmi d’autres éléments du jeu.

Pour qu’un échange de la balle optimise le potentiel de l’attaque, il doit contenir de nombreux détails entrelacés, mais la passe astucieuse commence habituellement par une bonne vision de la configuration du jeu. Repérer un espace libre ou même créer un espace ouvert qu’un coéquipier pourra exploiter nécessite une perception rapide et sûre. Un joueur avec une bonne capacité à repérer les opportunités de passes ou à créer un espace ouvert pour un coéquipier à l’aide d’une passe lumineuse est un acteur précieux dans le jeu moderne où les blocs défensifs organisent largement l’affrontement.

Inventaire des passes courtes

Nous allons maintenant nous intéresser à un inventaire des passes courtes pour consommer un rideau défensif ou exploiter un espace ouvert ou libre.

Une passe dans l’espace derrière la défense

Ce type de passe est en haut de la liste car il peut causer des problèmes aux défenseurs. Après la passe, les défenseurs ne sont plus face au ballon, ils doivent se retourner et se lancer à la poursuite du porteur de balle, voire tenter de reconstituer un rideau défensif en barrage. Il existe trois façons d’exécuter ce type de dépassement.

L’objectif est d’envahir l’espace derrière les défenseurs pour l’avant-centre ou l’ailier en effectuant des appels de balle vers l’avant.

Figure 1. Passe entre le défenseur central et le défenseur latéral avec une passe droite dans la profondeur.

Le ballon est joué en avant, dans la profondeur à partir d’une position de départ dans le couloir intermédiaire droit pour que l’avant-centre se déplace dans l’espace derrière le dos du défenseur direct. Dans l’exécution, le plus difficile demeure le dosage de la frappe de balle pour que celle-ci ait suffisamment de vitesse pour prendre de l’avance mais pas trop pour que le réceptionneur puisse s’en emparer.

Figure 2. Passe entre le défenseur central et le défenseur latéral avec une passe en diagonale.

Figure 3. Passe en diagonale au-dessus des défenseurs. Le lanceur se déplace ensuite en soutien de ses partenaires (passe et va). Le lancer (2) renvoie plus à du jeu long.

Il est possible d’utiliser d’autres formes tactiques et principes en fonction des configurations momentanées du jeu.

  • Passe dans les pieds de l’attaquant le plus avancé. Il faut jouer derrière la plupart des adversaires afin de les faire se retourner et battre en retraite.
  • Autre passe en avant au-delà d’au moins un défenseur et l’attaquant doit jouer le ballon en avant de tous les d’adversaires possible. (Pénétration), les défenseurs devant réajuster leurs positions.
  • Changer de côté l’attaque. Si l’attaque est d’un côté et qu’il y a trop de joueurs dans une zone étroite, cela signifie qu’il y aura de l’espace de l’autre côté. Les attaquants doivent être prêts à l’exploiter.
  • Enfin en dernier recours, une passe à un coéquipier en soutien joueur de soutien qui doit avoir du temps, de l’espace et un champ de vision dégagé pour jouer le ballon vers l’avant.

Le jeu court peut être interprété comme la recherche de la meilleure opportunité pour attaquer. Cependant, certaines équipes passent le ballon pour garder le ballon mais pas pour créer des situations de tirs. Tout dépend de l’interprétation de l’équipe. Un bon exemple est la comparaison entre deux équipes qui basent leurs tactiques sur le jeu court, mais où la principale différence réside dans la volonté de pénétrer dans la zone offensive. Une équipe peut utiliser le jeu court pour attaquer chaque fois que c’est possible, mais une autre équipe peut recourir au jeu court pour contenir l’opposition, ce qui est une mesure défensive.

Un exemple caractéristique du jeu en passes courtes est constitué par le jeu dans les intervalles ou encore le jeu entre les lignes adverses. Ce type de jeu nécessite de la part des joueurs impliqués précision et coordination afin de permettre la continuité du jeu tout en éliminant un à plusieurs adversaires.

Discussion

Aujourd’hui, les équipes de football de haut niveau recourent à une alternance entre le jeu court permettant la conservation du ballon et le jeu long pour déstabiliser l’adversaire, voire le mettre en difficulté. Une séparation claire entre le jeu court et le jeu direct est cependant difficile à définir car il n’y a aucune contradiction entre eux. Une équipe peut se baser sur le jeu court et jouer directement pour attaquer l’espace avant lorsque l’occasion se présente. C’est une attitude positive.

Par contre, lorsqu’elle fait face à un pressing, si une équipe continue à faire de longues passes directement vers la zone de vérité offensive sans vraiment rechercher un joueur précis, on peut penser que c’est une attitude négative. Il est fort probable que la peur de perdre le ballon dans son propre camp soit la cause de ce choix, alors elle se contente de botter le ballon au large. Pourtant, dans une situation de pressing haut, un jeu en passes courtes vers la périphérie permet souvent une sortie de but en sécurité. Dans les deux cas, les statistiques à propos du jeu et les occupations différentes du terrain illustrent les différentes approches singulières des équipes, même si elles utilisent toutes les deux, en priorité, le jeu court.

De toute évidence, les équipes pourront toujours se retrouver à passer pour passer et espérer que les défenses adverses commettront une faute et leur donneront l’occasion de poursuivre l’offensive plutôt que de se créer une opportunité. On ne se passe pas le ballon simplement pour le faire voyager, on se le passe pour déplacer l’opposition. Les passes courtes doivent donc être effectuées d’une manière spécifique, avec un objectif tactique précis en relation avec une trame de jeu bien analysée. Toutefois, la conception et la structure des passes courtes varient d’une trame de jeu à l’autre, d’un entraîneur à l’autre et d’un match à l’autre. Mais, lorsqu’elle est effectuée de manière cohérente et ciblée, une bonne circulation du ballon sert à générer des opportunités pour marquer des buts.

Dans le jeu de transition au milieu du terrain, le jeu court renvoie souvent au jeu de possession dynamique. En pratique, ce jeu se caractérise par des manœuvres à long terme plutôt que par des attaques courtes dans la profondeur. La possession et l’échange du ballon visent l’accumulation de petits avantages au fur et à mesure du déroulement de la séquence de jeu et, ce faisant, ambitionnent de minimiser les risques de perte de la balle en assurant une circulation du ballon posée. Plus spécifiquement au plan tactique, il s’agit pour les joueurs de savoir comment ils doivent se déplacer en se faisant des passes courtes, rapides avec une vitesse de transmission du ballon plus ou moins importante, voire un jeu à une touche de balle.

Dans cette catégorie de circulation tactique, on cherche à trouver systématiquement un joueur libre. Ainsi, dans le jeu de possession, il ne suffit pas de se passer la balle à l’arrière de l’espace de jeu effectif car ces échanges de balles doivent servir à générer des supériorités numériques ou des avances temporelles. Cela peut consister à la faire circuler entre les rideaux défensifs, à l’envoyer vers des espaces ouverts afin de provoquer un déséquilibre chez les adversaires et les mettre sous pression temporelle.

Cela peut se faire plus ou moins vite, plus ou moins dans la profondeur et plutôt en expansion qu’en contraction. En définitive, la seule chose qui doit être maintenue tout le temps est l’idée de conserver l’équilibre de son jeu pour préparer un changement soudain avec le recours à du jeu long provoquant un évènement émergent qui nécessairement va troubler, un peu plus, la belle organisation défensive.

La possession du ballon est donc un outil de choix pour maitriser la temporalité du jeu et s’offrir les meilleures conditions d’arriver à ses objectifs. Elle ne représente pas une fin en soi mais, encore faut-il savoir laquelle sous peine de jouer à faire circuler le ballon sans réelle initiative. Il s’agit de rendre au ballon sa vocation fonctionnelle qui vise à fluidifier les rapports d’opposition pour rechercher des supériorités dans des zones précises du terrain ou des espaces bien localisés. Ces supériorités peuvent être numériques ou dynamiques.

Enfin, quand on tente de formaliser les tactiques les plus adaptées aux passes courtes à fonction d’élimination de l’adversaire, on découvre des configurations où la recherche du déséquilibre de l’adversaire est caractérisée par des espaces fugitifs, un temps contraint imposant au passeur un conflit vitesse / précision sur le plan de la réalisation motrice.

La gestion de cette pression temporelle constitue un obstacle majeur à la réussite de type d’initiatives. Le jeu court s’effectue généralement dans un petit périmètre. Ce qu’il faut retenir de cet état de fait, c’est qu’en fonction des distances entre les joueurs, proches ou plus éloignées, ceux-ci doivent avoir des comportements différents. S’ils se retrouvent à très courte distance, ils vont devoir se méfier et sans se débarrasser du ballon donner de la vitesse à celui-ci, car évoluer dans un tout petit périmètre sans perdre la balle présente un certain nombre de difficultés.

« La balle se déplacera toujours plus vite que n’importe quel dribleur. Aucun joueur passé, présent ou futur ne pourra couvrir le terrain plus rapidement ou plus haut que le ballon. « 

Les phases statiques

Sur les balles arrêtées, tels les coups francs directs, une passe courte sert en général à décaler un partenaire en lui offrant un meilleur angle de passe ou de tir. Les coups francs indirects sont à la fois extrêmement courants et peu menaçants selon l’endroit où ils se produisent sur le terrain. Ils ne représentent un réel danger de but qu’à l’approche de la surface de réparation et à ce moment relèvent des mêmes modalités pour les passes courtes que les coups francs directs.

Pour les corners, cela consiste à les jouer de façon indirecte « à la rémoise » à l’aide d’un ou plusieurs partenaires. Cette tactique propose une ou plusieurs passes courtes pour se rapprocher du but adverse, plutôt que de frapper directement, de façon un peu aléatoire, un long centre aérien. De toute façon, quand une équipe ne possède pas des joueurs de grande taille, elle a intérêt à ne pas abuser du jeu aérien. Enfin, en alternance avec des corners longs, ce type de circulation du ballon peut surprendre, voire désorganiser la défense adverse et permet de garder la balle.

Les touches donnent la possibilité de conserver la possession de balle ou malheureusement de perdre le ballon. Par leur nombre conséquent, elles représentent des actions importantes au cours d’une rencontre et si l’on ajoute à cela, le fait que bon nombre de joueurs n’accordent pas une importance suffisante à l’amélioration de leurs compétences à exécuter une touche, il y a matière à travailler.

Sur les touches, les lancers courts dans les pieds du réceptionneur sont de loin ceux qui offrent la meilleure réussite. Plus on facilite la capture de la balle pour ses partenaires, mieux c’est pour toute l’équipe. Ensuite, un jeu court permet de sortir d’une zone où la densité des joueurs est habituellement importante. Si le marquage est serré, on peut alors ; viser la poitrine d’un partenaire, ce dernier pouvant se servir de son corps pour protéger et s’approprier le ballon.

Classiquement, sur une touche, les échanges qui suivent se limitent à deux ou trois passes avec peu de touches de balle, car il est nécessaire de revenir de la périphérie vers le centre pour continuer l’offensive de façon avantageuse.

Discussion

Pour certains, il y a bien une science des passes au football, voire un art avec des passes, uniques, créatives et parfois incroyables. La bonne technique consiste à passer le ballon avec peu de touches de balle , à la bonne vitesse, sur le bon pied de votre coéquipier. L’art de la passe concerne à la fois la contre-attaque en quelques passes et les passes courtes que Pep Guardiola avait instaurées à Barcelone. Enfin, il est crucial que les arbitres protègent les joueurs créatifs et talentueux en particulier des tacles par-derrière car, sans eux, il n’y aurait plus de jeu de possession et de beau jeu au football.

Les avantages tactiques d’une passe courte délibérée de la part de tout joueur impliqué dans la configuration en cours ne doivent pas être ignorés. Une partie de la beauté du jeu moderne est que n’importe quel joueur peut , à tout moment, contribuer à la continuité du jeu ou à la création d’un évènement émergent. Les milieux de terrain, les attaquants et certains défenseurs ont longtemps été invités à créer des évènements émergents seulement dans la moitié de terrain adverse ou mieux à prendre des risques dans la seule zone de vérité défensive. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, l’initiative de tout joueur à tout moment est privilégiée.

En situation d’affrontement, le ballon se déplace toujours plus vite que les joueurs donc la qualité des échanges de la balle reste la principale arme du jeu court. On choisit alors de miser sur la vivacité, la finalité restant l’enchaînement des actions et à cette fin, il est primordial de concevoir le jeu de passes comme une unité fondamentale. Également, il sera préférable de jouer la balle tôt car les défenseurs réagissent majoritairement aux déplacements du ballon.

Par conséquent, les initiatives prises par l’attaque avec le passage à un jeu court avec une touche de balle entraîneront des mouvements du ballon plus véloces. Le football est un jeu de décisions mais celles-ci dans leur déroulement, dépendent des compétences motrices de chaque joueur en relation avec le temps disponible et de la stratégie définie. Elles reposent aussi sur ce que réalisent ou non les partenaires en vue d’une réponse tactique adaptée au rapport des forces en cours.

Le jeu long

Depuis les succès de Pep Guardiola à Barcelone, beaucoup de gens se sont tournés vers le jeu de position et cette centration à son tour, a augmenté le nombre d’articles et d’analyses sur le sujet, mettant l’accent sur le jeu venant « de l’arrière » dans la littérature actuelle sur le jeu. Dans ce contexte, nous avons pensé qu’il pourrait être intéressant d’aller un peu à contre-courant en vue de revisiter l’intérêt des longues balles et sur la façon dont on peut les utiliser.

Une grande équipe, c’est surtout un groupe tout terrain, capable de jouer là où il n’est pas attendu ainsi que d’avoir une grande variabilité dans ses plans de jeu car la continuité de la performance au plus haut niveau, c’est un renouvellement permanent des réponses. En ce sens, les solutions qui ont fonctionné, vont être étudiées et analysées, probablement reprises par d’autres, elles deviennent donc obsolètes. La capacité d’un grand club à rester au haut niveau est étroitement liée à sa capacité à renouveler ses idées et à innover.

Dans cet article, nous souhaitons nous concentrer sur trois situations différentes de balles longues, les balles longues sur les coups de pied arrêtés, les balles longues choisies délibérément et les balles longues sous pression temporelle. Chaque balle longue tombe dans l’une ou l’autre de ces catégories, alors que les spécificités de chaque catégorie se traduisent par des situations particulières après la récupération du ballon à la tombée.

Cela constitue une somme de connaissances qu’un joueur doit posséder ou acquérir par l’entraînement, l’étude, la réflexion ou l’expérience. Une passe longue précise est un geste qui demande à être travaillé (positionnement des appuis, amplitude et vitesse de retour de la jambe libre, équilibration, etc.) mais il ne suffit pas de frapper fort dans le ballon à l’arrêt, elle doit à terme être couplée avec l’activité en jeu.

Les ballons longs sont principalement utilisés dans des situations dans lesquelles les équipes essaient de développer une offensive en partant de l’arrière. Contrairement à une accumulation de passes courtes, les balles longues proposent une approche beaucoup plus directe. Au lieu de se créer un avantage dans chaque ligne avant de passer à la suivante, le ballon est immédiatement joué loin dans la profondeur du terrain avec des équipes essayant de se créer un avantage au loin. Cela permet une progression en profondeur plus rapide, de consommer des défenseurs en barrage, le ballon passant immédiatement du gardien ou du défenseur à l’avant de l’espace de jeu effectif.

Comme il s’agit d’un ballon haut, il est parfois difficile à contrôler pour le receveur, tandis que le temps que le ballon passe en l’air donne également aux défenseurs le temps de se positionner pour défendre. Pour poursuivre l’offensive, il faut donc gagner le duel de la tête ou capturer le ballon. Après la passe initiale, les joueurs doivent être positionnés de manière à leur permettre de gagner le « deuxième temps de jeu » afin de continuer l’attaque.

« Une grande équipe, c’est surtout un groupe tout terrain, capable de jouer là où il n’est pas attendu ainsi que d’avoir une grande variabilité dans ses plans de jeu car la continuité de la performance au plus haut niveau, c’est un renouvellement permanent des réponses. »

D’une manière générale, il existe deux grandes catégories de deuxième temps de jeu : dans la première situation, le ballon est joué de la tête vers un soutien tandis que dans la deuxième le receveur dirige le ballon initial vers l’avant à un coéquipier en appui ce qui permet aux joueurs d’aller de l’avant avec le ballon. Cette deuxième catégorie représente une approche plus directe qui permet à une équipe de se créer immédiatement une occasion de but.

Cependant, cette manœuvre est aussi beaucoup plus difficile à exécuter. Non seulement la tête initiale doit donner lieu à un contrôle du ballon pour le diriger dans la direction choisie, ce qui pourrait expliquer pourquoi ce genre de modèle n’est pas beaucoup utilisé au plus haut niveau. La première catégorie est l’approche la plus contrôlée, en positionnant l’essentiel de la cellule d’action de pointe derrière le joueur qui dispute la tête initiale, on dispose d’une base plus solide pour enchaîner le deuxième temps de jeu, même si la réception n’est pas parfaite, que le défenseur l’emporte ou qu’aucun des deux joueurs n’obtient un avantage net. Cela donne également de meilleures opportunités pour un contre-pressing dans le cas où l’opposition remporterait le ballon.

L’objectif est bien de gagner de l’espace ou d’éviter une pression trop forte. En conservant la balle longtemps, on ne donne pas aux adversaires la possibilité d’attaquer et en jouant dans la moitié de terrain on se garantit du pressing adverse près de sa cible.

Jeu long sur balle arrêtée

La première des situations de balle longue que nous distinguerons est une situation de « ballon hors du jeu » ou situations de « balle arrêtée ». Relevant du grand ensemble des phases statiques, elles sont constituées par les corners qui ramènent le ballon de la périphérie vers le centre ainsi que les coups de pied de but, les coups francs et les dégagements du gardien qui sont tirés vers ou dans la moitié de terrain adverse. En cas de relance à la main, le ballon va moins loin mais avec plus de précision. En ce qui concerne les touches, certains joueurs sont capables de faire des lancers assez longs de plusieurs dizaines de mètres.

En fonction de la direction du ballon, de la structure de la couverture défensive voire de la réserve axiale, ce type de passe longue renvoie à deux visées possibles du ballon long. Les balles jouées dans l’axe du terrain sont généralement favorables à condition expresse de récupérer la balle pour un deuxième temps de jeu qui permet de progresser, alors que les balles envoyées sur le côté sont plus favorables pour gagner de l’espace en les envoyant à des joueurs précis car la densité de défenseurs est moindre. En effet, il y a une distinction assez importante entre gagner le deuxième temps de jeu dans une situation compacte et regagner la balle dans le deuxième temps de jeu dans un grand espace plus ouvert.

Lorsque l’on joue à partir d’une « balle arrêtée », l’équipe possède un bon contrôle sur le positionnement et la répartition des joueurs car le « lanceur » qui met en jeu le ballon peut prendre son temps. Ainsi, le premier échange de balle est généralement beaucoup plus précis que dans le cas d’un long ballon en jeu de plein mouvement. Quand la cellule de l’action de pointe est compacte, beaucoup de joueurs sont proches les uns des autres, ce qui se traduit généralement par plusieurs duels consécutifs lors du deuxième temps de jeu, aucune des équipes ne pouvant vraiment contrôler le ballon jusqu’à ce qu’il soit joué hors de cette zone de pression.

Dans ce type de situation, un contre-pressing organisé sur ce deuxième temps de jeu est assez courant. Dans des situations plus ouvertes, le joueur recevant une passe longue est souvent marqué mais, en se déplaçant, il peut disposer d’un peu de temps voire de l’effet de surprise. Il ne faudra généralement qu’un ou deux duels pour assurer une continuité efficace du jeu en relation avec des initiatives judicieuses.

Dans les schémas tactiques sur balle arrêtée, tous les joueurs peuvent se conformer à un dispositif prédéterminé, répété à l’entraînement. Alors que les longues balles dans le jeu ouvert relèvent d’une situation beaucoup plus aléatoire qui ne peut pas être reproduite exactement lors des entraînements. Pour de bonnes conditions de réussite, lorsque le gardien de but dégage le ballon, l’équipe s’assurera de posséder une certaine densité dans l’axe central et de façon décroissante les couloirs intermédiaires et périphériques. Une autre option consiste à attirer l’équipe adverse dans son propre camp.

Cela fonctionne particulièrement bien si l’adversaire essaie de presser haut car, de la sorte, elle doit engager beaucoup de joueurs pour réussir dans son entreprise. Étant attirés vers l’avant, les adversaires doivent couvrir des espaces importants du terrain et sont sous la menace d’une longue balle qui les consomme rapidement. Si le joueur qui a réceptionné la balle est positionné sur le côté, il a généralement du temps pour continuer l’offensive. De plus, lorsque le ballon est perdu, il peut être facilement contre-pressé, car l’espace pour l’adversaire est limité par la ligne de touche et on augmente les chances que l’adversaire pousse le ballon en touche, ce qui permet de relancer le jeu.

Afin d’illustrer plus précisément les problèmes tactiques et d’organisation sur des balles arrêtées, nous allons prendre deux exemples. Sur les corners, il est évident que si l’on dispose de grands gabarits doivent être positionnés dans la surface de réparation. Posséder, dans son effectif, un ou deux joueurs habiles pour tirer les corners est un atout. En effet, il est toujours intéressant de disposer, dans son équipe, de joueurs possédant la capacité à adapter leur frappe tant au niveau précision que dans les trajectoires recherchées. Dès lors que l’on choisit de se déplacer depuis l’extérieur de la surface de réparation, le timing et la coordination des déplacements entre le tireur et les receveurs potentiels sont indispensables.

Lors des coups francs directs, l’équipe adverse forme un mur et l’objectif est de marquer malgré cet obstacle. Le mur étant sur la trajectoire du ballon, cela laisse deux possibilités pour tenter de marquer soirée : tirer côté gardien ou tirer côté mur. À l’opposé du mur, comme le gardien ou la gardienne couvre cette zone, on peut conseiller de frapper fort, pour compliquer son arrêt ou le / la surprendre. La deuxième possibilité consiste à frapper par-dessus le mur, tout l’art étant de tirer au- dessus du mur sans pour autant tirer au-dessus de la cible. On parlera ici de frappe enroulée: avec sa trajectoire en arc de cercle flottante et en banane pour tenter de contourner le mur.

Dans le football professionnel, il y a environ 40 à 60 touches par match. Il y en a probablement encore plus dans le football amateur et les équipes de jeunes. C’est donc la phase arrêtée qui se produit le plus souvent dans un match et les statistiques montrent que les équipes conservent la possession dans moins de 50 % de ces situations (Grønnemark, 2021).

Pour les touches longues, après un entraînement spécifique, si le lanceur passe de 15 mètres à 25 mètres, celui-ci couvre une large surface et, en zone de vérité offensive, peut atteindre directement le cœur de la surface de réparation. Dans une touche bien exécuter le ballon doit arriver dans les pieds du receveur car les balles aériennes sont difficiles à capturer.

Jeu long intentionnel dans le jeu de plein mouvement

La deuxième situation de balle longue est une balle choisie. Ici, il est fait référence à des situations dans lesquelles un joueur a du temps et de l’espace et choisit consciemment de jouer la balle longue, donc une balle où le choix est prépondérant. L’objectif principal de ce type de balle longue est de gagner le deuxième temps de jeu de manière contrôlée et de continuer l’attaque.

L’avantage de ce type de situation est qu’il y a peu ou pas de pression sur le joueur qui passe le ballon, ce qui augmente les chances que la passe soit au point. De plus, comme le joueur sur le ballon prend la décision consciente de jouer un long ballon même si d’autres options sont présentes, cela implique que c’est généralement une situation favorable pour le faire même si cette situation n’est pas entièrement sure.

Dans une situation de balle choisie délibérément, la première passe est principalement effectuée par un défenseur central, le gardien de but ou un milieu de terrain qui a reculé. Dans les situations réussies (dans lesquelles le deuxième temps de jeu a été gagné), la passe est généralement jouée depuis le centre vers l’extérieur. Le moyen le plus efficace de faire progresser le jeu à partir de ce type de situation est probablement de jouer une balle directe avec un réceptionneur précis.

La vitesse de la balle constitue un facteur qui facilite ou complique la possibilité de capturer le ballon. Quand les échanges de balles sont longs et tendus, ils mettent moins de temps à atteindre leurs cibles et limitent les possibilités de réactions défensives, par contre, les passes aériennes hautes mettent un temps important pour atteindre leur destination et souvent cela permet aux défenseurs d’être présent à la chute du ballon.

Des difficultés aussi dans les réceptions en face à face avec le lanceur, dos au but car elles nécessitent pour le réceptionneur de se retourner pour poursuivre son action avec le ballon. Pour effectuer ce genre d’action, certains avants-centres s’appuient sur le défenseur pour le fixer et prendre un temps d’avance sur son replacement (Gerd Muller CM 1974 équipe d’Allemagne, était un spécialiste de ce type de geste). Il est donc plus aisé de faire une déviation vers un coéquipier pour que celui-ci assure la suite de l’attaque.

Les tirs lointains (en dehors de la surface de réparation) appartiennent à cette catégorie. Ces tirs au but sont souvent des tirs tendus et puissants qui mettent peu de temps à atteindre leur cible pour surprendre le gardien de but. Dans le cas d’une balle avec une rotation d’arrière en avant celle-ci a tendance à plonger, produisant une trajectoire peu lisible.

Jeu long contraint sous pression

La dernière catégorie de balles longues repose sur des situations où la contrainte est forte et le temps réduit. Dans cette situation, un joueur est pressé et n’a pas le temps et l’espace pour trouver une autre solution et décide donc de jouer long en avant (si cela ne gagne pas, cela débarrasse). Habituellement, il s’agit soit (mais sans s’y limiter) d’un ballon renvoyé vers l’arrière au gardien de but, où un attaquant court pour presser celui-ci ou un défenseur central qui est en crise de temps. L’objectif principal de ce type de passe est de gagner de l’espace et de déplacer la zone de pression vers la moitié adverse.

Habituellement, dans ce type de situation vers l’avant, la passe est destinée à un attaquant, qui est positionné soit au centre, soit dans l’un des couloirs intermédiaires. Cependant, comme il s’agit de situations peu contrôlées (l’équipe attaquante n’est pas en mesure de définir la suite du jeu avant que le ballon ne soit récupéré). Ainsi, il n’est pas rare que le défenseur regagne la possession de la balle de la tête. Dans ce type de situations et joue le ballon vers l’avant avec une certaine puissance, la balle passant au-dessus des milieux de terrain. En effet, le joueur qui joue une balle longue sous pression est peu disponible pour ajuster un échange de balle précis.

Enfin, pour une équipe ayant joué, sous pression, un coup de pied long d’attaque en pénétration, vers la cible adverse si elle parvient, au bout de la poursuite du ballon libre à intervenir avant l’adversaire sur la balle, elle garde l’initiative et doit faire des choix en regard de la situation défensive afin de continuer le deuxième mouvement de jeu.

Balle transversale, dans la diagonale

Dans un autre registre, ces différentes catégories de balle ne doivent pas être négligées par les entraîneurs lorsqu’ils réfléchissent aux stratégies possibles pour utiliser de longues balles avec leur propre équipe. Les déplacements du jeu avec les transversales, une balle dans la diagonale dans les dos des adversaires ainsi que le retour du ballon de la périphérie vers le centre constituent des initiatives qui ont de bonnes chances de surprendre la défense.

Une balle longue, transversale d’un côté à l’autre provoque souvent un déséquilibre dans le jeu si elle est suffisamment tendue pour que la trajectoire ne prenne pas trop de temps. La passe transversale, en hauteur, est un geste classique du football qui permet de traverser le terrain dans sa largeur. Elle autorise la transmission rapide de la balle sur une grande distance tout en minimisant, quand elle est bien exécutée, les risques d’interception. Pour éviter un échec, l’objectif est de lever la balle lors de la passe. Ici, toute action dans l’espace de jeu direct ou dans le couloir de jeu de direct, peut amener à une réalisation immédiate.

Par contre, toute action qui tend à éloigner le ballon de l’axe du terrain vers la périphérie renvoie, le plus souvent, à une réalisation différée. Il faudra ramener la balle des côtés vers le centre pour espérer réaliser un point dans de meilleures conditions. L’objectif poursuivi avec un centre est de faire une passe à un ou une partenaire lorsque le porteur de balle est à la périphérie du terrain ou le long des lignes de touche. Ces situations à proximité de la cible adverse visent à modifier le rapport des forces en présence et à placer un partenaire dans les meilleures conditions pour tirer.

Un jeu à la périphérie a toutes les chances de se terminer par un centre long. Dans ce contexte, celui qui centre se doit de viser un joueur au premier ou deuxième poteau voire au point de pénalty et de fournir au réceptionneur une balle la plus exploitable possible. Ce jeu aérien permet l’utilisation pour le réceptionneur du jeu de tête (situation la plus courante) mais aussi de la reprise de volée. L’efficacité de ces deux gestes dépend bien entendu du niveau technique des joueurs avec un ballon joué sans contrôle préalable. Un centre trop long au « troisième poteau » qui se perd côté opposé désigne l’endroit fictif où le ballon d’un centre raté vient d’atterrir.

Enfin, en football, les trajectoires de la balle sont déterminées par la surface de contact utilisée : tendue et lobée avec le cou-de-pied, brossée avec l’intérieur ou l’extérieur du pied. Les centres brossés rentrants sont difficiles à apprécier pour le gardien mais permettent à l’attaquant d’être en situation de compatibilité maximum (situation d’alignement Joueur / balle / cible) pour tirer. Contrairement à certains écrits, un centre aveugle et fort est dans la plupart des cas à proscrire, l’anticipation coïncidence avec le ballon,  relevant du hasard ou de la chance. La qualité d’un centre est déterminante pour placer son partenaire dans les meilleures dispositions afin de passer ou tirer. Enfin, nous ne parlerons pas, ici, du centre en retrait qui découle d’autres modalités que le jeu long.

Jouer dans la diagonale se propose de déplacer le jeu rapidement. Jouer « croisé » est assez sécurisant dans le cas du jeu long car la réserve axiale reste en place pour agir en cas de perte de balle. La géométrie d’un terrain de football propose comme pour tout rectangle deux diagonales. Ces deux diagonales sont a priori équilibrées mais cela doit être mis à l’épreuve lors des matches et le choix de la diagonale doit être pragmatique en fonction de la latéralité des défenseurs. 

Tout joueur doit se demander dans quelle diagonale il a le plus de chance de dominer ses adversaires. Il faut également penser à varier les hauteurs ainsi que les effets sur la balle afin de mettre toutes les chances de son côté. Une passe en diagonale autorise bien souvent un mouvement ultérieur de qualité. Par exemple, pour sortir le ballon de la zone défensive, les passes en diagonale précises et rapides sont souvent décisives.

Dans le même ordre d’idée, ces passes dans la diagonale sur toute une gamme de distances peuvent être tactiquement très profitables pour aider une équipe de football à surmonter le pressing des adversaires. Un autre avantage réside dans le fait que le receveur peut souvent être orienté vers l’avant avec une posture qui autorise un enchaînement rapide. Enfin suivant leurs exécutions, elles déplacent le bloc défensif de l’adversaire, facilitant l’accession à différents espaces libres.

Ainsi, il est clair que des séquences de passes diagonales peuvent être un outil utile pour aider une équipe à progresser vers le but adverse et deux courtes passes diagonales rapides peuvent changer le dispositif de l’équipe attaquante. On peut demander aux porteurs du ballon de rechercher la passe en diagonale la plus éloignée mais la plus sûre pour consommer des défenseurs car une fois qu’un joueur a été retiré de la cellule d’action de pointe, il peut être difficile, pour lui, de se remettre rapidement en barrage. Dernier point mais non des moindres, cela peut aider à « briser » une défense en ligne à l’aide d’un ballon lancé dans le dos des adversaires.

Discussion

Arrivé au bout de cet exposé, il semble possible de dégager quelques principes :

  • il vaut mieux éviter de jouer dans l’axe du terrain car neuf fois sur dix le ballon est perdu. Un jeu long positif suppose un angle de passe avec un ballon vers les côtés ;
  • le deuxième temps de jeu nécessite une organisation spécifique dans la cellule de l’action de pointe pour garder ou regagner la possession du ballon afin de poursuivre l’attaque ;
  • il faut proscrire les ballons à la poursuite qui fuient en avant et qui sont souvent impossibles à capturer dans de bonnes conditions ;
  • il est indispensable de bien apprécier le temps de passe pour éviter que trop de défenseurs soient à la tombée du ballon.

Quelques conditions de la réussite consistent en des savoirs souvent tacites qui recommandent d’envoyer le ballon soit sur le joueur, soit dans le dos des défenseurs, soit pour effectuer un appel / contre-appel pour se libérer du marquage. Le jeu long à partir d’une défense basse peut être très bénéfique pour une contre-attaque en particulier quand on possède deux attaquants rapides.

Pour le porteur de balle, avant un lancer long, il est important de prendre des informations sur l’action en cours et, avant de transmettre le ballon, de repérer les receveurs éloignés relativement libres de tout marquage. En effet, les passes longues permettent d’assurer la continuité et la progression du jeu vers la cible adverse mais avec une prise de risque. 

Pour les non-porteurs de balle, il est nécessaire d’identifier des emplacements du terrain laissés relativement libres par l’adversaire où l’on peut capturer facilement le ballon. Pour le receveur potentiel, il est nécessaire d’identifier le placement défensif adverse (alignement, emplacement, couverture, distance d’intervention) afin d’envisager, déjà, des réponses pour le deuxième temps de jeu.

Les balles longues sont fréquemment critiquées comme étant employées par des équipes faibles et tactiquement pauvres. L’analyse de leur mise en œuvre au haut niveau montre cependant que l’utilisation efficace des tactiques recourant au jeu long peut être trouvée dans de nombreuses équipes de classe internationale. Elles sont, aussi, utilisées comme passe audacieuse lors d’évènements émergents ou des opportunités se présentent pendant la rencontre. Souvent raillé comme ennuyeux et primitif, « le kick and rush » peut s’avérer efficace en fonction des conditions météorologiques. C’est un style de jeu où certains défenseurs peuvent être pris au dépourvu par un avant-centre grand et adroit et/ou des attaquants très véloces.

Ici, les gains d’espace font référence aux zones où le ballon est reçu et à la direction du jeu. Les gains de temps renvoient aux prises d’avance de l’attaque sur le replacement défensif. Enfin, toutes les passes longues ne sont pas considérées comme du jeu long délibéré. Parfois, il se caractérise par la nature sans visée propre du coup de pied vers l’avant, le ballon étant simplement « botté » haut dans les airs et loin vers l’emplacement d’hypothétiques partenaires, voire directement en touche.

Conclusion

En football, la circulation du ballon mise en place par l’attaque est assurée par une succession d’échanges et de conduites de la balle qui visent la conservation de celle-ci et sa progression vers la cible pour tirer. Dans le même temps, la défense s’organise pour freiner l’attaque et regagner la possession de la balle. Dans ce contexte, diverses formes de circulation du ballon ont été répertoriées : il est à noter qu’Ali et Farraly (1990) puis Griffiths (1999) ont mis en évidence que les attaques menées le long des lignes de touche étaient fréquemment les plus efficaces car elles contournent les blocs défensifs.

Pour déplacer le jeu, il faut être capable de décrypter sa cinétique. Lire le jeu, c’est posséder des outils qui permettent, de façon en grande partie consciente, de décoder, reconnaître pour enfin traiter les configurations du jeu. En outre, dans une équipe, la lecture collective d’une trame de jeu évolutive du jeu suppose des connaissances partagées pour s’organiser et mettre en œuvre les réponses choisies. Comprendre comment un adversaire réagira ou bien anticiper dans quelle direction un joueur est susceptible de passer le ballon demande une pensée tactique développée et une expérience pratique.

Au plan de la tactique individuelle, les trajectoires, les effets sur la balle représentent aussi un potentiel important afin de surprendre les adversaires et ainsi de mieux déséquilibrer en sa faveur, le système attaque / défense. Notre ami Serge Mésonès ou Luka Modrić actuellement, grand spécialiste de l’extérieur du pied, ne tarissait pas d’éloge à propos de ce type de passe, rapide, à la trajectoire fuyante pour les adversaires mais revenant vers les partenaires placés en avant.

L’auteur remercie Patrick Marle pour les remarques pertinentes et les propositions faites après lecture d’une première version de ce texte.

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Références

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